Intervention de Éric Paumier

Réunion du mardi 29 juin 2021 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Éric Paumier, co-président de Hopps Group :

Nous vous remercions de votre invitation, qui nous donne l'occasion de nous exprimer officiellement, pour la première fois, sur le sujet qui nous réunit aujourd'hui. Beaucoup de choses ont été dites dans la presse, mais nous avons décidé de ne pas nous y exprimer, préférant être à la tâche aux côtés de nos salariés. Nous souhaitons ici rétablir certaines vérités, et en tout cas vous dire la nôtre.

Je remercie l'ensemble de nos collaborateurs – plus de 20 000 personnes – qui ont participé à cette opération et qui ont travaillé ardemment, comme vous le savez sans doute, dans des conditions quelque peu difficiles.

Pour faire une présentation rapide, en 2012 nous avons repris la société Adrexo Colis, alors en grande difficulté, que nous avons rebaptisée Colis Privé. C'est alors qu'a été créé Hopps Group, qui a repris d'autres entreprises œuvrant dans le secteur de la logistique et connaissant des difficultés importantes. Nous employons 22 000 collaborateurs, dont 97 % sont en CDI, un statut dont nous sommes de fervents défenseurs : au-delà de leur projet économique et industriel, Hopps Group et sa filiale Adrexo mènent en effet un projet social. À ce propos, je précise qu'Adrexo emploie elle-même 17 000 de ses 22 000 collaborateurs.

Le 3 janvier 2017, le groupe Spir Communication nous a cédé sa filiale Adrexo, une entreprise en très grande difficulté qui subissait près de 40 millions d'euros de pertes pour un peu moins de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires. Comme pour toutes les sociétés que nous avons reprises, nous avons choisi de ne pas engager de plan de sauvegarde de l'emploi ni de licenciements. Nos entreprises se développent par l'augmentation de leur chiffre d'affaires : aussi avons-nous décidé de diversifier largement l'activité d'Adrexo. La diversification majeure concernait la distribution du courrier adressé, cadre dans lequel entre l'acheminement de la propagande électorale. Nous nous y sommes lancés il y a trois ans, et l'entreprise réalise déjà un chiffre d'affaires important sur ce marché où elle se trouve bien sûr en concurrence avec La Poste.

Dans le cadre de l'appel d'offres dont nous parlons aujourd'hui, il nous a été attribué sept régions, soit cinquante et un départements. Adrexo étant la seule entreprise privée française capable de rivaliser avec La Poste dans ce type d'activité, elle a été la seule à répondre à l'appel d'offres. Le contrat doit durer quatre ans, et sa première année a été bien difficile, à plus d'un titre.

Tout d'abord, pour la première fois depuis de nombreuses années, deux élections se sont déroulées en même temps sur l'ensemble du territoire national. C'est quasiment inédit. En 2008, les élections régionales et cantonales ont été concomitantes, mais ces dernières ne concernaient qu'une partie du territoire et ne donnaient donc lieu qu'à une diffusion partielle de propagande électorale.

En outre, l'intervalle entre les deux tours n'était que d'une semaine, ce qui représente une très grande difficulté.

Notre travail préparatoire a bien sûr été compliqué par la situation sanitaire puisque, conformément aux instructions gouvernementales, un grand nombre de nos salariés ont été placés en télétravail.

Enfin, le 25 avril dernier, notre groupe a subi une cyberattaque. Nous avons évidemment prévenu le ministère de l'Intérieur, qui nous a accompagnés. Nous avons également été aidés par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui nous a permis de recouvrer toutes nos capacités informatiques. Cependant, cette cyberattaque nous a beaucoup affectés jusqu'à la troisième, voire la quatrième semaine du mois de mai, c'est-à-dire au début de la distribution de la propagande pour le premier tour. Nous nous sommes retrouvés sans informatique, sans ordinateur, sans feuille de route permettant d'envoyer un distributeur sur le terrain – en d'autres termes, le suivi de notre travail et la traçabilité de la diffusion étaient moins efficients. Nous n'avons retrouvé toutes nos capacités qu'à la fin du mois de mai ; nous les avions totalement pour le second tour.

Pour une entreprise comme la nôtre, qui emploie 20 000 salariés, la distribution de propagande pour de telles élections a représenté un défi énorme. Bien que notre métier consiste à distribuer des plis adressés à tous les Français, nous ne sommes pas du tout comparables à La Poste, qu'il s'agisse de l'ancienneté ou du nombre de salariés.

Nous n'avons pas à rougir du travail accompli avant le premier tour. Globalement, nous avons offert une qualité de service du même niveau que La Poste : 44 millions de plis ont été collectés et, pour une grande majorité d'entre eux, livrés. Environ 8 % des plis n'ont pas été distribués – je ne connais pas les chiffres de La Poste, mais j'ai entendu M. le ministre de l'Intérieur évoquer un taux de non-distribution de 9 %, ce qui est tout à fait comparable à l'échelle nationale. Nous convenons cependant que notre activité a été marquée par des disparités territoriales plus importantes.

La non-distribution d'un pli est, normalement, exclusivement liée à une adresse non conforme : concrètement, on ne trouve pas le destinataire à l'adresse indiquée. Que le distributeur soit La Poste ou Adrexo, la mise à jour des fichiers est donc un travail essentiel à mener en amont.

En ce qui nous concerne, nous avons également souffert d'un certain nombre de dysfonctionnements, dont la presse s'est largement fait l'écho. Nous avons notamment déploré des jets de documents : des plis ont été retrouvés dans des endroits divers, dans une forêt par exemple, mais en tout cas pas dans la boîte aux lettres de leur destinataire. Puisque vous nous demandez des chiffres précis, treize jets de documents ont été identifiés pour les deux tours – le treizième l'a été ce matin. Cela concerne 6 900 plis, sur les deux fois 44 millions de plis qui nous ont été confiés. Sur ce total, 5 200 plis ont été récupérés et livrés à leur destinataire dans les délais impartis, et 1 700 n'ont pu être relivrés, pour différentes raisons, soit qu'ils aient été brûlés, soit qu'ils aient été conservés par la gendarmerie, qui n'a pas voulu nous les rendre par exemple en Côte-d'Or. Tout cela a fait l'objet d'un traçage avec le ministère de l'Intérieur. Nous avons évidemment sanctionné et porté plainte contre les salariés qui se sont rendus coupables de tels agissements. Il s'agit de douze personnes sur 20 000. Je ne prétends pas que cela soit normal, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : cela n'aurait pas dû se produire. Mais nous avons réagi le plus vite possible de sorte que ces plis soient relivrés.

Nous assurons normalement la traçabilité des plis grâce à la Mobibox, un assistant personnel (PDA) utilisé par nos distributeurs. Parmi nos 8 % de plis non distribués au premier tour, 1,95 % sont considérés comme « non tracés » : nous ne sommes pas en mesure d'indiquer si ces 800 000 plis ont été bien distribués ou non. Je le répète, ces plis non tracés font bien partie des 8 % de plis non distribués.

Comme chacun a pu le constater, ce contexte général a conduit à une pression médiatique et politique hors norme, qui s'est traduite par une tension très forte au sein de notre réseau, sur nos salariés, nos intérimaires et tout l'encadrement de l'entreprise. Nous pouvons comprendre l'émotion naturelle des Français à propos de ce qui touche aux élections, mais nous déplorons que cela se soit traduit par des insultes à l'encontre de nos distributeurs dans la rue. Cette tension a été observée vers la fin de la distribution relative au premier tour.

Au début de la semaine du second tour, lundi 21 juin, nous avons été convoqués au ministère avec La Poste. Le ministre de l'Intérieur a constaté que les niveaux de service de La Poste et d'Adrexo étaient comparables – 9 % de plis non distribués – et nous a demandé de tout mettre en œuvre pour régler, en vue du second tour, un certain nombre de problèmes liés aux jets de documents ainsi qu'aux plis non tracés et non distribués. Nous savions que le second tour serait plus compliqué que le premier, puisqu'il n'y avait que deux jours de distribution. Le ministre nous a aussi demandé de mieux communiquer avec les préfectures. Nous avons donc mis en place une cellule de communication composée de cinquante à soixante personnes en contact direct avec les préfectures, dès le mardi précédant le second tour et pendant tout le temps de la distribution de la propagande électorale.

Je l'ai dit tout à l'heure, ce second tour était tout à fait exceptionnel : une semaine d'intervalle, et pour deux élections. Du jamais vu depuis trente-cinq ans je crois.

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