La réunion débute à 21 heures 15.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (n° 4387) (M. Jean-François Eliaou, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, rapporteurs).
Nous poursuivons l'examen de l'article 2 du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. La commission a déjà rejeté les amendements de suppression de cet article en fin d'après-midi.
Article 2 (suite) (art. 221‑5‑6 [nouveau], 221‑9, 221‑9‑1, 221‑11, 222‑18‑1 [nouveau] et 222‑45 du code pénal) : Répression de l'atteinte aux personnes résultant d'une intoxication volontaire
Amendements CL136 de M. Éric Diard, CL273 de M. Antoine Savignat et CL54 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune).
Je propose de distinguer les peines applicables à l'intoxication volontaire selon que celle-ci résulte de produits illicites ou de produits autorisés consommés en excès. Il ne me paraît pas concevable que l'on mette drogues et alcool sur le même plan. Les stupéfiants sont rigoureusement interdits, notamment en raison de leur dangerosité sur le comportement des toxicomanes. D'ailleurs, le meurtrier de Sarah Halimi est passé à l'acte après avoir consommé de la drogue.
Punir de la même manière une intoxication volontaire avec des substances, qu'elles soient licites ou non, enverrait un mauvais signal. C'est pourquoi je propose de distinguer les intoxications volontaires par la drogue et par l'alcool.
L'amendement reprend l'une des recommandations formulées dans le cadre de la mission d'information flash sur l'article 122‑1 du code pénal : à partir du moment où la responsabilité pénale de l'auteur d'un homicide peut être retenue, il serait préférable de criminaliser les faits. Puisque la société serait prête à admettre la responsabilité, il n'y a pas de raison objective d'en rester à un délit.
Alors que l'article 221-1 du code pénal dispose que le meurtre est puni de trente ans de réclusion criminelle, avec l'alinéa 5 de l'article 2, un homicide serait finalement puni de dix ans de prison et de 150 000 euros d'amende au motif qu'il aurait été perpétré après consommation de substances psychoactives.
Si l'on peut comprendre que ces substances aient pu altérer le discernement, et donc la conscience de la personne ayant commis l'infraction, il serait regrettable d'oublier qu'elle a consommé volontairement les substances en question en ayant tout à fait conscience des effets négatifs qu'elles pourraient entraîner. Il convient donc de porter la peine de prison encourue de dix à quinze ans.
J'ai du mal à admettre l'argument selon lequel s'intoxiquer avec des produits autorisés dans certaines limites, comme l'alcool ou les médicaments, serait moins grave qu'avec des stupéfiants.
Mais vous prévoyez des peines différentes ! Or, dans les deux cas, le résultat final est identique. Dès lors, il me semble que c'est le résultat qui doit primer sur la méthode. Encore une fois, ce qui est sanctionné, c'est le fait de se mettre en état d'inconscience sans prendre de précaution pour protéger autrui tout au long du délit, quel que soit le produit ingurgité. La faute reste la même ; la sanction doit rester la même. Quant au fait d'avoir consommé des stupéfiants, ce qui est interdit, rien n'empêche évidemment la juridiction de le réprimer en tant que second chef de poursuites. Je demande donc le retrait de l'amendement.
S'agissant des autres amendements, il est vrai que la peine de quinze ans de réclusion criminelle figure au nombre des recommandations de la mission d'information flash que mon collègue Antoine Savignat et moi avons menée ensemble. Si je rends hommage à sa constance, j'admets avoir évolué à la lecture de l'avis du Conseil d'État. Dix ans, c'est le tiers de la sanction d'un meurtre et c'est aussi la peine prévue pour des homicides aggravés par imprudence, ce qui se rapproche des infractions créées par le projet de loi. Le Conseil d'État a également relevé que c'était la sanction applicable en cas d'incendie volontaire ayant causé la mort d'une personne. La comparaison m'apparaît convaincante et raisonnable. En outre, la circonstance aggravante prévue à l'alinéa suivant permet de parvenir aux quinze ans de réclusion que nous envisagions. Je demande donc le retrait de ces amendements.
Quatre raisons font que je suis défavorable à l'amendement de M. Diard. Premièrement, il ne me semble pas utile de faire une telle distinction qui complique l'incrimination : c'est la gravité du dommage qui doit être prise en compte pour fixer la peine, non la nature du produit consommé. Deuxièmement, l'infraction est constituée parce que la substance consommée, quelle qu'elle soit, a entraîné l'abolition du discernement. Troisièmement, lorsque le code pénal aggrave la peine sanctionnant certaines infractions, comme les violences, il prévoit la même aggravation en cas d'ivresse qu'en cas de consommation de stupéfiants. Quatrièmement, la peine de quinze ans d'emprisonnement proposée ne figure pas dans l'échelle des peines correctionnelles.
S'agissant des amendements de Mme Emmanuelle Ménard et de M. Antoine Savignat, dix ans d'emprisonnement nous portent au maximum de l'échelle des peines correctionnelles. Par ailleurs, nous prévoyons quinze ans de réclusion criminelle lorsque la personne a déjà commis un meurtre dont elle aurait été déclarée pénalement irresponsable en raison d'un trouble mental résultant de la consommation de substances.
Je suis toujours navré que le Conseil d'État nous impose la loi, et plus encore que la rapporteure se range à son avis, faisant ainsi fi des dizaines d'auditions sereines et apaisées que nous avons menées sur ce sujet.
Nous reviendrons tout à l'heure, monsieur le ministre, sur la peine portée à quinze ans en cas de réitération, car elle transforme ce système en usine à gaz. Surtout, j'ai peur qu'aux yeux du grand public, le fait d'avoir consommé devienne une circonstance atténuante puisque la sanction n'aura plus rien à voir avec celle de l'homicide proprement dit.
Nous avions admis que la peine ne devait pas excéder la moitié de celle prévue pour des personnes dont le discernement n'aurait pas du tout été altéré. Or la moitié, c'est quinze ans, pas dix. Tel est le raisonnement que nous avions tenu dans le cadre de nos échanges et qui avait, à travers ce rapport, recueilli un consensus au sein de la commission des Lois.
En l'espèce, la commission des Lois avait considéré que ladite mission flash alimentait sa réflexion, sans se prononcer sur telle ou telle solution.
Nous ne sommes évidemment pas liés par les conclusions de cette mission. Mais elles ont été le fruit d'une longue concertation. Ainsi que l'a rappelé la rapporteure, au départ, nous pensions aussi qu'une peine de dix ans pouvait convenir, mais nous avons jugé préférable, pour des raisons de lisibilité, de revenir à la moitié de la peine de référence, sans avoir à envisager une éventuelle réitération.
Je rejoins notre collègue Savignat quant à l'effet déplorable qu'une telle peine pourrait avoir dans l'opinion : un tiers ou la moitié, ce n'est pas la même chose. Il est dommage de produire un tel effet psychologique par un quantum trop faible.
S'agissant de la mission flash, c'est en l'espèce un peu différent, puisque c'est la rapporteure qui revient sur ses propres conclusions.
Je ne comprends pas quel mécanisme permet d'affirmer que l'opinion pourrait nous taxer de faiblesse alors que l'on passe de rien – tout le monde s'en est ému – à dix ans d'emprisonnement dans l'hypothèse d'une abolition totale du discernement. Ce n'est donc pas du tout une prime à l'alcoolisation ou une banalisation de la consommation de psychotropes. Nous créons cette infraction punie de dix ans, soit le maximum de la peine délictuelle et, en cas de réitération, de quinze ans.
Le meurtre, lui, est puni de trente ans. J'entends que nous sommes dans l'hypothèse d'une abolition totale du discernement. Il n'empêche que le grand public va dire : si l'on consomme une substance illicite, on encourra une peine équivalente à un tiers de celle que l'on pourrait encourir pour un meurtre commis de sang-froid.
On ne peut pas morceler le propos : on se place dans l'hypothèse où la consommation de produits a entraîné une abolition totale du discernement.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CL292 de M. Stéphane Mazars, CL170 et CL171 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).
Prenons une personne présentant des troubles psychiatriques mais qui mène une vie normale grâce à un traitement. Elle décide, au bout de plusieurs années, d'arrêter les soins, malgré les mises en garde de son psychiatre et en ayant conscience des conséquences de sa décision, qui peuvent l'amener, dans un accès de folie ou au cours d'une décompensation, à commettre l'irréparable. Ce n'est pas un cas d'école, monsieur le garde des sceaux. Elle se serait mise sciemment en situation de commettre l'irréparable, mais cette personne ne serait pas reconnue pénalement responsable si elle le commettait car on considérerait qu'au moment de l'acte, son discernement était aboli.
Elle ne pourrait pas non plus faire l'objet d'une poursuite sur la base de l'infraction que voulez consacrer à l'article 2 alors qu'il s'agit pourtant du même type de comportement que la personne souffrant d'un problème psychiatrique repéré, qui avait été avertie que consommer du cannabis pourrait déclencher chez elle une crise d'hystérie et l'amener à commettre l'irréparable. Celle-ci sera passible de dix ans d'emprisonnement.
La conception de la matérialité des faits repose sur la commission d'un acte, peu importe qu'il ait pour cause le fait de ne pas prendre des médicaments ou le fait de consommer des substances. Ce qui importe, c'est l'élément intentionnel chez l'individu qui, en toute connaissance de cause, prend le risque de se comporter de manière asociale, parfois bestiale.
Cet amendement porte donc sur le fait de s'affranchir d'une obligation de soins.
Le sujet n'est pas évident. Dans notre rapport, Antoine Savignat et moi avions conclu qu'il ne fallait pas aborder cette hypothèse qui soulève finalement plus de difficultés qu'elle n'en résout.
D'abord, j'ai du mal à considérer équivalents le fait de s'intoxiquer volontairement en absorbant un produit et celui de laisser son corps fonctionner normalement. Ensuite, si l'on n'est pas censé s'intoxiquer volontairement, on est libre d'arrêter un traitement : il s'agit d'un droit, sauf sous le coup d'une obligation de soins. Dans ce cas, il est de la responsabilité de l'État d'ordonner une hospitalisation et des soins sous contrainte. S'il ne le fait pas, doit-on blâmer le malade ?
Contrairement au toxicomane, sain d'esprit avant de s'intoxiquer, le malade qui arrête son traitement est avant tout malade. N'ayant pas d'avis tranché sur le sujet, j'avais interrogé les experts. Eux-mêmes ne sont pas unanimes ; ils ont plutôt tendance à dire que la rupture thérapeutique ou médicamenteuse est un symptôme de la pathologie, un signe de la maladie. Or, comme nous le disions au départ, on ne veut pas juger les fous.
Ces quelques réserves m'incitent à penser qu'inclure l'arrêt de médicaments conduirait à une pénalisation des personnes malades. C'est pourquoi, à ce stade, je demande le retrait des amendements.
C'est une distinction classique en droit pénal que celle entre l'acte positif et l'omission : ils ne sont jamais appréciés de la même façon. Dans votre exemple, monsieur le député, si la personne décompense et commet l'irréparable en ayant arrêté ses médicaments, c'est qu'elle n'est pas guérie.
Votre exemple présente quelqu'un qui a parfaitement tout compris, tout mesuré, qui est très calme et qui décide d'arrêter son traitement. Mais que ferez-vous de ceux qui ne prennent plus leurs médicaments parce qu'ils ne supportent plus leurs effets secondaires ? Doit-on les traiter comme ceux qui se droguent ? Je ne suis pas d'accord. Avant toute expertise, on est en présence d'une population particulièrement fragile, de gens malades.
Le mieux est l'ennemi du bien. Nous avons réglé un certain nombre de choses qui résultaient de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 avril 2021 – au passage, MM. Dominique Raimbourg et Philippe Houillon ayant remis leur rapport en février, ils n'avaient pu en avoir connaissance. Il ne s'agit pas de la même chose. Je propose donc, à ce stade, le retrait des amendements. Ils pourraient nous emmener vers quelque chose que nous n'avons pas voulu.
Nous saluons la démarche de M. Stéphane Mazars qui verse au débat une question dont nous comprenons, étant donné les nombreuses sollicitations sur ce sujet, qu'elle suscite un débat dans l'opinion. Cela étant, Mme la rapporteure l'a dit, les experts ne sont pas unanimes. Le corps médical s'accorde tout de même pour dire que la question du secret médical se poserait véritablement si nous allions vers ce type de pénalisation. Ne serait-ce que pour cette raison, il me semble que nous devons faire attention.
Si l'amendement, en décalage avec le texte et sa logique, devrait être retiré, le sujet pourrait faire l'objet d'une réflexion approfondie. Le groupe La République en marche ne le votera pas.
Dans le cadre de la mission d'information flash, nous nous sommes longuement posé la question de la cessation des soins. Mais elle soulève beaucoup trop de problèmes. D'abord, en effet, il y a la responsabilité médicale dans le cas d'un patient lourdement atteint, que l'on sait incapable de suivre son traitement et qu'il faut donc installer dans un établissement à même de l'accompagner dans ses soins. Si on ne le fait pas, cela signifie qu'il faudra sanctionner celui qui arrête de prendre ses médicaments. Il y a également le cas de la personne lourdement malade qui va avaler la boîte entière de médicaments parce qu'elle ne se sent pas bien, ce qui va la conduire à commettre des actes.
Si l'on part du principe que l'omission peut être sanctionnée, il faut aussi considérer le cas du fumeur de cannabis. Cette substance ne désinhibe pas, au contraire, c'est un calmant et un apaisant. Par contre, celui qui n'aura pas pu fumer pendant un certain temps va se trouver dans un état d'excitation. S'il n'est pas accompagné médicalement, cela peut le conduire à faire n'importe quoi.
Cette question ne doit pas être intégrée au débat ; elle participe d'abord du suivi de nos malades par la médecine. Avant de les sanctionner, il faut se donner les moyens de les accompagner.
Même si je suis en désaccord avec lui car il renforce un article auquel je suis opposé, je salue la cohérence de notre collègue Stéphane Mazars. De même que l'on peut décider de prendre une substance, on peut effectivement décider d'arrêter un médicament. Jusqu'à présent, nous n'avons pas voulu mettre le doigt là-dedans et nous sommes cantonnés à la définition actuelle de l'irresponsabilité pénale. Vous avez d'ailleurs dit, madame la rapporteure, que lorsqu'on débat de celle-ci et de l'abolition totale du discernement, on prend en compte les éléments de contexte, notamment la prise régulière de stupéfiants.
Avec l'article 2, même si l'abolition du discernement, et donc l'irresponsabilité pénale, est établie pour les faits d'homicide, on va quand même regarder si quelque chose permettrait de punir, car il y a les victimes et l'opinion publique.
Collègue Coralie Dubost, si une telle disposition n'a pas sa place dans le texte, il en va de même de l'article 2 : il ne se serait pas appliqué dans l'affaire Halimi !
Le nihilisme, c'est peut-être cela : croire que tout est valable en même temps et vouloir faire de la communication politique de triste envergure pour répondre au n'importe quoi qui se dit sur les plateaux des chaînes d'information en continu. À la fin, cela explique le gloubi-boulga dans lequel on se trouve. Si l'on s'engage dans l'engrenage, alors l'amendement est cohérent.
J'ai déposé ces amendements avec le sentiment de faire un pas de côté par rapport à l'intention du texte. Mais je l'ai fait parce que le sujet des soins requis dans le cas d'une maladie ayant justifié une irresponsabilité pénale est central.
Je rejoins mon collègue Antoine Savignat en ce que cela pose les questions trop lointaines du consentement aux soins et de leur suivi, de l'obligation de soins et des façons de s'assurer qu'elle est respectée. C'est là un sujet sur lequel on attend beaucoup de nous. Il me semble toutefois qu'ajouter un tel dispositif n'a pas tout à fait la même cohérence que ce que vous envisagez pour les psychotropes, même si ceux-ci sont en fait des médicaments.
Les propos que j'ai entendus m'ayant plongée dans une certaine perplexité, je vais retirer mes amendements.
J'entends les arguments qui me sont opposés, mais ils ne me paraissent pas pertinents. Je ne dis pas que toutes les personnes ayant causé un drame après avoir interrompu leurs soins doivent relever de l'article 2. Il faut simplement laisser aux juges la possibilité d'apprécier in concreto, pour chaque cas d'espèce, si un individu ayant commis un crime effroyable n'a pas eu un comportement tout à fait irresponsable et irrationnel en arrêtant de suivre un traitement tout en sachant que cela pouvait le conduire à déraper.
Imaginons que, dans l'affaire Traoré, la personne mise en cause ait été suivie sur le plan psychiatrique et qu'elle ait arrêté sciemment de prendre son traitement – cela serait établi par des témoignages ou des propos rapportés. Nous appréhenderions cette affaire d'une manière un peu différente : nous serions tous choqués, effarés, sidérés que l'auteur des faits soit déclaré irresponsable !
Nous avons un devoir à l'égard de toutes les victimes potentielles de ce genre de dérives, qui relèvent du même comportement intentionnel que l'absorption volontaire de psychotropes. Je maintiens donc mon amendement. Si je suis mis en minorité, j'espère, monsieur le garde des sceaux, que nos réflexions respectives mûriront d'ici à la séance publique. Ce sujet mérite un débat constructif.
Je voterai l'amendement. Sur le principe, s'il existe effectivement un droit d'arrêter ou de poursuivre un traitement médical, alors ce droit doit s'accompagner d'une responsabilité. En outre, l'amendement concerne les individus ayant arrêté « délibérément » leur programme de soins : le juge appréciera in concreto si la personne mise en cause avait ou non la volonté d'arrêter son traitement en toute connaissance de cause.
Si un individu condamné pour viol décide d'arrêter le traitement médical de castration chimique auquel il est soumis, est-ce considéré comme une circonstance aggravante en cas de récidive ?
Je crains que nous nous soyons éloignés du sujet. Laissons de côté les pathologies psychiatriques pour nous intéresser aux individus souffrant de douleurs physiques et à qui serait quotidiennement administrée de la morphine : leur tiendriez-vous rigueur d'arrêter, l'espace d'une journée, ces injections de morphine qui les empêchent d'être parfaitement conscients et les handicapent dans leur vie de tous les jours ? C'est exactement la même chose dans le domaine psychiatrique : il n'y a pas d'injonction aux soins. Or, vous ne pouvez pas tenir responsable quelqu'un qui n'est pas contraint de suivre des soins.
Par ailleurs, la majorité présidentielle et, sans doute, d'autres partis appartenant à l'opposition sont attachés aux principes fondamentaux du droit. Ce qui fonde le présent projet de loi, c'est justement le respect de cette ligne rouge : en France, nous ne jugeons pas les fous. En adoptant l'amendement de M. Mazars, vous remettriez en cause ce principe juridique fondamental.
Ces amendements soulèvent la question de la liberté de suivre ou non un traitement. Parlons-nous d'un traitement pris dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'un traitement prescrit par un médecin ? Dans le second cas, le patient a le droit de l'interrompre pour de multiples raisons. Je pense aux personnes qui ne supportent pas les effets secondaires de médicaments, tels que la prise de poids.
La question que vous posez est légitime, mais ce qui est au cœur de ce projet de loi, c'est la distinction entre la folie endogène et la folie dont les causes sont exogènes. Si l'arrêt d'un traitement entraîne une abolition du discernement, c'est que la personne est éminemment fragile. Il faut vraiment distinguer l'individu sain d'esprit qui consomme un psychotrope de celui qui abandonne un traitement pour des raisons peut-être liées à son état. Ainsi, un schizophrène connaît une alternance de bons et de mauvais moments ; il peut très bien décider, lors d'un mauvais moment, d'arrêter son traitement, même si cela le rend fou. Celui qui fait volontairement n'est pas dans la même situation que celui qui s'abstient ; la distinction entre l'omission et l'acte positif est d'ailleurs classique en droit pénal. Il y a là, pour moi, une ligne infranchissable.
On déplore que nous légiférions sous le coup de l'émotion. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas avoir d'émotions, mais que la règle de droit doit être notre fil conducteur. Il m'appartient de rappeler aux uns et aux autres ces principes. Je suis résolument opposé à l'amendement, même si je comprends ce que M. Mazars a dit avec ses tripes.
Les amendements CL170 et CL171 sont retirés.
La commission rejette l'amendement CL292.
Amendement CL135 de M. Éric Diard, amendements identiques CL55 de Mme Emmanuelle Ménard et CL249 de M. Éric Ciotti, amendements CL100 et CL102 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune).
Mon amendement vise à supprimer l'élément intentionnel supplémentaire de l'infraction d'intoxication volontaire, selon lequel la personne mise en cause ayant volontairement consommé des substances psychoactives doit avoir eu conscience du fait que cette consommation pouvait la conduire à commettre des atteintes à la personne d'autrui.
Nul n'est censé ignorer la loi. Il est déjà régulièrement et clairement dit que la consommation de telles substances est dangereuse pour soi-même et pour autrui. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les stupéfiants sont interdits à la consommation tandis que l'ivresse sur la voie publique est réprimée. Aussi, il ne nous paraît pas nécessaire de prouver la conscience des risques induits par la consommation de substances psychoactives : cette conscience doit rester présumée et c'est la preuve du contraire qui doit être apportée, sans quoi nous glisserions sur une pente dangereuse en matière de lutte contre les violences faites à autrui.
À l'instar de l'amendement de M. Diard, mon amendement vise à supprimer l'élément intentionnel voulant que la personne ait connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à commettre des atteintes à la vie ou à l'intégrité d'autrui. Cet amendement d'appel renvoie à la discussion que nous avons eue à l'article 1er et que vous avez qualifiée de « légitime », monsieur le garde des sceaux, à l'article 2.
Il est évident que certaines substances psychoactives peuvent entraîner des troubles du comportement. En ajoutant à l'alinéa 5 cet élément intentionnel, vous remettez en cause l'idée selon laquelle la prise de telles substances constitue de facto une circonstance aggravante. En réalité, cette précision risque d'inverser les choses et de permettre à des personnes ayant commis un délit sous l'empire de substances psychoactives de ne pas être frappées d'une aggravation de la peine dès lors qu'elles réussissent à mentir avec suffisamment d'habileté pour laisser planer le doute sur le fait qu'elles avaient connaissance des risques inhérents à leur consommation. Du reste, comme je l'ai déjà dit lors de l'examen de l'article 1er, la preuve de cette connaissance serait très difficile à apporter.
L'émotion suscitée par l'affaire Sarah Halimi a accouché d'un texte qui, je le crains, ne changera absolument rien à la situation actuelle. Vous avez répondu à la commande du Président de la République mais, comme souvent, il y a un fossé entre les paroles et les actes.
Mon amendement vise à revenir sur l'un des points les plus choquants du dispositif. Nos concitoyens ont été choqués que des juges aient considéré que la consommation de substances psychoactives avait aboli le discernement d'une personne mise en cause. Or, vous ne revenez sur ce principe que dans le cas où la personne aurait conscience du fait que la consommation de produits psychoactifs entraînerait un passage à l'acte et qu'elle lui donnerait « du courage », pour reprendre une formule que vous avez utilisée. Je trouve cela réducteur et choquant. La consommation de drogues ou de produits psychoactifs ne doit pas conduire une juridiction à considérer que le discernement est aboli.
La consommation de substances psychoactives est, par définition, susceptible d'entraîner de nombreux changements de comportement. L'Institut national de recherche et de sécurité note, par exemple, que la violence compte parmi les effets de l'ingestion de drogues de synthèse. Nul n'est censé ignorer les troubles psychiques associés à de telles consommations. Lorsqu'une personne ingère un produit, il est de sa responsabilité d'en connaître les effets. La formulation actuelle laisse supposer que, pour voir sa responsabilité engagée, le consommateur doit avoir conscience du fait que le produit qu'il ingère est susceptible d'altérer son comportement ; ce changement d'état est précisément l'effet recherché. Mes amendements visent à corriger cette formulation.
J'entends vos critiques et j'admets tout à fait que ce dispositif doit être amélioré. Je défendrai d'ailleurs un amendement visant à le clarifier. Vous l'avez dit, madame Ménard, la question va se poser sur le terrain probatoire, mais vous allez trop loin en supprimant la condition de connaissance. S'il n'y a plus d'intention, le dispositif n'a plus d'utilité. Il faut caractériser l'intention pour respecter le principe du droit pénal selon lequel il n'y a pas de délit ou de crime sans intention de le commettre. Le Conseil d'État a d'ailleurs appelé l'attention du Gouvernement sur ce point : si l'intention n'est pas mieux caractérisée, le dispositif risque la censure. La condition de connaissance est nécessaire même si elle mérite d'être mieux définie. Aussi, je donne à tous ces amendements un avis défavorable et j'invite leurs auteurs à se rallier à ceux que je défendrai ultérieurement.
Monsieur Ciotti, votre raisonnement est simpliste et ne correspond pas à la réalité des situations auxquelles nous sommes confrontés. Vous voudriez rendre pénalement responsable une personne qui a commis un crime sans disposer de son libre arbitre. En d'autres termes, vous voudriez rendre responsable celui qui est irresponsable. Il ne suffit pas de marteler que la loi n'est pas assez dure ou pas assez sévère : constitutionnellement, ce que vous proposez ne marche pas. Pour notre part, nous voulons apporter des solutions : c'est pourquoi nous proposons un dispositif qui tient la route.
Nous nous rejoignons sur un constat : l'affaire à l'origine de ce projet de loi a bouleversé la France entière. Le Président de la République est intervenu. Il a passé une commande à son garde des sceaux, qui est chargé de la politique pénale. C'est bien normal. J'espérais naïvement, monsieur Ciotti, que nous parlerions surtout de droit et que nous essaierions de régler, dans une forme de consensus, la difficulté mise au jour par l'affaire Halimi et soulignée par l'avocate générale près la Cour de cassation. Or, j'entends que l'examen de ce projet de loi est, pour vous, l'occasion de faire de la petite politique.
Le Président de la République n'a jamais dit qu'il fallait juger les fous : au contraire, il a considéré qu'il y avait là une ligne infranchissable. Par ailleurs, nous devons respecter les règles constitutionnelles. Vous proposez, comme à votre habitude, de définir une infraction sans intention. Je vous renvoie donc la petite pierre que vous avez jetée dans mon jardin en vous rappelant que le Conseil d'État, dont vous avez forcément lu l'avis, a considéré la disposition que nous vous soumettons « essentielle ». Évidemment, vous pouvez proposer la création d'une juridiction spéciale, d'une cour de sûreté de l'État dont les décisions ne seraient pas susceptibles d'appel, ou encore d'une peine rétroactive de cinquante ans de réclusion criminelle – vous ne vous embêtez pas trop avec la Constitution, ces derniers temps ! C'est votre droit mais je le regrette, car la justice ne doit pas servir de prétexte à la politique politicienne.
Et vous, monsieur le garde des sceaux, n'avez-vous pas été souvent censuré par le Conseil constitutionnel ces derniers temps ?
Je laisse M. Bernalicis apprécier le nombre de censures que vous avez subies, monsieur le garde des sceaux. C'est vous qui faites de la politique politicienne puisque vous citez des propositions que je n'ai aucunement évoquées en défendant mon amendement. Personnellement, je n'ai jamais défendu la création d'une peine de cinquante ans de réclusion. Je ne parle que de l'émotion suscitée par l'affaire Sarah Halimi, qui appelle une réponse de notre part. Or, je considère que les propositions que vous apportez aujourd'hui ne sont, une fois de plus, pas à la hauteur des espérances nées de l'intervention du Président de la République. Vous ne m'empêcherez pas de le dire.
La consommation de substances psychoactives est un acte intentionnel, qui ne doit pas exonérer l'auteur d'un crime ou d'un délit de sa responsabilité pénale. C'est ce que nous voulions dire en défendant notre amendement, et c'est ce qui nous différencie de vous. Quand nos arguments vous gênent, ne nous renvoyez pas à des éléments qui n'ont rien à voir avec notre débat !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL412 de la rapporteure.
Il est assez peu probable qu'une personne qui absorbe des produits toxiques considère que ces derniers la conduiront à commettre des atteintes à la vie ou à l'intégrité d'autrui – soutenir le contraire reviendrait presque à juger intentionnels les actes commis alors. Je propose une formulation moins catégorique, plus souple, pour affirmer la responsabilité de l'auteur des faits dans les violences commises sous l'effet des substances en cause. Pour que la personne puisse voir sa responsabilité pénale engagée, il suffirait donc qu'elle sache que sa consommation altère suffisamment sa conscience de la réalité pour lui faire commettre des actes préjudiciables à autrui.
Je ne suis pas opposé à une définition plus fine de la condition de connaissance, mais il faut que nous y retravaillions en séance publique pour préciser un certain nombre de choses, dans le cadre d'une coconstruction législative que j'appelle de mes vœux. Demande de retrait donc.
Vous voyez, monsieur Ciotti : il y a ceux qui critiquent et ceux qui veulent construire ! Il y a ceux qui n'ont pas compris le texte, qui ne proposent rien mais qui nous accusent de ne pas être à la hauteur et qui prennent des initiatives malheureuses ; il y a ceux qui travaillent, qui sont sérieux et qui veulent se conformer aux règles qui sont les nôtres !
L'amendement est retiré.
Amendements identiques CL325 de la rapporteure et CL275 de M. Antoine Savignat.
Ces amendements sont issus de la communication que j'ai corédigée avec M. Savignat. Je vais donc lui céder la parole pour les présenter.
Je suis ravi de constater que, cette fois, la constance l'emporte sur l'avis du Conseil d'État ! En précisant que le trouble psychique ou neuropsychique à la source de l'abolition du discernement doit présenter un caractère « temporaire » pour qu'une suite judiciaire puisse être envisagée, nous contribuerons grandement à la clarté du texte. En effet, il faut distinguer la consommation de psychotropes par un individu malade, pour lequel il est difficile d'évaluer l'influence des substances dans le passage à l'acte, de leur consommation dans le cadre d'une entreprise criminelle. Pour en avoir déjà discuté avec la majorité, je sais que nous sommes d'accord sur ce point.
J'approuve cette mesure de bon sens. Nous travaillons ensemble au lieu de faire de la petite politique.
La commission adopte les amendements.
Amendement CL110 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit d'insérer, après l'alinéa 5, un alinéa suivant lequel la consommation de substances psychoactives illicites est une circonstance aggravante de l'infraction commise. Elle serait punie de quinze ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende.
Nous avons déjà évoqué tout à l'heure la distinction entre les substances illicites, comme les drogues, et celles qui ne le sont pas, comme l'alcool. Mon amendement vise précisément à affiner les peines appliquées en cas d'infractions commises sous l'empire de substances psychoactives en différenciant les cas où lesdites substances sont légales de ceux où elles ne le sont pas.
Je crains que votre amendement ne soit inopérant. La consommation de toxiques étant un élément constitutif de l'infraction principale, elle ne peut en être aussi une circonstance aggravante. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL274 de M. Antoine Savignat.
La commission a rejeté notre proposition de porter la peine encourue de dix à quinze ans de réclusion. Cet amendement de cohérence n'a donc plus lieu d'être.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL328 de la rapporteure.
Amendement CL329 de la rapporteure.
Dans la rédaction actuelle, le renforcement de la sanction prévue en répression d'un second homicide commis à la suite d'une intoxication délibérée suppose l'emploi des mêmes substances psychoactives. Une interprétation restrictive de cette disposition, comme l'imposent les principes généraux du droit pénal, conduirait à l'écarter dans le cas où l'intéressé aurait fait usage de produits non strictement identiques. En d'autres termes, nous ne pourrions pas l'appliquer si, après avoir tué une première fois intoxiquée au cannabis, une personne perpétrait un second meurtre sous l'empire du crack. Mon amendement vise à lever cette ambiguïté.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL57 de Mme Emmanuelle Ménard.
Dans la même logique que précédemment, je souhaite substituer à la peine de quinze ans en cas de récidive une peine de vingt ans.
Je reste également dans la même logique et je considère qu'une peine d'emprisonnement de quinze ans, qui permet de traduire l'auteur des faits devant la juridiction criminelle, est plus que significative. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CL326 de la rapporteure et CL276 de M. Antoine Savignat.
En cohérence avec les amendements précédemment adoptés, il convient de préciser le caractère temporaire du trouble psychique ou neuropsychique.
La commission adopte les amendements.
Amendements CL248 de M. Éric Ciotti, amendements identiques CL58 de Mme Emmanuelle Ménard et CL103 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune).
Il convient d'augmenter le quantum des peines prévues à l'article 2 pour les personnes qui ont consommé volontairement, de façon illicite, des substances psychoactives tout en sachant qu'une telle consommation est susceptible de les conduire à attenter à la vie ou à l'intégrité d'autrui : dix ans au lieu de sept ans, sept ans au lieu de cinq ans et cinq ans au lieu de deux ans.
Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit de condamner à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende la personne qui a commis des violences ayant entraîné la mort. Cet amendement vise à durcir la sanction pénale et à la porter à dix ans afin de dissuader plus fermement les personnes qui consomment des substances psychoactives susceptibles de les pousser à commettre des actes pouvant causer la mort d'une autre personne.
Avis défavorables. Je ne partage pas l'idée selon laquelle les peines seraient insuffisantes. Vous voulez les augmenter mais sans comparaison ni référence à d'autres incriminations.
Même avis. Votre seul objectif, obsessionnel, est le durcissement des peines. Il faut, de plus, que cela se sache : vous êtes des « durcisseurs » ! Nous essayons, quant à nous, d'être mesurés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL283 de Mme Laetitia Avia.
Il s'agit de faire entrer dans le champ d'application de la nouvelle incrimination les actes de torture, de barbarie et de viol.
La torture et les actes de barbarie constituent une aggravation de faits de violence qui implique la volonté de nier la dignité de la personne humaine. De fait, il n'y a pas d'acte de barbarie ou de torture sans violence. La situation évoquée est donc couverte par la rédaction proposée par le Gouvernement.
C'est en pratique la même chose pour le viol, que l'amendement ne réprimerait pas comme tel. Les peines resteraient de sept, cinq et deux ans en fonction des violences subies par la victime, qui seraient malheureusement bien réelles. Demande de retrait.
Cette question, sur laquelle de nombreux collègues se sont interrogés, est intéressante. Elle mériterait d'être approfondie en séance publique. Peut-être serait-il opportun, en l'état, de retirer cet amendement !
Il soulève en effet la question du périmètre des infractions visées. Les infractions sexuelles constituent un sujet à part entière. Nombre de viols se déroulent dans un contexte d'imprégnation alcoolique. Malheureusement, l'opinion publique a tendance à croire, même si la loi ne le dispose pas, que l'alcoolisation est une circonstance atténuante. Il me semble impératif de mettre cette question sur la table et d'y travailler d'ici à la séance publique, ce que je me propose de faire avec d'autres collègues.
Fort des explications de la rapporteure, je retire l'amendement. Nous y retravaillerons en effet d'ici à la séance publique.
L'amendement est retiré.
Amendement CL60 de Mme Emmanuelle Ménard.
Par cohérence avec celui que j'ai précédemment défendu, il s'agit de durcir les peines pour les actes qui ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. N'en déplaise, je ne pense pas que les victimes ou leurs familles nous en feraient grief.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL277 de M. Antoine Savignat.
Le quantum des peines n'ayant pas été modifié, l'amendement n'a plus lieu d'être et je le retire.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL327 de la rapporteure.
Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL61 de Mme Emmanuelle Ménard.
Elle adopte l'article 2 modifié.
Après l'article 2
Amendement CL137 de M. Éric Diard.
L'amendement étend la responsabilité pénale des personnes ayant volontairement cessé le traitement qui leur est prescrit pour leurs troubles psychiques et mentaux si des violences ou des atteintes à la vie d'autrui en ont résulté. S'il est important de ne pas juger les fous pour les infractions qu'ils commettraient, il me paraît nécessaire de créer une infraction spécifique à l'égard des personnes qui cessent volontairement leur traitement. Ainsi, elles ne seraient pas jugées pour les violences commises alors qu'elles étaient folles mais pour avoir volontairement et en conscience abandonné leur traitement, ce qui les a fait basculer à nouveau dans la folie.
La question de l'obligation de soins se pose, néanmoins, et c'est là-dessus que nous devons travailler. Si le patient la remet en cause ou si le soignant n'a pas mis ce dernier en situation de la respecter, des responsabilités peuvent être engagées. Je souhaite que, d'ici à la séance publique, nous puissions travailler sur cette notion, qui relève autant du code de la santé publique que du code pénal. Une personne psychologiquement fragile peut commettre un fait grave en consommant certains produits ou en ne prenant pas ceux qui lui permettraient de ne pas passer à l'acte. Il convient de regarder attentivement, sur un plan légal, ce qu'il est possible de faire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL186 de M. Antoine Savignat.
Dans le rapport d'information que notre collègue Jean‑François Eliaou et moi avons rédigé sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés, nous avons noté que les psychotropes qui, il y a quinze ans, étaient des stupéfiants de substitution, sont devenus des drogues à part entière. Nombre de réseaux tiennent leurs mineurs et leurs délinquants en leur remettant leur dose quotidienne.
Dans le code de la santé publique, ces médicaments ne sont pas classés comme stupéfiants mais comme psychotropes. Leur utilisation ne répond donc pas au régime pénal des stupéfiants. Des trafics organisés, très structurés, existent pour obtenir des ordonnances. Ces drogues ne coûtent donc quasiment rien. Les forces de l'ordre sont unanimes et ne savent pas comment lutter contre de telles pratiques. Les pharmaciens devraient tenir un fichier des ventes, or cela n'a jamais été le cas, ce qui ne permet pas de remonter jusqu'aux médecins abusivement prescripteurs ou de protéger ceux d'entre eux qui, dans certains quartiers, sont contraints de prescrire ces substances. Il conviendrait donc d'aligner la sanction de leurs usages sur celle des stupéfiants.
Je ne sais pas si un traitement identique des trafiquants, des falsificateurs d'ordonnances et des consommateurs se justifierait, d'autant plus que la peine encourue est de dix ans de prison. De plus, les dispositifs pénaux sont nombreux, notamment en ce qui concerne l'usage de faux, qui permettent de sanctionner ce type de comportement. Les peines sont certes plus faibles mais sans doute sont-elles plus adaptées aux situations.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 3 (art. 351 du code de procédure pénale) : Question subsidiaire obligatoire dans le délibéré de la juridiction criminelle en cas d'irresponsabilité pénale de l'auteur de faits
Amendements de suppression CL173 de Mme Cécile Untermaier et CL201 de M. Ugo Bernalicis.
Nous avons déposé cet amendement par cohérence avec nos demandes de suppression des articles précédents. « On ne juge pas les fous », a-t-on souvent répété, mais cette formule ne permet pas de saisir les enjeux. La question qui se pose est celle de l'abolition du discernement. Or, si ces articles ne permettent pas de combler les lacunes de la loi, ils prétendent, en revanche, combler les failles de la santé mentale. Cette question est complexe. La loi est censée déterminer les facteurs endogènes ou exogènes du passage à l'acte : c'est une erreur car les experts eux-mêmes sont impuissants à le faire.
D'aucuns assurent que nous ne proposerions rien puisque, selon eux, si nous n'adhérons pas à leurs propositions, les nôtres sont nulles et non avenues. Nous avons pourtant déposé des amendements, qui ont été jugés irrecevables, et nous en proposerons d'autres en séance publique, issus de l'ensemble des rapports publiés sur cette question : augmentation des indemnités et fin de la forfaitisation des psychiatres, introduction d'une véritable spécialisation en psychiatrie et en psychologie clinique, participation des psychologues aux expertises pré-sentencielles, internement des personnes dès qu'une expertise met en lumière des troubles tels qu'une incarcération n'est pas possible…
Nous avons en effet de nombreuses propositions à faire, surtout en matière de justice. J'ai présidé la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance de la justice, dont notre collègue Didier Paris était rapporteur, et sans doute ses acquis n'ont-ils pas été portés à l'attention du ministre. Mais c'est une autre histoire…
Nous nous sommes interrogés sur ce qu'était une consommation manifestement excessive d'alcool et la rapporteure a produit un article du code pénal concernant le fait d'encourager un mineur à consommer de l'alcool, ce qui n'a rien à voir. La jurisprudence n'a pas encore complètement établi cette notion puisque les appréciations sont toujours particulières. Votre objectif politique consiste à faire entrer dans le champ pénal ce qui n'y figurait pas et c'est précisément contre cela que le rapport Raimbourg-Houillon mettait en garde, jugeant qu'il ne faut pas toucher à l'état actuel du droit en matière de responsabilité et d'irresponsabilité pénales, car cela reviendrait à mettre en cause l'ensemble de l'édifice du droit pénal.
On comprend donc la logique des amendements déposés par M. Mazars et par la droite. Telle personne s'est intoxiquée volontairement, elle aurait dû encourir normalement une peine de trente ans de prison mais nous l'avons portée à dix ans. Puis, un autre fait divers, dans deux ans, impliquera de la porter à quinze ans. Puis vingt ans. L'effet cliquet fonctionne à plein et l'effet politique doublement puisque, une fois de plus, vous défendez un texte répressif.
Vous déformez la réalité. L'article 227-19 du code pénal se réfère bien à « la consommation excessive d'alcool », laquelle appréciation relève des juges du fond, auxquels vous devriez faire confiance.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL331 et CL332 de la rapporteure.
L'amendement CL294 de M. Stéphane Mazars est retiré.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CL104 de Mme Marie-France Lorho.
La commission adopte l'article 3 modifié.
Après l'article 3
Amendements CL157, CL158, CL151, CL152, CL153, CL161, CL160, CL154, CL156, CL165, CL155, CL168, CL164, CL150, CL166, CL167 et CL159 de Mme Cécile Untermaier (présentation commune).
Je me suis interrogée sur la recevabilité de ces amendements relatifs à la procédure pénale. J'ai finalement considéré que nous pouvions en discuter dès lors que nous traitons la question de l'irresponsabilité pénale.
J'ai déposé ces amendements suite au rapport Raimbourg-Houillon, qui soulève la question des responsabilités pénales et qui propose des éléments de simplification de la procédure, d'encadrement et de transparence. J'ai aussi pris l'initiative suite à un atelier législatif citoyen organisé dans ma circonscription il y a dix jours avec un avocat pénaliste, un expert psychiatre et des citoyens qui ont fait part de leurs attentes.
Nous avons connu dans ma circonscription une affaire aussi effroyable que celle d'Olivier Maire ou de Sarah Halimi. Clément Guérin, schizophrène paranoïde, tue ceux qu'il aime. Il a ainsi tué sa mère, a été déclaré irresponsable pénalement, a été libéré deux ans après les faits et a tué son père et son grand-père. La population est très émue. Comme nous, elle considère qu'il ne faut pas juger les fous, mais elle en a peur. La loi doit apporter les garanties attendues par nos concitoyens, faute de quoi l'irresponsabilité pénale sera en danger. Les Français ne croient plus en la justice. La famille est, en outre, très inquiète : lorsque Clément Guérin ressortira, elle sera en danger. Elle songe à partir à l'étranger et à changer de nom.
Par ailleurs, la chambre d'instruction doit décider de mesures de sûreté à partir des expertises des psychiatres. Ces mesures ont été très discutées en 2008. Elles permettent de rassurer la population – en particulier, les victimes – lorsque l'irresponsabilité pénale a été prononcée. Certaines d'entre elles durent dix ou vingt ans. En l'occurrence, la mesure a été levée sur un coin de table, dans un hôpital, où se sont réunis un avocat, un juge des libertés et de la détention (JLD) et un expert. Faute qu'un expert psychiatre extérieur ait pu prononcer son avis dans le délai fixé par la loi, le JLD a été obligé de libérer M. Guérin.
Le législateur a le devoir de prendre acte de ces insuffisances et d'y répondre. Nous proposons que la chambre de l'instruction qui prononce les mesures de sûreté et qui apprécie un avis psychiatrique se réunisse à nouveau, solennellement, dans la collégialité, pour envisager leur levée. Il n'est pas question de donner la main au judiciaire, comme le ministre l'a laissé entendre, mais que le judiciaire garde la main en lien avec les psychiatres. Ce qui a été fait doit pouvoir être défait dans les mêmes conditions. Le parallélisme des formes est un argument juridique fort. Le procureur que j'ai interrogé s'est montré favorable à ce type de mesure.
Les états généraux, les assises de la santé mentale et de la psychiatrie doivent également se saisir de cette question qu'est la coordination entre justice et santé mentale et publique.
Cette ambition ne concerne pas directement ce texte quoiqu'elle soit connexe : quelles améliorations apporter au régime de la post-déclaration d'irresponsabilité ? Le rapport Raimbourg-Houillon, rendu alors que l'arrêt de la Cour de cassation dans l'affaire Halimi n'était pas connu, est de qualité.
Certains dispositifs que vous proposez sont intéressants. Je suis favorable à l'adoption des amendements CL158, CL153 et CL154 et je vous prie de bien vouloir retirer les autres.
Il y a là un vrai travail, sérieux, des propositions qui ont un sens. Madame Untermaier, vous avez été émue par une affaire et vous dites des choses qui sont vraies. Les familles ne peuvent pas comprendre, bien sûr. L'intensité du chagrin ne permet pas de regarder la situation avec du recul, et on ne peut pas demander à une famille de le faire. Je comprends ce que vous avez dit. En même temps, il faut faire très attention à ne pas mélanger ce qui relève de la médecine et ce qui relève de la justice. Quand un homme est placé dans un hôpital psychiatrique, c'est la médecine qui se charge de lui.
Il y aura, bien sûr, les états généraux de la justice, et les parlementaires auront toute leur place, comme les citoyens, en ce qui concerne les propositions. On pourra en parler dans ce cadre. S'agissant de l'exécution de la peine, la question de la coexistence entre les détenus à la limite de la psychiatrie et d'autres détenus se pose de façon récurrente. On peut travailler sur ce sujet.
Je m'en remets à la sagesse de la commission au sujet des amendements CL158 et CL154, et je vous propose de retravailler sur l'amendement CL153 d'ici à la séance publique.
Ces amendements ont toute leur place ici. Ils s'inscrivent dans le droit-fil des recommandations du rapport relatif à l'irresponsabilité pénale. Je trouve, par ailleurs, problématique que le ministre distribue des bons et des mauvais points aux députés. Nous avions déposé des amendements jugés irrecevables – nous les réécrirons en nous appuyant sur le travail de notre collègue Cécile Untermaier, qui a réussi à passer l'écueil de l'irrecevabilité.
Le problème fondamental, au sujet des dispositifs proposés et au-delà du rapport déjà mentionné, les auditions que vous avez vous-même menées, madame la rapporteure, sur ce sujet et pas sur un autre, le montrent : c'est qu'une majorité des experts, de tous les niveaux – et pas juste Danièle Obono –, disent qu'il ne faut pas toucher au texte actuel. Par ailleurs, rien n'est prévu concernant des sujets qu'une majorité de ces mêmes spécialistes, experts, professionnels, pointent comme des problèmes qui ne relèvent pas seulement de la santé mentale et qui – mais nous en rediscuterons en séance publique et lors des débats à l'occasion des états généraux de la santé mentale – ne se résument pas à la psychiatrie. Il y a des décisions de justice qui sont dans l'impossibilité d'être appliquées, parce que les moyens, parce que la formation…
Si écouter les débats parlementaires vous dérange, vous pouvez vous en aller, monsieur le garde des sceaux.
Je vous propose de partir puisque vous n'arrêtez pas de râler et de m'interrompre. Vous pourriez aller prendre une camomille et vous coucher.
Vous êtes tout à fait respectée dans cette commission, ne vous en déplaise. Vous aimeriez qu'il en soit autrement pour vous ériger en victime, mais ce n'est pas le cas.
L'amendement CL153 est retiré.
Successivement, la commission rejette les amendements CL157, CL151, CL152, CL161, CL160, CL156, CL165, CL155, CL168, CL164, CL150, CL166, CL167 et CL159.
Elle adopte les amendements CL158 et CL154. L'article 3 bis est ainsi rédigé.
La réunion est suspendue de vingt-trois heures à vingt-trois heures dix.
Titre II Dispositions RENFORÇANT LA RÉPRESSION DES ATTEINTES COMMISES CONTRE LES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET CRÉANT LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE DE LA POLICE NATIONALE
Article 4 (art. 131‑26‑2, 222‑12, 222‑13 et 222‑14‑5 [nouveau] du code pénal ; art. 398‑1 et 721‑1‑2 du code de procédure pénale) : Dispositions réprimant spécifiquement les violences à l'encontre des membres des forces de sécurité intérieure
Amendement de suppression CL202 de Mme Danièle Obono.
Nous demandons la suppression de l'article 4, non parce que nous serions opposés à des poursuites envers ceux qui commettent des violences contre les forces de sécurité intérieure ou les militaires de l'opération Sentinelle, mais parce qu'il s'agit de créer une infraction autonome.
Le monarque présidentiel nous a adressé la parole ce matin. Il a dit que cela suffisait la complexité du droit pénal, l'empilement des dispositifs, l'existence de cadres d'enquête différents, la multiplication de délits qui fait qu'on ne sait plus bien ce qu'il faut poursuivre. Il faudrait suivre l'invitation formulée par le Conseil d'État, dans son avis : « L'incrimination nouvelle créée par le projet rajoute à la parcellisation des infractions d'atteintes aux personnes suivant la qualité des personnes qui en sont les victimes et à la complexité du dispositif d'ensemble ».
Je ne comprends donc pas. Ou plutôt si : ce texte répond aux injonctions des organisations policières qui ont manifesté devant l'Assemblée nationale. Nous ne sommes pourtant pas obligés de céder systématiquement à leurs émotions. Il faudrait s'en tenir au droit actuel : commettre des violences à l'encontre des forces de sécurité est déjà condamnable et condamné. Vous savez, par ailleurs, comment cela va se passer : des amendements visant à inclure telle ou telle catégorie professionnelle ont été déposés. Je pense qu'il serait plus sage de supprimer cet article.
Avis défavorable. Cet amendement cherche à anéantir un des principaux axes du projet de loi, relatif à la protection de nos policiers, de nos gendarmes, de nos forces de l'ordre, qui sont agressés plus souvent qu'à leur tour et dont les proches subissent désormais la hargne de délinquants parfois sans scrupule.
Je ne considère pas qu'il y ait une surenchère pénale. Il y a la volonté de regarder la réalité en face, et le Gouvernement a raison de s'y atteler. La majorité a fait sa part dans un passé récent : nos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue ont déjà actionné le levier des réductions de peine, pour que les sanctions prononcées soient plus effectives.
Je suis évidemment défavorable à l'amendement. Le « monarque » est M. le Président de la République, élu au suffrage universel.
Il a été élu au suffrage universel direct, en effet, contrairement au ministre. Mais n'entrons pas dans un débat sur la légitimité qui nous conduirait un peu loin. Si votre objectif est de faire diminuer le nombre de violences à l'encontre des policiers, des gendarmes, des militaires de Sentinelle ou des agents de police municipale, pouvez-vous nous démontrer que le fait de créer un délit autonome et d'augmenter le quantum de peine va dissuader ceux qui agressent ces personnes ?
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL297 de M. Dimitri Houbron, CL67 de Mme Emmanuelle Ménard, amendements identiques CL313 du rapporteur, CL272 de M. Dimitri Houbron, CL280 de Mme Blandine Brocard et CL288 de Mme Coralie Dubost, amendements CL184 de M. Antoine Savignat, CL9 de Mme Marie-France Lorho, CL185 de M. Antoine Savignat, CL63 et CL198 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune).
L'article 4 crée un délit spécifique concernant certaines professions détentrices de l'autorité publique, compte tenu de leur exposition particulière liée à l'exercice de leurs missions. Dans la mesure où l'article 433-3 du code pénal cite expressément parmi les dépositaires de l'autorité publique les personnes investies d'un mandat électif public, nous proposons d'inclure ces dernières dans le dispositif qui nous est soumis, aux côtés des forces de l'ordre et du personnel de l'administration pénitentiaire.
Comme le Président de la République l'a rappelé aujourd'hui à Roubaix, les maires et les élus locaux jouent un rôle de plus en plus important dans le continuum de sécurité que nous avons défendu à la faveur des textes précédents. On connaît aussi, malheureusement, les faits divers, ces maires victimes de violences dans l'exercice de leurs missions sur la voie publique, notamment en matière de dépôts sauvages. Il nous paraît absolument indispensable d'inclure les élus, de la même façon que d'autres amendements visent à étendre l'article 4 aux pompiers et aux douaniers.
Cet article a toute ma sympathie, si je puis dire. Son objectif est de renforcer la répression des violences délictuelles qui sont commises contre les forces de sécurité intérieure, ce qui est une bonne chose.
L'amendement CL67 tend à compléter la liste des personnes dont l'agression doit être punie aussi sévèrement que possible. Il vise les gardes champêtres, qui sont toujours les grands oubliés des textes législatifs, mais aussi les douaniers, les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours ainsi que les agents de surveillance de la voie publique (ASVP). La liste est volontairement large : toute personne qui porte un signe permettant de l'identifier comme appartenant aux forces de police peut être une cible, et cela ne concerne pas uniquement les forces de sécurité intérieure. Ce matin, à 6 heures, dans un quartier prioritaire de la ville de Béziers, un agent de nettoiement a ainsi été pris pour cible parce qu'il portait un gilet d'agent municipal. La rue dans laquelle il était en train de travailler est identifiée comme un lieu de trafic de stupéfiants. Il est probable que la personne qui a jeté un parpaing dans le pare-brise du véhicule – heureusement, l'agent de nettoiement n'a pas été blessé – a dû se trouver gênée par le bruit.
Il ne faut pas oublier certaines catégories. Tout le monde peut être pris pour cible à partir du moment où on porte un signe qui peut permettre de penser qu'on appartient, de près ou de loin, aux forces de sécurité intérieure.
L'amendement CL280 tend à compléter la liste en faisant référence aux agents des douanes et aux sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires, par cohérence avec nos débats lors de l'examen de l'excellente proposition de loi de notre collègue Fabien Matras.
Cet amendement constitue la synthèse des amendements CL184 et CL185. Il convient d'ajouter les catégories qui viennent d'être mentionnées à celles qui seront protégées par le nouveau dispositif. Même si leurs finalités ne sont pas les mêmes, elles travaillent dans les mêmes conditions et avec le même degré d'exposition.
L'amendement CL63 concerne les gardes champêtres tandis que le CL198 vise tout dépositaire d'une mission de service public.
Certains de ces amendements correspondent à la philosophie générale du texte, qui est de renforcer la protection des agents les plus susceptibles d'être pris à partie en raison de leur profession. J'émettrai, en revanche, un avis défavorable aux amendements de Mme Ménard, car ils élargiraient par trop le texte à ce stade. Je ne souhaite pas une liste trop étendue. Le Gouvernement a choisi de viser les forces de sécurité intérieure, qui sont les plus susceptibles de subir des agressions. J'y souscris.
Je comprends parfaitement le sens de l'amendement de M. Houbron, qui a raison : il faut protéger les élus des territoires. J'ai pris des mesures, notamment une circulaire qui rappelle comment les élus faisant l'objet d'agressions doivent être traités – bien mieux qu'autrefois. Il faut une réponse pénale rapide : j'ai demandé aux procureurs de ne plus requérir un rappel à la loi, dont on sait qu'il était obsolète en la matière. J'ai aussi demandé, en envoyant des personnels supplémentaires dans les juridictions, qu'il y ait, chaque fois que c'est possible, un référent pour les élus, afin de les guider, d'apprendre aux jeunes maires des petites communes, par exemple, ce qu'est le statut d'officier de police judiciaire, et d'aider à mettre en place des rappels à l'ordre.
Les articles 222-12 et 222-13 du code pénal font des qualités de dépositaire de l'autorité publique et de chargé d'une mission de service public des circonstances aggravantes en cas de violences et permettent déjà une répression plus sévère. Nous avons néanmoins voulu, et je remercie le rapporteur de l'avoir indiqué, une philosophie particulière, un traitement particulier, pour les forces de sécurité intérieure. Vous savez quelle était l'attente des policiers et des gendarmes. Il me semble normal et logique d'inclure les douaniers, qui portent un uniforme et sont susceptibles d'être victimes de la même manière, ainsi que les pompiers. Je ne souhaite pas, en revanche, que les exceptions deviennent la règle, ce qui la dénaturerait. Je ne méprise en rien la protection légitime, nécessaire et républicaine qu'il faut apporter aux élus. Mais je pense que c'est un peu à côté de ce que le projet de loi a pour mission de réparer.
Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques CL313, CL272, CL280 et CL288. Il souhaite le retrait, sinon le rejet, des autres amendements.
L'amendement CL288 a pour objectif d'inclure les pompiers et les douaniers, pour les raisons qui viennent d'être évoquées. Le message doit être sans ambiguïté : il s'agit de protéger ceux qui nous protègent, de répondre à ceux qui sont, à cette fin, sur la voie publique, et non de s'adresser à soi-même en étendant le dispositif aux élus. Il existe des mesures pour les protéger comme le garde des sceaux l'a rappelé. Il faut raison garder et rester humble : ce n'est pas un texte pour les détenteurs d'un mandat électif, mais pour les forces de sécurité intérieure qui bataillent pour nous. Je crois que les élus locaux, si nous leur posions la question, seraient très fiers que nous portions ce message pour ceux qui s'engagent tous les jours sur la voie publique, en uniforme. Nous ne voterons pas les autres amendements.
Je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit au sujet de la protection des élus. Je serais très gênée par l'adoption d'un dispositif pro domo. Je ne suis pas sûre que ce serait un bon message à adresser à la population française et je ne voterai pas cet amendement, sauf peut-être si on excluait spécifiquement les parlementaires, pour ne viser que les maires et les élus locaux.
Par ailleurs, je suis gênée que les amendements ayant fait l'objet d'un avis favorable excluent les ASVP parce qu'on considère qu'ils ne sont pas tout à fait des garants de l'ordre public. Je n'irai pas défendre ces dispositions devant les agents des communes de ma circonscription. S'agissant des gardes champêtres, je ne vous raconte pas comment nous serons reçus lorsqu'ils sauront que vous êtes d'accord pour accorder un peu plus de protection aux douaniers et aux pompiers, ainsi qu'aux personnels de la police municipale et nationale et de la gendarmerie, cela va de soi, mais pas à eux. Dites-moi comment vous allez le leur expliquer ! Je pense que nous aurons encore droit à une réaction en bonne et due forme de la Fédération nationale des gardes champêtres.
Ce que vous souhaitez n'est pas cohérent. Les gardes champêtres ont plus de compétences que les policiers municipaux, notamment en matière de protection de l'environnement. Vous accorderiez une protection supplémentaire aux policiers municipaux et non aux gardes champêtres ? Je ne comprends pas la logique de cette exclusion.
La commission rejette successivement les amendements CL297 et CL67.
Elle adopte les amendements identiques CL313, CL272, CL280 et CL288.
En conséquence, les amendements CL184, CL9 et CL185 tombent.
La commission rejette successivement les amendements CL63 et CL198.
Elle adopte l'amendement de précision CL314 du rapporteur.
Amendement CL68 de Mme Emmanuelle Ménard.
Face aux agressions de plus en plus nombreuses à l'encontre des forces de l'ordre, il convient de durcir les peines encourues par les personnes dont les violences ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.
Si je comprends bien le sens de cet amendement, vous voulez élever encore la sanction pénale encourue par l'agresseur d'un membre des forces de sécurité intérieure. Or, ce qui est actuellement puni de cinq ans d'emprisonnement le sera du fait du projet de loi de sept ans, et ce quantum augmentera en cas de circonstances aggravantes. Votre amendement reviendrait à élever le niveau des sanctions actuel non d'un cran, mais de deux, ce qui serait excessif et nous ferait perdre de la souplesse. Vous voulez placer d'emblée le curseur au sommet de l'échelle des peines correctionnelles, ce qui empêcherait de prendre en considération des circonstances aggravantes. Il faut que la loi soit juste, efficace et proportionnée. Par conséquent, avis défavorable à l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Successivement, suivant les avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL69 de Mme Emmanuelle Ménard, adopte l'amendement rédactionnel CL315 du rapporteur, rejette l'amendement CL70 de Mme Emmanuelle Ménard, adopte l'amendement rédactionnel CL317 du rapporteur et rejette l'amendement CL73 de Mme Emmanuelle Ménard.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL316 du rapporteur.
En conséquence, l'amendement CL74 de Mme Emmanuelle Ménard tombe.
Successivement, suivant les avis du rapporteur, la commission adopte les amendements identiques, de coordination, CL312 du rapporteur, CL278 de M. Dimitri Houbron, CL281 de Mme Blandine Brocard et CL287 de M. Jean Terlier, rejette l'amendement CL304 de M. Dimitri Houbron et adopte l'amendement rédactionnel CL318 du rapporteur.
Elle adopte l'article 4 modifié.
Après l'article 4
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CL182 de M. Antoine Savignat.
Les articles 5 à 11, 17, 18 et 20 sont réservés pour être examinés lors de notre réunion de demain après-midi, à l'issue de la discussion générale en présence de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté.
Titre V Améliorer les procédures de jugement des mineurs et autres dispositions pénales
Article 12 (art. 397-2-1 [nouveau] du code de procédure pénale et art. L. 423-14 [nouveau] du code de la justice pénale des mineurs) : Maintien à la disposition de la justice de prévenus présentés devant une juridiction incompétente du fait d'une erreur sur leur majorité ou minorité
Amendement de suppression CL210 de Mme Danièle Obono.
Nous nous opposons à cette disposition octroyant à un juge incompétent la compétence de statuer sur le maintien en détention d'une personne, le temps que son dossier soit transmis à la juridiction effectivement compétente. L'Association française des magistrats instructeurs fait remarquer que le délai de vingt-quatre ou quarante-huit heures pour transmettre un dossier au pôle spécialisé est utopique et que cinq jours seraient plus réalistes – nous n'en tirerons toutefois pas argument, car cela pousserait en faveur du maintien plus long en détention provisoire, alors qu'elle est prononcée par un tribunal incompétent. Rappelons que la règle, c'est la liberté, et l'enfermement, l'exception.
En traitant la question des mineurs non accompagnés uniquement sous l'angle répressif et judiciaire, on la méprise et cela conduit, par effet de cliquet, à une logique d'enfermement – mieux vaut enfermer le mineur, car on ne sait jamais, et prendre ses empreintes de force, pour pouvoir mieux le suivre. Jamais, au grand jamais, on n'envisage d'assurer un accueil digne de ces enfants dans notre pays ! Si les gens étaient accueillis dignement, on en saurait peut-être plus sur eux, car ils diraient plus volontiers qui ils sont et pourquoi ils sont là, et on connaîtrait moins de délinquance. Les mineurs non accompagnés, en tout cas en région parisienne, subissent toutes sortes de trafics ; ils tombent parfois dans l'escarcelle de trafiquants de stupéfiants et deviennent eux-mêmes « addicts ». La seule réponse qu'on apporte est de les maintenir en détention provisoire pour être sûrs qu'ils soient condamnés. Je crains qu'avec cet article, on ne change rien à la situation de ces mineurs, ni à celle des riverains, qui continueront à souffrir de nuisances. On voit bien que la seule chose qui vous importe, c'est comment enfermer les gens !
La mesure en question ne concerne pas les mineurs non accompagnés dans leur généralité, mais seulement ceux d'entre eux – environ 10 % – qui se livrent à la délinquance. Cette disposition a pour objet de maintenir les prévenus à disposition de la justice en attendant qu'ils soient présentés devant la juridiction compétente. Actuellement, ces mineurs sont immédiatement remis en liberté. Or il y a un risque de confusion lié à leur âge, à leur identité, à l'incapacité de déterminer leur minorité ou leur majorité. Des mineurs peuvent ainsi se trouver devant les juridictions pour adultes, et inversement. Il est important de pouvoir les garder facilement sous main de justice, pendant la durée la plus courte possible. L'article prévoit toutes les précautions d'usage concernant les mineurs, qui ne peuvent être retenus plus de vingt-quatre heures. Avis défavorable.
Dire que les mineurs non accompagnés ne sont pas accueillis dans des structures adaptées, c'est complètement faux, c'est ne pas connaître le sujet, ne pas l'avoir étudié. Si on les accueillait bien, dites-vous, il n'y aurait pas de problème : caricature ! Ces mineurs qui, partis du Maroc par exemple, parcourent la péninsule ibérique et arrivent clandestinement en France, selon vous, il faudrait les accueillir en postant à la frontière quelqu'un chargé de les identifier et de les diriger vers un centre. Ces propos sont irresponsables, car ils ne correspondent pas à la réalité. Personne, ici, n'a le monopole de l'humanité. Dieu sait que nous sommes un certain nombre à travailler sur cette question, qui préoccupe le ministre que je suis et ses services. Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui veulent agir et, de l'autre, ceux qui sont complètement déshumanisés et se moquent du sort de ces gamins. Ce genre de préambule est insupportable !
Au sein de la population des délinquants, on a parfois bien du mal à distinguer les mineurs des majeurs. Je ne demande pas la prise d'empreintes pour leur faire du mal, mais pour pouvoir les suivre, pour ne pas que, le soir même, ils se retrouvent sous une fausse identité à Barbès, à crever à cause des stupéfiants et à voler des gens – qui ne seront d'ailleurs jamais indemnisés. Avec le Maroc, où je me suis rendu, nous avons fait un certain nombre de choses, et c'est extrêmement compliqué, car ces enfants sont fuyants. Le ministre de l'intérieur espagnol m'a dit être confronté au même problème : en remettant les gamins en liberté, on les laisse livrés à eux-mêmes, sans pouvoir s'occuper d'eux.
Ça me rend hystérique d'entendre toujours « y a qu'à, faut qu'on » ! Je serais preneur de propositions, mais vous n'en faites aucune. J'ai toujours dit que la porte de la Chancellerie était ouverte à qui voulait me faire de vraies propositions. Nous avons travaillé sur ce sujet. Je me suis rendu avec des députés à l'étranger, au Maroc ; nous avons rencontré des magistrats, des policiers ; nous travaillons sans relâche sur ce dossier. Et vous arrivez en disant qu'il suffirait d'accueillir les mineurs pour régler le problème : c'est scandaleux, car c'est faux ! Vous méconnaissez le problème et surfez sur l'humanisme de bon aloi, dogmatique, sans rien proposer, comme d'habitude – c'est votre technique !
Je ne comprends pas très bien le sens de l'intervention du ministre. Alors qu'il est en poste depuis juillet 2020 – et peut-être plus pour très longtemps –, il prétend avoir le monopole de la connaissance du sujet. Voilà quatre ans que nous présentons cet amendement. Je suis députée du 18e arrondissement de Paris et vis au quotidien la réalité des familles, des parents qui sont victimes de ces enfants. Je connais le dossier pour avoir suivi les travaux du rapporteur et de M. Savignat, et participer à ceux de la commission d'enquête sur les migrations, qui porte notamment sur ce sujet. Les propos du ministre me paraissent donc pour le moins déplacés.
Nous ne disons pas que vous ne faites pas preuve d'humanité – nous avons suffisamment travaillé sur ce sujet avec des collègues de La République en marche, des Républicains ou d'autres groupes pour ne pas se faire ce genre de procès –, mais que vos propositions pour résoudre ce problème réel s'inscrivent dans une logique sécuritaire. Si celle-ci peut être nécessaire, même pour des mineurs, l'empilement de mesures en ce sens crée un cadre qui va à l'encontre du besoin de protection de ces enfants. Même délinquants, ce sont d'abord des enfants. C'est pourquoi je m'inscris en faux contre vos propos. Il est insupportable d'entendre dire que les uns font des propositions, et que d'autres n'en font pas. Depuis quatre ans, nous proposons des mesures. Vous ne les approuvez pas, c'est votre droit, mais ne nous insultez pas en disant que nous ne proposons rien.
Madame Obono, monsieur Bernalicis, vous faites un gros amalgame et ne prenez pas en compte le fait qu'il s'agit de mineurs délinquants. Vos propos ne sont pas recevables. Comment entendre qu'on laisse repartir une personne qui vient d'être arrêtée et est traduite devant un tribunal, en raison de la difficulté à déterminer sa minorité ou sa majorité ? Cela ne serait pas acceptable, au regard du travail des forces de l'ordre et à l'égard de la victime d'une infraction pénale.
Il faut revenir à l'esprit de l'article, qui vise à remédier à une difficulté pratique à laquelle se heurtent les magistrats, les avocats, les éducateurs et les mineurs eux-mêmes : la détermination de l'âge de la personne mise en cause. On constate parfois, au cours de la procédure, que quelqu'un que l'on croyait mineur est en réalité majeur, ou inversement. Lorsqu'on remet en liberté un mineur, à défaut de cadre légal, on risque de le perdre de vue ; il peut alors commettre d'autres infractions ou se mettre en danger. L'article 12 est donc aussi dans l'intérêt du mineur, à l'instar de notre réforme de la justice pénale des mineurs, qui entrera bientôt en vigueur. Il faut aussi penser aux victimes, qui pourront voir l'auteur des faits condamnés. L'objectif est de suivre les mineurs, afin qu'ils n'échappent pas à la justice.
Aux termes de l'article, « S'il lui apparaît que la personne présentée devant lui est mineure, le tribunal renvoie le dossier au procureur de la République. » Comment le tribunal s'assurera-t-il de la minorité ?
C'est toute la difficulté, et c'est le travail des enquêteurs.
Je répète, face aux cris d'orfraie de certains, qu'on ne prend pas les empreintes des mineurs pour leur faire du mal. On a du mal à suivre ces gamins car, au gré de leurs mésaventures judiciaires, ils changent d'identité, d'âge, de nationalité. C'est pourquoi la plupart des magistrats souhaitent un meilleur suivi. Il faut sortir d'une forme de dogmatisme : il n'y a pas les bons, d'un côté, et les méchants, de l'autre, partisans du « paluchage ». Nous voulons tous aider ces enfants, et c'est l'objet de cette disposition.
Lorsque les mineurs sont pris en charge par les services civils ou de suivi pénal, ils sont accueillis dignement. Je vous invite à visiter ces lieux, si vous ne les connaissez pas. Tous les quinze jours, je rencontre des mineurs non accompagnés, soit dans des centres éducatifs fermés (CEF), soit dans les milieux ouverts, et je vois les efforts réalisés pour les aider et les sortir de cette situation. Tous les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) font preuve d'une grande humanité. « Y a qu'à, faut qu'on », comme si nous ne faisions rien et que vous aviez toutes les solutions, clés en main ! C'est tellement facile !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL144 de Mme Lamia El Aaraje.
Plutôt que de prévoir le placement du mineur ou son maintien en détention provisoire, ne pourrait-on imaginer sa remise au service de la PJJ, qui serait chargé de garantir sa présentation devant la juridiction compétente ?
Je suis d'accord avec vous, sur un plan philosophique. Le problème, c'est que l'on observe dans la pratique que le mineur délinquant saisit toutes les occasions qui lui sont offertes de fuir. Les services concernés, notamment la PJJ, signalent très fréquemment cette volonté de fuguer, à telle enseigne que cette dernière refuse de les prendre en charge. Il est important de les garder sous main de justice pour les protéger : encore une fois, il s'agit d'enfants, tout délinquants qu'ils soient. J'insiste sur la proportionnalité de l'article, qui prend toutes les précautions possibles. Les mineurs déférés par erreur vers un tribunal pour majeurs se trouvent dans une situation très complexe. Avis défavorable.
Très souvent, dans ces situations, on ne retrouve plus le mineur une fois libéré. L'article 12 prévoit de ne le retenir que vingt-quatre heures. L'objectif n'est pas de l'incarcérer mais de l'avoir sous main de justice pour statuer, envisager une aide ultérieure, des mesures répressives s'il le faut, des actions éducatives. On a besoin de leur présence. S'ils repartent à Barbès, ils seront libres, mais de se retrouver aux mains de types qui les drogueront, les tiendront et les contraindront à voler sur les Champs-Élysées. On connaît cela dans toutes les grandes villes. Tous les magistrats que je rencontre me disent exactement la même chose.
Il est vrai que le délai de vingt-quatre heures mentionné à l'alinéa 3 tempère la mesure, mais reconnaissez qu'après avoir tant travaillé sur la détention provisoire, on puisse légitimement se poser la question et essayer d'éviter cela.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte les amendements rédactionnels CL372, CL373, CL374, CL375 et CL376 du rapporteur.
La commission adopte l'article 12 modifié.
Article 13 (art. L. 423-13 et L. 531-4 du code de la justice pénale des mineurs) : Faculté d'appel du procureur de la République d'une mesure éducative judiciaire provisoire ou d'une mesure de sûreté prononcée avant la comparution du mineur devant la juridiction de jugement
La commission adopte les amendements rédactionnels CL377 et CL378 du rapporteur.
Elle adopte l'article 13 modifié.
Article 14 (art. L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire) : Interdiction pour le juge des enfants ayant été chargé de l'instruction d'une affaire renvoyée devant le tribunal pour enfants de présider la juridiction de jugement
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL379 du rapporteur.
Elle adopte l'article 14 modifié.
Article 15 (art. 311-3-1 [nouveau] du code pénal) : Application de l'amende forfaitaire délictuelle à certains vols simples
Amendement de suppression CL211 de M. Ugo Bernalicis.
Les amendes forfaitaires sont à la mode. Elles font partie des annonces faites par le monarque présidentiel ce matin, alors que cette mesure est encore en discussion.
Les députés connaissent les institutions et savent que le Président de la République est élu au suffrage universel. L'usage du mot « monarque » est parfaitement impropre à qualifier sa situation, voilà tout. Les membres de l'Assemblée nationale pourraient à tout le moins respecter les institutions dont ils font partie.
Il ne s'agit pas de policer le débat, mais simplement d'employer des mots qui correspondent à la réalité !
Le monarque présidentiel, donc, nous a dit ce matin, en clôture du Beauvau de la sécurité, que l'amende forfaitaire était le moyen génial de condamner rapidement les auteurs de petites infractions. L'objectif est clairement de se débarrasser d'un contentieux – les vols à l'étalage, les vols à la roulotte… – qui prend du temps. Seront concernés les vols de biens d'une valeur inférieure ou égale à 300 euros. Autrement dit, cette mesure expéditive s'appliquera aux vols de misère, aux vols alimentaires. Actuellement, ceux-ci sont soumis à une procédure qui peut paraître lourde, mais qui permet au magistrat d'apprécier le contexte social dans lequel se trouve le prévenu. Le juge peut ordonner, le cas échéant, des obligations judiciaires, sans prononcer une amende qui risque d'aggraver encore les difficultés de la personne. Par cette mesure, vous gérez les flux, et c'est là que le bât blesse. Cela risque d'aggraver une délinquance de misère, que nous souhaitons tous évidemment endiguer.
Avis défavorable. L'objet de cet article est uniquement de simplifier le fonctionnement de la justice, tout en continuant de sanctionner des infractions qui font déjà l'objet de poursuites. Les vols simples sont déjà poursuivis par les parquets, en fonction de la gravité de l'infraction. Il s'agit d'appliquer une procédure simple à des faits de moindre gravité, sans que cela ait de conséquence sur leur nature poursuivable ou non, tout en allégeant la charge des juridictions. En d'autres termes, l'infraction de vol simple existe déjà et il ne s'agit pas de remettre en cause le périmètre de cette infraction, mais uniquement de procéder à un ajustement procédural, à mon sens bienvenu.
Les débats à l'Assemblée nationale, auxquels je suis heureux de prendre part, constituent un moment démocratique important, mais on doit respecter les institutions de notre République. Le fonds de commerce de certains consiste à dézinguer tout ce qui est institutionnel. Comment s'étonner, au vu de pareils comportements, que les gamins manquent de respect ?
Je n'ai jamais bousculé, pour ma part, un procureur de la République ou un policier.
Monsieur Bernalicis, je vous invite à vous concentrer sur la défense de vos amendements plutôt que d'invectiver sans cesse le ministre.
Aucune insulte n'a été proférée, il s'agissait d'un propos purement politique. Nous remettons en cause la monarchie présidentielle !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL145 de Mme Lamia El Aaraje.
Nous souhaitons, s'agissant des mineurs délinquants, que le constat de l'infraction aille de pair avec la pédagogie. Or je ne suis pas certaine que cette dernière, qui est l'un des grands principes de l'ordonnance de 1945, trouve ici sa place. C'est pourquoi je suis réservée à l'égard de ce dispositif, dont je mesure toutefois les effets simplificateurs dans le cadre de l'action publique.
L'amendement vise à ce que le dispositif de l'amende forfaitaire ne s'applique que lorsque le vol a porté sur un objet dont la valeur ne peut être inférieure à 100 euros.
Le dispositif de l'amende forfaitaire ne s'applique pas aux mineurs. Le texte est clair à ce sujet. J'ai bien compris le sens de votre amendement. Il ne s'agit pas, en l'espèce, de créer une nouvelle infraction, mais de simplifier la procédure. Avis défavorable.
La personne contre laquelle une amende forfaitaire est prononcée peut toujours exercer son droit de recours devant le procureur de la République, qui appréciera la suite à donner à l'affaire.
Le dispositif n'est pas applicable aux mineurs mais l'amendement ne les visait pas particulièrement.
La question du montant de l'amende se pose, notamment pour les vols de biens de petite valeur. Elle peut s'élever à 300 euros ou 250 euros si l'on paie immédiatement. Dans les faits, quand on commet ce genre de petit larcin, on ne se dit pas qu'on peut exercer son droit de recours devant le procureur de la République. S'agit-il bien là d'une simplification du mode de fonctionnement de la justice ? En effet, celle-ci n'aura son mot à dire qu'en cas de contestation. C'est le policier qui décidera d'infliger une amende forfaitaire en fonction de son analyse de la situation ou, tout simplement, pour s'épargner les contraintes de la procédure pénale. C'est pareil pour l'usage de stupéfiants ou toute autre infraction qui peut donner lieu à une amende forfaitaire.
Des études réalisées par des chercheurs ont établi que cette pratique augmentait le risque de l'arbitraire policier puisque, finalement, la police se retrouve à rendre elle-même la justice. Sans parler du contrôle social qui s'exerce ainsi sur un certain type de population, en l'occurrence les plus précaires et les plus pauvres. Nous ferions bien de nous remémorer le but poursuivi, dont nous nous éloignons dangereusement, me semble-t-il.
Alors que le monarque nous expliquait qu'il n'était pas favorable à l'instauration de nouveaux délits, son allocution de midi semble indiquer qu'il a changé d'avis. Eh oui, c'est un monarque présidentiel ! C'est une appréciation politique et nous le répèterons autant de fois que nécessaire, à l'Assemblée nationale comme en dehors. La liberté d'expression est un droit reconnu à chaque individu dans notre pays. Nous tenons à l'exercer, en particulier au sein de l'Assemblée nationale, même si cela doit nous apporter des difficultés. Pourtant, de nombreux propos ont été tenus ici même sans susciter la réaction qu'ils méritaient.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL85 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit de préciser qu'il ne peut y avoir d'amende forfaitaire minorée en cas de récidive. C'est une question de principe. Je passe sur les cas d'insolvabilité organisée, pour lesquels il ne devrait même pas être possible de retenir le dispositif de l'amende forfaitaire.
Vous proposez de supprimer le montant minoré en cas de récidive, mais ce ne serait pas efficace. L'objectif, en prévoyant un montant minoré de l'amende, est d'inciter les contrevenants à la régler rapidement. Le principe est le même que pour l'amende que vous recevez pour excès de vitesse. L'amende minorée incite les contrevenants à s'en acquitter le plus rapidement possible. Avis défavorable.
Lorsque les enquêteurs constatent un vol à l'étalage, ils ne sont pas en mesure de savoir si la personne a déjà été condamnée ou non.
La police nationale et la gendarmerie peuvent accéder à nombre de fichiers. De surcroît, les policiers connaissent souvent les délinquants auxquels ils ont affaire.
Je ne suis pas d'accord avec la comparaison utilisée par le rapporteur. Ce n'est pas la même chose de rouler à 55 km/h au lieu de 50 et de voler un objet de 300 euros ! J'ai bien compris que le dispositif de l'amende minorée avait pour objectif d'inciter les gens à payer, mais quand une personne se fait arrêter pour la quatrième fois pour avoir volé à l'étalage ou le sac d'une vieille dame, vous ne pouvez pas lui dire que ce n'est pas bien grave et qu'une amende minorée suffira largement ! C'est une question de principe.
L'amende forfaitaire n'est pas une obligation. Le policier peut très bien contacter le procureur qui décidera de retenir une autre peine que l'amende. Par ailleurs, votre hypothèse d'une quatrième interpellation ne se vérifiera pas. Au bout d'un moment, le policier et le procureur se lasseront et ce n'est pas une peine d'amende qui sera prononcée.
L'objectif est de sanctionner plus rapidement les petits vols à l'étalage et de soulager les commissariats et les gendarmeries des contraintes administratives liées à la procédure pénale. Le dispositif de l'amende forfaitaire fonctionne bien. Il a fait ses preuves, chiffres à l'appui, dans d'autres domaines, en allégeant la procédure pénale, ce que souhaitaient les magistrats et les forces de sécurité intérieure. Si vous devez rédiger quinze pages pour le vol d'une pomme, c'est qu'il y a un problème.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 15 non modifié.
Après l'article 15
Amendement CL408 du rapporteur.
La commission adopte l'amendement. L'article 15 bis est ainsi rédigé.
Amendement CL187 de M. Thomas Rudigoz.
L'amende forfaitaire délictuelle est un outil utile et pertinent mais qui, trop souvent, n'est pas payée par les délinquants en raison de leur insolvabilité. Nous proposons, par conséquent, si l'auteur de l'infraction n'a pas payé le montant de cette amende dans un délai de quatre mois à compter de l'envoi à son domicile du titre exécutoire, que le procureur de la République puisse relancer l'action publique.
Sur le fond, je partage le sens de cet amendement. Il importe en effet de faire tout notre possible pour garantir le paiement de ces sommes. Juridiquement, si l'amende forfaitaire n'est pas payée, des poursuites peuvent être enclenchées par le procureur de la République. L'action publique n'est donc pas éteinte avant le règlement de cette amende.
L'article 495-17 du code de procédure pénale est d'ailleurs clair à cet égard puisqu'il prévoit que seul le paiement de l'amende peut entraîner l'extinction de l'action publique.
En conséquence, je vous invite à retirer cet amendement, qui est satisfait, sinon j'y serai défavorable.
L'amendement est retiré.
Article 16 (art. 55-1, 76-2 et 154-1 du code de procédure pénale, art. L. 413-16, L. 413-17 [nouveaux] et L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs) : Relevés signalétiques contraints
Amendement de suppression CL212 de Mme Danièle Obono.
L'article 16 prévoit de procéder, malgré le refus de l'intéressé, à un relevé de ses empreintes digitales ou palmaires ou à une prise de photographie lorsqu'il est suspecté d'avoir commis un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement – cinq ans pour les mineurs.
Nous proposons de supprimer cet article qui vise clairement les mineurs non accompagnés. L'exposé des motifs souligne ainsi que les juridictions et services d'enquête sont confrontés à d'importantes difficultés d'identification de personnes qui, dépourvues de titres d'identité, se présentent souvent comme des mineurs non accompagnés, refusent de divulguer leur réelle identité, usent d'identités différentes, parfois au moyen de faux documents, et s'opposent aux relevés signalétiques. Cet article s'inscrit dans le climat de suspicion permanent de la parole des jeunes migrants. Or le durcissement des dispositifs n'a pas amélioré la situation et il serait temps de suivre une autre logique, qui prenne en compte les difficultés propres à l'enfant délinquant, qu'il soit étranger non accompagné ou de nationalité française, pour l'accompagner durablement. C'est un travail de longue haleine.
Cet article que vous proposez de supprimer prévoit une nouvelle mesure à destination des mineurs comme des majeurs dans le cadre de la procédure judiciaire. Il permet, sous réserve de l'autorisation du procureur de la République, de réaliser des relevés signalétique contraints lorsqu'une telle opération constitue l'unique moyen d'identifier une personne suspectée d'avoir commis un crime ou un délit puni d'au moins trois, voire cinq ans de prison.
Les travaux de la mission d'information sur les problématiques de sécurité associées à la présence de mineurs non accompagnés délinquants sur le territoire soulignaient qu'en matière de délinquance des mineurs non accompagnés, enquêteurs et magistrats sont régulièrement confrontés à un refus de prise d'empreintes digitales, ce qui rend plus difficiles l'identification certaine de la personne contrôlée et la vérification de sa minorité. Vous le savez fort bien, madame Obono, pour être députée de la dix-septième circonscription de Paris, qui compte une partie du 18e arrondissement, particulièrement concerné par ce problème.
Dans le cadre des travaux de cette mission, le parquet de Paris nous avait partagé les conclusions d'une expérimentation menée en 2019, qui avait permis de conclure que, sur 154 jeunes formellement identifiés, 141 étaient majeurs. C'est une réalité, nous avons du mal à distinguer les majeurs des mineurs, ce qui pose problème pour assurer le suivi des mineurs mais conduit également à encombrer inutilement des juridictions destinées aux enfants. Il est également difficile de placer ces mineurs, qui doivent être systématiquement pris en charge de manière pluridisciplinaire, dans des foyers de mineurs non accompagnés et non délinquants. La cohabitation se passe mal.
L'article 16 pose plusieurs conditions au recours aux relevés signalétiques contraints, qui garantissent l'équilibre du dispositif. L'opération doit constituer l'unique moyen d'identifier la personne et l'individu doit avoir refusé de justifier son identité ou fourni des éléments d'identité manifestement inexacts. La personne en question doit être mise en cause pour un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement, voire cinq ans pour un individu mineur. L'opération est conditionnée à l'autorisation écrite du procureur de la République, saisi d'une demande motivée de l'officier judiciaire. Le recours à la contrainte doit être nécessaire et proportionné. Plusieurs garanties supplémentaires s'appliquent quand la procédure concerne une personne mineure. Enfin, l'opération fait l'objet d'un procès-verbal. Par ailleurs, le mineur doit sembler avoir au moins 13 ans – je déposerai un amendement précisant cette disposition.
Avis défavorable.
Tous les professionnels, l'ensemble des acteurs du monde judiciaire, plébiscitent cet outil extrêmement utile. Vous avez le droit d'être contre, nous sommes dans une vraie démocratie. Par ailleurs, c'est une obligation européenne prévue par un règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL380, CL381, CL382, CL383, CL384, CL385, CL386 et CL387 du rapporteur.
Amendement CL409 du rapporteur.
Il s'agit de préciser que le mineur doit apparaître manifestement âgé d'au moins 13 ans, afin d'éviter toute ambiguïté quant à l'interprétation de cette condition.
J'insiste sur un point : il s'agit d'un dialogue constructif entre l'officier de police judiciaire et le procureur. Nous avons auditionné de nombreux professionnels, notamment au sein du parquet de Bobigny. Il en ressort que la confrontation de l'avis de l'officier de police judiciaire à celui du procureur de la République, sur l'âge probable de la personne concernée, donne de bons résultats.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL121 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 19. Afin de vérifier l'identité du mineur non accompagné, la prise d'empreintes digitales, palmaires ou de photographies, sans le consentement du mineur, ne pourrait avoir lieu que si l'infraction qui lui est reprochée constitue un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Cette condition ne me semble pas nécessaire. La hausse de la criminalité est telle que la France doit réagir. En janvier 2020, le procureur de Paris, Rémy Heitz, déclarait que l'augmentation du nombre de mineurs non accompagnés n'y était pas étrangère, ajoutant que ces mineurs, qui sont des multirécidivistes, jouissent d'un sentiment d'impunité extrêmement fort.
C'est pourquoi il ne faut pas restreindre à ce point les possibilités de contrôler les mineurs non accompagnés. Toute occasion qui permet de vérifier leur identité est souhaitable.
Je ne reprendrai pas les propos d'Antoine Savignat mais vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le rapporteur, que, très souvent, les mineurs non accompagnés, pourvus de papiers en Espagne, n'en ont étrangement plus quand ils franchissent la frontière et arrivent en France ! C'est un fait que les mineurs non accompagnés n'ont quasiment jamais de document d'identité. En général, ils n'ont pas d'acte de naissance et même lorsqu'ils en ont un, authentique, les empreintes ne figurent pas sous la photographie, ce qui empêche de confirmer leur identité. Il est donc très important d'autoriser la prise d'empreintes digitales ou palmaires, ou bien la photographie.
C'est vrai, ils sont multirécidivistes et c'est pourquoi le quantum de peine est adapté à cette situation. Très rapidement, on arrive à des peines de cinq ans d'emprisonnement pour les mineurs.
Pour ce qui est des papiers, il se dit en effet qu'ils ont des papiers en Espagne et pas en France. Cela étant, ces papiers espagnols sont peut-être des faux.
L'alinéa 19 de cet article a fait l'objet d'intenses arbitrages pour aboutir à une disposition qui n'est pas tout à fait celle que nous avions initialement prévue. L'officier de police judiciaire exerce une forme de violence légitime sur l'individu, même si elle n'est pas invasive. C'est pourquoi nous devons l'encadrer, notamment en l'autorisant dans le seul cadre de la procédure judiciaire. Avis défavorable.
Le terme de « violence » me fait bondir ! Nous parlons de multirécidivistes qui ont commis des crimes ou des délits pour lesquels ils encourent une peine de cinq ans d'emprisonnement. Comment pouvez-vous qualifier de violence la prise d'empreinte ou la photographie ? Ce ne sont pas des techniques invasives ! Au contraire, c'est le minimum que nous puissions faire ! Si l'on persiste à ne pas se protéger, on ne règlera jamais les problèmes. Les Français ne vous entendent plus quand vous vous exprimez ainsi, surtout s'ils vivent dans des quartiers où les mineurs multiplient les actes de délinquance. Je ne porte pas de jugement de valeur. Ces mineurs subissent, la plupart du temps, un système auquel ils ne peuvent échapper, mais on ne peut pas prétendre aider ces enfants si on ne se donne pas les moyens de les répertorier en prenant leurs empreintes dès lors qu'ils commettent un délit, que celui-ci soit puni de plus ou de moins de cinq ans d'emprisonnement !
J'assume le terme de « violence légitime », car il s'agit d'enfants fragiles que nous devons protéger. Ils ont beau être des délinquants multirécidivistes, ils ne sont pas perdus pour la société. Nous devons encadrer cette disposition et prendre toutes les précautions nécessaires. Ce texte équilibré est le fruit d'intenses réflexions.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL388 du rapporteur.
Amendement CL89 de Mme Emmanuelle Ménard.
Dans la même logique, il s'agit de passer le seuil de cinq à trois ans d'emprisonnement, ce qui serait plus raisonnable.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL389 du rapporteur.
Amendement CL146 de Mme Lamia El Aaraje.
Il s'agit de compléter l'alinéa 23 en précisant que le mineur se voit remettre un document attestant de son identité.
Votre amendement indique reprendre une solution préconisée par Mme la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse lors de son audition, qui consisterait en la remise d'un document d'identité à l'issue de la procédure de relevés signalétiques forcés.
Ce n'était pas le sens de son propos, puisqu'elle préconisait une telle solution en cas de bon comportement du mineur, notamment dans le cadre de la mise à l'épreuve éducative. Il ne s'agissait pas de remettre un tel document à des mineurs suspectés d'avoir commis une infraction très grave. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL390 du rapporteur.
La commission adopte l'article 16 modifié.
Après l'article 16
Amendement CL122 de Mme Emmanuelle Ménard
Pour compléter l'article 16, qui vise à améliorer l'identification des personnes suspectées d'avoir commis une infraction, je propose de revenir ici sur les cas de doute quant à l'âge du mineur et sur les résultats de l'évaluation de celui-ci. Il s'agit de permettre une meilleure circulation des informations relatives au mineur et d'encourager le partage de données par le biais du fichier AEM (appui à l'évaluation de la minorité). Celui-ci devrait être généralisé à tous les départements : nous ne nous en sortirons pas sans un système permettant de recenser tous les mineurs non accompagnés et d'éviter qu'ils ne passent d'un département à l'autre pour reprendre la procédure de zéro lorsqu'ils ne bénéficient pas de l'aide à l'enfance quelque part.
Avis défavorable.
D'abord, cette proposition ne relève pas de la logique poursuivie par l'article 16, ni du texte dans son ensemble. Ensuite, elle est satisfaite par plusieurs articles en vigueur, dont l'article R. 221-15-4 du code de l'action sociale et des familles, qui dispose que les agents en charge de la protection de l'enfance du conseil départemental ont accès au fichier, et son article R. 221-15-2, qui permet l'enregistrement des données transmises par le conseil départemental.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL219 de M. Ugo Bernalicis
Cet amendement, similaire à d'autres que nous avons déposés sur des textes précédents, reprend une position constante de notre groupe : l'opposition aux tests osseux, contre lesquels plaident la littérature scientifique et des organismes de défense des droits de l'homme comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH. Même le Conseil constitutionnel, s'il a fini par admettre que l'on pouvait utiliser les tests osseux dans l'évaluation de la minorité, a tenu compte de ces arguments scientifiques en précisant que l'emploi desdits tests devait être assorti d'autres garanties, dont l'entretien avec le mineur présumé, son contexte familial et l'évaluation sociale. Les tests osseux ne servent pas à grand-chose, sinon, puisque leur validité scientifique n'est toujours pas démontrée, à exclure de la minorité des personnes qui pourraient en fait en relever.
Le sujet m'intéresse beaucoup, comme vous le savez. Je n'en émettrai pas moins un avis défavorable.
En effet, le Conseil constitutionnel, par une décision du 21 mars 2019, a déclaré les dispositions de l'article 388 du code civil conformes à la Constitution, tout en insistant sur les garanties que ces dispositions, contrairement à ce que vous dites, prévoient, notamment le recueil du consentement de l'intéressé dans une langue qu'il comprend, la mention de la marge d'erreur dans les résultats de ces examens et l'impossibilité de déduire l'âge d'une personne sur cet unique fondement.
Le Conseil constitutionnel a également précisé que la majorité de l'intéressé ne peut être déduite du seul refus de se soumettre aux examens osseux et qu'il appartient à l'autorité judiciaire de prendre en compte d'autres éléments tels que l'évaluation sociale et les entretiens réalisés par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Les tests osseux font partie d'un faisceau d'indices permettant de déterminer la majorité ou la minorité de la personne, et le doute doit toujours bénéficier au mineur.
Je suis plutôt défavorable à ces tests, pour les raisons que vous connaissez, mais ils sont utiles faute de mieux dès lors qu'ils s'inscrivent dans cette perspective d'un faisceau d'indices.
La commission rejette l'amendement.
Titre VI Dispositions diverses et dispositions relatives à l'outre-mer
Article 19 (art. 20 et art. 22-1 [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978) : Simplification des procédures permettant le prononcé de mesures correctrices et de sanctions par la CNIL
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL396 et CL397, et de coordination CL410 et CL411, des rapporteurs Jean-François Eliaou et Jean-Michel Mis.
Elle adopte l'article 19 modifié.
La réunion se termine à minuit 35.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Blandine Brocard, M. Vincent Bru, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Dimitri Houbron, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme Valérie Oppelt, M. Didier Paris, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Antoine Savignat, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Cécile Untermaier
Excusés. - M. Ian Boucard, M. Moetai Brotherson, Mme Paula Forteza, Mme Claire Guion-Firmin, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, M. Pierre Morel-À-L'Huissier