Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mercredi 5 mai 2021 à 21h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

Nous allons partir d'un triste constat : le secret professionnel, qui ne protège pas l'avocat, mais son client, est mort depuis longtemps ; tous ceux qui, comme moi, ont exercé la profession d'avocat le savent. Ils ont vu ce secret professionnel, pourtant essentiel, se déliter au point que certains estiment que le secret des sources ou le secret médical sont plus efficaces.

Or il n'y a pas de défense sans secret : un homme ou une femme qui confie ses intérêts à un avocat doit avoir la certitude que ce qu'il lui dit ne sortira pas de l'enceinte où il l'a prononcé, quel que soit le lieu – palais de justice ou cabinet –, tout comme ce qui est transmis, écrit ou élaboré ensemble. Le cabinet d'un avocat ne doit pas devenir l'annexe du commissariat de police. Il doit être sacralisé.

J'ai voulu remplacer le terme « secret professionnel » par celui de « secret de la défense », pour rappeler à nos compatriotes qu'ils peuvent avoir confiance et que ce secret les protège. Pourquoi ce changement ? Car le secret médical ne protège pas le médecin, il protège le patient ; le secret des sources ne protège pas le journaliste, il protège la source. De la même façon, le secret de la défense doit protéger le client, qui peut tout dire à son avocat. Dit-il toujours la vérité ? C'est un autre problème ! Il ne s'agit pas de protéger l'avocat et, si l'avocat est suspecté d'avoir commis une infraction, il est normal qu'il soit traité comme n'importe quel justiciable.

Dès l'origine, nous avons imaginé des garanties qui n'existaient pas – ou plus – et qui sont très protectrices du secret de la défense. Beaucoup d'avocats nous ont interrogés sur leur application aux professionnels, autres que les avocats, qui conseillent, au sens juridique du terme – plus communément appelés conseils.

J'ai quelques réserves. Le sous-amendement présenté par le rapporteur vise des amendements qui ne protègent que les avocats et les autres professions du droit seront moins protégées. C'est un bémol, et ce n'est pas rien. Nous y avons beaucoup réfléchi avec les services.

Je suis également circonspect pour une autre raison : en cas de procédure pénale, une telle extension interdirait de procéder à la saisie de tout document dont l'avocat serait l'auteur, même en tant que conseil juridique, et ce même en dehors des cas où l'avocat lui-même pourrait être considéré comme auteur ou complice d'une infraction.

Je vais malgré tout émettre un avis de sagesse bienveillante car beaucoup de députés, de sensibilités différentes, sont très attachés à ces évolutions, tant concernant le secret de la défense que s'agissant des conseils.

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