Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du mercredi 15 septembre 2021 à 14h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté :

J'ai l'honneur de vous présenter, au nom de M. Gérald Darmanin et en mon nom propre, les volets du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure relevant du ministère de l'intérieur. Ce texte structurant, d'une importance particulière, permettra de mieux protéger tant nos concitoyens que les membres des forces de sécurité dans l'action difficile qui est la leur. Hier, vous avez eu de riches échanges avec M. le Garde des sceaux sur les articles qui relèvent du ministère de la justice. Pour ma part, j'aborderai exclusivement les dispositions des articles 5 à 11, 17 et 18, qui visent à rendre plus efficace l'action des forces de sécurité de l'État, tout en dotant ces dernières d'outils qui réduiront les risques encourus par les policiers et les gendarmes dans le cadre de leurs interventions.

L'encadrement juridique de l'ensemble des dispositions, au regard notamment de l'équilibre nécessaire entre l'objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée, a fait l'objet d'une attention toute particulière de la part de nos services. Nous avons tenu compte des débats parlementaires que nous avons eus ensemble, de la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, ainsi que de l'avis du Conseil d'État sur le présent projet de loi.

Ce texte entend prolonger et renforcer les actions déjà entreprises concernant le délit de refus d'obtempérer et la lutte contre les rodéos motorisés.

Le refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter émanant d'un agent au bord de la route est un délit d'une particulière dangerosité, pour les forces de l'ordre comme pour les piétons. Un refus d'obtempérer a lieu toutes les dix-sept minutes, en moyenne, sur le territoire national. Ce délit occasionne de nombreux blessés, voire des morts, notamment parmi les membres des forces de sécurité intérieure, auxquelles je pense tout particulièrement, et parmi les passants. Tous ces éléments sont soulignés dans le rapport d'information sur l'évaluation de l'impact de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés rédigé par Mme Natalia Pouzyreff et M. Robin Reda, que je remercie, au nom du ministre de l'intérieur et en mon nom propre, pour leur engagement et leurs travaux sur ce sujet d'importance. Nous devons donc faire preuve de la plus grande fermeté contre ce phénomène. L'article 5 du présent projet de loi renforce les mesures conservatoires et le régime des peines applicables au délit de refus d'obtempérer en prévoyant le même niveau de répression que celui défini pour les délits routiers les plus graves.

Nous faisons preuve de la même fermeté contre les rodéos motorisés. Vous connaissez la détermination du ministre de l'intérieur dans la lutte contre ces pratiques dangereuses et nuisibles. Des actions fortes ont été menées par les forces de sécurité intérieure ; ainsi, lors de la seule année 2020, nos policiers ont saisi et détruit plus de 600 engins. Pour compléter les outils permettant de lutter efficacement contre ces délits, nous vous proposons aujourd'hui d'enrichir les dispositions votées dans la loi de 2018. En outre, l'article 18 vise à faciliter l'identification des auteurs de ces infractions, à empêcher la restitution des véhicules servant à réaliser des rodéos, et donc à prévenir la récidive.

L'article 17 étend la liste des infractions au code de la route qui peuvent être constatées par des gardes particuliers, complétant ainsi l'action menée par les forces de sécurité et les polices municipales. Tout cela va dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une meilleure coordination.

Le Président de la République et le ministre de l'intérieur n'ont eu de cesse d'assurer la sécurité des Français. C'est dans cette logique que nous voulons renforcer la capacité opérationnelle de la police nationale. L'article 6 opère une transformation substantielle de la réserve civile de la police nationale. Le passage à une réserve opérationnelle permettra un recrutement encore plus large de réservistes au sein de la société civile, un renforcement de la formation initiale et une meilleure structuration de la formation continue des réservistes. Il permettra aussi à la réserve de mieux appuyer l'action des policiers, sur un champ de missions plus large. Je pense que nous nous retrouvons tous autour de cette proposition.

Les articles 7, 8 et 9 visent à définir le cadre juridique de l'utilisation de dispositifs de captation d'images par les forces de sécurité. Il s'agit d'un sujet important, sur lequel vous avez déjà eu de nombreux échanges constructifs avec le Gouvernement. L'utilité opérationnelle de ces dispositifs avait été reconnue lors de la discussion de la proposition de loi pour une sécurité globale ; c'est pour cette raison qu'il nous semble important de légiférer sur ce sujet, afin d'apporter toutes les garanties nécessaires en matière de respect de la vie privée en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel et des avis du Conseil d'État.

La possibilité de mettre en œuvre des dispositifs de vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue a pour objectif de diminuer les risques de suicide, d'automutilation, d'agression et, évidemment, d'évasion. La captation d'images dans les cellules de garde à vue ne saurait être systématique : elle devra bien sûr être motivée, limitée dans le temps et soumise au contrôle du juge responsable de la garde à vue. La durée de conservation des images sera évidemment elle aussi limitée ; les gardés à vue pourront demander que les enregistrements soient conservés jusqu'à sept jours.

Nous devons par ailleurs nous doter d'un cadre juridique solide qui permettra la captation d'images depuis des dispositifs vidéos installés sur des aéronefs, avec ou sans personne à bord. C'est l'objet de l'article 8, qui vise à définir un cadre juridique pour l'usage administratif de ces dispositifs. Les drones permettent en effet de sécuriser de façon beaucoup plus efficace les grands rassemblements de personnes, les grands axes de circulation et les grands lieux tels que les stades de football ou certains bâtiments publics ; ils donnent aux forces de sécurité la possibilité d'être beaucoup plus réactives dans la coordination opérationnelle et concrète, sur le terrain. Le cadre d'usage de ces dispositifs a été particulièrement renforcé, de même que le contrôle préalable à leur mise en œuvre, qui fera l'objet d'une autorisation préfectorale.

Nous savons combien l'usage de ces dispositifs, notamment des drones, peut avoir une utilité opérationnelle pour prévenir certains phénomènes comme les rodéos. L'objectif que nous partageons tous ici est de mettre fin à ce phénomène dangereux. Le ministre de l'intérieur s'y emploie fermement.

Il reste néanmoins une dimension de l'usage de ces dispositifs qui doit encore être clarifiée, à savoir leur exploitation à des fins judiciaires. Ce cadre doit être déterminé de manière globale, sans se limiter à un seul type d'infractions. C'est pour cette raison que le Gouvernement adressera, dans les tous prochains jours, une demande d'avis au Conseil d'État. Cela devrait nous permettre d'introduire dans le texte des dispositions adaptées dès la première lecture au Sénat.

J'en viens aux caméras embarquées dans les véhicules des services de l'État. Les services concernés, notamment la police et la gendarmerie, pourront enregistrer leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, compte tenu des caractéristiques de l'opération ou du comportement des personnes concernées. Dans ce cas aussi, des garanties supplémentaires sont apportées, qu'il s'agisse de la restriction des finalités ou de la nécessaire information des personnes concernées par la captation d'images.

Enfin, le Gouvernement souhaite améliorer le contrôle de la détention d'armes en renforçant l'efficacité du Fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA), afin que ce dernier puisse mieux servir à la prévention des passages à l'acte criminel des détenteurs d'armes. Je pense notamment aux dispositifs que nous mettons en place pour lutter contre les féminicides – mais nous y reviendrons, car vous connaissez mon engagement à ce sujet.

Toutes ces dispositions représentent, à notre sens, un ensemble cohérent. Attendues par les forces de sécurité, elles répondent à des questions substantielles et structurantes pour l'avenir de leur action.

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