Intervention de Stéphane Peu

Réunion du lundi 17 mai 2021 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Je serai bref, car le rythme de travail de notre Commission est très soutenu et parfois difficile à suivre pour les petits groupes politiques. Je réserve donc l'essentiel de mes interventions, après un travail plus approfondi, pour l'examen du texte en commission et la séance publique.

À chaque fois que nous sommes confrontés à de tels projets de loi, nous nous interrogeons : comment la démocratie et l'État de droit, qui reposent sur la séparation des pouvoirs et la protection des libertés individuelles, peuvent-ils, sans se renier, relever le défi du combat efficace contre le terrorisme ? Je pose à nouveau cette question car, depuis maintenant un peu plus de cinq ans, nous avons vécu plus de la moitié du temps sous le régime de l'état d'urgence, pour lutter soit contre le terrorisme, soit contre la pandémie. Ce faisant, ne donnons-nous pas un point à l'adversaire ? Par ailleurs, nous risquons de légitimer tous ceux qui appellent de leurs vœux un État fort, autoritaire, moins démocratique ; on en voit un peu partout en Europe et la menace existe en France. Peut-être leur donne-t-on parfois trop facilement du grain à moudre, en instillant dans le débat public l'idée qu'un tel État pourrait être une solution plus efficace.

La question se pose d'autant plus que l'on sait qu'une partie des dispositions figurant dans l'état d'urgence de 2015 ont été intégrées dans le droit commun par la loi SILT, avec des expérimentations qui vont l'être aussi avec ce projet de loi. Finalement, ce qui relevait d'un état d'exception va devenir la règle commune.

Tout ce qui concourt à rendre plus efficace la lutte contre le terrorisme reçoit, bien entendu, notre approbation, mais sous réserve de respecter les principes que je viens rapidement d'évoquer en introduction.

Je ferai trois remarques à ce stade.

Premièrement, nous aimerions disposer de bilans plus étoffés avant d'aller plus loin. Je prends le cas de la fermeture des lieux de culte. J'aurais aimé, par exemple, avoir le retour d'expérience éclairé du ministère de l'Intérieur après la fermeture de la mosquée de Pantin, décidée à la suite de l'assassinat de Samuel Paty. Si j'en comprend les raisons et les motivations, je ne suis pas certain qu'avoir été aussi radical et expéditif ait été la démarche la plus adaptée, car la mesure a englobé, et par là-même puni, toute la communauté musulmane d'une ville. Il était possible d'agir de manière plus individuelle. Ces mesures d'exception nous font parfois perdre de vue l'individualisation des poursuites et des sanctions. La punition collective est toujours incomprise et n'est jamais pédagogique.

S'agissant de l'article 5, qui porte sur le suivi des personnes condamnées pour terrorisme, je crois percevoir un angle mort. Je n'y vois pas les outils destinés à traiter le phénomène massif et inquiétant de la radicalisation en prison de condamnés de droit commun.

Enfin, nous avons lu avec attention et satisfaction la lettre rectificative du 12 mai, notamment sur la question des archives. Nous aurons quelques amendements pour en préciser les termes, mais c'est une bonne chose qui était attendue par les historiens, particulièrement ceux qui travaillent sur la guerre d'Algérie. On sait l'attachement du Président de la République à essayer de faire progresser notre pays en regardant en face cette période de l'histoire nationale.

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