Je vous ai dit, mesdames et messieurs les députés, quelle était la réalité de la situation. Vous avez posé des questions légitimes.
Vous m'avez notamment demandé, monsieur Vigier, si nous étions capables de vacciner tout le monde au cœur de l'été. Aujourd'hui, 820 000 doses ont été administrées : ce mardi est le meilleur mardi depuis le début de la campagne vaccinale. Hier, 665 000 vaccinations ont été réalisées : c'était le meilleur lundi. Demain sera le meilleur mercredi, après-demain sera le meilleur jeudi, vendredi sera le meilleur vendredi. Les personnels qui vaccinent dans les centres sont héroïques : au cœur de l'été, ils arrivent à faire encore plus qu'au printemps. Évidemment, les pompiers et la Croix-Rouge sont largement mobilisés : je les ai vus dans les quelque 100 centres de vaccination que j'ai déjà visités. Tous les soignants et les agents des collectivités sont à la tâche et se battent, convaincus que la vaccination est l'urgence du moment, l'urgence de la décennie, peut-être même l'urgence du siècle. Des vaccins nous sont livrés toutes les semaines – le Premier ministre a donné les chiffres tout à l'heure. Nous avons 6,7 millions de vaccins à ARN messager en stock. Entre deux livraisons, nous devons veiller à ne pas descendre en dessous d'un stock de 3 millions, compte tenu de la nécessité de réaliser les deuxièmes injections. Reconnaissez d'ailleurs qu'aucun Français n'a été privé de sa deuxième injection parce que nous aurions mal géré les stocks : il n'y a pas eu de raté car, depuis le premier jour, la nécessité de compléter le schéma vaccinal des personnes ayant bénéficié d'une première injection a été notre préoccupation constante.
Certes, il y a des inquiétudes. Certaines agences régionales de santé (ARS) ont envoyé un message qui a été mal compris – sans doute parce qu'il était mal écrit – et qu'elles ont donc corrigé : aucun frein n'est mis sur les primo-injections au mois d'août. Il sera nécessaire de poursuivre celles-ci le mois prochain, alors même qu'il y aura énormément de rappels à faire puisque de nombreuses premières doses auront heureusement été administrées en juillet. Plus de 4 millions de vaccins nous sont livrés chaque semaine, et ce chiffre augmentera encore à partir de septembre grâce à la montée en puissance de Moderna, même si le rythme de livraison de ce vaccin n'a jamais été aussi stable que celui de Pfizer. Nous devons toujours tenir compte d'une marge d'incertitude et garder un peu de stock au cas où. Quoi qu'il en soit, nous sommes en mesure d'assurer la vaccination, d'ici à la fin du mois d'août, d'un pourcentage très important de la population – au-delà même des intentions vaccinales des Français, si l'on en croit les enquêtes d'opinion.
Certains souhaitent imposer le passe sanitaire au moment où nous aurons pu vacciner tout le monde. Mais ce jour-là, il n'y aura plus de passe sanitaire, puisque cet outil n'a de sens que si tous les Français ne sont pas encore vaccinés.
Le passe sanitaire est un vilain concept, un outil qui ne me plaît pas. Je ne renie rien de ce que j'ai dit devant le Parlement il y a trois mois : je ne souhaite pas que nous ayons à imposer un passe sanitaire pour les activités de la vie quotidienne. Mais je n'ai pas le choix. Ou plutôt si, j'ai le choix : je pourrais proposer, en conseil de défense, que soit envisagée la fermeture d'établissements recevant du public si la situation continue d'empirer. Je comprends parfaitement qu'un parent ait envie de proposer une glace à son enfant de 16 ans parce qu'il fait chaud, mais nous pourrions être contraints de fermer les terrasses.
Je ne fais pas ici de chantage. Nous nous connaissons bien : cela fait un an et demi que je suis ministre des solidarités et de la santé et ce projet de loi est le neuvième texte que je présente devant vous. Je ne vous ai pas menti, je ne vous ai pas trahis. Je vous ai demandé, au mois de mai dernier, de nous faire confiance et de nous laisser la possibilité de gérer l'urgence sanitaire au cœur de l'été, parce qu'il n'était pas sûr que la pandémie soit terminée ; vous avez souhaité que ces mesures s'arrêtent plus tôt, quitte à ce que nous repassions devant le Parlement en septembre. Or je suis devant vous en juillet. Je vous ai dit à plusieurs reprises que si nous ne disposions pas d'un certain nombre d'outils, comme il en existe à l'étranger, pour nous aider à lutter conte la crise sanitaire, nous n'aurions peut-être pas d'autre possibilité que de prendre des mesures plus restrictives encore. Je ne vous ai jamais menti, et je ne me considère pas du tout comme un Don Quichotte qui viendrait tenir devant le Parlement un discours de sachant.
Je vous dis les choses en toute transparence. Aujourd'hui, 18 000 cas ont été recensés. Le taux de reproduction R est de 2 : nous n'avons jamais connu pareille situation. Le nombre de contaminations pourrait doubler tous les quatre à cinq jours. Le 30 août, date à laquelle le passe sanitaire pourrait s'appliquer aux adolescents dans les ERP, nous pourrions être bien au-delà des 40 000 à 50 000 cas par jour que nous avons connus aux pics épidémiques des deuxième et troisième vagues. Je ne peux pas vous dire si le taux de vaccination actuel de la population nous permettra d'éviter une vague épidémique comme celles que nous avons déjà subies, autrement dit si la vague sera suffisamment écrêtée par la vaccination. Je ne peux pas non plus vous promettre que nous ne connaîtrons pas une vague très forte dès le mois d'août.
Mon rôle, en tant que ministre chargé de la santé, est de faire des propositions pour assurer la protection des Français et éviter le pire. Voyez-moi, si vous le souhaitez, comme un lanceur d'alerte un peu loufoque, un alarmiste ou un « enfermiste », j'ai l'habitude : je suis traité de cela à longueur de temps sur les plateaux de télévision par des gens qui assurent qu'on a tort, mais qui ne reconnaissent jamais qu'ils se sont trompés quand ce qu'on avait prédit finit par se réaliser. Plus nous amputerons le dispositif nous permettant de prendre des mesures d'urgence au cœur de l'été si la nouvelle vague venait à monter, plus nous risquons d'être obligés de prendre ultérieurement des mesures encore plus dures que celles dont nous sommes en train de discuter. Je serai honnête avec vous : je n'aime pas le passe sanitaire, mais je déteste davantage encore le couvre-feu ou le confinement, tels que nous les avons connus.
C'est une question de confiance. Il ne s'agit pas de faire une confiance aveugle au Gouvernement : il existe des outils de contrôle, je suis venu à chaque fois que j'ai été convoqué, et même davantage encore – je ne sais pas combien de fois je me suis présenté devant vous depuis un an et demi – et je reviendrai. Mais il s'agit là du « dernier » texte de loi, qui doit nous permettre de prendre les mesures adaptées. J'entends vos réticences, parce qu'on touche aux adolescents, parce qu'on aborde des choses qui relèvent de la vie quotidienne de nos concitoyens, parce que – je ne vais pas vous mentir – certaines personnes auront en effet du mal à compléter leur schéma vaccinal avant le 30 août, mais la réponse ne peut pas être que du coup, on ne doit embêter personne. Si la vague épidémique enfle, nous serons obligés d'embêter tout le monde. Chacun est libre de son vote, mais je vous aurai prévenus !
Le Gouvernement est très défavorable à la suppression pure et simple du passe sanitaire pour les adolescents. Il n'est pas non plus favorable à un report de son entrée en vigueur au-delà du 30 août, c'est-à-dire de la fin des vacances. Néanmoins, le Parlement est souverain et j'entends que le groupe majoritaire souhaite étendre la dérogation pour les adolescents jusqu'au 30 septembre. Je préfère encore que vous votiez cette disposition plutôt que la suppression du passe – mais je vous préviens que je n'en maîtrise pas les conséquences, et vous non plus.