Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 23 juin 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • carcérale
  • détention
  • détenu
  • prison
  • pénitentiaire

La réunion

Source

La réunion débute à 9 heures 30.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission procède à l'audition de Mme Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

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Madame Simonnot, nous vous avons auditionnée à l'occasion de votre nomination. La commission des Lois porte un intérêt particulier aux questions relatives à la détention. Nous avons effectué de nombreux déplacements au sein d'établissements pénitentiaires, tenu l'une de nos réunions à la prison de Fresnes et consacré plusieurs de nos travaux, de manière transpartisane, à ce sujet. Depuis le début de la crise sanitaire, nous avons en outre organisé de nombreuses auditions afin de nous assurer que la gestion de la détention s'effectue au mieux dans ce contexte.

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Nous nous réunissons aujourd'hui vingt ans après la présentation, devant l'Assemblée nationale, d'un rapport historique, véritable humiliation pour la République, celui de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises présidée par Louis Mermaz et dont Jacques Floch était rapporteur. Ce rapport dénonçait la surpopulation carcérale et soulignait la nécessité d'une véritable politique pénale, avant de conclure qu'il ne fallait pas simplement construire des prisons mais mener une réflexion sur le sujet. Vingt ans plus tard, nous en sommes toujours au même point et cela m'interroge.

Quand la porte d'une cellule m'a été ouverte pour la première fois, dans le cadre de mes nouvelles fonctions, une vision d'horreur s'est présentée à moi : celle de trois hommes entassés dans quatre et quelque mètres carrés. Comment avons-nous pu nous habituer à laisser des personnes vivre dans de telles conditions ? Depuis l'arrêt de presque toutes les activités en raison de la pandémie, les prisonniers passent vingt-trois heures sur vingt-quatre en cellule.

Il va falloir prendre le problème à bras-le-corps. Je me rendrai bientôt en Allemagne. Ce pays est parvenu à une réduction drastique de sa population carcérale par des mesures alternatives à l'emprisonnement. Le taux d'occupation des prisons, d'un peu plus de 80 %, y est largement inférieur à celui de la France, de même que le taux d'incarcération.

Les ordonnances du Gouvernement, prises au printemps 2020, ont réussi à contenir la pandémie, dans un premier temps. Elles ont permis la sortie de milliers de prisonniers, sans que l'opinion publique s'en émeuve. Le garde des Sceaux n'a malheureusement pas entendu mes appels à renouveler ces mesures. La population carcérale atteint aujourd'hui les mêmes proportions qu'en juillet 2020.

Malgré quelques clusters, l'épidémie a été bien contenue dans les prisons, mais à quel prix ? L'enseignement, le travail et la formation, tous à l'arrêt, reprennent désormais de façon balbutiante. Une journée où j'ai tenu le standard au contrôle général, j'ai été en communication avec un jeune homme de dix-neuf ans, en pleurs parce qu'il recevait les livrets du centre national d'enseignement à distance (CNED) en ordre dispersé, quand ceux-ci lui parvenaient. Il m'a dit que, s'il n'obtenait pas le baccalauréat, après tous ses efforts, il en mourrait. Sa détresse m'a paru symbolique.

J'attire votre attention sur un point : la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire mentionne en premier lieu les efforts demandés aux détenus pour obtenir une réduction de peine. C'est là mettre la charrue avant les bœufs. D'abord il faudrait que la prison fournisse aux détenus les moyens de réaliser ces efforts. Les détenus n'ont pas officiellement accès à internet, ce que je regrette profondément, ou alors seulement par le biais de leur téléphone portable quand ils en détiennent un de manière illicite. Trouver du travail leur prend des mois. Les détenus ne savent même pas quelle position ils occupent sur les listes d'attente pour l'accès à une activité. L'enseignement ne leur est pas encore suffisamment dispensé et ils doivent attendre, là encore, des mois pour consulter un psychologue ou un psychiatre.

Les centres de rétention administrative (CRA), dont nous souhaitions la fermeture, au moins pendant la pandémie, sont restés ouverts. La logique du Gouvernement consistait à y maintenir enfermés les sortants de prison quatre-vingt-dix jours de plus dans l'espoir de les expulser. Ces CRA accueillent aussi des personnes dont le seul tort est de ne pas détenir de papiers en règle. Compte tenu des restrictions en vigueur, elles ne repartiront pas dans leurs pays, à l'exception des Albanais, qui de toute façon reviennent ensuite en France, de même que les « dublinés ».

J'ai découvert avec stupéfaction, dans un rapport sénatorial, le prix d'une journée en CRA : 620 euros. Ce chiffre provient d'un rapport de la Cour des comptes. La détention dans ces CRA, dont certains s'apparentent à de grandes cages, présente un côté punitif. Je me suis rendue à celui de Vincennes. Ce que j'ai vu au pavillon des « positifs » était horrible. Un peu plus de cinquante hommes y cohabitaient sans masque ni gel, sous le prétexte qu'ils boivent ce gel ou l'enflamment. Les gestes barrière m'y ont paru très mal respectés.

Il en va de même, ce qui m'a d'ailleurs proprement horrifiée, dans les commissariats de police et les locaux de garde à vue. Je suis entrée, à Calais, dans un Algeco, vieux de dix ans, où les policiers claquaient des dents à cause du froid. Trois hommes se tenaient dans une cellule, assis sur des matelas infects, dans une odeur ignoble. Une couverture qui traînait là venait de précédents gardés à vue. Le prestataire chargé de nettoyer ces couvertures ne s'en occupe qu'une fois par semaine ou par mois, selon le marché conclu. Aucun geste barrière ne peut être respecté dans ces conditions.

Or, nous sommes tous concernés par cette situation sanitaire, car ces gardés à vue comparaissent ensuite devant la justice ou se retrouvent en liberté parmi la population. Leur situation m'a paru effarante.

Une autre de mes préoccupations porte sur les centres éducatifs fermés (CEF) et l'attention portée aux enfants et aux adolescents les plus cabossés par la vie. J'ai eu la chance d'en visiter un formidable. Une équipe sensationnelle y œuvre depuis dix ans, formée d'éducateurs solides, encadrés par une toute aussi solide direction. Un professeur et un psychologue y venaient tous les jours, ce qui m'a paru incroyable. Selon un rapport que j'avais lu, les enfants, dans ces centres, ne bénéficiaient que de quelques heures de cours par semaine.

Dans un autre centre, visité par une équipe de contrôle, deux éducateurs n'étaient autres que d'anciens gérants d'une discothèque, fermée pour cause de pandémie. Il faudrait, à mon avis, confier les enfants des CEF à des personnes formées, solides, or ce n'est manifestement pas le cas partout. Le bon fonctionnement de certains prouve toutefois que la chose est possible.

Ces CEF accueillent beaucoup d'enfants venus de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Vous allez bientôt vous pencher sur la loi sur la protection de l'enfance. Prêtez attention à l'ASE et aux graves problèmes qui l'entourent. Les équipes des CEF nourrissent un grand regret : celui de ne plus entendre parler, par la suite, des enfants dont elles se sont occupées.

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André Ferragne, secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Depuis la priorité définie par le contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) quant aux hôpitaux psychiatriques, le souci des droits dans les établissements de santé mentale a incontestablement progressé. La loi, en 2016 et plus récemment, a également marqué des progrès en matière de protection des patients de santé mentale.

Néanmoins, nous rencontrons actuellement des difficultés, liées à l'état général de misère de la psychiatrie, notamment en termes de personnel. Le problème ne vient pas tant d'un manque de moyens budgétaires que de la démographie médicale et infirmière. Beaucoup d'hôpitaux peinent à recruter, au point qu'ils font parfois appel à des praticiens étrangers ne parlant pas bien français, ce qui complique leur tâche.

Un professeur de psychiatrie m'a confié hier que, selon lui, certains hôpitaux auront du mal à passer l'été, par manque de médecins. Il citait celui d'Alençon, d'une grande importance au regard de l'administration pénitentiaire, puisqu'il devrait accueillir des détenus du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, bien que ce ne soit pas le cas.

Une autre question d'actualité porte sur l'instabilité juridique du système des soins sans consentement et, en particulier, des dispositifs d'isolement et de contention. Le Conseil constitutionnel, après avoir censuré une première fois les dispositions qui encadrent l'isolement et la contention, a renouvelé sa censure le mois dernier, en raison de l'insuffisance, à ses yeux, des dispositions votées entre-temps.

Le CGLPL souhaite attirer votre attention sur la rapidité de la procédure législative suivie l'année dernière. Les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel avaient été introduites dans le projet de loi sur le financement de la sécurité sociale (PLFSS), alors même que le Sénat l'avait déjà voté. Le Sénat n'a donc pas examiné cet amendement, pas plus que le conseil d'État ou le Conseil constitutionnel.

Cette instabilité juridique pose une véritable difficulté à la profession psychiatrique déjà en grande tension. Les praticiens hospitaliers y voient de lourdes charges nouvelles, qu'ils n'ont pas les moyens d'assumer. Ils s'en inquiètent.

Il nous semblerait opportun de saisir l'occasion de ce débat législatif pour envisager plus largement le problème. Le Conseil constitutionnel demande l'instauration d'un contrôle juridictionnel systématique, mais répondre uniquement à cette demande ne résoudrait pas tout le problème lié à l'isolement et à la contention.

Un point reste totalement dans l'ombre : les mineurs ne sont jamais, ou très rarement, placés en soins sans consentement. Ils sont placés soit sous ordonnance de placement provisoire d'un juge – qui n'est pas un soin sans consentement au sens du code de la santé publique–, soit sur décision de leurs parents – qui n'est pas une demande de tiers au sens du même code. Ils sont donc en soins dits libres. Leur situation ne présente donc aucune des garanties liées aux soins sans consentement, alors que l'on ne peut pas dire qu'une ordonnance de placement provisoire du juge ou une demande des parents soit l'expression d'une volonté de l'enfant. Nous demandons depuis longtemps que les mineurs placés en soins par la volonté de tiers disposent d'une garantie comparable à celle des patients placés en soins sans consentement. L'isolement et la contention ne s'appliquant, le cas échéant, que dans le cadre d'une hospitalisation sans consentement, un enfant isolé ou contenu se retrouve face au silence de la loi, c'est-à-dire victime de mesures illégales. Voilà pourquoi nous estimons nécessaire de légiférer sur ce point.

Il nous paraît également nécessaire que le Parlement se saisisse de cette occasion pour développer une forme particulière de recueil de la volonté des patients, au moyen des directives anticipées, de manière à savoir, au moment de traiter un patient en crise, ce qu'il avait accepté avant cette crise.

La loi prévoit la possibilité d'informer des mesures d'isolement et de contention un nombre très important de proches d'un patient, alors même qu'il est permis de douter de son souhait d'informer ces personnes. Il nous paraît préférable de recueillir sa volonté au préalable par le biais d'une directive anticipée.

J'insiste sur notre souhait que le débat législatif passe par des procédures normales et ouvertes qui le rendent aussi riche que possible.

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Une visite des lieux de privation de liberté ne peut pas laisser indifférent à la situation de ces êtres humains qui en sont les victimes.

J'ai travaillé sur la situation sanitaire dans les CRA dans le cadre de mon rapport pour avis au titre de la commission des Lois sur le budget Asile, migration, intégration. Vous en avez visité plusieurs en 2020. Avez-vous pu établir des comparaisons entre eux ? Certains parviennent-ils à instaurer des bonnes pratiques ?

Qu'en est-il de la circulaire attendue au début de cette année pour remplacer celle de 1999 qui, bien qu'abrogée, sert toujours de référence ?

Vous avez mentionné le rapport de Jacques Floch, dressant le constat implacable que la France n'était pas encore parvenue à sortir définitivement de ce qu'il qualifiait alors, en se référant aux zones de rétention, de frontière de l'humanité. Où en sommes‑nous, vingt ans après ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

La question des CRA me prend aux tripes. Lorsque j'entre dans l'un d'eux, de nombreuses personnes se précipitent vers moi pour me supplier de les aider en me tendant leurs papiers, dont, parfois, leurs avis d'imposition. Il y a de quoi se demander ce qu'ils font là, surtout en ce temps de pandémie. Leurs pays d'origine ne désirant pas les accueillir, ils n'y retournent pas.

Je n'ai pas eu connaissance d'une nouvelle circulaire.

J'ai vu, à Calais notamment, des CRA conçus pour durer, dans une optique presque hôtelière, encore que ce terme présente sous un jour trop flatteur ce que j'y ai observé. Du moins ces CRA sont-ils moins horribles que celui de Vincennes ou du Mesnil-Amelot. L'univers des CRA est de toute façon carcéral. Barbelés et fossés les entourent. Ceux qui y séjournent sont souvent menottés. Le refus de se soumettre à un test PCR, désormais assimilé à un refus de la mesure d'éloignement, conduit à quatre mois de prison. Nous avons visité une prison où se succédaient en permanence des allers et retours avec le CRA.

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Vous constatez dans votre rapport une nouvelle encourageante, celle de la déflation carcérale, grâce à la sortie anticipée, selon certains critères, de 13 000 détenus pendant l'épidémie. Seriez-vous favorable à un prolongement ou un renouvellement de cette initiative, à condition de préparer les sorties, pour diminuer la population carcérale et mieux répondre aux différentes condamnations dont la France est l'objet depuis plusieurs années ?

Certains CRA ont fonctionné durant l'épidémie, alors que d'autres ont fermé. Familles et mineurs n'y sont pas accueillis de la même façon à Mayotte que dans l'hexagone. Nous avions proposé que le juge des libertés et de la détention (JLD) rende un avis sous quarante-huit heures pour y limiter la durée de séjour. L'organisation de l'accueil de ces populations a-t-elle évolué, d'après ce que vous avez constaté, en métropole comme à Mayotte ?

Vous émettez des réserves sur les CEF, qui fonctionnent plus ou moins bien sur notre territoire. Ils permettent notamment à des mineurs non accompagnés (MNA) de bénéficier d'un encadrement, de reprendre une formation et d'éviter l'incarcération. Il était prévu de construire un nouveau CEF. Des problèmes de recrutement se posent toutefois. Le niveau de violence des jeunes accueillis en CEF augmente. En outre, ces structures ne sont pas adaptées à l'accueil de personnes handicapées.

Une importante proportion de la population carcérale présente des problèmes psychiatriques difficiles à gérer, caractérisés par des accès de violence et des troubles du comportement. Des prises en charge différenciées ou la création d'unités adaptées pourraient‑elles être envisagées ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Le CGLPL prône depuis longtemps la régulation carcérale en demandant son inscription dans la loi. Au printemps 2020, l'opinion publique n'a pas poussé de hauts cris lors des sorties de prisonniers anticipées, d'un ou deux mois tout au plus, d'ailleurs.

Nous pourrions imaginer un principe de régulation carcérale s'apparentant à celui du numerus clausus, encore que beaucoup n'apprécient pas ce terme. Dès lors qu'une personne entrerait en surnombre dans une prison, une autre en sortirait, une fois son dossier examiné par un juge de l'application des peines (JAP). Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'un rêve ou d'une utopie mais d'une proposition réaliste. Tant que nous ne nous attaquerons pas au problème de la régulation carcérale, nous ne parviendrons à rien sur le plan du travail, de la formation, des soins ou encore de la réinsertion.

J'ai assisté dans des CRA à des audiences de JLD, absolument consternantes, en visioconférence pour cause de pandémie. L'examen des dossiers dure cinq minutes, montre en main. Les avocats y assistent au côté du juge et du greffier, même s'il arrive à une minorité d'entre eux de se déplacer. Certains devraient songer à améliorer leurs interventions dans ce contexte.

La prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) en CEF s'avère très compliquée, au point de désespérer la direction de ces mêmes CEF. Un jeune qu'ils prennent en charge à dix-sept ans et demi se retrouve livré à lui-même, six mois plus tard. Certains CEF, pour des raisons éthiques, refusent dès lors de s'en occuper, préférant laisser à l'administration la responsabilité de trouver une solution qui évite à ces jeunes de finir en CRA au bout de quelques mois. Les directeurs de ces CEF ont été traités de racistes.

Les CEF font face à des problèmes de recrutement considérables. Vous devriez, dans le cadre de la loi que vous allez examiner, chercher un moyen de revaloriser le métier d'éducateur, faute de quoi les CEF ne serviront que d'alibis pour enfermer provisoirement des MNA sans que nul ne sache, en l'absence de suivi, ce qu'ils deviennent à leur sortie.

La proportion de prisonniers atteints de troubles mentaux est estimée à 30 %. J'ai moi-même assisté à l'agression d'un surveillant par un détenu qui lui a jeté de l'eau bouillante en pleine figure, alors qu'il entrait dans sa cellule. Tous les détenus du quartier d'isolement se sont mis à hurler contre l'auteur de l'agression, qui n'a pas paru s'en émouvoir. Cette scène d'horreur m'a marquée. Elle atteste d'un problème de prise en charge de la violence.

Les hôpitaux psychiatriques se trouvant malheureusement dans l'état que nous avons décrit, il en résulte un phénomène de vases communicants. Les détenus ne sont pas convenablement pris en charge dans les hôpitaux, où ils n'effectuent que de trop brefs séjours, et les services médico-psychologiques régionaux (SMPR) sont débordés.

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J'aimerais revenir sur l'accès à l'enseignement dans les lieux de détention. L'amendement que j'ai proposé au projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire prévoit l'accès à la formation des détenus, y compris via internet. Le vote de cet amendement prouve que nous, législateurs, œuvrons dans le même sens que vous.

J'ai visité certains CEF formidables. Les rapports ne reflètent pas toujours exactement la réalité, aussi diverse qu'il existe de lieux de détention.

La décision du Conseil constitutionnel de juin 2021 fait suite à une autre de juin 2020, qui explique que nous ayons voté, dans le PLFSS de l'automne dernier, une évolution de la procédure d'isolement et de contention, limitant strictement sa durée et prévoyant une information du JLD à partir de vingt-quatre heures de contention et quarante‑huit heures d'isolement.

Est-il possible d'établir un bilan des dispositions votées en décembre dernier, même s'il faudra de nouveau légiférer après la récente décision du Conseil constitutionnel ? Est-il arrivé qu'un JLD ordonne l'arrêt de ce type de soins ? Certains patients se sont-ils saisis des possibilités de recours offertes ? Quelles difficultés ont été rencontrées ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

J'applaudis à l'amendement que vous avez porté, relatif à la formation via internet. Il marquera un immense progrès.

Nous avons visité l'ensemble des CEF, dont bien peu fonctionnent correctement. Sans doute votre venue a-t-elle eu lieu un jour favorable. Votre témoignage prouve en tout cas que certains au moins peuvent connaître un fonctionnement satisfaisant.

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André Ferragne, secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Les cinq mois à peine écoulés depuis la promulgation de la nouvelle législation n'ont pas permis d'en dresser un bilan. Il a fallu bien plus longtemps pour assimiler la loi de 2016. La création des registres a nécessité deux ou trois ans. De même, il a fallu à peu près cinq ans à compter des lois de 2011 et 2013 pour que les audiences du JLD acquièrent un peu de solidité.

Je vous renvoie au documentaire de Raymond Depardon, Douze jours, tourné en 2016. Il présente un spectacle affligeant où un juge, sans savoir ce qu'il vient juger, fait face à un avocat ne sachant pas ce qu'il défend.

Un saut culturel s'avère nécessaire pour que, d'une part, les soignants acceptent la nécessité de préparer les patients à une audience ou à l'éventualité que ceux-ci aient à se protéger de personnes ne voulant que leur bien et que, d'autre part, des barreaux se mettent en ordre de bataille afin de plaider. Ceux-ci nous sollicitent d'ailleurs beaucoup pour connaître les droits des patients, étrangers à la culture de la plupart des avocats, à l'exception, bien connue, du barreau de Versailles. La magistrature elle-même éprouve des difficultés à s'emparer de ce contentieux.

Il me semble qu'à ce jour, les contentieux restent très peu nombreux. Je ne crois pas que les procédures d'application de l'article 84 de la loi de financement de la sécurité sociale soient véritablement en place, sauf à Versailles. Nous avons constaté le résultat du dynamisme de ce barreau dans les récentes décisions du Conseil constitutionnel sur ces sujets, prises en réponse à des questions qu'il avait posées.

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Madame la contrôleure des lieux de privation de liberté, vous avez la chance d'être à la tête d'une autorité indépendante chargée d'un contrôle spécifique. En tant que législateurs, nous disposons d'un champ d'intervention plus large que le vôtre, dépassant les conséquences que vous observez. Notre première responsabilité consiste à assurer la sécurité des Français. Vous entendre prôner la régulation carcérale, comme si la criminalité se régulait en fonction des places disponibles en prison, a de quoi surprendre.

Le 20 avril dernier, le garde des Sceaux a visité l'un des rares chantiers de prison engagés depuis de longues années, celui de Lutterbach, dans le Haut-Rhin. Aucune construction de places de prison n'a été annoncée, alors que cela permettrait d'améliorer les conditions de détention et notre capacité à protéger les Français tout en respectant la dignité des détenus.

Quel regard portez-vous sur l'ambition du Gouvernement et sa réalisation en matière de construction de places de prisons ? Apportez-vous un éclairage à la chancellerie qui travaille aux nouveaux programmes de construction de prisons, afin de mieux prendre en compte le respect dû aux individus ? Comment conjuguez-vous votre volonté de régulation carcérale avec la fin de la réduction automatique des peines, votée voici quelques jours seulement par notre assemblée ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Les réductions de peine seront désormais conditionnées à la bonne conduite des détenus et à leurs efforts en vue de leur réinsertion. Pour le moment, seuls 20 % des détenus peuvent travailler et les formations restent rares en prison. Sans compter que les rendez-vous avec un psychiatre, pour respecter une obligation de soins, sont attendus de longs mois. Quel sens donner aux dispositions votées, dès lors qu'elles ne peuvent s'appliquer ? Subordonner une réduction de peine à des efforts impossibles me paraît bizarre.

Qui plus est, un détenu malin s'inscrira partout, sachant que, dans un an, il n'aura de toute façon obtenu ni travail ni formation. Dans l'intervalle, il aura cependant témoigné de beaucoup d'efforts. Je trouve en somme dommage la disposition que vous avez votée.

Par ailleurs, ne vaut-il pas mieux que des détenus proches de la sortie quittent la prison accompagnés, dans le cadre d'une libération sous contrainte, par exemple, plutôt que de se retrouver livrés à eux-mêmes, une fois dehors ?

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Vous avez résolu de vous rendre en Allemagne y chercher des solutions que nous n'avons pas encore su trouver en France. Peut-être la différence entre ce pays et le nôtre tient-elle à la nature de nos parlements respectifs. Dans le cadre de l'assemblée parlementaire franco-allemande qui a vu le jour sous ce mandat, nous constatons à quel point le Bundestag est une institution respectée par le gouvernement allemand. Il serait bon qu'il en aille de même du parlement français, et qu'il dispose de la même puissance d'action que le Bundestag. Nous sommes tous ici déterminés à ce que nos prisons fassent la fierté de la France.

La réforme des peines, en cours d'examen au Sénat, va vraisemblablement être modifiée. L'obligation incombera au détenu de démontrer sa volonté de réinsertion, à travers l'enseignement, notamment. L'observatoire international des prisons dénonce la quasi‑inexistence, dans les prisons françaises, de l'enseignement, qui relève plus d'un privilège que d'une réalité.

Comment imaginez-vous d'élargir à tous les détenus ce dispositif d'enseignement ? Votre rapport a-t-il été proposé à la discussion avec le ministre de l'Éducation nationale ? La question se pose de la considération des enseignants dans les prisons, moindre que celle dont jouissent leurs collègues intervenant à l'extérieur. Un travail doit être mené sur ce point.

Allez-vous rendre un avis à propos du projet de loi sur la protection de l'enfance, qui arrivera bientôt en discussion ?

Comment déterminer ceux qui, parmi les détenus, relèvent d'abord de la psychiatrie et ceux à qui il faut réapprendre les règles de la citoyenneté ? Il me paraît indispensable de se poser la question, étant donné que la réforme des peines ne pourra s'appliquer aux déficients mentaux. Avez-vous des propositions concrètes à nous communiquer, en lien avec le ministère de la Santé ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Je n'avais pas relevé l'amendement proposé par Mme Abadie relatif à l'enseignement par internet, que je trouve sensationnel. Son application, si tant est qu'elle soit effective, constituera un immense progrès.

Je ne suis pas encore entrée en contact avec le ministère de l'Éducation nationale, mais vous avez raison. Je retiens votre suggestion.

La loi sur la protection de l'enfance, que vous allez examiner, sort du champ du CGLPL. Toutefois, une immense proportion des enfants de l'ASE se retrouve en comparution immédiate sur les bancs de la correctionnelle. Peut-être devrions nous nous mettre d'accord avec la Défenseure des droits pour rendre un avis commun.

Un nombre préoccupant de malades psychiatriques séjourne en prison, depuis des années. Les difficultés actuelles de la psychiatrie laissent peu d'espoir de sortir rapidement de cette situation.

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André Ferragne, secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Le CGLPL, dans un avis publié en 2016, sur la question de l'accès aux soins psychiatriques des détenus avait souligné que, depuis 2004, aucune étude épidémiologique n'a porté sur la santé mentale en détention. Nous répétons, sans l'avoir mesuré scientifiquement, qu'environ 70 % des détenus prennent un traitement de nature psychiatrique, parfois léger. Nous estimons qu'un quart de la population carcérale est atteinte de maladies mentales plus sévères.

Nous dénombrons à ce jour 9 unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour la prise en charge des détenus. Le ministère de la Justice porte, depuis quelque temps, un projet de mise en place de 6 ou 7 nouvelles UHSA. Bien que nécessaires, elles visent à répondre aux crises et non à traiter les maladies mentales chroniques. Un débat en cours, sur lequel le CGLPL n'a pas encore pris position, porte sur l'opportunité de créer des UHSA adaptées à de longs séjours.

Reste à savoir si un malade chronique est accessible à une peine porteuse de sens, ou s'il a simplement besoin de soins. Dans ce dernier cas, le code de procédure pénale prévoit une suspension de peine pour raisons médicales. Or, si cette disposition s'applique facilement à un cancer en phase terminale, il n'en va pas de même pour les maladies mentales et les situations de dépendance, peut-être en raison d'une réticence culturelle, mais surtout du fait de la difficulté de trouver des lieux d'accueil. Un juge peut difficilement prononcer une suspension de peine sans perspective raisonnable de placement de la personne concernée.

Sous le mandat de François Hollande, me semble-t-il, une détenue de Rennes a bénéficié d'une grâce présidentielle exceptionnelle pour faciliter son accès aux soins. Elle était placée de longue date en psychiatrie mais, au moins, sa nouvelle situation juridique lui a-t-elle permis de poursuivre ses soins normalement. Nous avons recommandé une évaluation des difficultés concrètes liées, d'une part, à la présence de malades mentaux dans les prisons et, d'autre part, à la difficulté d'appliquer des suspensions de peine.

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La garde des Sceaux avait annoncé, en 2019, voici maintenant près de trois ans, le lancement d'une étude épidémiologique. Nous demanderons au directeur de l'administration pénitentiaire (DAP) ce qu'il en est.

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À vous entendre, vingt ans après le rapport que vous évoquiez tout à l'heure, les atteintes aux droits des personnes privées de liberté semblent toujours aussi importantes. Un tel constat a de quoi décourager ou, au contraire, inciter à se saisir de la question. Les débats relatifs à la loi sur la protection de l'enfance pourront, je l'espère, nous permettre d'améliorer la prise en charge des enfants en psychiatrie.

La commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid‑19 sur les enfants et la jeunesse a souligné la grande misère de la psychiatrie, et notamment de la pédopsychiatrie en France.

J'ai visité le CRA du Mesnil-Amelot. Le personnel y semble désireux d'accueillir des personnes privées de liberté de la meilleure façon possible. Seule une volonté politique pourra mobiliser les moyens de résoudre les problèmes récurrents de vétusté, d'aménagement et d'entretien de ces CRA.

Le nombre de prisonniers qui travaillent a reculé, ces dernières années. La loi pour la confiance dans l'institution judiciaire a prévu d'accorder un nouveau statut aux détenus salariés. Jugez-vous suffisantes les mesures prévues par cette loi ? Qu'est-ce qui empêche d'autoriser à travailler un plus grand nombre de prisonniers ?

Je pense également que le nouveau dispositif de réduction des peines n'a de sens que si les prisonniers sont autorisés à apporter, par le travail, la preuve de leur volonté de réinsertion.

J'ai mesuré, lors d'une visite à Fleury-Mérogis, à quel point l'accès à la pratique sportive des jeunes détenus compte pour leur épanouissement et leur bien-être. Quelle place est aujourd'hui accordée au sport dans les centres de détention ?

Votre rapport pointe la désinvolture avec laquelle les ministres traitent vos recommandations. Comment faire en sorte qu'elles soient mieux entendues ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Affirmer que rien n'a changé en vingt ans se révèlerait à la fois désespérant et faux. L'administration pénitentiaire s'est considérablement ouverte. J'ai constaté ses efforts pour qu'entrent dans les établissements carcéraux de nouveaux intervenants, dans le cadre d'ateliers de théâtre, d'écriture ou de chanson. J'ai assisté au premier concours de plaidoirie des détenues de Réau. Les prisons actuelles ne sont plus celle d'antan.

Seulement, la surpopulation empêche l'accès du plus grand nombre aux initiatives proposées. Le travail en prison, très contingenté, ne permet pas de répondre aux demandes. Je suis sûre que M. Albin Heuman, le directeur de l'agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP), très actif et enthousiaste, mettra tout en œuvre pour augmenter les possibilités de travail en prison.

Pour le moment, tout est à l'arrêt à cause du Covid. Les efforts pour obtenir des réductions de peine demeureront vains tant que perdureront les problèmes de surpopulation et de formation. Je ne peux que vous donner raison et déplorer cette situation.

Il y a lieu de se féliciter du projet de loi instaurant un statut aux détenus salariés, même si nous regrettons qu'il n'aille pas plus loin. Peut-être la jurisprudence amènera-t-elle ce statut à s'apparenter de plus en plus à un contrat de travail. Je l'espère en tout cas.

Il nous a été dit qu'un statut du détenu travailleur trop contraignant découragerait les entreprises. Il me semble qu'une marge d'adaptation subsiste. De grandes marques de luxe emploient les détenus pour emballer leurs produits. Elles devraient s'en vanter au lieu de le cacher.

La place du sport a son importance mais, là encore, tout est à l'arrêt. Je salue l'inventivité des moniteurs de sport en détention. L'activité sportive est toutefois très réduite en CRA. Tout est contraint par la place disponible, elle aussi très réduite.

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L'an dernier, un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la France pour ce qui touche à la dignité en détention et à l'absence de recours. Une décision de la Cour de cassation, puis une autre du Conseil constitutionnel nous ont ensuite enjoints à légiférer en la matière, ce pourquoi nous avons adopté, le 8 avril dernier, une loi qui tend à garantir le droit au respect de la dignité en détention. Cette loi prévoit notamment un recours devant le JLD en cas de détention provisoire ou, en cas de condamnation, devant le JAP.

Pensez-vous que ce dispositif nous permettra d'éviter de nouvelles condamnations de la part d'instances supranationales ou nationales ? Cette possibilité de recours permettra-t-elle, selon vous, de lutter efficacement contre l'indignité de certaines conditions de détention, qui constituent d'ailleurs une honte pour notre pays des droits de l'homme ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Nous sommes d'accord : c'est une honte. Tant que nous ne résoudrons pas le problème de la surpopulation carcérale, la Cour européenne des droits de l'Homme nous condamnera.

La loi sur les conditions indignes de détention me paraît insuffisante. J'espère que les détenus et leurs avocats se saisiront de la possibilité qu'elle leur offre et que la jurisprudence fera son œuvre.

Je conçois les craintes de voir libérer trop facilement des personnes dont nul ne souhaite qu'elles recouvrent la liberté. Le maître mot de ce texte de loi reste celui de « transfert », qui ne signifie pas grand-chose. Que deviendra la cellule occupée par un détenu dans des conditions indignes ? Des travaux y auront-ils lieu ? Un autre détenu l'y remplacera‑t-il dans des conditions tout aussi indignes ?

Au CGLPL, nous avons formé un groupe de travail en train d'élaborer des fiches prison, régulièrement remises à jour et synthétisant le résultat de nos visites de contrôle, afin de faciliter le travail des magistrats et des avocats, puisque la charge de travail des JLD et des JAP, soumis à de multiples pressions, ne leur permet pas de se rendre eux-mêmes sur les lieux de détention.

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Votre rapport, soulignant la difficulté de vivre dans des lieux de détention, prouvera, à ceux qui en doutaient encore, que les prisons n'ont rien d'hôtels.

Les prisons ont été désengorgées au début de la pandémie. Il ne me semble pas que la criminalité ait augmenté pour autant, ce qui prouve la possibilité d'adapter les peines au nombre de places disponibles en prison. Sans doute faut-il continuer en ce sens. Comment les détenus libérés par anticipation ont-ils réussi à se réinsérer ?

Où en est la vaccination dans les prisons ?

Les gardes à vue tendent à se multiplier, ces temps-ci. Je songe notamment à la rave-party de Redon, interdite, qui s'est mal terminée. Certaines personnes gardées à vue sont ensuite relâchées dans des conditions problématiques. Le recours aux gardes à vue ne participe‑t-il pas d'une volonté de maintien de l'ordre par intimidation amenant à utiliser ce dispositif à mauvais escient ? Pourriez-vous nous éclairer sur les conditions, très spartiates, dans lesquelles se déroulent ces gardes à vue ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Si les gardes à vue se déroulaient dans des conditions spartiates, ce serait déjà formidable. En vérité, ces conditions méritent souvent le qualificatif d'immondes. En pénétrant dans certaines cellules, j'ai eu peine à croire que je me trouvais bien en France, un pays où nous est sans cesse rappelée la nécessité de respecter les gestes barrière. Les couvertures non lavées passant d'un gardé à vue à l'autre, ajoutées aux toilettes communes où la chasse d'eau ne fonctionne pas toujours, m'ont paru symboliques d'un paradoxe. Nul ne sait, une fois ces personnes relâchées, quelles maladies elles ont pu attraper.

La vaccination dans les prisons suit le même rythme que dans le reste du pays. Nous avions demandé que le personnel des prisons et les détenus soient vaccinés en priorité, puisqu'ils vivent dans des lieux confinés. À Tours, où un cluster a touché la moitié de la prison, la catastrophe n'a été évitée que de peu.

Je ne dispose pas d'informations sur la réinsertion des personnes libérées par les ordonnances du printemps 2020, ce qui me paraît plutôt bon signe. Si des catastrophes s'étaient produites, nous l'aurions su.

Depuis que tout le monde sort un peu plus, l'activité, délictuelle et judiciaire, a repris, d'où un accroissement des peines. Sans doute faudrait-il faciliter aux magistrats l'appropriation du bloc peine de la LPJ. Pour le moment, tous s'accordent à estimer plus facile d'envoyer quelqu'un en prison que de trouver un moyen d'aménager une peine ab initio, ce que je trouve très regrettable.

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Le CGLPL dispose-t-il, selon vous, des moyens humains et logistiques d'atteindre ses objectifs en termes de contrôles ?

Comment expliquez-vous, ce que dénonce d'ailleurs votre rapport, la désinvolture des ministères par rapport à vos préconisations ? Comment y remédier ?

Le DAP vient d'annoncer qu'il consacrerait des travaux à la question de la violence en détention. Il songeait à la violence des détenus envers les surveillants ou les autres détenus, mais pas à celle qu'exercent les surveillants sur les détenus. Quel regard portez-vous sur ces travaux à venir ? Y serez-vous associée ? Que préconisez-vous pour réduire les violences en détention, quelles qu'elles soient ?

Ma dernière question portera sur les détenus radicalisés ou condamnés pour des faits de terrorisme. Le CGLPL dispose-t-il de suffisamment de recul pour analyser la pertinence et l'efficacité des dispositifs mis en place, tels que les binômes de soutien ou les quartiers de prévention de la radicalisation ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Justement, nous avons demandé cinq postes supplémentaires, car nos tâches se sont accrues. Dans le cadre de notre mission de prévention, nous avons proposé des modules de formation destinés à l'École nationale de la magistrature, aux écoles des barreaux et aux éducateurs. S'ajoutent à cela les fiches-prisons. Tout ceci représente un travail considérable, or nos moyens n'ont pas augmenté depuis cinq ans, alors que la population carcérale, elle, ne cesse de croître. L'équipe du CGLPL m'inspire une grande fierté. Ses membres, issus de tous les milieux, concernés par l'enfermement, y partagent leurs points de vue et leur expertise. Je trouve formidable de partir en mission avec eux.

Le garde des Sceaux m'a répondu par courrier, avec humour, qu'il faisait le plus grand cas de mes recommandations, alors qu'il n'en va pas toujours ainsi, malheureusement.

Je regrette que les ministres ne cherchent pas à diffuser les bonnes pratiques constatées en certains lieux par le CGLPL. Nous trouvons beaucoup de réconfort à discuter avec les équipes, en particulier des hôpitaux psychiatriques et des CEF. Grâce à ces discussions, la situation s'améliore, puisque nos recommandations sont souvent suivies sur le terrain. Espérons toutefois que cette désinvolture cessera.

Le DAP, excellent connaisseur de la question, aura certainement à cœur de traiter le sujet des violences en détention. Il faudra lui poser votre question. Encore une fois, la surpopulation aggrave tout. Elle me paraît en tout cas la cause de la plupart des violences, en plus du caïdat.

Je ne dispose pas du recul suffisant pour aborder le sujet des radicalisés. Tout le monde tâtonne sur la question. J'ai assisté au début des binômes, avec la médiation animale, qui a fait rire tout le monde. Aucune solution ne semble valable. Les radicalisés sont soumis à un régime particulièrement dur.

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Revenons sur le nouveau régime de remises de peines prévu par le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Nous avons fourni un travail assez conséquent, dans l'hémicycle et en commission des Lois, pour construire un système reposant à la fois sur des efforts de réinsertion et des actes positifs de bonne conduite, dans un cadre adapté aux possibilités qu'offre chaque établissement, et ce afin de lutter contre les disparités sur le territoire. Nous avons, dès le début, intégré les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et les agents pénitentiaires dans ce dispositif. Je ne crois pas qu'il soit possible à un détenu de s'inscrire partout avant de se tourner les pouces. Nous avons mis en place tous les garde-fous nécessaires.

Le numerus clausus que vous envisagez m'interpelle, même si nous partageons le même objectif de lutter contre la surpopulation carcérale. Je crains qu'une telle approche ne crée des disparités et des injustices, car je ne vois pas comment l'appliquer sur l'ensemble du territoire, plutôt qu'établissement par établissement. Les libérations anticipées de 2020 ont fonctionné, parce qu'elles se sont déroulées dans un cadre clair, le même pour tous.

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Je me doutais bien que ma position en faveur d'un numerus clausus ne susciterait pas un consensus. Vous, élus, devez trouver un moyen d'inscrire dans la loi le principe de la régulation carcérale, sous peine que la France se voie indéfiniment condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme.

La solution que je propose, établissement par établissement, n'est peut-être pas la bonne. Il conviendra dans ce cas d'en imaginer d'autres. Peut-être pourrait-on envisager un recul des procédures de comparution immédiate, grande pourvoyeuse de mises en détention et qui fonctionne un peu comme une justice d'abattage. Les directeurs de prison s'en plaignent beaucoup. Ils voient arriver, le vendredi soir, des prévenus dont l'audience a été reportée au lundi suivant, où ils sont finalement relâchés. Je me suis fixé pour objectif de mener une réflexion sur cette procédure, qui remplit les prisons.

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Mme Untermaier et moi-même avons constaté, lors d'une visite d'un CEF, l'engagement de son personnel. Chaque CEF accueille une douzaine de mineurs encadrés par au moins autant d'éducateurs, ce qui permet un réel travail d'accompagnement. Il faut, à propos des mineurs délinquants, mener une réflexion, ce à quoi nous nous sommes attachés, via la loi de programmation et de réforme pour la justice, avec Nicole Belloubet, alors ministre de la Justice, en votant la création de 20 nouveaux CEF, en réponse à une demande des magistrats. Mme Untermaier et moi-même avons, nous aussi, été frappés de constater que la moitié des jeunes en CEF viennent de l'ASE.

Il ne me semble pas, à la lecture de votre rapport, que vous ayez visité d'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM). Leur avez-vous porté une attention particulière ? Quel est votre sentiment sur ces EPM ? Le personnel de celui de Lavaur, dans ma circonscription, fournit un travail remarquable.

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Je pars une semaine chaque mois en mission avec mes équipes, mais ne me suis pas encore rendue à l'EPM de Lavaur.

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André Ferragne, secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Nous n'avons pas visité d'EPM en 2020. En 2019, en l'espace de deux mois, nous avions visité ceux de Quiévrechain, de Meyzieu et de Marseille. Notre dernière visite à Lavaur remonte à moins de trois ans. Depuis, nous avons également visité l'EPM d'Orvault. Nos visites aux EPM se renouvellent tous les trois ans environ, soit à peu près deux fois plus fréquemment que nos visites aux prisons.

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Je porte une grande attention à tout ce qui relève de l'éducation. J'en ai fait l'une des préoccupations premières de mon mandat. Tout commence au berceau. Vous devrez donc veiller, lors de l'examen de la loi qui vous attend, à la continuité des parcours, trop souvent chaotiques.

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L'augmentation du nombre de détenus, après sa diminution lors du confinement, se constate en particulier dans les maisons d'arrêt, souvent vétustes. La promiscuité y pose des problèmes d'hygiène. Dans celle de Bayonne, l'eau chaude n'arrive pas aux cellules. Constatez-vous plutôt une amélioration ou une régression des conditions d'hygiène, ces derniers temps ?

J'ai visité deux détenus condamnés pour des faits graves de terrorisme, au pays basque, Jacques Esnal et Jon Parot. Voilà trente et un ans qu'ils sont incarcérés. Tous deux ont plus de soixante-dix ans. Je m'interroge sur le sens de leur peine. Leur lourde dette envers la société a peut-être été payée. Avez-vous eu connaissance de leur cas ? Que vous est-il possible de faire pour eux ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Mon mandat ne s'étend pas jusqu'à ordonner la libération de prisonniers. Vous devez savoir mieux que moi pourquoi ils n'ont pas obtenu de libération conditionnelle après trente et un ans. Dans certains pays d'Europe, il est impossible de purger des peines aussi longues.

La pandémie a fourni l'occasion d'améliorer quelque peu l'hygiène dans les maisons d'arrêt mais, tant qu'elles resteront surpeuplées, il s'avèrera impossible d'y faire régner l'hygiène. J'ai visité deux maisons d'arrêt, théâtres de violences, l'une propre, et l'autre très sale.

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Il me semble qu'aujourd'hui, les conditions ne sont pas toutes remplies pour assurer la dignité des personnes incarcérées. Sans anticiper sur les conclusions des groupes de travail chargé de rédiger les fiches prison, comment garantir aux détenus le respect de leur dignité ?

Les mesures de contention et d'isolement adoptées dans le cadre du PLFSS 2021 n'ont pas été examinées par le législateur dans des conditions satisfaisantes, ce que je trouve fort dommage. Nous devrions, en tant que parlementaires, en débattre, car les mesures de privation de liberté en matière de santé mentale requièrent un cadre précis d'application. Cette question touche à la liberté, mais aussi au respect des individus.

Une incarcération, de par sa nature même, soulève des problématiques de santé mentale. Peut-être serait-il intéressant de consacrer une étude à l'état de santé mentale, à la fois des personnes incarcérées et des agents qui s'occupent d'elles. Certaines affections psychotiques se développent à coup sûr dans les lieux de privation de liberté.

Il me semble que nous avons été plutôt défaillants dans la gestion de la pandémie en prison. La vaccination me paraît le seul moyen aujourd'hui de sortir de la crise. Celle des personnes incarcérées a-t-elle avancé ?

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Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

En ce qui concerne la dignité des détenus, nous verrons comment les magistrats, les associations et les détenus eux-mêmes s'empareront de la loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention qui a promulguée le 8 avril dernier.

Les fiches-prisons, à l'élaboration desquelles nous travaillons actuellement, adopteront une présentation thématique synthétique, renvoyant à des rapports plus détaillés. Chacune d'elles indiquera des priorités par établissement pour respecter la dignité des détenus.

J'ai regretté que les détenus et le personnel pénitentiaire n'aient pas été vaccinés en priorité. Les familles auraient ainsi évité des visites au parloir très pénibles, du fait des lourdes contraintes en place. Certains colis ne sont jamais parvenus à leur destinataire. Des visiteurs ont été repoussés à leur arrivée à la prison. La vaccination en prison suit le même rythme qu'ailleurs en France.

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André Ferragne, secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

La décision du Conseil constitutionnel obligeant à un nouveau travail législatif est encore récente. Nous voulons surtout insister sur la nécessité d'un vrai débat éclairé et non accéléré comme l'année dernière. Les parlementaires des deux chambres doivent entendre l'ensemble des acteurs impliqués dans ces questions, y compris les associations de patients, de familles, et les associations professionnelles.

Puis, la Commission procède à l'audition de M. Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire.

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Monsieur Ridel, j'ai pu apprécier votre professionnalisme à l'occasion de nombreux déplacements en centres de détention et en maisons d'arrêt en votre compagnie. Je vous renouvelle mes félicitations pour votre nomination à votre nouveau poste.

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Après l'exposé de mes principales convictions, je vous brosserai un tableau de la situation de l'administration pénitentiaire, puis j'aborderai quelques sujets de préoccupation ainsi que les axes prioritaires de mon action, sous la responsabilité du garde des sceaux.

L'administration pénitentiaire est une institution sociale. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises prisons par essence. Certaines fonctionnent bien, d'autres moins bien, à l'instar de ce qui s'observe pour les hôpitaux, les lycées ou les universités.

Contrairement à ce que certains lecteurs trop hâtifs de Surveiller et punir penseraient à tort, l'administration pénitentiaire n'est pas une institution immuable ou immobile. C'est même l'institution qui a le plus évolué en une génération.

Le droit des détenus en fournit un premier exemple. À mon entrée dans l'administration pénitentiaire en tant que sous-directeur de la maison centrale de Saint-Maur, dans l'Indre, en 1986, le personnel, dans l'ensemble bienveillant et respectueux, ne maltraitait pas les détenus, mais, juridiquement, ceux-ci ne possédaient aucun droit.

Aujourd'hui, les détenus sont des sujets de droit, même si l'exercice de ces droits comporte des marges de progression. Les avancées, sous l'impulsion nécessaire de la jurisprudence des tribunaux administratifs et un rappel du conseil de l'Europe, n'ont pas suivi une trajectoire linéaire. La moitié des articles de la loi pénitentiaire porte sur l'exercice des droits des détenus. En cas de non-respect de ces droits, les détenus peuvent, ce dont ils ne se privent d'ailleurs pas, demander réparation au tribunal administratif. Il y a lieu de s'en féliciter.

Dimanche, à contrecourant de l'abstention généralisée parmi nos concitoyens, un taux record de participation des détenus a été enregistré. Cinq mille d'entre eux ont voté.

La variété croissante des métiers pénitentiaires illustre, elle aussi, l'évolution de cette administration. Au début de ma carrière, les surveillants, au métier difficile, stressant, profondément utile et humain, n'exerçaient que sur les coursives, au mirador ou en accompagnement au parloir. Aujourd'hui, nous dénombrons, parmi les personnels de surveillance, des moniteurs de sport, des formateurs, des membres d'équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS), mais aussi d'unités cynotechniques. Certains se chargent de missions d'extraction judiciaire (EJ) en accompagnant les détenus au palais de justice, d'autres collectent du renseignement. D'autres encore travaillent en milieu ouvert au sein d'un service d'insertion et de probation.

Le dispositif de probation à la française s'est considérablement développé depuis une vingtaine d'années, indépendamment des majorités politiques. Notre pays compte 67 000 détenus, dont le nombre augmente rapidement, ce qui m'inquiète quelque peu. En parallèle, 165 000 personnes sont suivies, au titre du milieu ouvert, pour des sanctions prononcées par l'autorité judiciaire.

L'institution pénitentiaire mérite d'être abordée avec une certaine distance, dans un esprit serein exempt de polémique. Je déplore l'instrumentalisation de faits divers dramatiques. Je réitère ma compassion à leurs victimes, mais un tel traitement ne me semble pas le mieux indiqué pour appréhender des sujets aussi sérieux.

Il m'est arrivé de déplorer, par le passé, une vision manichéenne de l'administration pénitentiaire, selon laquelle la prison pervertirait le détenu naturellement bon ou, au contraire, les détenus ne mériteraient pas de prisons quatre étoiles. Un débat entre sécurité et insertion avait ainsi cours entre mes collègues. J'estime cette dichotomie artificielle et stupide. Le premier des droits, conditionnant les autres, reste celui à la sécurité et à l'intégrité physique. Tant que celui-ci ne sera pas garanti aux détenus, ceux-ci ne sortiront pas de leurs cellules pour prendre part à des activités d'insertion. À l'inverse, rien ne garantit mieux la sécurité de la société que des détenus réinsérés, qui ne récidiveront pas. Les deux vont donc de pair. Les approches idéologiques que je viens d'évoquer me semblent dépassées et contreproductives.

J'évoquerai maintenant la situation des établissements pénitentiaires et des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), en insistant sur les forces et les faiblesses, ou du moins les marges de progression, du dispositif pénitentiaire français.

Sa force réside en premier lieu dans la qualité de son personnel, qui mérite vraiment la reconnaissance de la République et de ses citoyens. Je constate souvent des hommages rendus aux policiers, gendarmes, magistrats et pompiers, mais la liste s'arrête là. Je trouve cela dommage. Je tiens donc à rendre hommage au personnel pénitentiaire devant la représentation nationale, surtout après quinze mois de pandémie. En mars dernier, alors que les masques manquaient et que la plupart des activités en France étaient à l'arrêt, ces hommes et ces femmes se rendaient à leur travail pour que le service public pénitentiaire continue de fonctionner, ce qui prouve l'importance vitale de cette administration. Si nous voulons nous montrer exigeants vis-à-vis de ces fonctionnaires, nous devons leur apporter une reconnaissance à la hauteur.

Il en va de même des personnels d'insertion et de probation, objets de récentes critiques. Des rapports sur certains actes dramatiques ont depuis permis d'établir la part des choses. Un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP) suit aujourd'hui environ 80 personnes. Nous ambitionnons d'atteindre, dans deux ans, un ratio d'un CPIP pour 60 personnes.

Notre administration pénitentiaire s'appuie sur un corpus de réglementations et de méthodes d'intervention parmi les plus élaborés d'Europe. Les principes de notre loi pénitentiaire suscitent une quasi-unanimité. Le code pénitentiaire, qui verra le jour grâce à la loi que vous venez de voter, facilitera les contrôles de la part d'instances indépendantes. Plus le droit est lisible et accessible, plus il est facile d'en contrôler la bonne application.

La France a comblé son retard en matière de probation. Notre pays, qui n'a jamais reconnu à sa juste valeur, dans son système pénitentiaire, la criminologie opérationnelle, ce qui le handicape d'ailleurs, propose à présent des prises en charge crédibles, en milieu ouvert, condition indispensable pour susciter la confiance de l'opinion publique et des magistrats dans ces dispositifs.

Notre système d'exécution des peines, parfait en théorie, s'avère en réalité trop complexe. Je serais quant à moi partisan de deux types de peines : soit d'emprisonnement, assorti d'une prise en charge adaptée à la dangerosité du détenu, soit de probation, dont le niveau de contrôle et le contenu resteraient à déterminer. Les mesures à notre disposition sont difficiles à expliquer aux personnes visées mais aussi à appréhender par les professionnels.

Le port du bracelet électronique correspond ainsi à trois dispositifs juridiques différents :

‑ la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) en fin de peine, alors que la personne concernée est en principe encore écrouée

‑ la DDSE en tant que peine autonome, et

‑ l'assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE), prise en compte dans la durée de la détention provisoire.

Le choix de la France d'ouvrir sur la société son administration pénitentiaire me paraît une force également. Certaines démocraties, comme le Royaume-Uni ou le Japon, optent pour un système pénitentiaire totalement intégré. En France, l'administration pénitentiaire se recentre, depuis quarante ans, sur son cœur de métier : les questions de surveillance, de passage à l'acte et la criminologie. Les services publics de droit commun s'occupent du reste, en prison.

Depuis 1994, il n'existe plus de médecine pénitentiaire. Chaque établissement pénitentiaire est couplé à un hôpital à proximité, ce qui explique en grande partie la qualité de la prise en charge de la santé des détenus et la manière dont l'épidémie a été jugulée et traitée en prison. Les anciennes infirmeries sont désormais des services hospitaliers à part entière, sans relation hiérarchique avec les directeurs d'établissements.

Il en va de même pour l'enseignement, la culture et la formation professionnelle, essentielle en termes de prévention de la récidive. Les conseillers régionaux organisent les dispositifs de formation professionnelle, y compris en prison.

Notre principale marge de progression a trait au surencombrement. Contrairement à ce que d'aucuns prétendent, la France se situe dans la moyenne européenne pour ce qui est de la proportion de détenus parmi la population, avec 105 détenus pour 100 000 habitants. La justice de notre pays, ni laxiste, ni d'une extrême sévérité, me paraît mesurée. L'Espagne et l'Allemagne incarcèrent moins, encore qu'en Allemagne, de même qu'aux Pays-Bas, le conseil de l'ordre ne comptabilise pas comme détenus des personnes privées de liberté dans des centres de sûreté. L'Italie et l'Angleterre, à la tradition pourtant libérale, incarcèrent beaucoup plus que la France.

L'érosion des peines est souvent reprochée à la justice. La France reste l'une des démocraties occidentales où les séjours en prison demeurent les plus longs, or ils s'allongent encore. De sept mois en moyenne voici une dizaine d'années, ils durent à présent près d'un an, alors que les Anglais ou les Allemands prononcent généralement des peines courtes.

La France occupe la cinquième place du classement des pays selon leur densité carcérale, après la Belgique, l'Italie, Chypre et la Turquie. Un taux d'occupation des prisons aussi élevé que le nôtre se ressent sur les conditions de travail du personnel pénitentiaire. La nécessité de construire des places de prison apparaît dès lors évidente, pour des raisons de dignité et de sécurité. Je regrette les retards pris sur ce sujet essentiel, car le surencombrement grippe tous les rouages d'un établissement, bien au-delà du seul problème de la dignité, même si je considère qu'il n'y a rien à gagner à humilier des êtres humains. L'utilité de la prison apparaît bien moindre dans des conditions de suroccupation, qui se traduisent par un plus fort taux de récidive.

La vétusté du parc pénitentiaire s'avère une autre faiblesse, en dépit d'améliorations du parc existant depuis une dizaine d'années. J'espère que des plans de rénovation se mettront en place au prochain quinquennat. Certains ont déjà été annoncés à Fresnes et Poissy.

Il faudrait en outre mieux coordonner les politiques pénales et pénitentiaires, intimement liées.

À l'administration pénitentiaire, en bout de chaîne, est souvent assignée une mission de quasi-réussite totale, là où tous les autres dispositifs ont échoué, famille, école, services sociaux, etc. Les études sur les taux de récidive présentent des résultats constants, conformes au reste de l'Europe. Un peu plus de 40% des détenus retournent en détention dans les cinq ans suivant leur libération. Au vu des caractéristiques des publics que nous traitons, une telle proportion ne me paraît pas complètement honteuse.

Une meilleure connaissance de la récidive et de la réitération pourrait toutefois améliorer le pilotage de la justice pénale. Nous ne disposons pour l'heure que de données brutes, or la complexité du phénomène mériterait une analyse plus fine, afin de mettre en évidence les dispositifs qui portent leurs fruits, et ceux qui fonctionnent moins bien.

Le dogme français de l'enseignement individuel, unique en Europe, mérite d'être interrogé. Je vous livre là un avis personnel, malgré mon devoir de réserve et de loyauté envers le gouvernement et le garde des sceaux. Depuis vingt ans, cette question a focalisé le débat sur les prisons, ce que je trouve dommage. Il faudrait prendre en compte la répartition du temps des détenus en fonction de leurs activités.

Beaucoup de pays ont opté pour une approche différente. En Espagne, l'administration pénitentiaire fait en sorte que les détenus consacrent le plus de temps possible, hors de leur cellule, à des activités utiles évitant les récidives. La cohabitation à plusieurs par cellule n'est dès lors pas jugée gênante, à condition que les détenus disposent de cellules adaptées et que leurs personnalités soient compatibles. Il arrive que des couples soient incarcérés ensemble en Espagne.

L'administration pénitentiaire s'adapte aux circonstances. Voici dix-huit mois, nul n'aurait cru qu'il lui faudrait affronter la pandémie de covid. Peut-être aurions-nous pu mieux nous y préparer comme, du reste, l'ensemble de la société française. De même, l'administration pénitentiaire s'est adaptée à la vague de radicalisation islamiste de 2014 et 2015, et à l'afflux de terroristes d'un genre nouveau, auxquels nous ne nous attendions pourtant pas. Nul doute qu'elle réussira également à faire face, à l'avenir, à des priorités que nous n'avons pas encore décelées.

Le modèle français, équilibré, de prise en charge de la radicalisation n'a pas à rougir des comparaisons avec d'autres pays, d'autant que notre administration pénitentiaire est celle qui a dû traiter le plus grand nombre de personnes radicalisées et de terroristes islamistes, en milieu fermé mais aussi ouvert.

Je suis convaincu que la prison doit rester un lieu de droit, d'autant que je vois là un outil de lutte contre la récidive. Les deux tiers du public que nous prenons en charge sont incarcérés pour des faits de violence et donc accoutumés à un mode de communication niant la personnalité de l'autre. Le droit permet de comprendre qu'il existe d'autres possibilités d'avancer idées et revendications. Cette question rejoint celle de l'intégrité physique et de la sécurité.

Je m'engage à mettre en place un grand plan de lutte contre les violences, à l'instar de ce qui a été mis en œuvre en 2008 et 2009 pour lutter contre les suicides. Nous ne pouvons pas nous résoudre à subir des violences, sans pour autant nier que l'enfermement peut susciter des réactions de ce type. Il faut absolument assurer la sécurité aussi bien des personnels que de ceux qui leur sont confiés.

Je tiens en outre à rendre utile le temps de prise en charge pénitentiaire. La prison a pour premier effet de mettre hors d'état de nuire à la société des personnes considérées comme dangereuses mais, dans le dispositif français, à de rares exceptions près, les détenus finissent par sortir. Il faut donc faire en sorte qu'ils recouvrent la liberté dans un meilleur état que lorsqu'ils en ont été privés. Pour crédibiliser les mesures en milieu ouvert, citoyens et magistrats doivent comprendre qu'elles peuvent servir à quelque chose. Plutôt que d'enfermer quelques mois pour des actes d'une gravité relative quelqu'un qui passera son temps à regarder la télévision et fomenter de mauvais coups, il vaut mieux lui assigner une fonction en milieu ouvert.

Je souhaite mener un travail sur ces sujets. Le garde des sceaux a signé avec les trois principales organisations syndicales, y compris la confédération générale du travail (CGT), une charte sur le rôle du surveillant acteur, en lien avec la réforme des réductions de peines, pour mieux impliquer les surveillants dans ce qui a lieu en détention. Les avancées passeront par des exigences accrues de la société vis-à-vis du contenu des peines.

Des progrès restent également à réaliser en termes quantitatifs à propos du milieu ouvert. Il faudra investir si nous voulons crédibiliser celui-ci. Rappelons qu'une place de prison coûte 220 000 euros d'investissements et une journée de détention, 110 euros. Malgré les programmes qui se succèdent depuis une vingtaine d'années, les CPIP, dont l'effectif a augmenté de 20% en trois ans, demeurent trop peu nombreux. Leur augmentation dans les prochaines années permettra un meilleur suivi des détenus. Le caractère pluridisciplinaire de ce suivi devra se renforcer, puisqu'il concerne des personnes très abîmées par la vie, rencontrant des difficultés variées. Des assistants des services sociaux, des psychologues, des éducateurs et des surveillants assisteront bientôt les CPIP, à la vocation essentiellement criminologique.

Nous avons comblé une bonne part de notre retard en matière de criminologie. Nous disposons de méthodes d'intervention qui fonctionnent, comportant une évaluation préalable assortie d'un programme d'accompagnement et de contrôle. Ce programme s'intéresse à l'intégration sociale ainsi qu'au passage à l'acte afin d'inculquer les règles à respecter en société par rapport à autrui.

Nous avons affaire à un public très carencé socialement. Sans verser dans une lecture marxiste de la délinquance, certaines caractéristiques tendent à y faire basculer. Il faut travailler avec l'ensemble des services de l'État et des collectivités locales sur ces questions, par la lutte contre l'illettrisme, le suivi de thérapies, l'accès au logement, la formation professionnelle, etc.

Nous expérimentons, dans les SPIP, des dispositifs de probation à l'anglaise consistant à impliquer la société civile dans l'accompagnement des anciens détenus à l'extérieur. On l'ignore souvent, mais l'un des facteurs essentiels de récidive, outre le sexe, l'âge et l'ancrage dans la délinquance, reste l'isolement social. Il est donc important qu'un ancien détenu bénéficie d'une présence amicale quand il sent qu'il va flancher. Ces dispositifs permettent par ailleurs à la société de comprendre que la lutte contre la récidive reste l'affaire de tous.

L'indépendance de l'administration pénitentiaire, grande administration régalienne, par rapport à l'institution judiciaire et aux préfets, ne doit pas éclipser sa participation à d'importantes politiques publiques. Outre qu'elle prévient la récidive pour garantir la sécurité de nos concitoyens, l'administration pénitentiaire lutte à sa mesure contre le terrorisme, la radicalisation et l'immigration clandestine, et participe à des politiques de santé publique.

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Le rapport du gouvernement relatif à l'évaluation du taux de récidive et de réitération des personnes ayant exécuté une peine ferme, en fonction des conditions générales de leur détention, voté en même temps que la loi sur la protection de la jeunesse (LPJ), ne nous a pas encore été remis alors qu'il était attendu le 31 décembre 2020. D'après vos propos, il est prêt.

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Ce rapport n'est pas encore complètement achevé. Il ne dépend pas des services de l'administration pénitentiaire. Vous aurez un premier livrable sous peu, et le reste ne manquera pas de suivre.

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Lors de l'examen de la LPJ, la garde des sceaux d'alors nous avait annoncé une étude épidémiologique. Savez-vous où elle en est ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Il nous apparaît nécessaire d'étayer nos impressions sur des certitudes scientifiques. L'une des études épidémiologiques prévues, la plus intéressante, ne verra pas le jour, à moins que nous renouvelions un appel d'offres. Une autre, de moindre envergure, sur la santé des détenus, suit son cours. Les résultats vous en seront communiqués.

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Il est désespérant de constater que ce qui nous est annoncé depuis trois ans en est encore au stade de l'appel d'offres. J'interrogerai le garde des sceaux à ce propos. Si nous voulons traiter correctement les troubles psychiatriques en prison, la moindre des choses est de disposer d'un état des lieux le plus précis possible.

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Je remercie d'abord les agents pénitentiaires qui ont traversé, durant la pandémie, une période extrêmement difficile. Ils ont réussi à contenir la propagation du covid, malgré leur charge de travail encore accrue par l'isolement des détenus en l'absence de visites.

Dans les établissements pénitentiaires, le travail a été mis entre parenthèses durant l'épidémie. Ses modalités d'exercice varient d'une prison à l'autre, selon les entreprises impliquées, le nombre de détenus y ayant accès et l'accompagnement nécessaire. Nous avons proposé, via la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, des modifications de l'accès au travail et des possibilités de réduction de peine. Pensez-vous qu'il sera aisé d'appliquer ces mesures pour qu'en exerçant une activité en vue de leur réinsertion, les détenus apportent une aide financière à leur famille ou une compensation à leurs victimes ?

En Europe, c'est la France qui a enregistré le plus grand nombre de suicides en prison : 119 l'an dernier. Les actions de prévention et la volonté de disséminer les bonnes pratiques ne semblent pas suffire. Je relie les difficultés des détenus à celles du personnel, dont le taux de suicide a lui aussi été mesuré, sans même parler des burn-out. Comment parvenir à réduire ces taux ? Certains agents pénitentiaires souffrent par ailleurs de troubles psychiatriques du fait des agressions commises sur eux par des détenus.

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Vous avez rappelé le paradoxe de la surpopulation des établissements carcéraux, au regard des centres de semi-liberté presque vides. Les mécanismes de régulation carcérale que nous avons mis en place permettront-ils aux parties prenantes de rétablir un équilibre par un phénomène de vases communicants ?

Le parlement a voté, en mars dernier, suite à l'injonction du conseil constitutionnel, une nouvelle voie de recours pour les détenus estimant les conditions de leur détention indignes et inhumaines. Escomptez-vous une publication rapide des décrets d'application ?

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Un certain nombre d'incendies se sont déclarés en prison. Disposez-vous de chiffres à ce sujet ? Des dispositifs de prévention ont-ils été mis en place ?

Une mission d'inspection devait être diligentée en vue d'améliorer les dispositifs d'extraction judiciaire, dont les dysfonctionnements ont été signalés. J'ai interrogé le garde des sceaux à ce propos. Que pouvez-vous nous en dire ?

Le taux d'occupation de la prison de Varces, à son niveau historique le plus bas à l'issue du premier confinement, atteignait alors 124%. La volonté de construire des places de prison se heurte à des difficultés de foncier mais aussi de réaction de la population et des élus locaux. Comment progresser si nos concitoyens ne prennent pas conscience de la nécessité d'une telle politique ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

J'ai confiance dans le nouveau projet de loi, équilibré, sur la confiance dans l'institution judiciaire. Certains pays ont fait l'expérience d'un droit en prison si parfait qu'il en est devenu virtuel. Presque plus aucun détenu ne travaille en Italie. Le mécanisme prévu par la loi française, plus raisonnable, promeut la dignité des détenus. L'une des avancées majeures porte sur la possibilité pour un détenu de percevoir une allocation chômage après sa libération et de cotiser, en prison, pour sa retraite.

La pandémie a, paradoxalement, rendu plus attractif encore le travail en prison. L'époque de la délocalisation à outrance en Chine touche à son terme. Peu de dispositifs offrent autant de souplesse que le projet de loi et la relation de proximité des établissements pénitentiaires avec les donneurs d'ordre. Je me montre donc optimiste. L'agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle (ATIGIP) se bat résolument en faveur de ce sujet.

Je partage votre préoccupation quant au taux de suicide. En tant que sous-directeur des personnes placées sous main de justice auprès de Claude d'Harcourt, je me suis notamment occupé du grand plan de lutte contre les suicides, avec l'éminent professeur en psychiatrie qu'est le Pr Terra, spécialiste de la question. Je regrette l'absence d'une étude comparative sérieuse entre les taux de suicide de la population carcérale et d'une autre population aux caractéristiques identiques à l'extérieur. La population carcérale étant soumise à tous les facteurs identifiés de sursuicidité, il conviendrait de mesurer la part de l'incarcération dans les passages à l'acte.

Pour améliorer la situation, il faudrait d'abord mieux responsabiliser les détenus qui, après tout, se sont montrés très raisonnables pendant la crise pandémique. Le dispositif des codétenus de soutien, importé d'Espagne et d'Angleterre, devrait permettre d'impliquer les détenus eux-mêmes dans la prévention des suicides. Il produit de très bons résultats dans les 25 établissements où il a cours. Je souhaite au moins doubler leur nombre l'an prochain.

La mobilisation de la communauté carcérale dans son ensemble revêt elle aussi son importance. Les directeurs d'établissement doivent être avisés des confrontations qui tournent mal. Il faudrait que l'information circule de manière plus fluide auprès des avocats et des visiteurs de prisons. Cette fluidité de l'information compte d'autant plus que l'administration tend à fonctionner en tuyaux d'orgue.

J'ai assisté, ces derniers mois, à deux cérémonies d'obsèques de surveillants décédés de la covid. Notre dispositif, très élaboré, de prise en charge de ces surveillants s'appuie notamment sur un réseau de psychologues de soutien, que la police nationale nous envie. Au-delà des crises et des traumatismes, peu de métiers s'avèrent aussi stressants que celui de surveillant de prison. Maintenir l'ordre et la discipline parmi 100 détenus sur une coursive à Fresnes grâce à son seul savoir-faire ou savoir-être m'apparaît admirable mais extrêmement usant. Il faut œuvrer à l'amélioration des conditions de travail des surveillants, qui passera par l'amélioration des conditions de vie des prisonniers, afin d'apaiser les tensions.

Nous œuvrons par ailleurs à combler le déficit de personnel pénitentiaire par des recrutements. Il pourrait être intéressant d'indexer le nombre de surveillants sur le taux d'occupation des établissements. Malgré leurs inquiétudes et leurs angoisses, les agents ont trouvé la période de la pandémie plus favorable au développement de relations d'un autre type avec les détenus.

J'estime insupportable qu'il subsiste des cellules vides alors que d'autres accueillent trois détenus. L'octroi d'un régime de semi-liberté dépend des magistrats. J'ai fait du lobbying auprès de ceux de Versailles pour remplir les quartiers et centres de semi-liberté des Yvelines alors que le taux d'occupation de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy frôlait les 180%. Il faut donc convaincre. Je souhaite que soient remplis, d'ici aux vacances judiciaires, les centres de détention où subsistaient 3 000 places vides à l'issue de la crise pandémique.

Je suis extrêmement sensible à la question des conditions de détention indignes. En tant que directeur inter-régional (DI) des services pénitentiaires de Paris, j'ai dû faire face à 40 recours, alors même qu'aucun dispositif n'entourait leur instruction. Je vous remercie, législateurs, de vous être emparés de ce sujet. Vous avez voté une loi mesurée, qui prévoit des délais suffisants pour instruire les demandes. J'ai, comme vous, hâte que son décret d'application entre en vigueur, ce qui ne saurait tarder puisqu'il se trouve entre les mains du conseil d'État.

La prison de Varces compte parmi les plus compliquées à gérer de France. Sa suroccupation a conduit à son délabrement, par manque de crédits, d'autant que la gestion déléguée n'existait pas à l'époque de sa construction. Il faut que des travaux s'y déroulent.

Je vous faisais part de mon souci de l'intégrité physique de toutes les personnes en détention. Entre 2 et 5 personnes succombent, chaque année, des suites d'un incendie, parfois volontaire, en cellule. Nous œuvrons à résoudre ce problème en améliorant la qualité des matelas, quoique l'administration pénitentiaire en utilise déjà d'un haut niveau de sécurité. Se pose aussi la question de la conformité des établissements à la réglementation, différente selon leur date de construction. Les règles habituelles en matière de plan de secours dans un établissement public s'avèrent inapplicables en milieu carcéral. Un plan de levée de réserves a été mis en place sur une durée de trois ans dans les établissements contrevenant aux normes. Nous tenterons d'installer des détecteurs de fumée, y compris dans les quartiers où ils ne sont pas obligatoires.

Il faudrait mener un travail de recherche sur la gestion administrative des EJ. Des décisions ont été prises dans la précipitation sans qu'aucune étude d'impact soit menée. Les surveillants prennent mieux en charge les détenus que les policiers. Les magistrats le confirment. Cependant, malgré nos efforts, nous avons beaucoup peiné à obtenir les moyens nécessaires pour que tout se passe au mieux.

L'administration pénitentiaire assure 92% des 150 000 EJ programmées par an, libérant ainsi du temps aux policiers et aux gendarmes pour leurs autres tâches. Plusieurs établissements en Rhône-Alpes, ceux de Chambéry, Grenoble et Valence, posent des difficultés que nous travaillons à résoudre. Le rapport de l'inspection conjointe a été remis aux deux ministres. À condition de disposer de moyens, ce qui se décidera en principe dans les jours qui viennent, je réaliserai des efforts en termes d'organisation. En région parisienne, malgré un important déficit d'agents, nous relevons moins d'1% d'impossibilité de faire.

Je déplore, comme vous, le manque de prisons nouvellement construites. Certains élus tiennent, au parlement, un autre discours que dans les territoires. Ils prônent la sécurité par l'incarcération sans accepter de prison dans leur circonscription. Il convient de créer des établissements au plus près des besoins. Un programme de construction de 15 000 places a vu le jour. Quatre-vingt-dix pour cent des sites ont été trouvés, y compris en Île-de-France. Déjà, 3 000 places ont été livrées. D'ici 2023, 5 000 autres suivront. Des annonces claires ont porté sur le programme « 8 000 » qui viendra ensuite.

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Nous avons voté un budget de 4 milliards d'euros pour ce plan prison prévoyant la construction de 15 000 places. L'estimez-vous suffisant ? Dans le cadre de nos visites d'établissements pénitentiaires dans nos circonscriptions, nous n'avons pas constaté d'évolution notable de la surpopulation carcérale ni de l'état de vétusté des maisons d'arrêt, depuis 2018, malgré les engagements pris en ce sens.

Serait-il possible que la commission des lois suive de près la mise en œuvre de ce plan « 15 000 » ? Une réflexion suit-elle son cours sur les 10% de sites restant à désigner ? La représentation nationale apprécierait que votre administration la tienne régulièrement informée de l'état d'avancement des chantiers.

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Un rapport du gouvernement relatif à l'état d'avancement du programme de construction des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) a été remis au parlement. J'estime en tout cas, comme vous, nécessaire un rapport sur les progrès dans la mise en œuvre du plan prison.

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J'ai entendu beaucoup d'éloges à votre sujet, notamment à propos du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand. Les surveillants y réalisent un travail de grande qualité. Ils ont su, pendant la crise du covid, manifester une réactivité tout à fait exemplaire, dont la presse s'est fait l'écho.

Nous demeurons dans une relative ignorance par rapport au plan prison, or ce dispositif nous interroge. Nous nous sommes mobilisés avec des élus de Saône-et-Loire pour trouver dans notre département un terrain susceptible d'accueillir un établissement. Sa construction a toutefois été rapidement abandonnée après son annonce. Sachez que sur les 10% d'assiette foncière qui vous manquent encore subsiste cette possibilité.

Menez-vous une réflexion partagée sur les centres éducatifs fermés (CEF), relevant de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ? Travaillez-vous ensemble, selon des critères consensuels, de manière à ce que les projets de construction d'établissements ne s'excluent pas l'un, l'autre, au regard d'une volonté locale d'accueillir à la fois CEF et places de prison supplémentaires ?

J'ai apprécié de vous entendre souligner que la France ne se montre pas plus sévère que d'autres pays et que la construction de prisons ne va pas renforcer l'emprisonnement mais garantir une insertion de meilleure qualité. Il a été question de numerus clausus avec la contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Il faut, selon moi, privilégier le pouvoir de trancher du juge.

Quoi qu'il en soit, comment gérer la surpopulation carcérale ? L'aménagement des fins de peines à la faveur de la crise sanitaire a donné de très bons résultats. Le spectre de telles mesures aurait pu être élargi. Les juges disposent-ils d'une plateforme numérique leur permettant de connaître en temps réel le nombre de places en prison, non pour infléchir leurs décisions mais mieux en mesurer la portée ?

Vous rapprochez-vous du ministère de l'éducation nationale au sujet de l'enseignement individuel, qui suscite, en moi aussi, de nombreuses interrogations ? Beaucoup d'enseignants en prison se plaignent d'un statut moins satisfaisant que celui dont ils bénéficieraient dans des établissements scolaires. Je me permets d'insister, sans esprit de polémique, car j'ai posé la question voici trois ans déjà, sans résultat.

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Les travaux que vous lancez sur les violences en détention se concentrent sur les violences des détenus envers les surveillants et leurs codétenus. La violence des surveillants envers les détenus, méconnue, existe toutefois. Vos travaux porteront-ils sur elles aussi ? Je l'espère, car nous avons tous à gagner au recul des violences en détention, dues en grande part à la surpopulation.

Je me suis rendu la semaine dernière à Fleury Mérogis où se pose un problème de logement aux élèves surveillants, arrivant par centaines sur place. Une audition avec le groupe d'études prison, voici deux ans et demi, nous avait indiqué que ces difficultés étaient réglées, or nous avons constaté qu'il n'en est rien. Ne serait-il pas possible de leur trouver enfin une solution, au moins par respect vis-à-vis des personnels qui, souvent, viennent des outre-mer ?

Je n'aborderai pas la réduction du congé bonifié de deux mois à un, même si je ne comprends pas ce qui la justifie.

Vous avez reçu une lettre ouverte de l'ensemble des directeurs de SPIP, souvent mis en cause, ces derniers temps, à propos de faits divers. Quelles suites comptez-vous lui donner ? Ces SPIP servent de fusibles dans ce genre d'affaires, avant que ne soit ordonnée une inspection de l'inspection générale de la justice (IGJ).

Pourriez-vous nous transmettre les résultats détaillés des dernières élections dans les établissements pénitentiaires ?

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Un grand quotidien national a rendu publique, vendredi dernier, une note de l'institut pour la justice (IPJ), dirigé par Pierre-Marie Sève, dénonçant une surreprésentation des étrangers, qui comptent pour près d'un occupant sur trois des prisons. Selon cette note, 54% viendraient de l'Afrique et du Maghreb et 33%, d'Europe de l'est. Fort heureusement, cette note, publiée à la veille du silence républicain qui précède un scrutin électoral, n'a pas encore fait l'objet d'une exploitation politique et médiatique. Une incapacité à clarifier son contenu pourrait toutefois conduire à la tentation d'une surenchère pénale, à laquelle certains ont déjà succombé. La méthode employée pour aboutir à cette note vous semble-t-elle opportune et les chiffres qu'elle avance, crédibles ?

Pourriez-vous nous communiquer des informations sur les violences exercées à l'encontre du personnel pénitentiaire hors de l'enceinte carcérale ? Votre grand plan de lutte contre les violences en milieu carcéral comportera un volet qui leur sera consacré.

Enfin, que préconisez-vous, en termes de statut ou de rémunération, pour rendre plus attractive la profession de surveillant pénitentiaire ?

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Le placement extérieur, bien qu'il semble une modalité d'exécution de fin de peine prometteuse, reste fort peu utilisé. Quels efforts l'administration pénitentiaire et le ministère mettent-ils en œuvre pour développer ce dispositif ?

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Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire

Quatre-vingt-dix-huit pour cent, soit la quasi-totalité des 7 000 places de détention devant être livrées durant le présent quinquennat, sont en phase opérationnelle. Tous les terrains ont été acquis. Les programmes fonctionnels sont validés. Le choix des groupements est effectif à 95%. Les travaux de construction de plus de la moitié de ces places ont débuté. L'année 2023 verra l'inauguration, outre des SAS de petite dimension, de grands établissements : ceux de Caen-Ifs, Troyes-Lavau, Bordeaux-Gradignan, en partie, et Basse-Terre. Celui de Lutterbach ouvrira en octobre prochain, suivi en 2022 par celui du Koné, en Nouvelle-Calédonie. Sans être directement en charge de ce programme de construction, j'en suis l'avancement de près, en espérant qu'il ne prendra pas de retard. Il me parait tout à fait légitime que les députés en soient informés.

Le budget de l'immobilier est confronté à trois questions, dont celle de la maintenance. De nombreux progrès ont été réalisés. La gestion déléguée de la moitié du parc s'appuie sur des contrats comportant des garanties. Les établissements concernés ont moins mal vieilli que les autres. En tant que jeune directeur d'établissement pénitentiaire, je m'opposais à cette gestion initiée par le ministre Chalandon. Avec le recul, elle me semble toutefois une bonne chose, les fonctionnaires n'étant pas les mieux à même d'entretenir les bâtiments.

Cent trente à 140 millions d'euros sont nécessaires pour entretenir l'autre moitié du parc. Depuis quelques années, la représentation nationale nous les accorde.

Enfin, certains établissements particulièrement vétustes comme à Varces, Poissy ou Fresnes requièrent un plan massif de rénovation. Il reviendra au prochain quinquennat de mobiliser les sommes correspondantes.

L'agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) gère le programme de construction d'établissements neufs.

J'avoue mon ignorance quant aux CEF gérés par la PJJ. Je ne m'occupe que de la carte pénitentiaire pour les mineurs. Rappelons que 800 d'entre eux sont incarcérés en établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Je pense comme vous qu'il convient de trouver une cohérence entre ces dispositifs infra-pénitentiaires et les EPM.

J'espère que tout le monde se montrera raisonnable désormais et que les prisons ne se retrouveront pas submergées de détenus. Je m'avoue assez inquiet. J'assume et revendique même le côté répressif de mon métier. Nous ne saurions faire abstraction du principe de réalité, y compris en ce qui concerne la récidive, dont le risque augmente avec la surpopulation carcérale. S'il me paraît indispensable d'enfermer certaines personnes, je garde des doutes sur l'opportunité d'une telle mesure appliquée à d'autres.

Un dispositif que vous avez voté m'apporte un espoir, celui de la libération sous contrainte (LSC) automatique pour de courtes peines et des reliquats de peine très réduits. Elle pourrait concerner de 3 500 à 4 000 détenus. Il me semble dans notre intérêt de laisser sortir ces personnes via un mécanisme permettant de les contrôler à la première incartade.

L'information des magistrats est permanente. Parfois, même, en tant que DI de Paris, je les indisposais par la quantité d'informations que je leur transmettais, or je n'étais pas le seul parmi mes collègues à agir ainsi. Je souhaite que leur soit communiquée, par département, une offre pénitentiaire crédible indiquant le nombre et le type de places de prison, de places en placement extérieur et de bracelets disponibles, ainsi que tous les mécanismes susceptibles de donner un contenu aux peines de probation.

Les enseignants, depuis deux ou trois ans, font régulièrement la grève des remontées d'information. J'ai écrit à mon collègue de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) pour régler cette question de primes non alignées. Je rends en tout cas hommage à ces enseignants pour l'œuvre très utile qu'ils mènent en termes de prévention de la récidive.

Je ne nie pas les violences des surveillants envers les détenus mais ne les surestime pas non plus. Elles restent en tout cas inadmissibles. La reconnaissance majeure que je souhaite pour le personnel pénitentiaire doit aller de pair avec son exemplarité. Sans vouloir tout mélanger, je garde un œil aiguisé sur ce phénomène, que je tiens à mieux connaître. Son suivi et son traitement éviteront en outre les amalgames. Toute profession compte des brebis galeuses, mais nous n'en dénombrons pas plus parmi les surveillants de prison qu'ailleurs.

Nous vous informerons du résultat des dernières élections dans les établissements pénitentiaires.

Je ne suis pas adepte des lettres ouvertes, préférant m'exprimer à visage découvert. Les directeurs de SPIP savent que je leur ai apporté un soutien entier. Le site de la DAP indique ainsi que je me suis déplacé à Rouen, vendredi dernier, dans ce but. J'ai moi-même été auditionné par des missions d'inspection et ne nie pas le malaise de ces directeurs de SPIP. L'obligation de moyens n'équivaut pas à une obligation de résultats. Il faut garder la tête froide. Si une défaillance est avérée, il convient d'y remédier, sans toutefois verser dans les amalgames. Il n'appartient pas au DAP de commenter l'actualité mais d'agir. Nul ne gagnera à opposer la police et la gendarmerie, d'une part, à la justice, de l'autre. Exerçant tous un métier difficile, nous devons tous œuvrer dans le même sens, sans sombrer dans des polémiques stériles.

J'ai lu la note de l'IPJ. Nos prisons hébergent 23% d'étrangers, un chiffre en très légère augmentation. Parmi eux, une moitié viennent du Maghreb, les personnes originaires de cette région étant de toute façon surreprésentées parmi les étrangers en France pour diverses raisons historiques. Je m'accorde avec vous à considérer ces sujets trop importants pour les traiter de façon polémique.

En tant que DI de Paris, j'ai vécu 5 incursions violentes à Fresnes, dont une a failli coûter la vie à un père et sa fille dans un incendie. Hier encore, j'ai été en communication avec un agent agressé alors qu'il portait secours à une jeune femme, elle-même victime d'une agression. Une crise en France touche les professions chargées de la sécurité publique. J'estime inadmissible que les agents pénitentiaires continuent à craindre pour leur sécurité, de retour chez eux. Je tiens à les protéger. Nous allons sécuriser les domaines, sans pour autant les convertir en bunkers.

Je compte lancer un grand plan de protection des domaines pénitentiaires, prévoyant la mise en place d'équipes locales de sécurité pénitentiaire. Il faut améliorer les dispositifs d'alerte. Je souhaite également établir une meilleure communication avec les parquets afin d'informer les agents des suites de leurs plaintes. Si ces mesures ne suffiront sans doute pas à éradiquer les violences, nous devons au moins aux agents un soutien et ne pas rester les bras ballants.

Vous avez constaté mon enthousiasme pour l'administration pénitentiaire et les agents qui la servent. Son utilité sociale mérite d'être mieux connue, de même que sa dimension humaine. Les métiers impliqués, très divers, permettent, plus qu'ailleurs, des promotions sociales. Je me bats pour une amélioration des statuts et des rémunérations, certes raisonnée.

Concernant le placement extérieur, sans tout déconstruire pour reconstruire ensuite, il convient de remettre les choses à plat. J'y vois un dispositif extrêmement intéressant, notamment en cas de violences conjugales, pour limiter les incarcérations, d'autant qu'il présente des garanties supérieures à d'autres aménagements de peine. Il faut l'utiliser et en discuter avec les associations pour revoir les prix de journée, afin que ceux-ci correspondent aux services offerts : hébergement, suivi psychologique, traitement psychiatrique ou accompagnement social. Les associations doivent, de leur côté, être transparentes sur leurs autres sources de financement.

J'interrogerai le nouveau DI de Paris sur la question des logements, de toute manière complexe pour tous les jeunes fonctionnaires et en particulier ceux qui viennent des outre-mer, ce qui est le cas de plus de la moitié des agents stagiaires en Île-de-France.

Des actions uniques sont toutefois menées en leur faveur. Tous les surveillants, à leur arrivée en région parisienne, sont gracieusement logés pendant un mois en foyer ou à l'hôtel. Une politique volontariste a en outre été mise en place. Le service des ressources humaines de la DI indique aux futurs fonctionnaires à l'École nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) quels documents leur seront demandés. Le jour même de leur arrivée, leur établissement d'affectation les reçoit. Une offre d'hébergement doit leur être proposée en moins d'un mois.

Lors de mon arrivée à la DI de Paris, voici cinq ans, tous les week-ends suivant l'affectation de stagiaires, des syndicalistes menaçaient de planter des tentes aux abords des établissements pénitentiaires. Deux ans après, ce n'était plus le cas. Des progrès ont donc eu lieu.

Nous avons passé des conventions avec la société nationale des chemins de fer français (SNCF), la régie autonome des transports parisiens (RATP) et même des agences immobilières pour favoriser les colocations, qui permettent en outre de lutter contre l'isolement. Nous mobilisons jusqu'aux préfets. Je vous accorde que ce dispositif devrait être plus simple. Nous y regarderons de nouveau de plus près. Quoi qu'il en soit, il revient aux agents, à partir de nos propositions, d'effectuer eux-mêmes les démarches. Notons que certains élus locaux se mobilisent, à Fleury ou à Bois-d'Arcy, par exemple.

La réunion se termine à treize heures cinq.

Membres présents ou excusés

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.