Intervention de André Ferragne

Réunion du mercredi 23 juin 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

André Ferragne, secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation de liberté :

Depuis la priorité définie par le contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) quant aux hôpitaux psychiatriques, le souci des droits dans les établissements de santé mentale a incontestablement progressé. La loi, en 2016 et plus récemment, a également marqué des progrès en matière de protection des patients de santé mentale.

Néanmoins, nous rencontrons actuellement des difficultés, liées à l'état général de misère de la psychiatrie, notamment en termes de personnel. Le problème ne vient pas tant d'un manque de moyens budgétaires que de la démographie médicale et infirmière. Beaucoup d'hôpitaux peinent à recruter, au point qu'ils font parfois appel à des praticiens étrangers ne parlant pas bien français, ce qui complique leur tâche.

Un professeur de psychiatrie m'a confié hier que, selon lui, certains hôpitaux auront du mal à passer l'été, par manque de médecins. Il citait celui d'Alençon, d'une grande importance au regard de l'administration pénitentiaire, puisqu'il devrait accueillir des détenus du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, bien que ce ne soit pas le cas.

Une autre question d'actualité porte sur l'instabilité juridique du système des soins sans consentement et, en particulier, des dispositifs d'isolement et de contention. Le Conseil constitutionnel, après avoir censuré une première fois les dispositions qui encadrent l'isolement et la contention, a renouvelé sa censure le mois dernier, en raison de l'insuffisance, à ses yeux, des dispositions votées entre-temps.

Le CGLPL souhaite attirer votre attention sur la rapidité de la procédure législative suivie l'année dernière. Les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel avaient été introduites dans le projet de loi sur le financement de la sécurité sociale (PLFSS), alors même que le Sénat l'avait déjà voté. Le Sénat n'a donc pas examiné cet amendement, pas plus que le conseil d'État ou le Conseil constitutionnel.

Cette instabilité juridique pose une véritable difficulté à la profession psychiatrique déjà en grande tension. Les praticiens hospitaliers y voient de lourdes charges nouvelles, qu'ils n'ont pas les moyens d'assumer. Ils s'en inquiètent.

Il nous semblerait opportun de saisir l'occasion de ce débat législatif pour envisager plus largement le problème. Le Conseil constitutionnel demande l'instauration d'un contrôle juridictionnel systématique, mais répondre uniquement à cette demande ne résoudrait pas tout le problème lié à l'isolement et à la contention.

Un point reste totalement dans l'ombre : les mineurs ne sont jamais, ou très rarement, placés en soins sans consentement. Ils sont placés soit sous ordonnance de placement provisoire d'un juge – qui n'est pas un soin sans consentement au sens du code de la santé publique–, soit sur décision de leurs parents – qui n'est pas une demande de tiers au sens du même code. Ils sont donc en soins dits libres. Leur situation ne présente donc aucune des garanties liées aux soins sans consentement, alors que l'on ne peut pas dire qu'une ordonnance de placement provisoire du juge ou une demande des parents soit l'expression d'une volonté de l'enfant. Nous demandons depuis longtemps que les mineurs placés en soins par la volonté de tiers disposent d'une garantie comparable à celle des patients placés en soins sans consentement. L'isolement et la contention ne s'appliquant, le cas échéant, que dans le cadre d'une hospitalisation sans consentement, un enfant isolé ou contenu se retrouve face au silence de la loi, c'est-à-dire victime de mesures illégales. Voilà pourquoi nous estimons nécessaire de légiférer sur ce point.

Il nous paraît également nécessaire que le Parlement se saisisse de cette occasion pour développer une forme particulière de recueil de la volonté des patients, au moyen des directives anticipées, de manière à savoir, au moment de traiter un patient en crise, ce qu'il avait accepté avant cette crise.

La loi prévoit la possibilité d'informer des mesures d'isolement et de contention un nombre très important de proches d'un patient, alors même qu'il est permis de douter de son souhait d'informer ces personnes. Il nous paraît préférable de recueillir sa volonté au préalable par le biais d'une directive anticipée.

J'insiste sur notre souhait que le débat législatif passe par des procédures normales et ouvertes qui le rendent aussi riche que possible.

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