Nous traitons ce matin d'un sujet auquel nous sommes tous très attachés : la formation des élus locaux. Je me réjouis de vous présenter une réforme qui a su fédérer un large consensus à la fois sur le constat initial, la méthode retenue et le contenu des ordonnances soumises à ratification.
Le caractère impératif de cette réforme est incontestable parce que les deux dispositifs de formation des élus locaux qui coexistent actuellement ne sont malheureusement pas à la hauteur des enjeux et des attentes.
Le droit à la formation, appliqué par les collectivités territoriales, représente le canal principal puisqu'il existe depuis 1992. Alors que les communes ont l'obligation d'y consacrer entre 2 % et 20 % du montant total des indemnités de fonction, un grand nombre d'entre elles, notamment les plus petites, ne délibèrent pas sur la mise en œuvre de ce dispositif. Dès lors, alors que le droit à la formation devrait mobiliser 34 millions d'euros par an, il ne permet de financer les formations qu'à hauteur de 15 millions d'euros.
En parallèle, depuis le 1er janvier 2016, le droit individuel à la formation des élus (DIFE) permet à chaque élu local de disposer d'un crédit personnel annuel de vingt heures, cumulable tout au long du mandat et dont il peut disposer librement. Ce dispositif, géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), est financé par une cotisation obligatoire sur les indemnités de fonctions, qui ne peut être inférieure à 1 % de leur montant, ce qui représente un budget de 17 millions d'euros.
Les dysfonctionnements du DIFE justifient que l'on engage cette réforme. En effet, la trajectoire financière du fonds de financement est insoutenable en l'état et repose sur un taux de recours qui demeure extrêmement faible et concentré. Par ailleurs, il est devenu nécessaire de renforcer le contrôle des organismes de formation puisqu'il n'a pas permis, du fait de son insuffisance, d'éviter certaines dérives, minoritaires mais préoccupantes.
Ce constat, dressé dans un rapport particulièrement éclairant de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), est partagé par l'ensemble des acteurs de la formation des élus locaux que j'ai auditionnés. Il appelait donc une réponse forte et ambitieuse pour préserver la pérennité du système et renforcer les dispositifs de formation des élus. C'est pour cette raison que nous avons habilité le Gouvernement, par la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, à légiférer par ordonnance en la matière. Les acteurs concernés ont été largement consultés, ce qui a permis de dessiner un large consensus autour de cette réforme indispensable qui a débouché sur la publication des ordonnances des 20 et 27 janvier 2021, aujourd'hui soumises à ratification.
Je salue le travail des sénateurs qui, saisis du texte en premier lieu, l'ont considérablement enrichi.
L'ordonnance du 20 janvier 2021, ainsi que celle du 27 janvier 2021 qui adapte son dispositif aux communes de la Nouvelle-Calédonie, renforcent la complémentarité des deux dispositifs de formation. Elles autorisent les collectivités territoriales à participer, par une délibération, au financement de formations suivies par les élus locaux dans le cadre de leur DIFE.
Afin de mieux mutualiser les moyens, notamment en faveur des petites communes qui peinent à mettre en œuvre le droit à la formation, chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre sera tenu, six mois après son renouvellement, de se prononcer sur l'opportunité de proposer des outils communs afin de développer la formation liée à l'exercice du mandat des élus municipaux.
Par ailleurs, pour préserver l'équilibre financier du fonds DIFE et mettre fin aux tarifs excessifs pratiqués par certains organismes de formation, il a été décidé que le DIFE serait désormais comptabilisé en euros et non plus en heures. À voir le montant de certains taux horaires, qui peuvent atteindre 500 euros, je peux vous dire que l'activité peut être lucrative !
Alors que le texte initial de l'ordonnance prévoyait que les crédits non utilisés ne seraient plus cumulables d'une année sur l'autre, le Sénat a réintroduit cette possibilité, en la plafonnant.
Le Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL), dont les missions sont renforcées par la réforme, sera chargé de veiller à la préservation de l'équilibre financier du fonds DIFE.
L'information et l'accès des élus locaux à la formation seront également améliorées grâce, notamment, au service dématérialisé gratuit de gestion du DIFE que la CDC est chargée de mettre en œuvre. Ce nouveau service devrait simplifier les démarches et favoriser l'accès à la formation. Le Sénat a précisé les dispositifs. Nous y reviendrons.
Enfin, la transparence et la qualité des formations sont au cœur de la réforme. Les organismes de formation des élus locaux seront désormais soumis au droit commun applicable aux organismes de formation professionnelle, notamment en ce qui concerne les contrôles et la certification qualité. Une procédure de suspension et d'abrogation de l'agrément dont ils bénéficient, en cas de manquement, est également introduite. À l'initiative du Sénat, la sous-traitance sera mieux encadrée, afin de mettre fin aux dérives constatées.
Enfin, la procédure de transition permettra de préserver les droits acquis des élus locaux. Alors que la plupart des dispositions de l'ordonnance sont entrées en vigueur en janvier, les élus peuvent utiliser jusqu'au 23 juillet le DIFE comptabilisé en heures qu'il détenaient à la date de publication de l'ordonnance. Je me félicite qu'un mécanisme de conversion en euros des heures non utilisées à cette date ait été introduit par le Sénat.
Le texte qui nous est présenté est équilibré, pertinent et attendu. Je ne nie pas l'intérêt des amendements qui ont été déposés mais je pense que nous pouvons l'adopter en l'état afin qu'il entre en vigueur le plus rapidement possible.