Nous nous rejoignons sur un constat : l'affaire à l'origine de ce projet de loi a bouleversé la France entière. Le Président de la République est intervenu. Il a passé une commande à son garde des sceaux, qui est chargé de la politique pénale. C'est bien normal. J'espérais naïvement, monsieur Ciotti, que nous parlerions surtout de droit et que nous essaierions de régler, dans une forme de consensus, la difficulté mise au jour par l'affaire Halimi et soulignée par l'avocate générale près la Cour de cassation. Or, j'entends que l'examen de ce projet de loi est, pour vous, l'occasion de faire de la petite politique.
Le Président de la République n'a jamais dit qu'il fallait juger les fous : au contraire, il a considéré qu'il y avait là une ligne infranchissable. Par ailleurs, nous devons respecter les règles constitutionnelles. Vous proposez, comme à votre habitude, de définir une infraction sans intention. Je vous renvoie donc la petite pierre que vous avez jetée dans mon jardin en vous rappelant que le Conseil d'État, dont vous avez forcément lu l'avis, a considéré la disposition que nous vous soumettons « essentielle ». Évidemment, vous pouvez proposer la création d'une juridiction spéciale, d'une cour de sûreté de l'État dont les décisions ne seraient pas susceptibles d'appel, ou encore d'une peine rétroactive de cinquante ans de réclusion criminelle – vous ne vous embêtez pas trop avec la Constitution, ces derniers temps ! C'est votre droit mais je le regrette, car la justice ne doit pas servir de prétexte à la politique politicienne.