La réunion débute à 14 heures 35.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
La Commission auditionne Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la citoyenneté, sur le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (n° 4387) (M. Jean-François Eliaou, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, rapporteurs).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Hier, nous avons examiné l'ensemble des articles relevant de la compétence de M. le ministre de la justice. Il nous reste aujourd'hui à discuter les articles relevant du ministère de l'intérieur, à savoir les articles 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 17 et 18 ainsi que l'article 20. Pour ce faire, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. Avant de commencer l'examen des articles à proprement parler, nous allons procéder à une discussion générale sur le volet « sécurité intérieure » du projet de loi.
J'ai l'honneur de vous présenter, au nom de M. Gérald Darmanin et en mon nom propre, les volets du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure relevant du ministère de l'intérieur. Ce texte structurant, d'une importance particulière, permettra de mieux protéger tant nos concitoyens que les membres des forces de sécurité dans l'action difficile qui est la leur. Hier, vous avez eu de riches échanges avec M. le Garde des sceaux sur les articles qui relèvent du ministère de la justice. Pour ma part, j'aborderai exclusivement les dispositions des articles 5 à 11, 17 et 18, qui visent à rendre plus efficace l'action des forces de sécurité de l'État, tout en dotant ces dernières d'outils qui réduiront les risques encourus par les policiers et les gendarmes dans le cadre de leurs interventions.
L'encadrement juridique de l'ensemble des dispositions, au regard notamment de l'équilibre nécessaire entre l'objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée, a fait l'objet d'une attention toute particulière de la part de nos services. Nous avons tenu compte des débats parlementaires que nous avons eus ensemble, de la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, ainsi que de l'avis du Conseil d'État sur le présent projet de loi.
Ce texte entend prolonger et renforcer les actions déjà entreprises concernant le délit de refus d'obtempérer et la lutte contre les rodéos motorisés.
Le refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter émanant d'un agent au bord de la route est un délit d'une particulière dangerosité, pour les forces de l'ordre comme pour les piétons. Un refus d'obtempérer a lieu toutes les dix-sept minutes, en moyenne, sur le territoire national. Ce délit occasionne de nombreux blessés, voire des morts, notamment parmi les membres des forces de sécurité intérieure, auxquelles je pense tout particulièrement, et parmi les passants. Tous ces éléments sont soulignés dans le rapport d'information sur l'évaluation de l'impact de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés rédigé par Mme Natalia Pouzyreff et M. Robin Reda, que je remercie, au nom du ministre de l'intérieur et en mon nom propre, pour leur engagement et leurs travaux sur ce sujet d'importance. Nous devons donc faire preuve de la plus grande fermeté contre ce phénomène. L'article 5 du présent projet de loi renforce les mesures conservatoires et le régime des peines applicables au délit de refus d'obtempérer en prévoyant le même niveau de répression que celui défini pour les délits routiers les plus graves.
Nous faisons preuve de la même fermeté contre les rodéos motorisés. Vous connaissez la détermination du ministre de l'intérieur dans la lutte contre ces pratiques dangereuses et nuisibles. Des actions fortes ont été menées par les forces de sécurité intérieure ; ainsi, lors de la seule année 2020, nos policiers ont saisi et détruit plus de 600 engins. Pour compléter les outils permettant de lutter efficacement contre ces délits, nous vous proposons aujourd'hui d'enrichir les dispositions votées dans la loi de 2018. En outre, l'article 18 vise à faciliter l'identification des auteurs de ces infractions, à empêcher la restitution des véhicules servant à réaliser des rodéos, et donc à prévenir la récidive.
L'article 17 étend la liste des infractions au code de la route qui peuvent être constatées par des gardes particuliers, complétant ainsi l'action menée par les forces de sécurité et les polices municipales. Tout cela va dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une meilleure coordination.
Le Président de la République et le ministre de l'intérieur n'ont eu de cesse d'assurer la sécurité des Français. C'est dans cette logique que nous voulons renforcer la capacité opérationnelle de la police nationale. L'article 6 opère une transformation substantielle de la réserve civile de la police nationale. Le passage à une réserve opérationnelle permettra un recrutement encore plus large de réservistes au sein de la société civile, un renforcement de la formation initiale et une meilleure structuration de la formation continue des réservistes. Il permettra aussi à la réserve de mieux appuyer l'action des policiers, sur un champ de missions plus large. Je pense que nous nous retrouvons tous autour de cette proposition.
Les articles 7, 8 et 9 visent à définir le cadre juridique de l'utilisation de dispositifs de captation d'images par les forces de sécurité. Il s'agit d'un sujet important, sur lequel vous avez déjà eu de nombreux échanges constructifs avec le Gouvernement. L'utilité opérationnelle de ces dispositifs avait été reconnue lors de la discussion de la proposition de loi pour une sécurité globale ; c'est pour cette raison qu'il nous semble important de légiférer sur ce sujet, afin d'apporter toutes les garanties nécessaires en matière de respect de la vie privée en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel et des avis du Conseil d'État.
La possibilité de mettre en œuvre des dispositifs de vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue a pour objectif de diminuer les risques de suicide, d'automutilation, d'agression et, évidemment, d'évasion. La captation d'images dans les cellules de garde à vue ne saurait être systématique : elle devra bien sûr être motivée, limitée dans le temps et soumise au contrôle du juge responsable de la garde à vue. La durée de conservation des images sera évidemment elle aussi limitée ; les gardés à vue pourront demander que les enregistrements soient conservés jusqu'à sept jours.
Nous devons par ailleurs nous doter d'un cadre juridique solide qui permettra la captation d'images depuis des dispositifs vidéos installés sur des aéronefs, avec ou sans personne à bord. C'est l'objet de l'article 8, qui vise à définir un cadre juridique pour l'usage administratif de ces dispositifs. Les drones permettent en effet de sécuriser de façon beaucoup plus efficace les grands rassemblements de personnes, les grands axes de circulation et les grands lieux tels que les stades de football ou certains bâtiments publics ; ils donnent aux forces de sécurité la possibilité d'être beaucoup plus réactives dans la coordination opérationnelle et concrète, sur le terrain. Le cadre d'usage de ces dispositifs a été particulièrement renforcé, de même que le contrôle préalable à leur mise en œuvre, qui fera l'objet d'une autorisation préfectorale.
Nous savons combien l'usage de ces dispositifs, notamment des drones, peut avoir une utilité opérationnelle pour prévenir certains phénomènes comme les rodéos. L'objectif que nous partageons tous ici est de mettre fin à ce phénomène dangereux. Le ministre de l'intérieur s'y emploie fermement.
Il reste néanmoins une dimension de l'usage de ces dispositifs qui doit encore être clarifiée, à savoir leur exploitation à des fins judiciaires. Ce cadre doit être déterminé de manière globale, sans se limiter à un seul type d'infractions. C'est pour cette raison que le Gouvernement adressera, dans les tous prochains jours, une demande d'avis au Conseil d'État. Cela devrait nous permettre d'introduire dans le texte des dispositions adaptées dès la première lecture au Sénat.
J'en viens aux caméras embarquées dans les véhicules des services de l'État. Les services concernés, notamment la police et la gendarmerie, pourront enregistrer leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, compte tenu des caractéristiques de l'opération ou du comportement des personnes concernées. Dans ce cas aussi, des garanties supplémentaires sont apportées, qu'il s'agisse de la restriction des finalités ou de la nécessaire information des personnes concernées par la captation d'images.
Enfin, le Gouvernement souhaite améliorer le contrôle de la détention d'armes en renforçant l'efficacité du Fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA), afin que ce dernier puisse mieux servir à la prévention des passages à l'acte criminel des détenteurs d'armes. Je pense notamment aux dispositifs que nous mettons en place pour lutter contre les féminicides – mais nous y reviendrons, car vous connaissez mon engagement à ce sujet.
Toutes ces dispositions représentent, à notre sens, un ensemble cohérent. Attendues par les forces de sécurité, elles répondent à des questions substantielles et structurantes pour l'avenir de leur action.
Nous sommes réunis cet après-midi pour examiner les articles du projet de loi consacrés à la sécurité intérieure. Je m'exprimerai sur les articles 5 à 11, qui abordent des sujets différents mais s'inscrivent dans une même perspective : garantir la sécurité de nos concitoyens, dans le respect des libertés publiques. Sans rentrer dans le détail de chaque disposition, je souhaite rappeler ici les principales mesures que contiennent les titres II à IV du projet de loi, qui pourront être utilement précisées, renforcées et, en définitive, améliorées par quelques amendements que j'ai déposés en tant que rapporteur ou auxquels je donnerai un avis favorable.
L'article 5 renforce les dispositifs administratifs et judiciaires à la disposition de l'autorité publique pour sanctionner et dissuader les refus d'obtempérer. L'objectif est double : nous souhaitons à la fois garantir un meilleur respect de la loi pénale en matière routière et mieux protéger les fonctionnaires et agents chargés des contrôles sur la voie publique. Le renforcement des mesures administratives se traduit par la possible rétention immédiate du permis de conduire du conducteur, laquelle peut être suivie de sa suspension provisoire décidée par le préfet. L'article 5 prévoit également l'aggravation des sanctions pénales encourues, notamment grâce à la confiscation du véhicule.
L'article 6 vise à transformer l'actuelle réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle, sur le modèle de son homologue de la gendarmerie. Lors de l'examen des amendements, j'aurai l'occasion de détailler les évolutions prévues par cet article, qui vont bien entendu au-delà d'une simple modification terminologique. J'insisterai cependant sur un point : l'engagement des citoyens au sein de la réserve constitue l'un des leviers permettant de renforcer les liens entre la police et la population. Le Beauvau de la sécurité a d'ailleurs fixé l'objectif d'une multiplication par quatre des effectifs actuels de la réserve afin d'atteindre le chiffre ambitieux de 30 000 réservistes au cours de la prochaine décennie.
Le titre III, qui comprend les articles 7 à 9 du projet de loi, fixe un cadre législatif applicable à plusieurs dispositifs de captation d'images, qu'il s'agisse de la vidéosurveillance des cellules de garde à vue, des caméras aéroportées – notamment les drones – ou des caméras embarquées dans des véhicules utilisés par la police et la gendarmerie. Ces articles sécurisent juridiquement l'emploi de ces outils au regard des exigences relatives au respect du droit à la vie privée et à la protection des données personnelles. Ils tirent donc toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés.
Il revient en effet au législateur de préciser les finalités pour lesquelles ces outils peuvent être utilisés, les procédures d'autorisation auxquelles ils sont soumis ainsi que les modalités d'utilisation et de conservation des données enregistrées. L'article 8 relatif aux caméras aéroportées concrétise d'ailleurs l'une des préconisations du rapport que j'ai eu l'honneur de remettre au Premier ministre la semaine dernière sur l'utilisation des nouvelles technologies dans le domaine de la sécurité.
Comme toujours, l'équilibre sur ces questions s'avère difficile à trouver. Nous sommes partagés – pour ne pas dire tiraillés – entre, d'une part, le souci de garantir l'efficacité et le caractère opérationnel de ces mesures et, d'autre part, le nécessaire respect des libertés publiques. Le présent projet de loi a réussi à concilier ces deux impératifs. Plusieurs amendements permettront d'en améliorer la rédaction.
Enfin, le titre IV relatif au contrôle des armes et des explosifs, composé des articles 10 et 11, prévoit un certain nombre d'ajustements visant à renforcer l'utilité du FINIADA, dont le champ d'application est élargi. Le Gouvernement a déposé quatre amendements que je vous proposerai d'adopter afin, là encore, d'améliorer les contrôles administratifs en matière d'acquisition et de détention d'armes.
Chacune de ces dispositions permettra de renforcer, sur le plan juridique, opérationnel et humain, la sécurité de nos compatriotes.
La plupart des articles dont je suis chargé, en tant que rapporteur des titres V et VI, ont déjà été discutés hier. Il reste néanmoins deux articles qui relèvent du ministère de l'intérieur.
L'article 17 complète la liste des catégories d'agents pouvant constater, par procès-verbal, certaines infractions à la partie réglementaire du code de la route, en y intégrant les gardes particuliers assermentés. Il ne s'agit pas, dans l'absolu, d'accroître les prérogatives de ces agents ; cependant, il nous a semblé utile de leur permettre de constater des infractions au code de la route dont la liste sera fixée par décret, notamment pour les agents employés par les marchés d'intérêt national et par les grands ports maritimes.
L'article 18 relatif à la lutte contre les rodéos motorisés rend obligatoire l'inscription, dans les contrats de location, du numéro d'identification de l'engin non homologué loué ainsi que du numéro d'immatriculation du véhicule permettant de le transporter. Il réduit la durée au bout de laquelle peut être constaté l'abandon d'un véhicule mis en fourrière. Enfin, il complète les dispositions du code de la route relatives à la confiscation obligatoire du véhicule afin de permettre au propriétaire de présenter ses observations devant le juge chargé de ce contentieux. Ce sujet transpartisan a fait l'objet de travaux récents de la part de nos collègues Natalia Pouzyreff et Robin Reda, que je tiens à saluer. Les conclusions de leur mission d'information, présentées la semaine dernière devant la commission des Lois, soulignent l'intérêt de cet article et renforcent la détermination du législateur à sanctionner plus lourdement cette pratique qui épuise nos concitoyens, et cela dans le respect de l'État de droit. Je ne doute pas que ce combat fasse consensus.
Après avoir montré hier que ce texte s'inscrivait dans la volonté du Gouvernement et de la majorité de faire de la justice et de la sécurité des priorités du quinquennat, je rappellerai aujourd'hui les efforts budgétaires, matériels et humains consentis ces quatre dernières années dans le seul domaine qui nous mobilise cet après-midi, la sécurité intérieure.
Le budget du ministère de l'intérieur a augmenté de plus de 2,5 milliards d'euros, tandis que 10 000 policiers et gendarmes seront recrutés d'ici à 2022. Sans faire une liste à la Prévert, je soulignerai simplement que le Président de la République a tenu ses engagements en clôturant, hier, le Beauvau de la sécurité, après sept mois d'une concertation inédite. Les mesures annoncées s'inscrivent dans la droite ligne des travaux engagés depuis 2017. Je pense à la simplification de la conduite des enquêtes ou encore à la future loi de programmation pour la sécurité intérieure visant à repenser la police et la gendarmerie pour les aider à faire face aux nouvelles formes de délinquance – infractions sur l'espace numérique, escroqueries digitales, cybercriminalité.
Dans ce contexte, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui constitue une étape nécessaire pour permettre à nos forces de sécurité d'adapter leurs moyens aux problématiques du quotidien et de se projeter face à la délinquance protéiforme moderne. Il apporte les précisions demandées par le Conseil constitutionnel à propos de dispositions d'ores et déjà adoptées, mais qui méritaient d'être approfondies et mieux encadrées. Il dote les forces de l'ordre de moyens efficaces et désormais proportionnés. Il garantit la conciliation entre, d'une part, l'objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la préservation des droits et libertés individuelles, notamment le respect de la vie privée.
En matière de captation d'images, le projet de loi s'attache à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en introduisant des garanties procédurales strictes. Il prévoit des contrôles et autorisations préalables. La conservation des enregistrements sera strictement limitée à vingt-quatre heures ou sept jours. Ces enregistrements seront inaccessibles, sauf pour les besoins d'une procédure administrative ou d'un signalement, dans ce même délai contraint, à l'autorité judiciaire.
L'article 7 durcit le régime applicable aux caméras de vidéosurveillance, qui prévoit désormais les garanties nécessaires, notamment, à la préservation de l'intimité du gardé à vue : un pare-vue sera fixé, les images seront opacifiées et l'emplacement des caméras sera visible. Ce dispositif ne devient pas la norme : il ne pourra être mis en place que s'il existe des raisons sérieuses de penser que le gardé à vue pourrait tenter de s'évader ou représenter une menace pour lui-même ou pour autrui. L'autorité judiciaire comme le gardé à vue pourront demander qu'il y soit mis fin.
L'article 8 vient corriger certains écueils dans l'utilisation de caméras aéroportées relevés lors de l'examen de la proposition de loi pour une sécurité globale. Aussi, l'utilisation de ces caméras dans un cadre strict et circonscrit sera soumise à une autorisation préfectorale qui en déterminera le périmètre géographique et la durée. Un nombre maximal de caméras pouvant être simultanément utilisées dans chaque département sera par ailleurs fixé par voie réglementaire, de sorte à introduire un contingentement national ventilé au niveau départemental.
L'article 9 repense les conditions d'utilisation des caméras embarquées en s'inspirant du régime des caméras-piétons. Le recours à ce dispositif ne sera possible que dans le cadre des interventions des forces de l'ordre dans les lieux publics, lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées. Les garanties seront les mêmes que pour les caméras-piétons : ainsi, l'enregistrement ne pourra pas être permanent.
Parmi les autres dispositions relevant du ministère de l'intérieur, la transformation de la réserve opérationnelle de la police nationale est essentielle afin de retisser le lien de confiance entre les policiers et nos concitoyens. Le fait de confier des missions de terrain à de jeunes volontaires réservistes leur permettra sans aucun doute de mieux appréhender la réalité, tout en les sensibilisant aux risques auxquels nos forces de sécurité sont exposées. L'inscription des réservistes dans un programme de formation, la proposition d'un projet de carrière et la possibilité offerte aux anciens professionnels de conserver un grade atteint au cours de leur carrière seront sans conteste source de motivation et d'attractivité. L'opportunité de ces dispositions ne fait aucun doute : la transformation de la réserve opérationnelle de la police nationale devrait permettre d'atteindre l'objectif ambitieux, évoqué hier par le Président de la République en clôture du Beauvau de la sécurité, de 30 000 policiers réservistes et de 20 000 réservistes supplémentaires pour la gendarmerie.
Enfin, j'aimerais m'attarder un peu sur les dispositions attendues depuis longtemps par les agents placés sur le bord de nos routes. Je pense notamment à l'aggravation du régime de sanction du refus d'obtempérer. Le présent projet de loi donne aux personnels exposés aux risques inhérents à une délinquance routière de plus en plus violente les moyens d'agir efficacement. Le refus d'obtempérer ne sera plus un petit délit, puisque sa répression sera alignée sur celle des délits routiers les plus graves. Des mesures conservatoires immédiates pourront être prononcées, telles que la rétention immédiate du permis de conduire pour au moins soixante-douze heures, ou encore l'immobilisation et la mise en fourrière du véhicule. La création d'un bloc d'infractions permettra de retenir la sanction la plus grave.
Madame la ministre déléguée, les dispositions que vous défendez, y compris celles sur lesquelles je n'ai pas eu le temps de m'arrêter, ont une seule et même vocation : rétablir un ordre sécuritaire en redonnant force de droit et autorité à nos forces de sécurité. Ce projet de loi contribuera à leur redonner confiance, pour leur permettre de regagner celle des citoyens.
Hier, lorsque nous examinions les dispositions relatives à la justice, nous avions l'impression de suivre une session de rattrapage. Cet après-midi, s'agissant des dispositions portant sur la sécurité intérieure, je parlerais plutôt d'anticipation, puisque les annonces faites hier par le Président de la République nous laissent à penser qu'un nouveau projet de loi sur le thème de la sécurité sera déposé prochainement. Si les dispositions figurant dans le texte que nous examinons aujourd'hui nous paraissent opportunes et même indispensables, je n'en regrette pas moins la mauvaise gestion du calendrier parlementaire, qui ne devrait pas se télescoper avec un calendrier politique : nous aurions dû aborder tout cela en même temps.
Je le disais hier, les dispositions de ce projet de loi nous paraissent indispensables. Le placement des gardés à vue sous vidéosurveillance, l'utilisation par certains services de l'État de caméras aéroportées ou de drones, la protection de nos forces de l'ordre, le renforcement de l'efficacité de leur action, la mise en place de la réserve opérationnelle de la police nationale et la simplification de la procédure pénale sont des mesures que nous appelons de nos vœux depuis longtemps : je ne viendrai donc pas vous dire aujourd'hui qu'il ne faut pas les adopter. Il en va de même des dispositions visant à améliorer l'identification des personnes mises en cause, qui faciliteront évidemment le travail des forces de l'ordre.
Je suis très déçu que mon amendement visant à sanctionner l'usage et le trafic du Rivotril – un sujet auquel notre rapporteur Jean-François Eliaou est particulièrement sensible – n'ait pas pu être adopté hier. Tous les fonctionnaires de police et tous les parquets vous diront à quel point les jeunes shootés au Rivotril représentent un véritable fléau, qu'ils rencontrent tous les jours sur l'ensemble du territoire national. Cela crée des situations difficiles à gérer, qui mettent en difficulté les forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions. À mon sens, mon amendement n'était pas un cavalier législatif. Je l'avais déposé dans le cadre de la partie relative à la justice, puisqu'il portait sur les sanctions pénales applicables, mais il visait aussi à protéger et à améliorer les conditions d'intervention de nos forces de l'ordre.
Nous voterons évidemment en faveur de ces dispositions, dont certaines ont déjà subi, dans une autre rédaction, la censure du Conseil constitutionnel bien qu'elles soient souhaitées par nos concitoyens. Ce sera l'occasion de rappeler qu'il n'y a pas de juge entre les citoyens et leurs représentants, et que seul le Parlement fait la loi.
Garantir la sécurité de nos forces de l'ordre et de nos concitoyens dans le respect des libertés de chacun : tel est l'enjeu de ce projet de loi.
Certains verront sans doute dans les dispositions de l'article 5 relatives au refus d'obtempérer de nouvelles mesures de répression. Or il s'agit bien de mesures visant à protéger les forces de l'ordre. Vous l'avez rappelé, madame la ministre déléguée, les refus d'obtempérer créent des situations dangereuses pour les policiers, pour les gendarmes et même pour toute la population, d'autant que ces comportements sont le plus souvent motivés par une conduite sans permis, en état d'ivresse ou sous l'empire de stupéfiants. La dangerosité augmente encore lorsqu'il est décidé d'engager une course-poursuite – j'ai pu le constater moi-même lors d'immersions régulières avec les forces de l'ordre. Un refus d'obtempérer a lieu toutes les dix-sept minutes, en moyenne, sur le territoire national. J'espère que nous pourrons faire cesser ce délit en le réprimant au même niveau que les infractions routières les plus graves. Quand on n'a rien à se reprocher, on n'a aucune raison de ne pas se plier à un contrôle routier ! Et lorsque la conséquence du refus sera au moins égale à celle de l'infraction que l'on sait avoir commise, on évitera peut-être d'aggraver son cas. Il reste tout de même à réfléchir à la façon de lutter contre les refus d'obtempérer commis avec des véhicules volés ou sans plaque, pour lesquels l'effet dissuasif de ces mesures sera limité.
La création d'une réserve opérationnelle de la police nationale, prévue à l'article 6, permettra pour partie d'atteindre l'objectif fixé par le Président de la République de doubler en dix ans la présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique. Cette présence est malheureusement nécessaire pour assurer la sécurité de nos concitoyens dans une société où, de fait, les violences ne cessent d'augmenter. Elle permet aussi de renforcer la relation de confiance entre notre population et ses policiers.
S'agissant des articles 7 à 9, je ne reviendrai pas sur les dispositions relatives à la captation d'images – nous aurons l'occasion d'en explorer toutes les facettes lors de nos débats, comme nous l'avons d'ailleurs déjà fait il y a quelques mois. Le texte contient de nombreux garde-fous afin de répondre aux exigences du Conseil constitutionnel et aux points de vigilance que certains de mes collègues démocrates avaient soulevés. Cependant, dans une société où des images sont enregistrées et diffusées en permanence, parfois même tronquées, dénaturées ou manipulées, n'est-il pas exagéré de tant restreindre, au nom des libertés, les possibilités de captation et de recherche de preuves pour nos forces de sécurité ?
À l'article 10, nous examinerons des dispositions relatives à la détention d'armes et au traitement des données du FINIADA. Une mesure pragmatique vise à permettre la connexion du casier judiciaire au FINIADA, lui-même connecté au répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs d'armes. Nous en avons besoin.
Le groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés votera donc en faveur des dispositions de ce projet de loi, qui permet d'affiner et de compléter un certain nombre de mesures précédemment prises afin d'assurer la sécurité de nos concitoyens, tout en restant très vigilants à la protection de nos libertés, auxquelles nous sommes tous tout autant attachés.
À l'origine, ce texte était présenté comme une réaction à l'affaire Halimi, qui nous a tous choqués. Nous avions alors été quelques-uns à déplorer que ce syndrome « un fait divers, une loi » ne nous donne pas forcément la hauteur de vue nécessaire à notre travail de législateur. Finalement, ce projet de loi comprend un certain nombre de dispositions relatives à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Je regrette un peu qu'il aborde tant de sujets touchant à la sécurité intérieure, certes importants – nous sommes tous d'accord sur ce point –, mais qui ne nous aident pas à comprendre le fil conducteur du texte ni ses véritables intentions.
Je vous ai écoutée très attentivement, madame la ministre déléguée, et je partage certaines de vos ambitions. Nous devons non seulement renforcer la sécurité des citoyens et des membres des forces de l'ordre, mais également retisser le lien entre les premiers et les seconds, qui se dégrade malheureusement. Face à la défiance et afin de rétablir la relation de confiance que nous appelons tous de nos vœux, nous devons œuvrer pour l'inclusion de tous dans la République et renforcer le sentiment de sécurité qui nous permet de vivre ensemble.
Je ne souscris pas à certaines de vos propositions. Je déplore notamment l'absence de visibilité quant à l'accroissement des moyens des forces de l'ordre réclamé par plusieurs organisations syndicales. Une hausse des effectifs est également attendue dans l'ensemble de nos territoires. Elle ne doit pas se traduire par la seule augmentation du nombre de réservistes, qui crée une police à deux vitesses – ce n'est pas notre vision de l'égalité. Je regrette en outre que nous ne percevions pas de répartition homogène de ces moyens supplémentaires à l'échelle du territoire national ; nous avons le sentiment qu'ils seront octroyés au gré des déplacements du Président de la République, alors que nous approchons de l'élection présidentielle.
Or le sujet est suffisamment sérieux pour mériter une visibilité plus globale, de même que les questions de formation et de transparence afin de rapprocher les forces de l'ordre et les citoyens : tel était d'ailleurs le sens du Beauvau de la sécurité. Là encore, je regrette que le calendrier des annonces qui a été dévoilé hier relève plutôt de l'amorce d'une campagne présidentielle puisque le texte ne devrait être déposé qu'au début de 2022, alors que la situation que nous connaissons mérite d'ores et déjà un consensus pour travailler à améliorer la sécurité intérieure.
Nous serons très attentifs au déroulement de nos débats. Je suis en particulier un peu inquiète de votre lecture de la décision du Conseil constitutionnel à propos de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, notamment sur les mesures censurées concernant les drones.
Le 1er septembre, à Marseille, Emmanuel Macron promettait d'accélérer l'arrivée de policiers supplémentaires et d'investir 150 millions d'euros dans les locaux et 8,5 millions d'euros dans le matériel afin de renforcer la sécurité de notre cité phocéenne. Je rappelle que le budget de la sécurité a d'ores et déjà augmenté de plus de 1 milliard d'euros.
Depuis 2017, le Gouvernement et la majorité présidentielle ont fait de la sécurité l'une de leurs priorités. Nous avons ainsi voté la loi renforçant la sécurité intérieure et l'action contre le terrorisme et, le 30 juillet 2021, la loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, qui pérennise ces mesures : l'amende forfaitaire pour le délit d'usage de stupéfiants, l'occupation illicite des halls d'immeubles. Dans le cadre de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, nous avons adopté des dispositions afin de mieux articuler l'action de l'ensemble des acteurs de la sécurité.
Malheureusement, les forces de sécurité intérieure continuent d'être attaquées. Missions difficiles, horaires de travail, manque de repos, vie de famille chamboulée… Le quotidien des policiers n'est pas toujours facile. Ceux-ci acceptent rarement de parler de leur travail, pourtant, ils sont fiers d'exercer ce métier qui est aussi une passion.
Ce projet vise ainsi à renforcer les dispositifs qui participent, au quotidien, à la restauration de cette autorité. Le groupe Agir ensemble les soutient et défendra quelques amendements afin de renforcer certaines garanties.
Je salue donc les dispositions ambitieuses de ce texte : elles permettront de renforcer la répression des actes dont sont victimes les forces de l'ordre et de faciliter l'action de ces dernières. Notre groupe approuve donc l'aggravation des quantums de peines encourues en cas de refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, lequel peut sérieusement mettre en cause la sécurité de nos policiers et de nos gendarmes. Nous approuvons en particulier la confiscation obligatoire du véhicule en cas de récidive.
Outre les divers articles que le Gouvernement nous soumet après avoir revu sa copie à la suite de la censure des sages de la rue Montpensier, deux dispositifs ont été ajoutés : le renforcement du rôle du Fichier national interdisant l'acquisition et la détention d'armes grâce, notamment, à l'interconnexion de celui-ci avec le casier judiciaire, et l'élargissement de son périmètre.
Nous voterons évidemment en faveur du renforcement du cadre juridique protégeant nos forces de sécurité. La transformation de la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle et l'élargissement des possibilités de captation d'images constituent autant d'avancées concrètes.
Avec ce texte, nous contribuons à la création d'un climat de confiance et de sécurité entre la population et les forces de l'ordre.
Avec ce texte, nous contribuons à la protection de nos concitoyens et de leur vie privée en créant un cadre juridique adapté à la captation d'images tout en rendant notre justice plus efficace.
Avec ce texte, nous améliorons le cadre de travail des acteurs du système judiciaire dans une démarche de coproduction de sécurité.
Répondre à ces défis permettra de créer les conditions d'une société plus sûre mais, aussi, plus apaisée. Ce projet de loi apporte des solutions claires aux problèmes que nous rencontrons. Le groupe Agir ensemble le votera donc.
Lors de la conférence inversée qui a eu lieu à l'occasion du deuxième anniversaire du Grenelle des violences conjugales, vous avez annoncé la création d'un fichier des auteurs de violences conjugales connecté à celui des détenteurs d'armes et consultable par les forces de l'ordre. Comment ces fichiers s'articuleront-ils afin de faciliter la protection des victimes, étant entendu que la plupart des féminicides fait suite à l'utilisation d'armes à feu ?
Nous ne comptons plus les textes relatifs à la sécurité intérieure depuis le début de la législature. En l'occurrence, cette thématique est associée à celle de la responsabilité pénale et nous avons de surcroît appris hier qu'un texte serait déposé en février. Ce matin, nous avons aussi appris qu'il ne serait sans doute pas discuté et qu'il s'agit donc de le « mettre dans la tuyauterie » pour la prochaine législature.
Compte tenu des résultats que vous obtenez, je ne sais pas si la sécurité est l'une de vos priorités mais je suis en revanche certain de votre agitation politique permanente, laquelle s'explique manifestement par les psychoses dont vous souffrez.
Vous êtes incapables d'apporter des solutions concrètes à des problèmes bien réels mais je suis d'accord sur deux points : même si vous agissez sous la contrainte européenne, il était temps de mettre à jour la réglementation sur la détention d'armes – sans doute un grand plan serait-il d'ailleurs nécessaire pour lutter contre les trafic d'armes sur notre territoire, en mobilisant les douanes et nos forces de sécurité ; nous sommes également favorables au principe d'une réserve opérationnelle de la police – nous avons d'ailleurs souvent salué la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Il est temps, en effet, que des citoyens passent du temps auprès des policiers professionnels afin de favoriser un contrôle réciproque et un rapprochement utile, mais tout cela doit se dérouler dans un cadre précis, avec une formation préalable, etc.
Pour le reste, pensez-vous que vous réglerez les problèmes en alourdissant des peines si tant est, je l'espère, que tel soit votre objectif ? Nous avons discuté hier de la peine autonome créée pour punir les violences commises contre les personnes dépositaires de l'autorité, dont les policiers et les gendarmes. S'agissant des refus d'obtempérer, vous vous heurtez au même écueil : pensez-vous que ceux qui se baladent avec des voitures volées ou qui sont recherchés par la justice, demain, obtempèreront ? Non ! Pire : implicitement, compte tenu de l'alourdissement des peines, vous invitez les policiers à se montrer plus zélés et l'on retombe ainsi sur les problèmes bien connus de la dangerosité des courses poursuites, etc. Au final, le résultat ne sera pas à la hauteur des attentes. Une fois de plus, vous êtes dans la surenchère pénale.
S'agissant des drones et de la surveillance de masse, vous êtes de mauvais joueurs puisque vous voulez rejouer contre le Conseil constitutionnel après avoir perdu la première manche. La liste des cas de figure dans lesquels il serait possible d'utiliser les drones est tellement longue et les nouvelles garanties sont tellement faibles ! Vous rejetez certes la reconnaissance faciale mais s'il n'y avait que cela… De plus, le problème est le même : en matière de terrorisme, vous pouvez envoyer des drones où vous voulez, quand vous voulez, sans le faire savoir au public mais, sous couvert d'un tel objectif, vous pouvez filmer tout le monde, tout le temps, partout, en temps réel, les images étant transmises dans les centres de commandement.
Notre position sera donc la même que pour le texte relatif à la sécurité globale.
Nous discutons de la sixième loi sur les questions de sécurité depuis le début de ce quinquennat et j'ai l'impression que, une nouvelle fois, la loi reste imprécise, comme le confirment les remarques du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel quant aux difficultés d'application d'un certain nombre d'articles.
De plus, cette loi vise à « remettre en circulation » des articles qui avaient été retoqués par le Conseil constitutionnel. À ce propos, je viens d'entendre qu'il n'y aurait pas de juge entre les citoyens et les élus, or, le Conseil constitutionnel est précisément là pour rappeler le sens de notre Constitution et veiller à ce que la loi le respecte. Son rôle est donc important et ses avis doivent être écoutés : il constitue un élément clé de notre vie démocratique.
Le Conseil d'État s'est inquiété de la difficulté d'interprétation de l'article 1er – voté hier – lorsqu'il s'agit de rendre la justice. Le devenir opérationnel de la réserve ne remplacera pas quant à lui l'augmentation des effectifs des forces de l'ordre. Nous devons apporter un certain nombre de garanties sur le champ des opérations dont elle sera chargée mais, aussi, sur la formation de ses membres et sur leur itinéraire afin que nous soyons certains d'avoir affaire à des femmes et à des hommes responsables.
Sur l'utilisation des caméras et des drones, le Conseil constitutionnel a considéré que la conciliation des objectifs à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et du droit au respect à la vie privée et des libertés individuelles n'était pas assurée. Je m'étonne donc de l'insistance du Gouvernement à vouloir passer outre ses avis.
Enfin, un certain nombre de mesures vise les mineurs et, me semble-t-il, les jeunes mineurs non accompagnés – je pense à celles concernant le relevé d'empreintes ou à la possibilité de maintenir un mineur dans le cadre d'une justice qui n'est pas compétente à son égard. Je ne suis pas sûre que ce soit la bonne réponse à ce grave problème qu'est leur accompagnement et leur intégration.
J'insiste : l'accumulation d'articles de loi, puisqu'une loi sur la sécurité est annoncée en 2022, n'implique pas nécessairement une législation de qualité et efficace. Un certain nombre de ces articles doit être retravaillé et nous défendrons des amendements pour que la loi assure vraiment la sécurité des citoyens et des citoyennes mais, aussi, celle des hommes et des femmes qui composent les forces de l'ordre.
Après le volet sur la responsabilité pénale, nous abordons celui de la sécurité intérieure.
Je vous proposerai différents amendements relatifs tout d'abord au refus d'obtempérer. Vous l'avez rappelé : un refus d'obtempérer toute les dix-sept minutes en France, c'est un véritable fléau. Je proposerai donc de renforcer encore les sanctions encourues pour les auteurs de ces infractions.
Je défendrai ensuite des amendements pour permettre une lutte plus efficace contre les rodéos urbains, qui exaspèrent nos concitoyens et qui sont encore hélas trop peu circonscrits.
Par ailleurs, je reviendrai sur les conditions d'utilisation de la vidéo durant les gardes à vue. Contrairement à ce que prévoit le projet de loi, il me semble que, dans un but de protection maximale de nos forces de l'ordre, la captation d'images et la vidéo-surveillance en cellule doivent être automatiques dans les commissariats qui en ont les moyens. Je proposerai également de prolonger la durée de conservation de ces enregistrements. Comme avec les caméras embarquées, tout ce qui peut concourir à une meilleure protection de nos forces de l'ordre et à les prémunir contre de fausses accusations me semble utile et nécessaire.
Enfin, je proposerai d'étendre l'utilisation des drones par les polices municipales car les caméras de vidéo-protection sont le plus souvent installées par les municipalités. La captation d'images par drones poursuit la même logique. Le ministre de l'intérieur a lui-même déclaré dans un entretien qu'en France « tout le monde a le droit d'utiliser des drones, sauf la police ».
Toutes ces propositions ont un seul objectif : permettre à nos forces de l'ordre de répondre à leurs missions plus efficacement. Les déclarations du chef de l'État à la suite du Beauvau de la sécurité ont le même but et vous pourrez donc donner suite à la plupart de mes propositions.
Les dispositions de ce texte me semblent aller dans le bon sens.
Nous connaissons tous votre engagement en faveur du droit des femmes, madame la ministre déléguée, lequel est une grande cause du quinquennat : jamais un Gouvernement n'a autant œuvré en la matière. Vous avez dit que les dispositions sur le Fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA) contribueraient à la poursuite de l'objectif que vous avez fixé avec le ministre de l'intérieur visant à faire de la lutte contre les violences intrafamiliales une priorité. Pourriez-vous développer ce point ?
Je vais m'efforcer de répondre aux questions qui ont été posées mais sachez que, comme Gérald Darmanin, je reste à votre disposition, au-delà de cette enceinte, pour vous apporter plus de précisions.
L'engagement du Président de la République et du ministre de l'intérieur visant à transformer la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle répond à différents enjeux. Il ne s'agit évidemment pas de remplacer des recrutements mais de travailler au renforcement des liens entre la police et la population, dans le même esprit que le plan ministériel d'égalité des chances permettant à 10 000 jeunes de découvrir les métiers du ministère de l'intérieur. Je me réfère également aux actions de certaines associations, notamment, Raid Aventure, où des jeunes peuvent rencontrer des policières et des policiers.
Je précise aussi que 6 575 réservistes sont à ce jour sous contrat, que ce travail de transformation les concernera au premier chef et que les échanges se poursuivent.
Je suis d'accord avec vous s'agissant de l'utilisation de la vidéo, notamment des enregistrements, ce que permet cette loi tout en encadrant une telle possibilité. Les exemples qui ont été donnés me semblent très pertinents et c'est eux qui nous ont amenés, avec le ministre de l'intérieur, à proposer ces mesures.
Nous avons évidemment travaillé dans un objectif de constitutionnalité. Il n'est pas question de passer en force ou de présenter de nouveau le même texte mais, en lien avec les parlementaires que vous êtes, de parvenir à un projet ambitieux répondant à nos objectifs fondés sur les attentes des forces de sécurité et de nos concitoyens. Le Président de la République le dit depuis 2017 : en matière de sécurité, l'efficacité est notre maître-mot.
M. Bernalicis nous a reproché un trop grand nombre de lois sur la sécurité tout en déplorant la préparation d'une possible loi pour « l'après ». Il me semble que cela relève de l'injonction contradictoire. Nous visons tout simplement l'efficacité et nous voulons répondre à un certain nombre de problèmes en faisant évoluer la loi. Les annonces fortes du Président de la République, hier, en conclusion du Beauvau de la sécurité, ainsi que le travail du ministre de l'intérieur s'inscrivent dans cette perspective.
La question des mineurs non accompagnés est sensible et difficile. Il me semble qu'elle a été abordée assez longuement hier soir avec le Garde des sceaux.
Avec le ministre de l'intérieur et le Garde des sceaux, sous l'autorité du Premier ministre, nous avons commandé une mission d'inspection afin de déterminer les failles qui ont entraîné le drame de Mérignac et d'envisager les améliorations possibles. Depuis 2017 et, singulièrement, le Grenelle des violences conjugales de 2019, nous travaillons en ce sens. La semaine dernière, nous avons organisé une conférence inversée au ministère de l'intérieur afin que les hauts dirigeants de la police et de la gendarmerie écoutent les victimes de violences conjugales. Nous avons à cette occasion évoqué la question fondamentale du FINIADA. L'article 10 du projet de loi prévoit ainsi de renforcer son efficacité afin de mieux prévenir les passages à l'acte criminels. Cette disposition sera particulièrement utile pour resserrer les mailles du filet et lutter contre les féminicides, dont le premier mode opératoire sont les armes à feu.
Un premier travail a été engagé avec la grille d'évaluation du danger créée dans le cadre du Grenelle des violences conjugales. L'ensemble des forces de l'ordre en dispose désormais et permet à ces dernières de demander aux femmes qui viennent déposer plainte si l'homme violent possède ou non une arme. Dès le pré-sentenciel, à la suite de la circulaire du ministre de l'intérieur, que j'ai cosignée, les forces de l'ordre ont désormais l'obligation de saisir l'arme.
Ce fichier permettra d'élargir le périmètre des infractions aux atteintes aux mineurs et à la famille. Notre objectif est ainsi d'accélérer la célérité et la fluidité du contrôle des détenteurs d'armes en permettant une interconnexion avec le casier judiciaire national. Après la promulgation de la loi, l'ensemble des décisions judiciaires pourra être inscrit au FINIADA : contrôle judiciaire, assignation à résidence avec surveillance électronique, toute autre décision prononcée par l'autorité judiciaire. Nous proposons que les données des personnes dont le bulletin n° 2 au casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour une de ces infractions, notamment liées aux violences conjugales ou intrafamiliales, soient inscrites automatiquement au FINIADA. Cette interconnexion devra bien sûr faire l'objet d'aménagements techniques, auxquels nous travaillons avec Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti, dont je salue l'engagement pour faire avancer ce dossier.
La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (n° 4387) (M. Jean-François Eliaou, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, rapporteurs).
Titre II Dispositions RENFORCANT LA REPRESSION DES ATTEINTES COMMISES CONTRE LES FORCES DE SECURITE INTERIEURE ET CREANT LA RESERVE OPERATIONNELLE DE LA POLICE NATIONALE SUITE
Article 5 (précédemment réservé) (art. 132‑16‑2 du code pénal ; art. L. 224‑1, L. 224‑2, L. 224‑8, L. 233‑1, L. 233‑1‑1, L. 233‑1‑2 et L. 325‑1‑2 du code de la route) : Régime pénal et administratif du refus d'obtempérer
Amendement de suppression CL203 de M. Ugo Bernalicis.
Ma question est simple : sur quelle étude, quelle analyse vous basez-vous pour dire que l'article 5 permettra d'avoir moins de refus d'obtempérer et que les policiers et les gendarmes seront davantage sécurisés dans leur quotidien professionnel ? Si vous ne pouvez pas le démontrer, je maintiendrai notre demande de suppression de l'article 5, qui relève davantage de la communication politique que d'une volonté de résoudre un problème concret.
L'exposé sommaire de votre amendement évoque une surenchère pénale, un dispositif inutile et des mesures électoralistes. Or c'est plutôt une mesure logique qui vise à déroger au principe de confusion des peines quand celui-ci revient à inciter à la commission d'un délit faiblement réprimé. Ce qui est prévu en ce qui concerne l'évasion et la rébellion le sera également pour le refus d'obtempérer. Il faut que le conducteur sache qu'il ne gagnera rien à se soustraire à une demande de contrôle.
Les chiffres qui ont été cités ne peuvent pas nous laisser indifférents. Ils nous obligent à apporter une réponse adaptée aux risques pour les autres automobilistes, les policiers et les gendarmes, mais aussi les chauffards eux-mêmes et leurs passagers. Cet article tend à corriger ce qu'il y a d'assez malsain dans le droit actuel. On risquera désormais la même peine pour un refus d'obtempérer que pour la conduite en état d'ivresse, et cette peine s'ajoutera à l'autre si on vous attrape à temps. On aura désormais intérêt à s'arrêter et à assumer ses responsabilités.
Je suis un peu surpris. Le Président de la République a fait part hier, à grand renfort de communication, de tout son attachement aux questions de sécurité et au bien-être des forces de l'ordre. J'étais sceptique quant à l'opportunité de l'amendement de notre collègue, mais puisque la ministre déléguée est partie et que donc le Gouvernement ne daigne pas rester avec nous pour débattre de ce sujet qui semble primordial pour lui, je pense que nous devrions supprimer l'ensemble de ces articles en attendant que le Gouvernement fasse preuve de quelque attention envers nous en étant présent. La situation est particulièrement choquante et révélatrice d'un état d'esprit que nous dénonçons de longue date.
Vous savez très bien que la présence des ministres en commission est certes de droit mais absolument pas obligatoire. Nous en avons discuté dans le cadre du bureau : certains membres trouvaient que les ministres étaient trop présents en commission et avaient émis le souhait qu'il puisse y avoir des discussions entre nous sur les projets de loi. Les appréciations sont divergentes, et le Gouvernement est tout à fait libre d'être présent ou non. Il ne faut pas donner à son absence plus de sens que nécessaire.
Votre seul argument, monsieur le rapporteur, est le bon sens. Or c'est très relatif. Des recherches sont menées en sciences sociales afin d'avoir des éléments plus étayés, plus valables. Et, en réalité, ce n'est même pas le bon sens qui vous inspire. Vous répondez aux demandes des organisations policières qui ont manifesté devant l'Assemblée nationale. Le refus d'obtempérer fait l'objet d'une revendication fréquente dans la presse syndicale, à savoir l'augmentation des peines, et vous vous exécutez. Les organisations dites majoritaires ont ainsi déclaré que ces mesures, ainsi que celles du Beauvau de la sécurité, leur allaient parfaitement bien.
En revanche, le dispositif ne résiste pas à l'épreuve des recherches menées en sciences sociales. Celui qui commet un refus d'obtempérer ne le fait pas en ayant le code pénal à la main. Cela ne se passe pas comme cela, tout le monde n'est pas rationnel. L'article 5 vise donc à faire de la communication politique et non à régler le problème. Si vous souhaitiez le faire, vous vous y prendriez différemment. On laisserait repartir les gens et on ferait des enquêtes a posteriori, au lieu de faire des choses un peu musclées comme des courses-poursuites qui, heureusement, ne sont pas la norme. Il y a peu de temps, en région parisienne, un équipage de la brigade anticriminalité a intercepté un véhicule sans porter de brassards police et sans même qu'on soit sûr qu'il y avait eu un refus d'obtempérer, ce qui a conduit à l'ouverture d'une enquête par la justice.
Regardons les choses concrètement, et trouvons des solutions concrètes, sans verser dans une surenchère pénale qui ne vise qu'à faire de la communication politique.
Je voudrais réagir aux propos de M. Savignat concernant la présence du Gouvernement lors de nos débats. Les ministres sont tout à fait libres d'être parmi nous ou non, et de répondre ou non. Au Sénat, ils ne sont pas forcément présents lors des débats en commission. Ici, ce n'est pas vraiment l'usage : le Gouvernement est là en général, et il répond. Il est donc tout à fait normal de s'interroger, notamment au vu de l'importance de la sécurité intérieure, qui a été soulignée par le Gouvernement et le Président de la République, pas plus tard qu'hier. Je tiens à le dire même si j'entends la réponse qui a été apportée.
Mme Untermaier, membre du même groupe que vous, s'est prononcée sur le sujet lors d'une réunion du bureau. Je n'ai fait que retracer les échanges que nous avons eus. Il est vrai que la question se pose. Les appréciations divergent ; par ailleurs, les ministres ne sont pas présents lors de ce type de réunions de commission au Sénat, et ils ne l'étaient pas auparavant à l'Assemblée nationale. Je ne voudrais pas qu'on donne un sens politique à l'absence ou à la présence du Gouvernement.
Vous ne pouvez pas défendre un tel amendement, monsieur Bernalicis, sans en avoir discuté au préalable avec les policiers et les gendarmes, qui sont confrontés tous les jours à la problématique des refus d'obtempérer. Allez les interroger. Le renforcement des sanctions est une de leurs demandes. Les refus d'obtempérer se sont banalisés parce que les peines ne sont pas adaptées. Il est bon qu'une telle mesure figure dans ce texte.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL319 du rapporteur.
Amendement CL92 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'objectif est de renforcer la peine encourue lorsqu'on omet d'obtempérer à une sommation de s'arrêter : afin de rendre l'infraction plus dissuasive, je propose de porter l'amende de 15 000 à 30 000 euros. Ce serait cohérent avec la peine prévue par l'article 322-1 du code pénal, aux termes duquel « la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger ». Il ne s'agit pas, dans le cas dont nous parlons, de la destruction ou de la détérioration d'un bien mais les refus d'obtempérer occasionnent de nombreuses blessures chaque année, et même des morts au sein des forces de l'ordre.
C'est un dilemme pour moi, car je partage une partie de votre réflexion. Il est vrai que la peine de deux ans d'emprisonnement est fréquemment associée à une amende de 30 000 euros dans le code pénal. Néanmoins, des peines de deux ans d'emprisonnement sont également associées à une amende de 15 000 euros, comme le propose le Gouvernement en l'espèce. Je pense notamment à l'abandon de famille. Je vous propose de retirer l'amendement pour le retravailler d'ici à la séance.
Je suis sensible à votre argumentaire, monsieur le rapporteur, mais l'abandon de famille ne met pas en danger la vie de nos forces de l'ordre. Le refus d'obtempérer peut le faire, on en a la preuve tous les jours. Aligner l'amende sur d'autres peines prévues par le code pénal permettrait de donner un signal important à ceux qui risquent leur vie tous les jours pour nous protéger.
L'amendement est retiré.
La commission adopte successivement les amendements CL320 et CL321, rédactionnels, CL322, de coordination, et CL323, rédactionnel, tous du rapporteur.
Amendement CL88 de Mme Emmanuelle Ménard.
Cet amendement suit la logique que j'ai déjà exposée. Il s'agit de renforcer la sanction pénale dès lors que le fonctionnaire ou l'agent chargé de constater les infractions a été exposé à un risque de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. Je propose de porter la peine d'emprisonnement de 7 à 10 ans.
J'émets un avis défavorable pour une raison très factuelle. L'incrimination du refus aggravé d'obtempérer ne concerne que les conducteurs qui ont mis en danger les policiers ou les gendarmes mais n'ont finalement causé aucun dommage. Un conducteur qui utiliserait son véhicule pour foncer en direction d'un membre des forces de l'ordre ou qui le toucherait en lui causant une blessure serait poursuivi pour violences aggravées avec arme, infraction dont nous avons renforcé les sanctions encoures grâce à l'article 4. Je propose de conserver une cohérence et une hiérarchie des peines. On ne peut punir de la même manière celui qui frappe délibérément un agent avec une arme et celui qui essaie de fuir un contrôle. Il faut réprimer l'hostilité plus fermement que la désobéissance.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL324 du rapporteur.
Elle adopte l'article 5 modifié.
Article 6 (précédemment réservé) (art. L. 411-7, L. 411-9, L. 411-10, L. 411-11, L. 411-11-1 [nouveau], L. 411-12, L. 411-13, L. 411-14, L. 411-17, L. 411-18, L. 411-19 et L. 411-22 [nouveau] du code de la sécurité intérieure, art. L. 2171-1 et L. 4221-5 du code de la défense, art. L. 611-9 et L. 611-11 du code de l'éducation, art. 16-1 A [nouveau], 20-1 et 21 du code de procédure pénale, art. L. 331-4-1 du code du sport, art. L. 5151-9 du code du travail, art. 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, art. 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et art. 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986) : Réserve opérationnelle de la police nationale
Amendement de suppression CL141 de Mme Lamia El Aaraje.
L'article 6 est un faux moyen de répondre à la question des effectifs des forces de l'ordre et à celle du renforcement du lien avec les citoyens.
Le problème des effectifs ne peut être réglé que par des recrutements massifs. La réserve opérationnelle ne fera que créer une police à deux vitesses qui conduira forcément à des situations inégales dans l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, je ne vois pas bien comment ce que vous proposez peut renforcer le lien entre les citoyens et les forces de l'ordre si on ne travaille pas en profondeur sur la formation de ces dernières et sur le renforcement de leur proximité avec les citoyens.
Votre amendement vise à supprimer l'article 6, qui prévoit la transformation de la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle. Au-delà du changement terminologique, cette réforme est nécessaire à plusieurs égards.
La réserve civile, qui a été créée en 2003, a été ouverte à l'ensemble des citoyens volontaires en 2011. Elle a pour but d'apporter un soutien aux forces de sécurité intérieure et de prendre en charge des missions de solidarité en France et à l'étranger, à l'exception des missions de maintien de l'ordre.
Hélas, force est de constater que le bilan de la réserve civile, près de vingt ans après sa création, est contrasté. Ses effectifs s'élèvent à 6 500 membres, c'est-à-dire quatre fois moins que ceux de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, et seuls 20 % des réservistes sont des volontaires issus de la société civile, contre 70 % au sein de la réserve de la gendarmerie.
L'article 6 a pour objet de revitaliser la réserve civile en améliorant son attractivité, afin d'augmenter et de diversifier les recrutements, conformément aux conclusions du Livre blanc de la sécurité intérieure, publié l'année dernière, et aux conclusions du Beauvau de la sécurité.
Plusieurs mesures sont prévues pour atteindre cet objectif. Il s'agit notamment d'instaurer une formation initiale obligatoire pour les réservistes issus de la société civile, d'autoriser les réservistes retraités de la police à conserver leur qualité d'officier de police judiciaire (OPJ) dans le cadre de la réserve et de permettre aux réservistes, dans des conditions strictement encadrées, de porter une arme lorsqu'ils participent à certaines missions. Le texte comporte aussi des dispositions visant à faciliter l'articulation entre les éventuelles obligations professionnelles ou académiques des réservistes et leur engagement.
En aucun cas, la réserve opérationnelle n'est conçue de manière à se substituer aux services actifs de la police nationale. C'est un complément utile aux fonctionnaires de police, qu'il convient aussi de développer en vue de renforcer le lien avec la population – je crois que nous souscrivons tous à cet objectif.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable à cet amendement de suppression.
Je ne le soutiens pas non plus. Nous sommes plutôt favorables à la création d'une réserve opérationnelle sous certaines conditions. Nous déposerons davantage d'amendements en séance.
Le Livre blanc, dont il a été question, est déjà périmé puisque le Beauvau de la sécurité a tout balayé.
Pourquoi la réserve civile est-elle si peu mobilisée ? Elle est quasi exclusivement constituée de policiers à la retraite qu'on utilise pour des missions de sécurisation. L'enveloppe est contrainte, et les anciens de la police nationale sont les premiers servis, pour arrondir leurs fins de mois. Je ne leur en fais pas grief : c'est tant mieux pour eux. Il reste qu'on n'a jamais mis le paquet sur la réserve civile. Il serait extrêmement positif de développer quelque chose d'équivalent à ce qui existe dans la gendarmerie, mais encore faudrait-il mettre les moyens. Nous vous attendons donc au tournant du prochain budget. J'ai vu un chiffre de 1,5 milliard d'euros mais sans la moindre ventilation, si ce n'est celle évoquée par le Président, ou plutôt le monarque présidentiel, lors de ses déplacements : 150 millions d'euros à Marseille ou encore 300 millions à Roubaix. Il faudra faire les comptes. Cette réserve peut être un point d'appui utile pour que des gens de la société civile participent à l'activité de police et aient un regard sur elle.
Je souscris à tout ce qui a été dit par le rapporteur, en ajoutant que cette mesure permettra à de jeunes réservistes volontaires d'appréhender plus finement la réalité que vivent nos policiers et les risques auxquels ils sont exposés. Cela participera au retissage du lien entre la police et nos jeunes, ce qui constitue un objectif essentiel. Cet amendement n'est donc pas le bienvenu. Par ailleurs, le Président de la République s'est engagé, à l'issue du Beauvau de la sécurité, à ce que la présence des bleus sur la voie publique soit renforcée. Cette réserve permettra de le faire. On ne peut pas se permettre de ne pas aller jusqu'au bout de ce que l'article 6 prévoit.
Je regrette vivement ce qui a été dit. Cette mesure est un leurre. Je ne vois pas comment, au-delà du changement de nom, le fait de transformer la réserve civile en réserve opérationnelle permettra de faire évoluer ce dispositif, qui a sans doute une forme d'utilité mais dont on ne voit pas la portée. Vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur.
Une complémentarité avec les forces de l'ordre a été évoquée. Très bien, mais grâce à quels moyens et à quelles formations ? Nous partageons le souhait d'un renforcement du lien entre les citoyens et les forces de l'ordre et l'idée qu'il faut donner davantage de moyens à ces dernières pour qu'elles puissent faire leur travail correctement. La relation de défiance entre les citoyens et les forces de l'ordre est liée à une question d'effectifs et de moyens, à laquelle ce texte n'apporte pas de réponse, globalement, et à la rupture du lien avec les citoyens – il a notamment été question des jeunes.
Si on veut réellement aller plus loin, plusieurs mesures sont nécessaires, comme la réforme de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), que vous n'évoquez pas du tout, alors que le Président de la République a été plutôt clair. Je ne partage pas forcément la solution qu'il a proposée, mais il a dit qu'il fallait bouger sur cette question. On doit faire de l'IGPN une autorité transparente, placée sous l'égide d'un magistrat indépendant, afin de clarifier les choses pour les citoyens, en particulier les jeunes.
Si on veut réellement une police de proximité, en lien avec les citoyens au quotidien, il faut aussi que les effectifs soient plus importants et les personnels mieux équipés. Par ailleurs, vous ne répondez pas du tout à la question qui se pose en matière de formation. Les augmentations des effectifs dans la police nationale depuis quelques années se sont traduites par une réduction du temps de formation et donc, nécessairement, des contenus pédagogiques, ce que je regrette.
Enfin, l'instauration de récépissés de contrôle d'identité serait une mesure forte qui donnerait un signal très puissant à nos jeunes. Cela permettrait de concrétiser la volonté qui est la vôtre, et que nous partageons, de recréer une relation de confiance.
On sent dans vos propos la différence entre ceux qui ont participé aux auditions et ceux qui ne l'ont pas fait. Des responsables de la police nationale nous ont expliqué qu'ils avaient conçu le modèle de la réserve opérationnelle sur la base de ce qui existe dans la gendarmerie et qu'un programme de formation très spécifique et déjà très abouti serait adopté au niveau réglementaire. Il n'y a pas la place pour absolument tous les détails dans un projet de loi de cette nature.
Par ailleurs, nous avons appris que les membres de la réserve opérationnelle pourront provenir de différentes sources : il y aura des citoyens ayant bénéficié d'une formation, des experts et des personnes qui ne sont plus sur le terrain – elles peuvent être à la retraite, par exemple – mais qui conservent un savoir-faire et un amour pour cette forme d'engagement public qu'elles peuvent transmettre à des plus jeunes. Cette architecture globale est particulièrement pertinente. Comme vous dites que vous tenez au lien de proximité entre la police et la population, en particulier les jeunes, je m'étonne que vous refusiez une réserve opérationnelle qui conjugue ces trois sources.
Le groupe de la République en Marche s'oppose naturellement à la suppression de l'article 6.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL204 de Mme Danièle Obono.
Nous n'avons pas d'opposition de principe à cette réserve. Vous la présentez comme quelque chose d'ambitieux, mais on se demande pourquoi tout cela arrive à un moment où on n'a pas véritablement le temps d'aller au fond du sujet. Il manque, par ailleurs, des éléments cruciaux auxquels nous serons très attentifs. Je soutiens en particulier ce qui a été dit au sujet de la relation entre la police et la population. De nombreuses associations mais aussi des membres des forces de l'ordre qui ont engagé un dialogue avec elles et avec des habitants et des habitantes de quartiers populaires soutiennent la création d'un récépissé de contrôle d'identité. Il y a aussi la demande de reconstitution d'une police de proximité.
Cette réserve dont l'objectif serait de rapprocher la police de la population est d'une certaine manière un substitut au vrai travail de fond que vous n'avez pas réalisé depuis quatre ans. Le Président a décidé de faire plein de promesses, mais nous doutons de votre capacité à atteindre vos objectifs, étant donné l'échec de votre politique et votre refus de réaliser des avancées très concrètes pour faire en sorte que la police républicaine soit proche des citoyens et des citoyennes qu'elle doit servir.
Nous n'allons pas relancer la discussion générale, madame Obono, mais je pense qu'il y a dans ce texte des éléments qui permettront d'avancer. La volonté de rendre les obligations de la réserve plus conciliables avec les obligations professionnelles et de travailler d'une manière plus territorialisée va dans ce sens. Une partie de votre diagnostic est juste : si on veut une réserve opérationnelle à l'image de notre société, il faut de la proximité, et ce texte y contribuera. J'émets donc un avis défavorable à votre amendement.
Ceux qui appartiendront à la réserve opérationnelle ne sont pas les policières et les policiers d'active, qui ont été formés et qui exercent leur métier tout au long de l'année. Il est question de consacrer jusqu'à vingt-quatre heures par semaine aux missions de la réserve, soit un maximum de cinquante-deux jours par an, si mes calculs ne sont pas trop erronés, alors que c'est trente jours dans la gendarmerie.
Vous voulez que cette réserve puisse servir pour les Jeux olympiques de 2024. Pourquoi pas ? Que des citoyens assurent des missions de sécurisation aux côtés des policières et des policiers ne me dérange pas fondamentalement, mais j'ai un problème avec l'action à l'étranger que vous prévoyez. La coopération entre les services de sécurité intérieure doit reposer sur des fonctionnaires, détachés auprès des ambassades, qui ont un statut et toute la légitimité pour agir. On ne doit pas se servir de la réserve opérationnelle comme d'une variable d'ajustement pour la coopération internationale ou transfrontalière. Je m'oppose à cette dérive. S'agissant de la gendarmerie, il ne me semble pas que l'actuelle réserve opérationnelle serve à se projeter à l'étranger. Elle est utilisée pour des patrouilles classiques et des missions de sécurisation, et il est très bien de ne pas aller au-delà.
Je me demande s'il ne faudrait pas faire preuve d'un peu moins d'ambition pour commencer. Le monarque a promis hier 30 000 réservistes. Ce serait génial, mais l'étude d'impact est plus mesurée. Elle évoque 2 000 personnes en 2022 et 3 000 en 2023, dont l'essentiel serait constitué de policiers retraités appartenant à la réserve actuelle. Celle-ci comprend 90 % de retraités selon l'étude d'impact. Faisons le travail sérieusement. Je n'ai pas envie qu'on se plante sur ce qui pourrait être un des outils pour rétablir une relation apaisée entre la police et la population.
L'article L. 411-7 du code de la sécurité intérieure prévoit déjà que les membres de la réserve civile de la police peuvent être amenés à effectuer des missions en dehors du territoire national. L'article 6 n'entraînera aucune véritable évolution sur ce plan.
L'intervention de réservistes à l'étranger est naturellement exceptionnelle. Ce sont des cas très limités dans lesquels l'expertise de retraités de corps actifs de la police nationale est requise. Cela concerne des domaines particuliers et des besoins ponctuels, par exemple au sein des missions consulaires ou dans des ambassades.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL193 de Mme Emmanuelle Ménard.
Pour plus de clarté, il faudrait préciser à l'alinéa 5 que « ces missions de renfort temporaire viennent s'ajouter au surplus des fonctionnaires actifs ». Il s'agit de s'assurer que la réserve opérationnelle de la police, qui peut apporter une aide considérable, n'est pas utilisée pour limiter l'augmentation du nombre des policiers d'active. Cela va mieux en le disant : il faut l'écrire clairement dans la loi pour qu'elle soit mieux appliquée et mieux acceptée.
Les réservistes n'ont évidemment pas vocation à se substituer aux corps actifs de la police nationale, dont je rappelle que les effectifs ont augmenté grâce au recrutement de 10 000 fonctionnaires de police supplémentaires depuis 2017. L'alinéa 5 précise déjà que la réserve opérationnelle est destinée à des « missions de renfort temporaire des forces de sécurité intérieure ». Il n'y a donc pas d'ambiguïté. Je vous demande de retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Il est indiqué que ce sera un renfort temporaire, mais je vous alerte de nouveau sur ce point.
La réserve opérationnelle de la gendarmerie a été un peu plus maligne : le maximum est de trente jours par an, mais on peut faire trois ou quatre jours de suite, selon les besoins. Comme vous prévoyez que le maximum est de vingt-quatre heures par semaine dans la police, on ne pourra pas utiliser trois jours de suite un réserviste qui aurait une compétence particulière dans un domaine. Vous avez introduit une rigidité. Néanmoins, le total de cinquante-deux jours par an fait qu'il s'agira d'une variable d'ajustement, et non d'un surplus. La réserve viendra en remplacement de la police.
Quant aux 10 000 fonctionnaires qui ont été évoqués, ils n'ont pas encore été recrutés. Il vous reste encore à voter et à appliquer un budget pour aller, peut-être, jusqu'à 9 000 – mais ce n'est déjà pas mal, je vous le concède.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL413 du rapporteur.
La mise en place d'une formation initiale obligatoire en faveur des personnes volontaires souhaitant s'engager dans la réserve opérationnelle de la police nationale s'avère nécessaire. Elle constitue un moyen utile afin de sélectionner et de préparer de façon optimale les futurs réservistes aux missions qui leur seront dévolues.
En revanche, s'agissant des anciens policiers adjoints justifiant d'au moins trois années de services effectifs, les ex-adjoints de sécurité, cette obligation n'apparaît pas opportune, eu égard à l'expérience acquise par ces volontaires au sein de la police, dès lors que leur souhait de rejoindre la réserve intervient moins de trois ans après la cessation de leurs fonctions de policiers adjoints.
Dans un objectif de souplesse, cet amendement ne rend donc obligatoire la période de formation initiale des futurs réservistes qu'aux volontaires issus de la société civile et aux seuls anciens policiers adjoints qui auraient quitté la police nationale depuis plus de trois ans, cette formation étant dans ce cas indispensable pour acquérir ou actualiser toutes les connaissances et aptitudes nécessaires pour servir dans la réserve.
Que l'on n'ait pas la même formation lorsque l'on accomplit une mission de réserve opérationnelle, selon que l'on soit issu ou non de la police, ne me choque pas du tout : je trouve au contraire cela éminemment logique.
Néanmoins, quand vous êtes policier d'active et que vous basculez dans la réserve, vous n'allez pas accomplir exactement les mêmes missions – dans bien des cas, ce ne sont pas du tout les mêmes. Il serait donc bien qu'un minimum de formation initiale, ne serait-ce qu'une semaine, soit dispensé dans ce cas pour préciser la différence de positionnement au sein du ministère entre les missions d'active et de réserve.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL334 du rapporteur.
Amendement CL181 de M. Michel Castellani.
Dans le cadre de l'article 6 qui vise à transformer la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle, les réservistes seront autorisés à porter une arme dans des missions qui pourraient les exposer à des risques d'agression.
S'il convient d'assurer la sécurité des agents de cette réserve opérationnelle, l'autorisation du port d'arme semble comporter des risques, au regard notamment de la composition des effectifs de la réserve et de l'incertitude sur la qualité de la formation. En effet, la formation adéquate, en vue d'utiliser une arme, et le processus de recrutement ne sont pas détaillés dans la loi.
Dans l'attente de précisions, nous préconisons donc la suppression de l'alinéa 21 qui ouvre cette autorisation au port d'arme pour les réservistes.
Votre amendement propose de supprimer l'extension de l'autorisation du port d'armes dans le cadre des missions de la réserve opérationnelle.
Aujourd'hui, le port d'armes des réservistes au sein de la réserve de la police n'est autorisé que pour les réservistes retraités de la police ainsi que pour les anciens policiers adjoints, alors qu'il est ouvert sous condition à l'ensemble des réservistes de la gendarmerie, ce qui participe de la valorisation des missions de la réserve de la gendarmerie.
Suivant cet exemple, l'article 6 rend possible le port d'armes pour tous les réservistes de la police nationale uniquement lorsqu'ils participent à des missions qui les exposent à un risque d'agression.
Bien entendu, cette autorisation ne peut pas être délivrée sans condition : suivant l'avis du Conseil d'État, il est prévu qu'un décret encadre sa délivrance afin de définir l'autorité compétente en la matière, les types d'armes susceptibles d'être portées et l'ensemble des exigences de formation, d'entraînement et d'aptitudes physiques auxquelles seront soumis les réservistes concernés.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable concernant l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL90 et CL91 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'amendement CL90 prévoit une modification au début de l'alinéa 21 qui inverse le principe de légalisation du port d'armes pour les policiers réservistes : la rédaction actuelle n'en fait qu'une possibilité alors que je propose d'en faire la règle.
L'amendement CL91 vise à modifier le début du même alinéa en autorisant les policiers réservistes à porter une arme, car il me semble que définir le risque d'agression dans le cadre d'une mission est très compliqué, dès lors qu'un policier, d'active ou réserviste, peut constituer une cible à tout moment, que ce soit dans un commissariat ou sur la voie publique, notamment en raison du risque terroriste.
Je ne partage pas votre orientation : l'ouverture du port d'armes à l'ensemble des réservistes selon les modalités que précisera le décret doit être conditionnée à l'exercice des missions qui les exposent à un risque d'agression sur la voie publique, ce qui n'est pas le cas de toutes les missions, et notamment des missions administratives. Avis défavorable, donc.
Il est vrai que les réservistes de la gendarmerie nationale portent une arme. En l'occurrence, la formation initiale des réservistes durera trois ou quatre mois, c'est-à-dire une durée identique à celle des adjoints de sécurité, appelés à porter une arme toute l'année.
Si l'on considère que la réserve opérationnelle doit accomplir des missions de relations police - population et qu'elle a vocation à être dans la proximité, il est bon que ses membres ne soient pas porteurs d'armes à feu. Il est surtout prévu qu'un réserviste ne puisse jamais être seul sans avoir à ses côtés des fonctionnaires titulaires – qui eux sont armés et peuvent le cas échéant faire usage de leur arme à feu. Je suis contre ces deux amendements et j'étais favorable à celui de M. Castellani. La rédaction actuelle du texte laisse à mon sens beaucoup trop de marges de manœuvre au ministre de l'intérieur qui demain pourrait armer, s'il le souhaite, tous les réservistes, au motif que le danger est partout.
Monsieur Bernalicis, vous êtes en train de fixer une doctrine d'emploi pour le ministre de l'intérieur, que vous pourrez lui transmettre en séance. Nous sommes d'accord pour dire que l'on ne peut pas armer tout le monde tout le temps : le décret aura justement pour vocation de prévoir les cas d'usage et le cadre d'emploi des réservistes qui seront amenés à pouvoir détenir une arme.
Nous partageons la même logique finale, même si les modalités ne sont pas forcément explicites aujourd'hui.
La commission rejette successivement les amendements CL90 et CL91.
La commission adopte les amendements rédactionnels CL335 et CL333 du rapporteur.
Amendement CL205 de M. Ugo Bernalicis .
Par cet amendement, nous voulons garantir une obligation de formation pour l'ensemble des personnes souhaitant intégrer la réserve en inscrivant noir sur blanc que les policiers et les policières réservistes reçoivent une formation initiale et continue dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État.
C'est déjà un enjeu au sein de la police nationale, car malgré les promesses récentes d'Emmanuel Macron, depuis quatre ans, le compte n'y est pas. La formation, qui est pourtant nécessaire, tant dans sa dimension initiale que continue, s'est réduite comme peau de chagrin.
Par ailleurs, le procès d'un célèbre garde du corps qui s'est pris pour un policier montre à quels types de dérapages peuvent aboutir les situations dans lesquelles on met des non policiers en contact avec la population – parfois de façon brutale. Je pense bien entendu à l'affaire Benalla.
Il faut donc se donner les moyens pour qu'une formation très solide soit dispensée à ces réservistes.
L'objectif visé par votre amendement est en partie satisfait par la rédaction de l'alinéa 11 qui prévoit une formation initiale obligatoire pour l'ensemble des volontaires issus de la société civile ainsi que pour les anciens policiers adjoints ayant au moins trois ans de service actif et qui ont quitté la police depuis plus de trois ans.
En revanche, il ne me semble pas nécessaire d'étendre cette formation initiale obligatoire aux réservistes retraités des corps actifs de la police nationale et aux ex-policiers adjoints ayant quitté la police depuis moins de trois ans car ils disposent déjà, grâce à leur expérience, des connaissances et aptitudes de base requises pour servir au sein de la réserve.
Je demande donc le retrait de l'amendement. À défaut, j'y serais défavorable.
Nous voulons une formation initiale – pas forcément la même selon les cas de figure – pour tout le monde. Nous reviendrons à la charge en séance en précisant ses contenus et son orientation générale. Il est important qu'un cadre soit déterminé, car en l'occurrence on renvoie au décret.
Vous avez évoqué une doctrine d'emploi pour le ministre de l'intérieur en exercice : je pense qu'elle sera plus pour son successeur, eu égard aux délais – j'y attache donc une importance tout à fait particulière. Cette formation doit être très bien cadrée, car ces hommes et ces femmes vont se retrouver dans des situations particulièrement conflictuelles et difficiles sans avoir la formation – déjà très maigre – des autres policiers.
Le monarque a dit qu'on voulait 30 000 réservistes. Même si l'étude d'impact n'en mentionne qu'entre 2 000 et 3 000, il faudra des structures pour assurer leur formation initiale et continue. Or cela fait quatre années que tous les ans je dépose des amendements pour rouvrir de nouvelles écoles de police et qu'ils sont systématiquement rejetés ! Je lance donc une dernière bouteille à la mer : puisqu'il paraît qu'on va avoir 1,5 milliard, il ne serait pas si mal qu'on en construise pour assurer cette formation !
Monsieur Bernalicis, vous étiez comme moi hier à Roubaix où vous avez entendu les mêmes propos : l'annonce de la création d'une école nationale de police à Montpellier devrait vous rassurer quant aux objectifs et aux moyens qui seront attribués à la formation.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte les amendements rédactionnels CL336 et CL337 du rapporteur.
Amendement CL233 de M. Sacha Houlié.
Il s'agit de supprimer la mobilisation de la réserve opérationnelle en cas de déclaration de l'état d'urgence sanitaire qui est un régime transitoire ayant vocation à disparaître le 31 décembre prochain. C'est dans le cadre de la pérennisation de l'état d'urgence que nous aurons peut-être à examiner au cours de ce mandat qu'il s'agira de délibérer sur cette question.
Vous proposez de supprimer l'extension de la durée maximale d'affectation des policiers réservistes en cas de déclaration de l'état d'urgence sanitaire, au motif que le régime de l'état d'urgence sanitaire peut être appliqué jusqu'au 31 décembre 2021, ce qui est concrètement le cas en outre-mer aujourd'hui.
J'y suis défavorable d'une part parce que le texte que nous examinons a, je l'espère, vocation à entrer en vigueur et donc à produire ses effets avant la fin de l'année, ce qui nécessite donc de maintenir une durée d'affectation maximale des réservistes en cas de réinstauration de l'état d'urgence avant le 31 décembre 2021, et d'autre part parce que nous ne pouvons pas à ce jour envisager de façon sûre et certaine la suppression au 31 décembre 2021 de ce régime juridique exceptionnel.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL120 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'objectif est d'encourager les Français aptes à s'engager dans la réserve opérationnelle de la police nationale en s'assurant que leur rémunération ne sera pas diminuée par leur employeur.
Ayant conscience qu'il pourrait porter préjudice au recrutement d'une personne réserviste, je précise qu'il s'agit d'un amendement d'appel pour tenter de trouver une solution acceptable aussi bien par l'employeur que pour l'employé.
Votre amendement provoquerait une difficulté légistique, c'est la raison pour laquelle je sollicite son retrait.
Sur le fond, il soulève une question plus large liée à l'articulation, pour les entreprises employant des réservistes, entre d'une part les obligations professionnelles qui incombent à ces réservistes et d'autre part leur engagement, plusieurs dizaines de jours par an, au sein de la réserve.
Aujourd'hui, le contrat de travail du réserviste salarié est suspendu pendant les périodes d'emploi et de formation dans la réserve civile de la police nationale. Si cela peut bien sûr se justifier du point de vue de l'employeur, cela n'encourage pas clairement les salariés à rejoindre la réserve.
Le texte prévoit cependant quelques assouplissements bienvenus : par exemple, les réservistes qui suivront une formation durant leurs activités au sein de la réserve ne seront plus tenus de solliciter l'accord de leur employeur pour ce faire.
À défaut de son retrait, je serais défavorable à l'amendement .
La commission rejette l'amendement.
L'amendement CL234 de M. Sacha Houlié est retiré.
Amendement CL206 de Mme Danièle Obono.
Nous sommes opposés au fait que les anciens officiers de police judiciaire (OPJ) retraités de la police nationale conservent cette qualité en entrant dans la réserve. Elle doit rester le privilège des agents titulaires sous le contrôle du parquet. On ne peut pas être collaborateur occasionnel du service public et OPJ : cela me semble une frontière qu'il n'est pas judicieux de franchir. Un agent titulaire OPJ peut cependant superviser des réservistes.
Vous proposez de supprimer la possibilité ouverte aux réservistes retraités de la police nationale de conserver leur qualité d'officier de police judiciaire lorsqu'ils exercent dans la réserve opérationnelle.
Cette mesure est opportune et représente un facteur attractif susceptible d'inciter les OPJ récemment retraités de la police ou de la gendarmerie à rejoindre la réserve.
Cette faculté est néanmoins strictement encadrée : elle est conditionnée à l'actualisation de leurs connaissances et de leurs aptitudes et fait l'objet d'une habilitation délivrée par le procureur général près la cour d'appel. De plus, les OPJ réservistes ne pourront exercer les attributions qui relèvent de la qualité d'OPJ, ni se prévaloir de cette qualité, que s'ils sont affectés à des missions qui impliquent de détenir la qualité d'OPJ.
Par conséquent, il s'agit d'une mesure utile et parfaitement circonscrite : je suis donc défavorable à l'amendement.
Vous y voyez un intérêt, car cela ferait plus d'OPJ disponibles. Mais si l'on en croit les paroles d'évangile que nous avons reçues hier à Roubaix de la part du Président de la République, la formation initiale, ainsi que celle d'OPJ, vont être revues pour 100 % des policiers. Être OPJ, ce n'est pas juste un truc en plus pour pouvoir faire des fouilles et des palpations : cela recouvre bien d'autres prérogatives. Il serait sage, même si on la possédait dans ses anciennes fonctions au sein de la police, d'abandonner cette qualité lorsqu'on entre dans la réserve opérationnelle : il ne s'agit ni des mêmes objectifs ni des mêmes missions.
En théorie, il y a d'ailleurs suffisamment d'OPJ au sein de la police et de la gendarmerie nationales pour couvrir tous les besoins. Encore faut-il qu'ils soient à la bonne place pour pouvoir remplir leurs missions.
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte les amendements rédactionnels CL338, CL339, CL340, CL341 et CL342 ainsi que l'amendement de coordination CL343, tous du rapporteur.
La commission adopte l'article 6 modifié.
Présidence de Mme Naïma Moutchou, vice-présidente de la commission.
Article 7 (précédemment réservé) (art. L. 256-1, L. 256-2, L. 256-3 et L. 256-4 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue
Amendements de suppression CL228 de Mme Danièle Obono et CL262 de M. Jean-Félix Acquaviva.
Nous souhaitons supprimer l'article 7 car nous nous opposons à la mise en œuvre de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue. Cette mesure, déjà votée à l'article 41 de la précédente loi dite pour une sécurité globale, a été entièrement censurée par le Conseil constitutionnel.
Nous considérons comme le juge constitutionnel qu'il s'agit d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, même si cette mesure est présentée comme une manière de prévenir les risques de blessures, d'automutilation et de suicide des personnes en garde à vue. Ce droit, qui découle de textes fondamentaux de notre histoire, est de fait méconnu.
Pour prévenir de tels risques, il faudrait peut-être s'interroger sur les conditions dans lesquelles les gardes à vue ont lieu, sur leur cadre et sur la formation des agents qui en sont chargés plutôt que d'utiliser le substitut au véritable travail de police qu'est la vidéosurveillance.
Nous demandons la suppression de l'article 7 pour plusieurs raisons.
Certes, sur plusieurs points, le Gouvernement a tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 relative à la loi dite pour une sécurité globale préservant les libertés en revoyant le cadre législatif de la captation d'image.
Cependant, le principe de l'instauration d'une vidéosurveillance en continu dans les cellules de garde à vue demeure une atteinte conséquente pour la vie privée des personnes concernées.
De plus, un tel mécanisme semble disproportionné au regard des motifs avancés pour sa justification. En effet, les cas d'évasion ou de suicide demeurent très rares. Enfin, cette mesure s'appliquerait potentiellement à toutes les gardes à vue sans distinction.
En raison de cette inadéquation, de cette disproportion et des motifs invoqués, nous demandons la suppression de l'article en l'état.
J'émets sans surprise un avis défavorable concernant ces amendements de suppression de l'article 7, lequel fixe un cadre législatif indispensable pour régir l'utilisation de la vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue.
Aujourd'hui, aucun encadrement législatif spécifique ne précise les conditions dans lesquelles la vidéosurveillance est mise en œuvre dans les cellules de garde à vue. Je considère que cet outil répond à un besoin opérationnel réel, ce qui nous a été confirmé lors des auditions des services de police et de gendarmerie.
Il s'agit en effet de renforcer la surveillance des personnes placées en garde à vue au regard des risques d'agression, de tentative de suicide ou d'évasion.
La proposition de loi dite sécurité globale a tenté de fixer des règles qui ont toutes été censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu'elles ne conciliaient pas de façon équilibrée les objectifs de sécurité avec le droit au respect de la vie privée.
En effet, la durée initiale du placement sous vidéosurveillance était de quarante-huit heures et pouvait s'étendre sur six jours moyennant une simple information du procureur. Le champ d'application de la mesure était également très large puisqu'il concernait aussi les centres de rétention administrative, la vidéosurveillance pouvant donc durer quatre-vingt-dix jours.
L'article 7 a donc tiré les conséquences de la jurisprudence constitutionnelle : aussi le dispositif est-il restreint aux seules cellules de garde à vue, ainsi qu'aux retenues douanières, grâce à un amendement déposé tardivement par le Gouvernement hier soir. Il s'applique aux personnes dès lors qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles pourraient tenter de s'évader ou représenter une menace pour autrui ou elles-mêmes.
Par ailleurs, la durée initiale du placement sous vidéosurveillance s'élève à vingt-quatre heures, l'autorité judiciaire en étant informée et pouvant immédiatement y mettre fin. Le renouvellement de cette mesure est conditionné à l'accord de cette même autorité. Le délai de conservation des données est enfin réduit à vingt-quatre heures après la levée de la garde à vue, alors qu'il s'élevait à trente jours dans la loi sécurité globale.
Pour l'ensemble de ces raisons, il s'agit donc d'un dispositif équilibré, opérationnel et respectueux des droits et libertés des personnes gardées à vue. C'est pourquoi je suis défavorable aux amendements.
J'ai en mémoire un événement douloureux, survenu dans ma circonscription, à Poitiers, le 7 juillet dernier dont la presse s'est fait l'écho : une personne a mis fin à ses jours lors de sa garde à vue. Dans quelles conditions se déroule la garde à vue ? Les agents sont souvent peu nombreux, la nuit ; les cellules sont parfois obscures ; on déplore un manque d'encadrement et de formation, comme l'avaient relevé les conclusions du Beauvau de la sécurité. Le constat est partagé. La disposition proposée constitue un moindre mal. Ce serait une façon de protéger les victimes – la marge de progrès étant élevée – et les policiers. Cette solution n'est certainement pas la meilleure, mais elle sera utile pour le gardé à vue et permettra de prévenir les violences. Cela étant, je propose de conserver l'enregistrement vidéo un peu plus longtemps, car il profite d'abord au prévenu. Après avoir subi une agression sexuelle, par exemple, le prévenu peut être extrêmement choqué et ne pas en parler immédiatement à son avocat : la preuve, alors, disparaît. Je proposerai donc un amendement visant à porter le délai de conservation de sept jours à un mois.
C'est un sujet complexe. On peut imaginer que la vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue soit protectrice des prévenus. L'étude d'impact indique que 30 000 caméras sont disposées en ces lieux. Mais cette pratique n'est pas réellement encadrée. Je n'ai pas souvenir que les prévenus en aient beaucoup bénéficié – ce qui ne signifie pas que ça ne pourrait pas être le cas. Le texte prévoit l'installation de caméras dans l'ensemble des lieux de garde à vue. Elles ne seront pas nécessairement activées, car vous avez institué des garanties. En réalité, elles sont, dans bien des cas, dégradées, dysfonctionnelles, floues, mal réglées… Je l'ai constaté dans nombre de geôles que j'ai visitées, dans ma circonscription et ailleurs – par exemple à Roubaix.
On va investir de l'énergie et de l'argent dans l'installation des caméras et leur renouvellement. Il faudra vérifier que le prévenu se trouvant dans le local de garde à vue ne dégrade pas la caméra qui, contrairement à ce qu'il pense, ne le filmera peut-être pas – pourquoi, en effet, croirait-il spontanément les policiers ? Cela va créer une série de problèmes, sans résoudre tous les autres : le manque de formation, l'insuffisance des effectifs la nuit, l'usage excessif des gardes à vue dans notre pays… J'aurais préféré qu'on s'attaque aux causes plutôt que de défendre une mesure qui constitue un moindre mal. Nous demeurons opposés au placement sous vidéosurveillance. Je vous rappelle que M. Amar Benmohamed a signalé de nombreuses exactions au tribunal judiciaire de Paris, quand bien même tout y était filmé et enregistré. Il est d'ailleurs toujours en difficulté avec la hiérarchie du ministère de l'intérieur, qui le pousse à la faute, comme chacun sait.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL417 du Gouvernement.
Cet amendement vise à étendre le régime de la vidéosurveillance en garde à vue à la retenue douanière. Comme son nom l'indique, cette dernière constitue une mesure de privation de liberté des individus, effectuée par la douane, qui correspond peu ou prou à la procédure de garde à vue appliquée par les services de police et de gendarmerie. Tout en déplorant le caractère tardif du dépôt de l'amendement, j'estime qu'il va dans le bon sens et est cohérent avec les dispositions de l'article 7. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
La commission adopte les amendements rédactionnels CL344 et CL345 du rapporteur.
Amendement CL112 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'amendement vise à supprimer les mots « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle pourrait tenter de s'évader ou représenter une menace pour elle‑même ou pour autrui », à la fin de l'alinéa 3. Les auditions des syndicats de police ont montré qu'une personne paraissant complètement inoffensive peut se révéler dangereuse, sans qu'on ait forcément constaté de signes avant-coureurs. Les conditions énoncées dans l'alinéa risquent d'empêcher les forces de l'ordre d'appliquer la vidéosurveillance, alors qu'elle pourrait être nécessaire. La vidéosurveillance doit avoir un caractère automatique dans les commissariats qui en sont dotés : c'est une question d'efficacité.
Au vu des appréciations de M. Bernalicis et de Mme Ménard, on est fondé à penser que la position exprimée dans l'article est équilibrée, et qu'on a trouvé un juste milieu. Il ne me paraît pas souhaitable de généraliser la vidéosurveillance des gardés à vue sans condition : elle doit continuer à dépendre de l'existence de risques d'évasion, de tentative de suicide ou d'agression. Cet encadrement est utile et conforme au principe de proportionnalité ; il vise à ce que le placement sous vidéosurveillance soit réellement réservé aux cas qui le justifient. Avis défavorable.
Les syndicats de police nous avaient fait part d'un exemple très intéressant. Deux hommes étaient gardés à vue dans la même cellule : l'un dormait, l'autre semblait tout à fait inoffensif et ne nécessitait pas, a priori, de surveillance particulière. Finalement, le second a tué le premier. Si la caméra avait existé et s'était déclenchée automatiquement – le policier de service n'ayant pas décelé de signes avant-coureurs d'une quelconque dangerosité –, on aurait peut-être pu éviter ce drame. La mise en service de la caméra relève presque du principe de précaution.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL346 du rapporteur.
Amendements CL53, CL51 et CL50 de Mme Emmanuelle Ménard.
Ces amendements visent à autoriser la vidéosurveillance durant la garde à vue au-delà de 24 heures et aussi longtemps que nécessaire, par exemple lorsque celle-ci est prolongée en raison des circonstances particulières de l'enquête. Elle peut ainsi être prorogée de 24 heures dans le cadre d'un flagrant délit ou d'une enquête préliminaire, de 72 heures pour les affaires graves, et de 96, voire de 144 heures en cas de risque terroriste. Si la caméra existe, je ne comprends pas pourquoi on se prive d'une chance de mieux surveiller le gardé à vue et de prévenir les risques de violences à son encontre.
Le plafond de la durée initiale de placement sous vidéosurveillance, fixé à 24 heures, tire directement les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel rendue le 20 mai dernier. Le juge constitutionnel avait intégralement censuré les dispositions de la loi pour une sécurité globale encadrant la vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue, notamment au regard de la durée potentiellement très longue du placement sous vidéosurveillance pendant laquelle l'autorité judiciaire n'avait aucun pouvoir décisionnel. Il s'agit donc de l'une des conditions garantissant l'équilibre constitutionnel du dispositif, étant entendu que le placement sous vidéosurveillance pourra ensuite être renouvelé toutes les 24 heures jusqu'à la levée de la garde à vue, si l'autorité judiciaire compétente l'autorise. Avis défavorable sur vos amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CL188 de M. Thomas Rudigoz et CL241 de Mme Alexandra Louis, sous-amendement CL420 du rapporteur (discussion commune).
Cet amendement vise à supprimer tout doute quant à l'autorité judiciaire compétente en matière de protection des libertés individuelles du prévenu. Cette question avait été mise en lumière lors des auditions. Je propose que le juge des libertés et de la détention soit compétent pour contrôler la décision administrative de placer sous vidéosurveillance la personne en garde à vue. À cet effet, l'amendement vise à modifier le début de l'alinéa 5.
L'article 7 encadre – enfin ! – le placement sous vidéosurveillance des gardés à vue, lorsque cette mesure est nécessaire. Il définit un certain nombre de garanties, parmi lesquelles l'encadrement dans le temps et le fait que l'autorité judiciaire compétente soit informée sans délai de cette mesure. Pour garantir l'assise constitutionnelle du texte, et éviter des interprétations divergentes, l'amendement vise à préciser qu'il s'agit de l'autorité en charge du contrôle de la garde à vue.
Monsieur Rudigoz, l'autorité judiciaire compétente n'est pas nécessairement le juge des libertés et de la détention. Il s'agit d'ailleurs le plus souvent du procureur de la République, qui est informé du placement initial en garde à vue par les officiers de police judiciaire puis peut décider de prolonger la mesure. S'agissant des gardes à vue dans le cadre d'une information judiciaire, c'est le juge d'instruction qui est compétent. Le juge des libertés et de la détention ne l'est que pour autoriser certaines prolongations exceptionnelles de garde à vue, pour des infractions terroristes ou liées au crime organisé. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement au profit du CL241. Celui-ci apporte une précision rédactionnelle bienvenue, que j'ai complétée par le sous-amendement CL420 dans une volonté de cohérence avec l'amendement CL417 du Gouvernement. Demande de retrait ; à défaut avis défavorable.
L'amendement CL188 est retiré.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement CL241 sous-amendé.
Amendement CL129 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 7, qui prévoit que la personne en garde à vue peut demander à tout moment à l'autorité judiciaire de mettre fin au placement sous vidéosurveillance. Cette faculté, favorable au demandeur, peut entraîner une mise en danger d'autrui – codétenu en garde à vue ou forces de sécurité.
Vous proposez de supprimer l'information de la personne placée en garde à vue et la possibilité qui lui est offerte de demander à tout moment à l'autorité judiciaire la fin de la mesure. Compte tenu de l'atteinte portée au respect de la vie privée de l'intéressé, cette information est, là encore, une condition de l'équilibre constitutionnel du dispositif. Avis défavorable
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL242 de Mme Alexandra Louis.
Cet amendement vise à apporter une garantie supplémentaire à cet article, pour renforcer son assise constitutionnelle. Le texte prévoit que la personne placée en garde à vue se voit notifier le placement sous vidéosurveillance. Lorsque la personne est mineure, la notification est également adressée à ses représentants légaux et à son avocat. Nous proposons que l'avocat soit systématiquement avisé du placement de son client sous cette surveillance. En effet, en pratique, c'est à l'avocat qu'il reviendra de demander l'allongement de la durée de conservation des vidéos, qui constituent des éléments de preuve. S'il n'est pas informé, il sera sans doute privé de la possibilité de permettre à son client d'exercer ce droit. Or, ce dernier peut par exemple être victime de violences de la part d'un codétenu.
Si la personne est assistée d'un avocat, elle l'informera en toute logique qu'elle fait l'objet d'un placement sous vidéosurveillance. Par ailleurs, le Conseil d'État n'a pas relevé, en la matière, de risque d'inconstitutionnalité. Il ne me semble donc pas nécessaire de modifier la rédaction de l'article. Je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Votre propos paraît pertinent sur le papier, monsieur le rapporteur, mais, en pratique, c'est tout à fait différent. Certaines personnes placées en garde à vue ne vont pas nécessairement informer leur avocat. Je pense à des personnes placées sous tutelle ou dont le discernement peut être mis en doute. Lorsque j'étais avocate de permanence, il m'est arrivé de voir des clients qui ne se rappelaient pas avoir vu le médecin, alors que c'était écrit sur leur notification. Il serait dommage de se priver de cette garantie, qui permettrait au client d'exercer pleinement ses droits.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement l'amendement de coordination CL347 et l'amendement rédactionnel CL348 du rapporteur.
Amendements CL56, CL113, CL62 et CL59 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'amendement CL56 concerne le pare-vue installé dans la cellule de garde à vue. Les spécificités techniques ne relèvent pas de la compétence du législateur. D'autres moyens techniques qu'un pare-vue peuvent être utilisés pour rendre le dispositif efficient tout en préservant l'intimité de la personne gardée à vue. Par ailleurs, la visibilité de l'emplacement des caméras, comme les pare-vue, peuvent être une source de danger pour les forces de l'ordre.
Il n'est pas possible d'imposer dans tous les postes de police la visibilité des caméras. Cette exigence de visibilité empêche l'installation de caméras dans certains d'entre eux. Comme le propose l'amendement CL113, il convient de s'assurer que les lieux le permettent, et d'ajouter les mots « Lorsque c'est possible, » au début de la dernière phrase de l'alinéa 10.
L'amendement CL62 vise à supprimer l'alinéa 12, qui prévoit qu'aucun dispositif biométrique ou de captation du son n'est couplé à la vidéosurveillance en garde à vue.
L'amendement CL59 vise à autoriser la captation du son en garde à vue.
Les alinéas 10 à 12 déterminent les modalités d'utilisation des caméras de vidéosurveillance. Ces précisions techniques et opérationnelles contribuent à encadrer le dispositif, en garantissant par exemple qu'aucun dispositif biométrique ou de captation du son n'est installé, ou qu'un pare-vue garantit l'intimité de la personne en permettant d'opacifier certaines images. Supprimer ces dispositions affaiblirait les protections prévues par le dispositif en faveur des personnes gardées à vue, alors même qu'il convient de garantir le droit au respect de la vie privée.
Je ne comprends pas tout à fait l'objet de votre amendement CL113. L'emplacement des caméras ne peut pas être dissimulé : c'est le sens de la dernière phrase de l'alinéa 12. L'installation des caméras est nécessairement visible. Il me semble qu'il est toujours possible de respecter cette exigence, quelle que soit la configuration des locaux. Le programme de modernisation immobilière vise à remédier à l'insalubrité des locaux insalubres et permettra de remplir les conditions exigées par le texte.
Je développerai, au sujet de votre amendement CL62, les mêmes arguments qu'à propos de l'amendement CL56. Au-delà de la fragilité juridique qu'entraînerait votre amendement dans le cadre d'un éventuel contrôle de constitutionnalité de la loi, j'ajouterai que la vidéo est, en comparaison des dispositifs biométriques ou de captation sonore, le moyen de loin le plus utile pour contrôler en temps réel le comportement physique de la personne en cas de risque d'agression, d'évasion ou de tentative de suicide.
J'emploierai les mêmes arguments concernant l'amendement CL59.
Pour ces raisons, l'avis est défavorable sur les quatre amendements.
La vidéo n'est pas toujours le meilleur moyen de détecter un problème dans une cellule. Dans un commissariat, les personnels surveillant les cellules devant leur écran peuvent voir leur attention détournée, par exemple lorsqu'ils doivent remplir un dossier. Dans ce cas, le son me paraît plus efficace que la vidéo, l'idéal étant de coupler les deux.
Je me suis rendu dans des locaux de garde à vue, qui sont parfois extrêmement bruyants, compte tenu de l'exiguïté des lieux. Les personnels sont entraînés et formés à observer les vidéos. Plus généralement, si l'on veut rester dans le cadre de la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai, le recours à la captation sonore ou biométrique dans les locaux de garde à vue serait disproportionné.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CL64 de Mme Emmanuelle Ménard, CL243 de Mme Alexandra Louis et CL183 de M. Antoine Savignat (discussion commune).
Cet amendement vise à simplifier et à renforcer l'efficacité de la procédure en faisant passer de vingt-quatre heures à sept jours la durée de conservation des enregistrements vidéo de la garde à vue. Dans la rédaction actuelle, ce n'est qu'à la demande du gardé à vue que cette durée peut être portée à sept jours. Imaginons qu'au-delà du délai de vingt-quatre heures, le gardé à vue porte plainte en raison de mauvais traitements reçus pendant la détention : il ne pourra pas en apporter la preuve, puisque l'enregistrement n'aura pas été conservé. Si le gardé à vue accuse de mauvaise foi les forces de l'ordre, celles-ci ne disposeront pas non plus d'éléments probants.
L'article prévoit que les enregistrements vidéo pourront être conservés à l'issue de la garde à vue pendant une durée maximale de vingt-quatre heures, et que le délai pourra être porté à sept jours lorsque le gardé à vue demande la conservation des images. L'application de cette disposition sera très difficile, et dans certains cas impossible. D'abord, l'alinéa 14 évoque une durée maximale, ce qui signifie que l'enregistrement peut être gardé moins longtemps : une heure, deux heures, dix heures… Surtout, le délai de vingt-quatre heures est trop court pour permettre au gardé à vue de réagir, particulièrement s'il n'a pas d'avocat. C'est principalement ce dernier qui sollicitera la conservation des images. Imaginons que la personne en garde à vue explique, à l'issue de celle-ci, qu'elle a fait l'objet de violences de la part d'un autre gardé à vue dans sa cellule. Dans la rédaction actuelle, il faudrait qu'elle réagisse dès le lendemain de sa garde à vue, alors même qu'elle sera éventuellement déférée devant un procureur ou passera en comparution immédiate. Comment pourrait-elle le faire, matériellement, si elle n'a pas d'avocat ? Quand bien même elle serait assistée, l'avocat commis d'office, chargé de plusieurs procédures simultanément, n'aura certainement pas le temps d'accomplir ces démarches. Alors que l'on s'efforce de bâtir un cadre légal solide, et que le texte apporte des garanties, il serait dommage de se priver de cet outil, d'autant plus que les éléments de preuve font cruellement défaut dans de nombreuses affaires. Le délai de quarante-huit heures ne me paraît pas beaucoup plus réaliste. L'Union syndicale des magistrats a proposé le délai de soixante-douze heures, qui me semble plus approprié.
L'allongement de la durée de conservation de l'enregistrement est dans l'intérêt de tous : fonctionnaires de police et, surtout, gardés à vue. Le délai de vingt-quatre heures est illusoire. Prenons l'exemple d'une garde à vue qui est levée à dix heures du matin, puis d'un défèrement et d'une comparution immédiate à vingt-trois heures : la vidéo aura été effacée, et l'intéressé n'aura en réalité bénéficié d'aucun délai. C'est encore plus vrai lorsque le défèrement est suivi d'une mise en détention. L'ensemble des auditions – des magistrats, des avocats et des syndicats de policiers – a mis en lumière le caractère irréaliste du délai. Nous proposons une durée de quarante-huit heures – cela pourrait aussi être soixante-douze heures ou sept jours.
Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut allonger la durée de conservation des vidéos, le délai de vingt-quatre heures n'étant pas réaliste. Madame Ménard, une durée de sept jours me paraît toutefois un peu longue et nous ferait encourir un risque de censure du Conseil constitutionnel, compte tenu de sa jurisprudence récente. Madame Louis, j'entends vos propos, mais il me semble qu'un compromis satisfaisant pourrait être trouvé avec l'amendement de M. Savignat, qui propose une durée de quarante-huit heures. Avis favorable sur l'amendement CL183, qui me paraît pertinent et modéré. Demande de retrait ou avis défavorable sur les amendements CL64 et CL243 .
Vous pointez le risque d'inconstitutionnalité, monsieur le rapporteur, mais le délai de sept jours est justement celui qui est proposé lorsque la demande émane du détenu lui-même : « Ce délai est porté à sept jours à compter du lendemain de la levée de la garde à vue lorsque la personne ayant fait l'objet de la mesure demande la conservation des enregistrements la concernant. » Je ne comprends pas pourquoi ma proposition porterait un risque d'inconstitutionnalité. Au contraire, ce délai de sept jours me semble très protecteur pour la personne gardée à vue comme pour les forces de l'ordre lorsque la personne gardée à vue est de mauvaise foi – pardonnez-moi, mais cela arrive.
Si je ne me trompe pas, le Conseil constitutionnel, dans l'avis rendu sur le précédent texte, ciblait la durée pendant laquelle le gardé à vue est filmé et non la durée de conservation de l'enregistrement. Dès lors, je me demande en quoi notre proposition pourrait être censurée.
Par ailleurs, les termes « durée maximale » m'ennuient. Sommes-nous bien d'accord qu'il est possible de ne pas conserver ces vidéos jusqu'au terme de vingt-quatre heures ou de quarante-huit heures, selon le délai retenu ?
Cela étant dit, je continue à penser qu'un délai de quarante-huit heures est trop court et nous privera de vidéos dans des affaires où elles auraient pu être très utiles.
Le délai de sept jours, à la demande du gardé à vue, est maintenu. En portant le délai de vingt-quatre à quarante-huit heures, nous renforçons la garantie, au cas où le détenu n'en ferait pas la demande. Si l'on autorisait les forces de police, de gendarmerie ou les douanes à conserver les enregistrements durant sept jours, le gardé à vue perdrait le bénéfice que nous avons voulu lui accorder en donnant un caractère asymétrique à la mesure. Une durée de quarante-huit heures me semble raisonnable, c'est pourquoi je vous ai invitée à retirer votre amendement, madame Louis.
La commission rejette successivement les amendements CL64 et CL243 et adopte l'amendement CL183.
Amendement CL142 de Mme Lamia El Aaraje.
Nous partageons tous la volonté de restaurer le lien de confiance entre les citoyens d'un côté, les forces de l'ordre et la justice de l'autre. Nous voulons favoriser le recours au droit, apaiser les relations. Dans cet esprit, des délais de quarante-huit ou soixante-douze heures me semblent extrêmement courts. C'est une bonne chose de disposer d'enregistrements lors de la garde à vue mais il faudrait aller plus loin pour que, une fois la garde à vue achevée et les esprits plus clairs, on puisse revoir la situation. Je siège au comité d'éthique de la vidéo-protection de la Ville de Paris et il n'est pas rare que des demandes nous parviennent bien après les faits, une fois que l'on a pris conscience de certains événements ou que l'on a pu bénéficier d'un accompagnement. Je suis donc favorable à un allongement de ces délais. Le Conseil constitutionnel nous a demandé de limiter la durée de conservation des enregistrements pour protéger le gardé à vue. En l'occurrence, cette demande émanerait du gardé à vue lui-même et non d'une quelconque autorité.
Je salue le travail réalisé par le comité d'éthique de la vidéo-protection de la Ville de Paris, que j'ai auditionné en vue de la rédaction d'un rapport destiné au Premier ministre. Je le sais très attaché à ces enjeux mais, pour cette raison justement, il faut rester dans le cadre plus général des règles de conservation des données à caractère personnel. Il ne me semble pas utile d'accéder à votre demande car le délai de sept jours suffit pour procéder à tous les visionnages nécessaires et réunir les éléments probatoires en cas d'incident. Avis défavorable.
Le délai de conservation des enregistrements au bénéfice de la personne gardée à vue est déjà supérieur à celui des forces de l'ordre. Si l'on augmente encore l'écart en portant cette durée à trente jours, la disproportion serait manifeste et pourrait susciter quelques interrogations. Rappelons par ailleurs que nous avons suivi les recommandations que le Conseil constitutionnel a formulées dans sa dernière décision. Le groupe La République en Marche ne votera pas cet amendement.
J'ai déposé l'amendement CL235 qui est analogue pour permettre, à la demande de la personne gardée à vue, de conserver les images enregistrées pendant un mois. Pour les raisons que nous avons exposées, je maintiendrai cet amendement et je voterai celui-ci.
C'est vrai, le Conseil constitutionnel n'a pas déclaré que le délai d'un mois était trop long – heureusement, sinon vous auriez subi d'autres censures... Il a juste demandé à ce que le délai soit proportionné. Quand on est mis en cause, les images sont importantes. Voyez l'affaire Alexandre Benalla : s'il n'avait pas récupéré les images, il n'aurait pas pu en faire un montage en lien avec les services de l'Élysée pour se défendre…
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL350 du rapporteur.
Elle rejette l'amendement CL235 de M. Sacha Houlié.
Amendement CL414 rectifié du rapporteur.
En cohérence avec l'amendement de M. Savignat, qui a été adopté, celui-ci vise à préciser que le délai dans lequel la personne placée en garde à vue ou en retenue douanière peut demander la conservation des enregistrements de vidéosurveillance la concernant s'élève à quarante-huit heures à compter de la fin de la mesure. Le cas échéant, la durée de conservation des enregistrements est portée à sept jours.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte successivement l'amendement rédactionnel CL351 et l'amendement de coordination CL415, tous deux du rapporteur.
Elle adopte l'article 7 modifié.
Article 8 (précédemment réservé) (art. L. 242-1, L. 242-2, L. 242-3, L. 242-4, L. 242-5, L. 242-6 et L. 242-8 du code de la sécurité intérieure) : Utilisation des caméras aéroportées
Amendements de suppression CL143 de Mme Lamia El Aaraje et CL208 de Mme Danièle Obono.
L'article 8 reprend des dispositions extrêmement controversées de la loi relative à la sécurité globale, que le Conseil constitutionnel avait censurées. Monsieur le rapporteur, alors que vous estimez disproportionné l'allongement de la durée de conservation des données par rapport à l'objectif poursuivi, l'article 8 ne vous pose pas de problème. Je ne suis pas la seule à réagir, si l'on en croit les manifestations que votre projet de loi a déclenchées. L'usage des drones afin de surveiller la population, et non à la suite d'une infraction, pose des difficultés. Quels critères retenez-vous pour justifier un tel usage ? Quels risques faites-vous courir aux manifestants ?
C'est vrai, le maintien de l'ordre public dans les manifestations pose problème aujourd'hui, ce qui est inacceptable dans une démocratie où le droit de manifester doit demeurer un droit fondamental. Cette liberté se trouve entravée. Nous devons nous demander quelle est notre politique de maintien de l'ordre. Tenter d'y répondre par la surveillance par drones est un leurre.
L'article 8 reprend un dispositif de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, largement censuré par le Conseil constitutionnel. Nous avions déposé des amendements pour le supprimer.
Durant le confinement, la police et la gendarmerie ont utilisé de manière démesurée les drones pour surveiller massivement la population, dans un grand nombre de communes : consignes diffusées par haut-parleurs, surveillance vidéo pour filmer les personnes qui tentaient de se soustraire à la police ou repérer les contrevenants. D'ailleurs, le 18 mai 2020, le Conseil d'État a infligé un revers à la préfecture de police de Paris après un recours de la Quadrature du Net et de la Ligue des droits de l'homme : faute de base légale, l'utilisation des drones est interdite.
Vous avez décidé de proposer un cadre légal à cette surveillance de masse, qui se généralise. L'article, en effet, ne concerne pas les seules manifestations. Les situations énumérées par l'article sont vagues et très larges : prévention d'actes de terrorisme, surveillance des frontières, protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords, prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés en raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s'y sont déjà déroulés, à des risques d'agression, de vol ou de trafic d'armes, d'êtres humains ou de stupéfiants. Les drones pourront ainsi envahir l'espace public. Cette atteinte disproportionnée à nos droits et libertés ne résoudra pas les problèmes qui se posent aux forces de sécurité et de police pour maintenir l'ordre public et garantir les droits des citoyens.
Comme pour les articles 7 et 9, il revient au législateur de fixer un régime juridique clair et cohérent afin de préserver l'utilité opérationnelle de ces nouveaux outils tout en garantissant le droit au respect de la vie privée et la protection des données personnelles. C'est l'orientation qui fut la mienne lorsque j'ai remis mon rapport au Premier ministre sur ce sujet la semaine dernière. C'est toujours la mienne en tant que rapporteur de ce projet de loi.
Là encore, à la suite de décisions contentieuses du Conseil d'État en 2020, le Conseil constitutionnel a censuré l'essentiel des dispositions de la loi de sécurité globale pour plusieurs motifs. Premièrement, les finalités pour lesquelles les drones pouvaient être utilisées étaient particulièrement larges, à l'image de la lutte contre l'ensemble des infractions contraventionnelles ou de l'objectif d'assurer le respect des arrêtés municipaux. Deuxièmement, la loi ne prévoyait aucune limite à la durée d'utilisation d'un drone par l'autorité judiciaire ou administrative. Troisièmement, le recours aux drones ne présentait pas de caractère subsidiaire en matière de police administrative. Quatrièmement, contrairement aux règles applicables en matière de renseignement, s'agissant par exemple de l'utilisation des appareils IMSI-catchers, aucun contingentement du nombre de drones n'était prévu par la loi.
Pour ces raisons, le cadre ainsi posé n'est pas apparu suffisamment rigoureux, ce qui a motivé la censure de l'essentiel de ces dispositions qui régissaient l'utilisation des drones. L'objet de l'article 8 est de tirer les conséquences de la jurisprudence constitutionnelle et de prévoir toutes les garanties nécessaires à la protection de la vie privée, car le principe du recours à des caméras aéroportées n'est pas contraire, en soi, à la Constitution. L'article 8 prévoit ainsi que l'utilisation des caméras aéroportées ne peut viser que des finalités de police administrative limitativement énumérées, telle que, par exemple, la prévention des atteintes à la sécurité des personnes, la prévention des actes de terrorisme, la surveillance des frontières ou la régulation des flux de transport.
Par ailleurs, la durée de conservation des données est limitée à sept jours, les conditions de fonctionnement des caméras aéroportées sont strictement encadrées, le recours aux caméras aéroportées est soumis à une procédure d'autorisation préfectorale, dans le respect d'un double contingentement qui permet de déterminer le nombre maximal de caméras qui peuvent procéder à ces enregistrements.
Toutes ces dispositions tiennent compte des remarques du Conseil constitutionnel, ce qui garantit l'opérationnalité du dispositif et sa sécurité juridique.
Avis défavorable.
Lors de l'examen du projet de loi pour une sécurité globale préservant les libertés, nous vous avions dit que légiférer sur de tels sujets, sans avis du Conseil d'État ni étude d'impact, était plutôt cavalier. Le Conseil constitutionnel nous a donné raison. Je reconnais cependant une petite avancée puisque, à la demande de certains sénateurs et députés, dont nous faisions partie, ni la reconnaissance faciale ni le croisement de fichiers ne sont autorisés. Cependant, la reconnaissance faciale n'est que l'une des possibilités offertes par les drones et il faudra sans doute étendre le principe de l'interdiction à d'autres domaines.
La liste reste trop large. Tant que vous pourrez déployer des drones pour prévenir le terrorisme, vous pourrez en installer partout, tout le temps, sans avoir besoin de vous justifier.
Vous nous promettez un contingentement mais cette mesure étant d'ordre réglementaire, nous ne sommes pas plus rassurés. Comment s'en assurer ? En analysant les commandes passées par le ministère de l'intérieur, le nombre et la typologie des drones achetés ? En effet, vous n'avez pas attendu que la loi soit votée pour les acheter !
Par ailleurs, le préfet de police a continué à utiliser les drones lors de manifestations alors que le Conseil d'État l'avait interdit à deux reprises. Je ne sais pas quelle police il faut envoyer au préfet de police pour qu'il respecte les décisions du Conseil d'État mais la question se pose du respect de la loi et des décisions de la plus haute juridiction administrative.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL293 de M. Pacôme Rupin.
Je m'étonne que vous ayez souhaité donner un même cadre à l'usage des drones que des hélicoptères ou des avions. Il me semble au contraire indispensable de distinguer les drones, qui sont des robots, des hélicoptères, pilotés par des êtres humains.
Alors que ce texte prévoit un usage massif des drones, je crois nécessaire d'en limiter l'utilisation. Je n'imagine pas une société dans laquelle les robots nous surveilleraient même si des êtres humains sont derrière eux. Les drones sont très intrusifs et on ne saurait les comparer à des hélicoptères. Ainsi, du fait de leur coût, les hélicoptères ne sont utilisés qu'en cas de réelle urgence. Au contraire, il est beaucoup plus facile de se servir des drones pour surveiller régulièrement des lieux.
Cet amendement vise donc à préciser que le cadre proposé ne s'applique qu'aux drones.
L'article 8 du projet de loi, contrairement à l'article 47 de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, concerne l'ensemble des caméras aéroportées, qu'il s'agisse de drones, d'avions ou d'hélicoptères.
Le champ d'application est cohérent car il n'y a pas lieu de distinguer les images enregistrées par des caméras aéroportées suivant qu'elles ont été prises par des aéronefs, avec ou sans personne à bord. Avis défavorable.
Si nous n'adoptions pas le dispositif prévu par ce texte, il n'y aurait aucun cadre légal puisque rien n'existe pour les hélicoptères. Nous encadrons cette pratique, en respectant les droits de nos concitoyens et en les informant. Les mesures prévues sont équilibrées et permettront de recourir au dispositif adapté. S'il s'avérait nécessaire, par exemple, de prévenir un acte de terrorisme perpétré au moyen d'une voiture, en pleine campagne, l'usage de l'hélicoptère serait plus recommandé que celui du drone.
Mes arguments semblent ne pas avoir été entendus. Je ne nie pas le fait qu'il faille un cadre légal mais il faut distinguer les avions et les hélicoptères d'une part, des drones d'autre part. Certes, la finalité est la même : capter des images. Cependant, dans la mesure où il est beaucoup plus simple et moins coûteux de filmer avec des drones, on peut imaginer qu'il sera tentant de les multiplier. C'est différent pour les hélicoptères qui, en raison de leur coût et de la nécessité d'un pilote, sont utilisés dans les cas d'urgence.
Il faut deux cadres différents. La vision que nous avons de notre société est aussi en jeu. Devons-nous disposer du même cadre légal pour des engins directement pilotés par des êtres humains et pour des robots, commandés à distance ? Dans une société où nous devrons réguler toujours davantage l'usage des robots, il me semble nécessaire de distinguer ce qui est directement piloté par un être humain de ce qui ne l'est pas.
Je serais même favorable, pour ma part, à ce qu'il y ait un cadre légal pour interdire l'usage des drones. Voyez comment le préfet de police s'est accommodé de la décision du Conseil d'État ! Marlène Schiappa, reprenant les propos de Gérald Darmanin, veut nous convaincre qu'il n'y aurait aucune raison à ce que les policiers n'utilisent pas les drones dès lors que tout le monde peut en avoir un ! C'est méconnaître le droit car on ne peut pas utiliser un drone comme on veut dans notre pays. Selon la catégorie à laquelle le drone appartient, l'acheteur peut être obligé de donner son nom pour être inscrit dans un fichier. Il faut demander l'autorisation de survoler certaines zones. Par ailleurs, les policiers en exercice ne sont pas assujettis aux mêmes règles que le citoyen ordinaire. Il me semble donc important de distinguer selon que l'engin est piloté directement ou à distance. Pour l'instant, il y a encore un humain derrière ce drone mais rien ne nous dit que vous ne reviendrez pas à la charge avec un autre projet de loi. J'en veux pour preuve l'application TousAntiCovid. Il y a quelques mois, vous assuriez à Mme Obono, qui vous avait interrogé à ce propos, que nous n'étions pas en Corée et qu'il n'était pas question de créer une application pour fliquer tout le monde. Deux mois plus tard, elle était là ! C'est bon, nous avons compris comment cela fonctionnait !
Sur le terrain, les gendarmes utilisent déjà des hélicoptères pour surveiller les manifestations et capter des images. Il paraît nécessaire, en effet, de les distinguer des drones et de tenir compte des problèmes qui se posent. Si le préfet de police a limité l'usage des drones, ce n'est pas en raison de la décision du Conseil d'État mais à cause des goélands – il l'a lui-même reconnu lors de son audition par la commission d'enquête. En effet, les goélands attaquent les drones. Qu'ils en soient remerciés car ils sont plus efficaces que le Conseil d'État pour lutter contre les exactions du préfet Lallement. Vous le voyez, tout n'est pas si simple.
Vous parlez des goélands, mais dans le Sud, il est arrivé qu'un avion doive piler pour ne pas percuter des flamants roses… Si on va par là, on arrête toute technologie ; ce n'est pas l'objet de notre société.
Il n'existe pas à ce jour de réglementation incluant les hélicoptères ; le texte en crée une, ce qui est plus protecteur. Quant aux drones, nous ne sommes pas dans Matrix : ils sont bien pilotés par des humains, même indirectement et à distance. Votre crainte que l'humain n'ait pas de contrôle sur la machine relève donc de la science-fiction : dans la réalité, pour les hélicoptères comme pour les drones, des humains sont présents au moment de la décision d'orientation et des autorisations préalables et des motivations sont requises.
Les mécanismes dont nous parlons ne sont prévus qu'en cas d'atteinte à l'ordre public, sans enfreindre le droit au respect de la vie privée. C'est tout à fait équilibré et cela protège le citoyen. Plutôt que d'agiter des peurs, réjouissons-nous que la technologie permette, dans un cadre délimité, motivé et selon un régime d'autorisation préalable – ce qui, en pratique, devrait être un peu contraignant pour nos forces d'intervention –, d'améliorer la sécurité de nos concitoyens et de garantir leur droit à une vie paisible.
En effet, aujourd'hui, un drone reste piloté par un humain. Quant à la crainte d'une multiplication infinie du nombre de drones sans encadrement, rappelons que, selon le dispositif d'autorisation préalable, chaque autorisation préfectorale fixe le nombre de caméras pouvant procéder simultanément aux enregistrements ; en outre, un nombre maximal de caméras sera défini dans chaque département par arrêté ministériel, en vertu d'un contingentement national ventilé au niveau départemental. Tout cela est donc très encadré.
Il existe une différence, ne serait-ce que dans notre perception, entre un engin piloté par un humain et un autre qui ne l'est pas. De plus en plus, des robots assument des fonctions jusqu'alors exercées par l'être humain. Quelles limites assigne-t-on à cette forme de déshumanisation de la société ? Tel est l'enjeu. Évidemment, il y a derrière l'écran quelqu'un qui pilote le drone, et c'est heureux ; mais la personne surveillée, elle, ne le voit pas. C'est toute la différence, à mes yeux fondamentale – c'est une autre vision de société.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette l'amendement CL66 de Mme Emmanuelle Ménard.
Amendement CL119 de Mme Emmanuelle Ménard
Il s'agit de porter à seize jours, pour l'aligner sur la durée maximale de l'enquête de flagrance, la durée de conservation des images captées par les drones, que le texte tend à ramener de trente à sept jours.
Votre amendement relaie une préconisation qui a été émise lors des auditions. J'en comprends l'objectif, mais étendre ainsi la durée maximale de conservation des images apparaît excessif et serait de nature à déséquilibrer juridiquement le dispositif, ce qui exposerait le texte au risque d'une censure constitutionnelle.
Avis défavorable.
Lorsque je propose ce type de changements, c'est en m'efforçant de les caler sur un dispositif existant ; l'argument de la constitutionnalité ne me paraît donc pas opportun. En outre, nous le disons depuis des années, c'est au législateur de faire la loi et non au Conseil constitutionnel. Certes, on tente ici de corriger des dispositions déjà censurées par celui-ci, mais l'on pourrait aller un peu plus loin ; ne soyons pas frileux.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement de coordination CL352 du rapporteur.
Amendement CL295 de M. Pacôme Rupin
Même si, vous l'aurez compris, je ne suis pas un supporter des drones, je peux en concevoir l'utilité dans certains cas. En revanche, l'emploi que prévoit l'alinéa 17 me paraît tout à fait disproportionné : il s'agit de « la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés, en raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s'y sont déjà déroulés, à des risques d'agression, de vol ou de trafic d'armes, d'êtres humains ou de stupéfiants ainsi que la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu'ils sont particulièrement exposés à des risques d'intrusion ou de dégradation ». Une grosse partie du territoire peut correspondre à cette définition : la rédaction est beaucoup trop large ; il faut la préciser et, en attendant, la supprimer.
Nous avons bien compris votre position générale quant à l'usage des drones. Toutefois, ces derniers ne sont pas des robots, mais des véhicules aéroportés dont les téléopérateurs sont des fonctionnaires de police, des douanes ou des gendarmes – que je salue, car ils accomplissent un travail très difficile et rigoureux ; leur formation, de six mois en moyenne et correspondant à un brevet de pilote privé de premier niveau, sera parfaitement à la hauteur des missions que l'on souhaite leur confier. Ne disons pas n'importe quoi, ne laissons pas croire qu'on laisse voler des véhicules autonomes au sens où vous l'entendez ou que les personnes chargées d'opérer les drones le feraient n'importe comment, sans appliquer scrupuleusement les cadres légaux.
Cela a été rappelé, une autorisation préfectorale est prévue, par arrêté ; elle devra se fonder sur le descriptif technique des drones utilisés et sur le respect du contingentement national territorialisé ainsi que des règles de proportionnalité et de nécessité. De plus, un contrôle a posteriori sera possible si l'application de ces règles est contestée devant le tribunal administratif. On ne peut donc pas nier que l'encadrement prévu par le texte constitue une amélioration notable.
Enfin, la première finalité permettant l'utilisation des caméras aéroportées, à savoir la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, que vous souhaitez supprimer, constitue l'une des missions de police administrative essentielles accomplies par la police et la gendarmerie. Le Conseil d'État, dans son avis, n'a d'ailleurs formulé aucune remarque particulière à son sujet. Il me paraît nécessaire de conserver cette disposition telle quelle, afin de garantir le caractère opérationnel du cadre applicable aux caméras aéroportées.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL299 de Mme Natalia Pouzyreff
Je salue l'apport de la loi de 2018 à la lutte contre les rodéos motorisés, fléau qui représente non seulement une nuisance pour les riverains mais peut entraîner de graves atteintes à la sécurité des personnes – il a causé le décès de deux personnes cet été.
Parmi les recommandations que Robin Reda et moi-même avons formulées dans notre rapport d'évaluation de cette loi, présenté le 8 septembre, figure l'utilisation des caméras aéroportées et des drones par les forces de l'ordre, dans un cadre administratif – c'est l'objet du présent amendement – ou judiciaire. Nous souhaitons que le présent texte spécifie que les drones pourront être employés pour lutter contre les rodéos ou, en tout cas, pour veiller à ce que ces derniers ne mettent pas en danger la vie d'autrui.
Je veux tout d'abord saluer le remarquable travail d'évaluation de la loi du 3 août 2018 que vous avez conduit avec Robin Reda ; je vous remercie de m'avoir associé à certaines des auditions sur ce problème essentiel pour nos concitoyens et qui nécessite des solutions supplémentaires.
Sur tous les amendements visant à étendre les finalités de police administrative prévues par l'article 8, je formulerai une demande de retrait et, à défaut, un avis défavorable.
Comme l'a dit la ministre déléguée, les éléments signalés dans votre rapport ont été pris en considération par le Gouvernement. Toutefois, nous avons besoin de les soumettre à un avis du Conseil d'État pour nous assurer de respecter l'esprit du présent texte et de tenir compte des aspects précédemment soulignés par notre collègue Bernalicis. Or, votre rapport ayant été rendu juste avant l'examen du texte, cela n'a pu être fait, alors que la qualité de vos travaux mérite que le Conseil d'État soit saisi afin que les mesures répondant à vos préoccupations puissent être inscrites dans la loi. Je doute que cela soit possible d'ici à la séance.
Sans méconnaître aucunement l'importance des nuisances qu'entraînent les rodéos motorisés, ces derniers ne relèvent pas tout à fait du même registre que les catégories d'infractions énumérées à l'alinéa 17 – par exemple, les trafics d'armes ou de stupéfiants ou les risques d'agression. La mention des rodéos motorisés dans cette liste ne me paraît donc pas cohérente et pourrait déséquilibrer l'ensemble du dispositif, alors même qu'il s'agit d'un élément soulevé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 mai 2021.
Je le répète, il convient d'attendre l'avis du Conseil d'État pour déterminer s'il est juridiquement nécessaire d'adopter des règles spécifiques en la matière ou si le cadre fixé par le code de procédure pénale est suffisant.
Je vais retirer les amendements, mais je les redéposerai en vue de la séance afin d'y obtenir une réponse de la part du Gouvernement sur le champ de l'alinéa 17 : je l'ai dit, les rodéos peuvent entraîner des accidents mortels. Cela pourrait être traité par circulaire. Quant à l'utilisation des drones en matière judiciaire, nous y reviendrons ; la possibilité pour les forces de l'ordre de poursuivre les auteurs de ce type de délit et d'analyser les images serait utile aux enquêtes.
L'amendement est retiré.
L'amendement CL298 de Mme Natalia Pouzyreff est retiré.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL353, CL354 et CL355 du rapporteur.
Amendements CL300 et CL301 de Mme Natalia Pouzyreff
Je retire ces amendements, non sans préciser qu'ils tendent, conformément à une autre recommandation de notre rapport, à permettre une expérimentation de l'utilisation des drones en matière judiciaire, d'autant que la doctrine française veut que l'on ne prenne pas en chasse les auteurs de rodéos motorisés.
Je salue votre sagesse : compte tenu de l'importance de ce débat du point de vue tant sociétal que juridique, il est bienvenu qu'il ait lieu en séance pour éclairer l'Assemblée.
Les amendements sont retirés.
La commission adopte l'amendement de coordination CL356 du rapporteur.
Amendement CL75 de Mme Emmanuelle Ménard
Je reviens un instant sur la question du recours aux aéronefs dans le cadre de la lutte contre les rodéos urbains. Comme l'a dit notre collègue, dès lors que la doctrine, en France, est de proscrire les courses-poursuites, la moindre des choses, vu l'exaspération que le sujet provoque chez nos concitoyens, serait de pouvoir utiliser des drones pour repérer des éléments d'infraction et, le cas échéant, relever les plaques d'immatriculation, en évitant le risque que présentent les courses-poursuites.
J'avais déposé des amendements à ce sujet qui ont été déclarés irrecevables ; je les modifierai pour les redéposer en vue de la séance.
Je demandais également que les drones puissent être utilisés par la police municipale, et non plus simplement par la police nationale et la gendarmerie. En effet, les dispositifs de vidéoprotection relèvent de la compétence des communes et sont installés par elles ; c'est donc traditionnellement la police municipale, en lien, bien entendu, avec la police nationale, qui s'occupe de visionner les images au côté d'un officier de police judiciaire – c'est ainsi que cela se passe à Béziers.
Ce serait utile non seulement contre les rodéos urbains, mais aussi, dans de petites communes de ma circonscription, contre la cabanisation, pour identifier des zones difficilement accessibles et des terrains accueillant des constructions ou des habitations mobiles de loisir dissimulées par les propriétaires, ainsi que pour protéger les personnes dans des lieux retirés situés en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) et qui subissent directement le débordement de cours d'eau lors des fortes précipitations. Selon le policier municipal qui m'a alertée, 62 % du territoire de la commune est en zone inondable, inaccessible par voie terrestre en cas d'inondation.
Je comprends parfaitement ; cette pratique a également cours dans mon territoire. Mais nous y reviendrons en séance.
Quant à votre amendement CL75, qui tend à créer une exception à l'interdiction de recueillir des images de l'intérieur des domiciles si l'opération en cours le nécessite, il impliquerait une grande complexité technique. Compte tenu des règles de contingentement et des autorisations préfectorales requises, il faudrait répartir les caméras aéroportées en deux catégories suivant la nature de la mission, voire davantage, selon que celle-ci a lieu de jour ou de nuit. En effet, le drone n'est qu'un vecteur et la caméra qu'il transporte peut être classique, thermique ou d'une autre nature.
De plus, il convient de respecter l'équilibre entre la poursuite des finalités de police administrative pour lesquelles les caméras aéroportées peuvent être utilisées et les exigences constitutionnelles liées à la protection de la vie privée.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements de coordination CL357 à CL360 du rapporteur.
Amendement CL77 de Mme Emmanuelle Ménard
Il permet de prolonger de vingt-quatre heures la durée de validité de l'autorisation expresse d'utiliser les aéronefs.
Dans le cadre de la procédure dérogatoire en cas d'urgence, il n'y a pas lieu de prévoir le renouvellement d'une autorisation d'utilisation au-delà de vingt-quatre heures : nous ne serions alors précisément plus dans un contexte d'urgence.
Le cas échéant, le service demandeur peut tout à fait solliciter le préfet dans le cadre de la procédure classique prévue par les alinéas 25 et suivants.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement de coordination CL361 du rapporteur.
Amendement CL78 de Mme Emmanuelle Ménard
Il s'agit d'un amendement d'appel. Je ne comprends pas bien pourquoi le nombre maximal de caméras pouvant être simultanément utilisées dans chaque département devrait être fixé par le ministre de l'intérieur.
Je l'ai dit à M. Bernalicis, le contingentement est déjà applicable en matière de techniques de renseignement, s'agissant de l'utilisation d'appareils de type IMSI-catchers. Par ailleurs, il permet de répondre directement à l'une des observations formulées par le Conseil constitutionnel, ce qui sécurise juridiquement le dispositif. Avis défavorable.
Des garanties comme celle-là ne servent vraiment qu'à se faire plaisir : on dit qu'il existe une limite, mais on ne précise pas laquelle. Ainsi, le pouvoir réglementaire pourra aller jusqu'à 1 000 ou 3 000 caméras par département, et puis un recours sera formé devant le Conseil d'État, lequel ouvrira un débat sur la proportionnalité… On n'écrit cette phrase qu'afin de passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel. Il est pénible que l'on raisonne ainsi au lieu de se fonder sur l'utilité future du dispositif.
Il existe tout de même des éléments factuellement identifiables et, en la matière, le Parlement joue son rôle – je salue à ce propos le travail de notre collègue Stéphane Mazars, rapporteur pour avis du budget de la sécurité, qui a dressé un tableau exhaustif du nombre de drones dont nous disposons, par catégories. L'acte administratif par lequel le ministre de l'intérieur définira le contingentement sera rendu public d'une manière ou d'une autre et le Parlement en sera éclairé.
Monsieur le rapporteur, vous qui connaissez très bien le sujet, pourriez-vous nous dire quel nombre maximal sera selon vous arrêté par le ministre de l'intérieur, ou nous donner une fourchette ?
Votre question me fait un grand honneur, mais je ne suis pas le Gouvernement… Je me la pose également, pour tout vous dire. Vous pourrez interroger le Gouvernement à ce sujet dans le cadre du projet de loi de finances. Les données de la commande publique citées par M. Bernalicis aboutissaient à un chiffre de 300 pour l'année. Mais le chiffre n'est pas arrêté, il dépend aussi des doctrines et des commandes en cours ainsi que du texte que nous allons voter : il ne sert à rien d'acheter du matériel sans le cadre légal qui permet de l'utiliser.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement de coordination CL362 du rapporteur.
Amendement CL418 du Gouvernement.
Même si je regrette, là encore, le dépôt tardif de cet amendement par le Gouvernement, il est cohérent avec l'objectif poursuivi par l'article 8 en étendant son champ d'application aux agents des douanes, dans le cadre de leur mission de prévention des mouvements transfrontaliers de marchandises prohibées. Avis favorable.
Je m'interroge sur la place retenue pour cet amendement. Pourquoi est-il placé à la fin de l'article au lieu de figurer après l'alinéa 21, qui vise la surveillance des frontières ? Quelles sont les conséquences de ce choix ?
Les agents des douanes étant habilités à utiliser les drones pour l'ensemble des cas de figure prévus par cet article, il est logique de placer l'amendement à cet endroit.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL79 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'article L. 242-6 du code de la sécurité intérieure dispose que « les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours, les personnels des services de l'État et les militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile ou les membres des associations agréées de sécurité civile au sens de l'article L. 725-1 » ne peuvent avoir recours aux drones que dans deux cas de figure : la prévention des risques naturels ou technologiques, d'une part, et le secours aux personnes et la lutte contre l'incendie, d'autre part.
Cet amendement vise à ajouter une troisième possibilité : la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens. Il s'agit de renforcer la sécurité, notamment des pompiers, et d'enrichir ainsi le plan de prévention et de lutte contre les agressions visant les sapeurs-pompiers, engagé durant l'été 2020.
Je profite de l'occasion fournie par votre amendement pour saluer l'excellent travail réalisé par notre collègue Fabien Matras en faveur des sapeurs-pompiers. La proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers, dont il est l'auteur, va être prochainement examinée par le Sénat.
L'objet de votre amendement concerne les services de police et de gendarmerie, dans le cadre de leurs missions de police administrative. C'est ce que l'alinéa 17 de cet article prévoit pour eux.
En revanche, cette finalité ne peut pas être utilisée pour étendre l'utilisation de caméras embarquées dans le cadre de missions de sécurité civile. Leur mise en œuvre doit rester circonscrite aux emplois déjà prévus par l'article L. 242-6, c'est-à-dire la prévention des risques naturels ou technologiques ainsi que le secours aux personnes et la lutte contre l'incendie. Avis défavorable.
J'ai proposé cet amendement dans un souci d'efficacité.
Les pompiers utilisent de manière très efficace les drones pour lutter contre les incendies, ces engins leur permettant notamment de détecter les zones où un feu couve sans être visible à l'œil nu. Il arrive, et j'en parle en connaissance de cause, que les pompiers ne veuillent plus intervenir dans des quartiers difficiles, pour parler pudiquement, parce qu'ils craignent de tomber dans un guet-apens. Cette crainte n'est malheureusement pas vaine, car ce type d'événement arrive de plus en plus régulièrement. Ils n'interviennent donc qu'accompagnés de la police, qu'elle soit nationale ou municipale.
Envoyer un drone au préalable pour vérifier que le champ est libre leur permettrait de ne plus avoir à attendre les forces de sécurité et de mener plus efficacement leur mission de protection civile, tout en étant eux-mêmes protégés.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 8 modifié.
Article 9 (précédemment réservé) (art. L. 243-1, L. 243-2, L. 243-3, L. 243-4 et L. 243-5 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Utilisation des caméras embarquées
Amendement de suppression CL209 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit de supprimer cet article, qui est une version réchauffée des dispositions sur les caméras embarquées qui figuraient dans la loi sur la sécurité globale, et qui ont été censurées par le Conseil constitutionnel.
L'article 9 ne porte pas seulement sur les caméras embarquées par des véhicules et qui filment l'intérieur de l'habitacle, mais sur tout type de caméras, y compris donc celles qui filment l'extérieur. Des précautions sont certes prises, par exemple en indiquant qu'il ne s'agit pas de filmer l'intérieur des domiciles. Mais ces garanties prévues par la loi sont assez maigres et il sera difficile d'en contrôler le respect dans le monde réel, ce qui a sans doute motivé la censure précédente par le Conseil constitutionnel.
Je vais revenir sur le fond du débat, car nous avons discuté de caméras-piétons, de caméras embarquées et de caméras en garde à vue. C'est manifestement le moment d'investir dans une entreprise qui vend des caméras ! D'autant que, sur les 1,5 milliard d'euros de crédits supplémentaires annoncés, une bonne partie sera destinée à l'achat de moyens vidéos.
Au départ, l'installation de caméras a été réalisée à titre expérimental, ce qui suppose de recueillir des éléments objectifs et de procéder à une analyse scientifique sérieuse des résultats. Or il n'en est rien : nous ne disposons d'aucun bilan. On continue de considérer que cela fonctionne, en se fondant sur les dires des gens selon lesquels ça marche.
Lors de déplacements, j'interroge, moi aussi, sur l'efficacité des caméras, notamment les équipes de l'administration pénitentiaire chargées des quartiers d'isolement et des quartiers disciplinaires, qui expérimentent les caméras ventrales. L'effet sur les agressions n'est pas avéré, puisque si la présence des caméras calme certains détenus, elle en énerve encore plus d'autres.
Ce constat rejoint les analyses effectuées dans le cadre de travaux de recherche américains, suisses et allemands qui sont aisément disponibles et qui montrent que le bilan de ces dispositifs de vidéosurveillance est nul, dans le meilleur des cas. Et pourtant on va y consacrer des millions d'euros et une énergie considérable.
À quoi tout cela sert-il, si ce n'est à dire que l'on fait quelque chose et à se surveiller réciproquement ? Ce n'est pas la société dont nous voulons.
Je vous renvoie à l'excellent rapport de la Cour des comptes sur la vidéosurveillance, qui est effectivement assez édifiant.
Cet amendement vise à supprimer l'article 9, qui encadre la mise en œuvre par les forces de sécurité des dispositifs de captation d'images installés dans leurs véhicules ou leurs embarcations lors des interventions qu'elles mènent.
Comme pour les articles 7 et 8, il s'agit d'un article utile pour fixer un cadre légal à l'utilisation des caméras dites embarquées, à la suite de la censure intégrale par le Conseil constitutionnel des dispositions prévues en la matière par la loi dite sécurité globale.
En effet, le Conseil constitutionnel avait considéré que les diverses finalités de police administrative, de police judiciaire et de sécurité civile pour lesquelles ces caméras pouvaient être utilisées étaient extrêmement larges. De plus, il a relevé que leur utilisation était insuffisamment encadrée, puisqu'aucune limite à la durée maximale de conservation des enregistrements n'avait été prévue. Enfin, il avait estimé que les modalités d'information du public étaient également insuffisantes en ne reposant que sur l'affichage d'une signalétique sur les véhicules concernés.
L'article 9 répond à l'ensemble des exigences du Conseil constitutionnel, en s'inspirant notamment des règles applicables aux caméras-piétons.
Une seule finalité est désormais admise : assurer la sécurité des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public. L'information du public est garantie par la mise en place d'une signal sonore ou visuel spécifique indiquant si la caméra enregistre. La durée maximale de conservation des données s'élève à sept jours. Les mêmes règles que celles applicables aux caméras aéroportées ont été prévues s'agissant du recueil des images des domiciles et de leurs entrées.
Avis défavorable.
Je comprends que des garanties et un cadre sont proposés pour répondre au Conseil constitutionnel. Dont acte. Je ne sais pas si cela sera suffisant pour éviter une nouvelle censure. Pour ma part, je ne le souhaite pas.
Mais le sujet de fond demeure. Il n'y a jamais eu autant de caméras de vidéosurveillance et on déploie des caméras-piétons partout : chez les pompiers, dans l'administration pénitentiaire.
Y a-t-il moins d'agressions envers les forces de l'ordre ? Non, puisque le ministre de l'intérieur répète à l'envi que ces agressions et la violence augmentent. Peut-être pouvons-nous donc formuler l'hypothèse qu'il n'y a pas de corrélation entre l'évolution du nombre de caméras de vidéosurveillance et celle des agressions physiques contre les personnes dépositaires de l'autorité publique. Si bien qu'on peut légitimement poser la question de la justification de cette politique.
Et une fois que vous l'aurez menée et que les agressions auront continué à augmenter, quel sera le coup d'après ? Obliger chacun à porter sur soi une caméra ? Ça n'a pas de sens.
Notre opposition n'est donc pas une simple divergence juridique à propos de la proportionnalité de la mesure ou de ses modalités. C'est une opposition de fond à ce type de dispositif, dont le bilan est au mieux nul, dans le sens où il est égal à zéro.
J'adjure mes collègues d'entendre ces arguments et de se renseigner, par exemple sur les taux d'élucidation. On sait qu'un être humain a un bien meilleur taux d'élucidation que n'importe quelle caméra de surveillance. Aussi ferions-nous mieux de concentrer l'effort sur la police technique et scientifique.
Je n'ai pas d'affection particulière pour la vidéoprotection. Il n'empêche que l'utilisation en conditions réelles des caméras-piétons montre qu'elles conduisent davantage à apaiser les tensions qu'à les attiser. Ces instruments permettent d'apporter des éléments objectifs et, au bout du compte, de faire retomber la pression lors d'une intervention.
C'est la raison pour laquelle la dotation en caméras passe d'une par brigade à une par policier, avec des batteries de qualité suffisante pour enregistrer dans la durée.
En revanche, les caméras fixes de vidéosurveillance s'inscrivent davantage dans la perspective d'une guerre d'occupation du terrain. Leur présence fait diminuer la délinquance dans des endroits où, faute de moyens, on ne peut pas déployer suffisamment de policiers – il ne serait au demeurant pas forcément souhaitable de mettre des policiers partout. Le but reste d'assurer la sécurité de tous dans le maximum de cas. La police n'échappe pas à la réalité du pays : elle fait face à des difficultés de recrutement et d'encadrement, et les durées de formation sont longues. D'où la nécessité de recourir aux dispositifs vidéos pour assurer le même niveau de sécurité partout.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL419 du Gouvernement.
Cet amendement du Gouvernement étend le champ d'application de l'article aux agents des douanes, en les soumettant aux mêmes règles que les autres forces de sécurité. Avis favorable, par cohérence.
Nous demandons une analyse objective de l'apport des dispositifs de vidéoprotection. Nous avons tous interrogé des policiers à l'occasion de déplacements, et leur avis va de plutôt positif à très mitigé. Mais on ne peut pas s'en tenir à des impressions individuelles. Il est légitime que les policiers souhaitent disposer des équipements qu'ils estiment les plus efficaces. Encore faut-il que cette efficacité soit prouvée de manière étayée.
Plus généralement, on ne peut pas expliquer, au bout de quatre ans de mandat, que l'outil technologique va pallier l'absence d'une véritable politique de sécurité de proximité. Celle-ci ne consiste pas à mener une guerre pour occuper le terrain, mais doit reposer sur la présence d'un service public de police républicaine dans tous les quartiers, au service de toutes les populations. Cela suppose une politique de recrutement et de formation, et non de faire de la communication politique en multipliant les caméras au détriment de la véritable efficacité. Prétendre comme vous le faites qu'il n'y a pas d'autre solution que la vidéoprotection, c'est faire le constat de l'échec de votre politique.
Je partage pleinement l'analyse de Sacha Houlié. Ma circonscription comprend la porte de Montreuil, où existe une importante insécurité liée aux trafics et à la vente à la sauvette. Beaucoup de caméras de vidéosurveillance y ont été installées sans pour autant améliorer la situation. La vidéosurveillance n'a d'effet que si elle est associée à une présence effective des forces de l'ordre sur le terrain et si des poursuites judiciaires font suite à leur travail. Autrement cela ne sert pas à grand-chose.
Je défendrai un amendement à l'article 18 prévoyant l'utilisation de drones avec des caméras embarquées pour des missions de police judiciaire, mais je ne vois pas bien l'intérêt de recourir à de tels engins pour des missions de surveillance.
Tous les policiers, nationaux comme municipaux, que l'on interroge en circonscription soulignent l'apport des caméras de vidéosurveillance. Bien entendu, elles doivent être complétées par la présence de davantage d'agents. Comme l'a dit le Président de la République, il faut plus de « bleu »s sur le terrain. Il n'en reste pas moins que la baisse de la délinquance et des incivilités est évidente lorsque les municipalités installent des dispositifs de vidéosurveillance, désormais indispensables.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte les amendements rédactionnels CL363, CL364 et CL365 du rapporteur.
Amendement CL84 de Mme Emmanuelle Ménard.
Cet amendement d'appel propose que, lorsque la sécurité des agents est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras embarquées soient transmises en temps réel. La rédaction actuelle ne prévoit qu'une simple faculté. Quand la sécurité des agents est menacée, on ne doit pas se poser trop de questions et on doit transmettre en temps réel les images, pour permettre à leurs collègues d'intervenir le cas échéant.
Faire peser une obligation de transmission systématique des données enregistrées par les caméras embarquées au poste de commandement représenterait, non seulement une rigidité opérationnelle, mais surtout ne serait pas véritablement utile. L'intérêt des images recueillies est avant tout d'ordre probatoire, à la suite d'un incident. Avis défavorable.
Je ne demande pas une transmission systématique. Il s'agit de le faire seulement lorsque les agents sont menacés, pour permettre au poste de commandement du service concerné de réagir et d'assurer leur sécurité.
Lorsque la sécurité des agents est menacée, l'article permet bien d'assurer une transmission des images en temps réel à la salle de commandement. Je ne suis pas convaincu de la nécessité d'une rédaction plus détaillée, sauf s'il apparaissait que celle de l'article peut susciter une incompréhension. Nous pourrions alors en reparler. À ce stade, avis plutôt défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL237 de M. Sacha Houlié.
Cet amendement reproduit pour les caméras embarquées la proposition que j'avais faite au sujet des caméras-piétons s'agissant de l'intégrité des données enregistrées.
Il ne faut pas permettre aux personnels impliqués dans la conduite et l'exécution d'une intervention d'accéder en temps réel aux enregistrements auxquels ils procèdent, car cela peut affecter l'intégrité et la valeur probante de ces derniers. Cela peut aussi conduire à des situations mettant les agents en danger.
Je reste convaincu de l'utilité de ces dispositifs d'enregistrement dès lors que l'accès en temps réel aux images est réservé à d'autres agents, qui opèrent dans des salles d'opération.
Cette faculté de transmission est inspirée des dispositions applicables aux caméras-piétons, qui présentent des caractéristiques similaires à celles des caméras embarquées.
Il apparaît nécessaire que les personnels conduisant l'exécution de l'intervention puissent avoir accès aux images en temps réel, ne serait-ce que pour fournir une aide à la décision immédiate aux forces de sécurité dont la sécurité est menacée.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL231 de M. Sacha Houlié et sous-amendement CL416 du rapporteur.
Par cohérence, il s'agit d'étendre aux caméras embarquées l'interdiction de procéder à une captation du son ou de comporter un traitement automatisé de reconnaissance faciale, déjà prévues pour les drones à l'article 8.
Je ne souhaite pas que la technologie de la reconnaissance faciale se diffuse dans notre pays.
Je constate que le rapporteur propose un sous-amendement permettant la captation du son par ces caméras embarquées. Je comprends donc que son avis sera peut-être favorable et je m'en réjouis.
Vous avez bien compris le sens de mon sous-amendement.
Je suis également favorable à l'interdiction de la reconnaissance faciale pour les caméras embarquées. Mais la philosophie d'emploi de celles-ci se rapproche de celle des caméras-piétons, notamment en matière probatoire ; c'est la raison pour laquelle je souhaite maintenir la possibilité de captation du son.
Pour le reste, je suis favorable à votre rédaction, afin de prévenir l'utilisation de technologies de reconnaissance faciale invasives et disproportionnées.
Le sujet de l'interdiction des logiciels de reconnaissance faciale est extrêmement important. Il avait fait l'objet de discussions lors de l'examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale.
Le débat sur ces technologies est apparu à la suite d'expérimentation scandaleuses menées dans les stades de football, que j'ai dénoncées avec Marie-George Buffet dans le rapport de la mission d'information sur les interdictions de stade et le supportérisme.
Les interdictions d'utilisation de la reconnaissance faciale prévues dans ce projet de loi constituent donc un beau signal et offrent une protection nécessaire.
L'interdiction ne vaut pas pour tout type d'usages. Nous avions déposé un amendement pour interdire de tels logiciels de reconnaissance faciale pour tout type de caméras. Il a été jugé irrecevable au titre de l'article 45, car ce n'est pas l'objet du texte. C'est dire la faiblesse des garanties apportées : la reconnaissance faciale pourra être utilisée pour toutes les caméras qui ne sont pas prévues dans le texte, notamment celles qui sont déjà en circulation, car rien ne l'interdit.
Au-delà, les algorithmes de prédiction des comportements des individus ne reposent pas seulement sur la reconnaissance faciale. Ils sont développés, par exemple, pour reconnaître des personnes qui marchent plus ou moins vite, qui se baissent alors que tout le monde est debout, c'est-à-dire qui adoptent un comportement non conforme dans une foule ou un hall de gare. Dans les rêves les plus fous de celui qui dirige le pays, ils parviendront peut-être même à détecter les gens qui ne sont rien et ceux qui ont réussi dans la vie.
C'est pourquoi il faut être vigilant et aller plus loin : nous déposerons des amendements en ce sens.
J'entends dire que vous avez rencontré des gens, qui disent que les caméras fonctionnent bien. En matière sanitaire, vous vous vantiez d'être dans le camp du progrès, de la science, pour expliquer les bienfaits du vaccin. Allez jusqu'au bout de votre raisonnement : si vous êtes du côté de la science, regardez les analyses scientifiques ! En France, aucune n'a été menée sur l'efficacité des dispositifs de caméras-piétons et caméras embarquées. D'autres études sur la vidéosurveillance ont montré qu'elle est peu efficace, s'agissant notamment du taux d'élucidation. Quant aux ressources scientifiques à l'international, elles démontrent que le bilan est nul. Si l'on se repose non sur des éléments objectifs et rationnels mais sur ce que disent les gens qu'on rencontre, faire la loi a ses limites. En termes d'analyse criminologique, certains sont fans des bouchers-charcutiers de Tourcoing ; pour ma part, ils m'intéressent pour la qualité de leur viande, mais ils ne sont ni sociologues, ni criminologues experts des questions de sécurité et de sûreté.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.
Elle adopte l'article 9 modifié.
Titre IV Dispositions relatives au renforcement du contrôle des armes et des explosifs
Article 10 (précédemment réservé) (art. L. 312-3, L. 312-10, L. 312-11, L. 312-13, L. 312-16-1 [nouveau], L. 312-16-2 [nouveau] du code de la sécurité intérieure et art. 515-11 du code civil) : Renforcement de l'encadrement de la détention d'armes
La commission adopte successivement les amendements CL366, de coordination, CL367 et CL368, de précision, CL371, rédactionnel, et CL370, de coordination, tous du rapporteur.
Elle adopte l'article 10 modifié.
Après l'article 10 (amendements précédemment réservés)
Amendement CL126 de M. Xavier Breton.
Il s'agit de permettre aux mineurs de plus de 16 ans de devenir collectionneurs d'armes, en alignant la condition d'âge sur celle existant pour les chasseurs et les tireurs sportifs, qui ont déjà la possibilité de posséder une arme et de l'utiliser. La demande émane notamment des collectionneurs. L'alignement semble logique.
J'en profite pour saluer le travail effectué en 2018 par notre collègue Christophe Euzet, rapporteur du texte portant notamment sur le contrôle et l'acquisition des armes à feu.
Depuis la création du statut de collectionneur, la collection d'armes n'est ouverte qu'aux seules personnes majeures. Je ne crois pas qu'il faille ouvrir aux mineurs de plus de 16 ans la possibilité de détenir des armes à ce titre. En créant un véritable statut de collectionneur par décret du 29 juin 2018, entré en vigueur le 1er février 2019, le ministère de l'intérieur a déjà établi un cadre de nature à favoriser la conservation du patrimoine dans le respect des règles de sécurité publique, en écartant l'extension du statut de collectionneur aux personnes mineures. Nous devons rester dans ce cadre. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
Nous aurons l'occasion de débattre du sujet avec le Gouvernement en séance. Il est illogique d'autoriser les mineurs de 16 ans à pratiquer la chasse et le tir sportif, tout en leur refusant d'être collectionneur.
J'entends que le statut de collectionneur a déjà été amélioré, mais certains points peuvent encore l'être alors que votre réponse privilégie le statu quo. Des conditions sont fixées pour la collection ; le dispositif est encadré. Il est dommage d'adresser un tel message à des jeunes qui peuvent être passionnés par la collection d'armes.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL123 de M. Xavier Breton.
Il vise à introduire, à l'article L. 312-2 du code de la sécurité intérieure, la possibilité pour les collectionneurs de demander une autorisation d'acquisition et de détention auprès de la préfecture pour les armes des catégories A ou B ayant une nature patrimoniale, c'est-à-dire pour les armes d'un modèle antérieur au 1er janvier 1946.
Le décret du 29 juin 2018 a créé un véritable statut du collectionneur. Le domaine réglementaire n'est toutefois pas le champ de notre projet de loi. Je vous propose de retirer l'amendement, quitte à demander une clarification au Gouvernement en séance. À défaut, j'y serai défavorable.
Je regrette que la réponse du rapporteur porte encore une fois sur la forme, non sur le fond de l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL311 du Gouvernement
Cet amendement du Gouvernement vise à éviter des pratiques de contournement en limitant l'acquisition et la détention d'armes à feu, de munitions et de leurs éléments relevant des catégories A, B et C, aux associations sportives membres d'une fédération sportive ayant reçu du ministre chargé des sports une délégation pour la discipline concernée et aux associations ayant pour objet statutaire la gestion de la chasse. Il a recueilli l'assentiment des associations concernées. C'est pourquoi je lui donne un avis favorable.
L'amendement est intéressant. Une association pour une campagne présidentielle avait réussi à se fournir en armes à feu, avec un certain Alexandre B… Nous serions tous heureux que cela ne se reproduise pas. En outre, cela permettrait d'éviter des contentieux et des procédures judiciaires ultérieures.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL124 de M. Xavier Breton.
Il s'agit de modifier l'article L. 312-6-3 du code de la sécurité intérieure pour donner la possibilité aux collectionneurs de demander auprès de la préfecture une autorisation d'acquisition et de détention pour les armes des catégories A ou B ayant une nature patrimoniale, c'est-à-dire pour les armes d'un modèle antérieur au 1er janvier 1946. Les armes d'un modèle antérieur au 1er janvier 1900 seraient libres ; celles d'un modèle compris entre 1900 et 1946 seraient soumises à autorisation préalable, et celles d'un modèle postérieur à 1946 seraient inaccessibles aux collectionneurs.
La carte de collectionneur doit permettre d'acquérir et de détenir certains spécimens de munitions actives, ainsi que tout type de munitions neutralisées et de munitions ou engins inertes dans l'unique but culturel, au titre de la collection, en excluant les munitions destinées à une quelconque utilisation.
Comme pour l'amendement précédent, le débat trouvera toute sa place dans l'hémicycle. À ce stade, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL308 du Gouvernement
Il prévoit l'instauration d'une autorisation préalable pour l'accès aux formations d'armurier. Les candidats souhaitant s'inscrire à une formation dans le domaine des armes devront justifier au préalable d'une autorisation administrative. La délivrance de l'autorisation serait précédée d'une enquête administrative visant à écarter les personnes présentant un comportement à risque pour l'ordre et la sécurité publics. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL309 du Gouvernement
Il vise à procéder à une simplification administrative en lien avec la directive européenne du 24 mars 2021 relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL310 du Gouvernement
Il s'agit de doter les agents habilités du ministère de l'intérieur en charge de la police spéciale des armes au sein des locaux gérés par les professionnels des armes de la compétence de réaliser des contrôles administratifs. L'objectif est de leur fournir un cadre juridique sécurisant, indispensable à l'exercice de leurs fonctions sur le terrain, à l'instar des agents du ministère des armées compétents dans le domaine du matériel de guerre. Ces contrôles ont vocation à s'opérer notamment au sein des locaux de professionnels des armes, principalement des armuriers, des clubs de tir, de ball-trap et de biathlon ainsi que des associations de chasse détenant des armes. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL125 de M. Xavier Breton.
Il s'agit de compléter l'article L. 317-9-1 du code de la sécurité intérieure pour autoriser le port d'armes détenues au titre de la carte de collectionneur dans le cadre exclusif des reconstitutions historiques ou autres commémorations culturelles, ce qui n'est pas encore inscrit dans la loi.
Le port d'armes détenues au titre de la carte de collectionneur ne relève pas de la loi mais du domaine réglementaire. L'amendement semble satisfait par l'article R. 315-3 du code de la sécurité intérieure, qui réglemente déjà les cas dans lesquels certaines armes, éléments d'armes et munitions peuvent être portés dans le cadre de reconstitutions historiques ou de manifestations à caractère culturel. Je donnerai donc un avis défavorable à l'amendement, même si j'entends la volonté de M. Breton d'inscrire la mesure dans la loi. Là encore, je renvoie le débat à la séance. Je ne souhaite pas avoir un avis en lieu et place du Gouvernement.
La commission rejette l'amendement.
Article 11 (précédemment réservé) (art. L. 2351-1 [abrogé] du code de la défense) : Suppression de la procédure d'enregistrement de la commercialisation de certains précurseurs d'explosifs
La commission adopte l'article 11 non modifié.
Titre V Améliorer les procédures de jugement des mineurs et autres dispositions pénales (SUITE)
Article 17 (précédemment réservé) (art. L. 130-4 du code de la route) : Extension des prérogatives des gardes particuliers assermentés à la constatation de certaines contraventions se rattachant à la sécurité et à la circulation routières
Amendements de suppression CL213 de M. Ugo Bernalicis et CL236 de M. Sacha Houlié.
Comme il l'a déjà fait à l'occasion d'autres textes, notre groupe s'oppose à l'extension des pouvoirs de constatation des gardes particuliers assermentés. Nous ne souhaitons pas que leurs capacités soient élargies au domaine du code de la route. Comme aujourd'hui, les gardes particuliers confrontés à une infraction pourront appeler la police nationale, qui prendra la suite des opérations. Sans revenir sur les débats concernant l'expérimentation de l'accroissement des prérogatives de la police municipale, je rappelle que chacun a ses prérogatives, et cela doit rester ainsi. Le périmètre des gardes particuliers est suffisamment large au regard de leurs obligations professionnelles.
L'élargissement des prérogatives des gardes particuliers assermentés me semble problématique. Un garde particulier a pour mission de surveiller des propriétés ou des biens privés spécifiques. Au regard de la jurisprudence, on ne voit pas bien quelle délégation de pouvoir général de police, en matière de contravention ou de surveillance, on pourrait donner à un agent de droit privé, ni quel type de mission de service public on pourrait lui confier. Dans un précédent texte, nous avions déjà délimité et encadré des agissements spécifiques des gardes particuliers, en pesant le pour et le contre. Un nouvel élargissement aussi rapide me paraît injustifié.
L'intérêt de cet élargissement est de permettre aux gardes particuliers assermentés, employés par exemple par les marchés d'intérêt national ou les grands ports maritimes, de faire respecter le code de la route sans avoir à recourir à un officier de police judiciaire (OPJ).
Trois avantages sont attendus. D'abord, l'intervention des gardes particuliers assermentés allégera la charge de travail des polices municipale et nationale, et de la gendarmerie nationale. Ensuite, la procédure de constatation des infractions sera plus rapide et simplifiée, les propriétaires des terrains accessibles au public pouvant solliciter directement les gardes particuliers qu'ils ont commissionnés pour procéder à la constatation. Enfin, les dispositions du code de la route devraient être davantage respectées par les conducteurs, les sanctions en cas de méconnaissance d'une obligation réglementaire étant plus systématiques.
Les gardes particuliers assermentés ne pourront pas constater l'ensemble des contraventions au code de la route : seules celles précisées par décret sont concernées. Il s'agit donc d'une extension très limitée de leurs prérogatives. En tant que législateurs, nous veillerons à poser cette limite dans le cadre de nos discussions concernant les amendements déposés pour modifier l'article 17.
Pour ces raisons, je donne un avis défavorable aux deux amendements.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l'article 17 non modifié.
Article 18 (précédemment réservé) (art. L. 236-3, L. 321-1-1, L. 321-1-2 et L. 325-7 du code de la route) : Renforcer la lutte contre les rodéos motorisés
Amendement CL302 de Mme Natalia Pouzyreff.
Concernant l'épineux sujet des rodéos motorisés, la nouvelle rédaction de l'article L. 236-3 du code de la route instaure une procédure contradictoire prévoyant l'audition du propriétaire d'un véhicule impliqué dans un des délits prévus aux articles L. 236-1 et L. 236-2 de ce code. Le rapport d'information sur l'évaluation de l'impact de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés a mis en avant l'insuffisance des confiscations de véhicules prononcées par les juridictions en cas de délit de rodéos avéré : le nombre de condamnations augmente mais le rapport entre les condamnations et les confiscations stagne, voire diminue.
Nous comprenons que les magistrats rencontrent parfois des difficultés pour caractériser la mauvaise foi des propriétaires qui mettent leurs véhicules à disposition des auteurs des rodéos. Lorsqu'il est avéré que les véhicules n'ont connu ni terrain de sport ni circuit destiné à cette pratique sportive, et qu'ils n'ont été utilisés qu'en milieu urbain, pour créer des nuisances sonores et effectuer des roues arrière, il importe de questionner leur bonne foi. Nous entendons l'importance de garantir le droit de propriété, mais souhaiterions que puisse être mise en avant l'existence de critères géographiques et matériels objectifs démontrant que le propriétaire ne pouvait ignorer l'utilisation délictueuse de son véhicule. Cela facilitera le travail des magistrats.
Tout en saluant le travail que vous avez effectué sur le sujet avec votre collègue, Robin Reda, je souhaite discuter de manière plus approfondie l'amendement CL303, sur lequel j'ai déposé un sous-amendement. Je vous suggère donc de retirer l'amendement CL302. À défaut, j'y serai défavorable.
L'amendement est retiré.
Amendement CL303 de Mme Natalia Pouzyreff et sous-amendement CL421 du rapporteur.
L'amendement CL303 concerne également l'appréciation de la mauvaise foi du propriétaire de véhicule au regard d'éléments géographiques et matériels objectifs.
Il n'est pas souhaitable de restreindre l'office du juge avec une rédaction trop fermée. Le sous-amendement tend à préciser que la bonne foi est appréciée « notamment » au regard des éléments précités. Sous réserve de son adoption, je suis favorable à l'amendement, qui apporte une précision utile.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL391 du rapporteur.
Amendements CL305 et CL306 de Mme Natalia Pouzyreff.
Les véhicules non soumis à réception sont utilisés de manière extensive par les auteurs de rodéos motorisés. Nous préconisons d'en restreindre la vente par deux biais : l'acheteur doit être détenteur d'une licence sportive pour le sport motocycliste – c'est l'amendement CL305 –ou du certificat d'aptitude au sport motocycliste (CASM) – c'est l'amendement CL306.
Interdire la vente de véhicules aux acheteurs non titulaires d'une licence sportive ou d'un certificat d'aptitude au sport motocycliste est une disposition radicale trop restrictive par rapport à l'objectif visé. Elle semble constituer une atteinte au principe de liberté du commerce et de l'industrie, qui a valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 1982 consacrant la liberté d'entreprendre. Cette jurisprudence nous pousse à la prudence dès lors qu'il s'agit de limiter considérablement un marché, comme vous le proposez.
Le projet de loi parvient à un équilibre pour lutter efficacement contre les rodéos motorisés. Le rapport d'information de votre mission d'évaluation de la loi du 3 août 2018 insiste d'ailleurs sur l'intérêt de ces dispositions, auxquelles s'ajoutent plusieurs autres de nature réglementaire. La conjonction des moyens déployés par les pouvoirs publics et les dispositions législatives et réglementaires qui seront prises semble aboutir au même objectif que les amendements CL305 et CL306, sans les écueils constitutionnels liés à la restriction de la liberté d'entreprendre.
Pour ces raisons, je vous suggère de retirer les amendements. À défaut, je leur donnerai un avis défavorable.
J'ai suivi avec attention les travaux de Mme Pouzyreff et M. Reda. Les rodéos motorisés sont souvent le fait de deux-roues motorisés qui n'ont pas été visés. Il y a d'ailleurs eu un recul sur le contrôle technique des deux-roues motorisés.
Les rodéos créent des nuisances intolérables pour les riverains, pour les usagers de l'espace public et les forces de l'ordre, qui sont dans une impasse puisqu'il leur est impossible de poursuivre ces véhicules sans risquer de mettre en danger leur propre personne, les usagers de l'espace public ou les individus qui conduisent les deux-roues motorisés, quand bien même ils sont en infraction.
Mettre en place un contrôle technique des deux-roues motorisés, que les directives européennes imposent d'ailleurs, aurait permis d'envoyer un signal fort. Les deux-roues motorisés ne peuvent plus continuer à être des armes par destination. Outre les nuisances, ils créent un danger inacceptable dans l'espace public. C'est un recul incompréhensible pour tout le monde, y compris pour de nombreux collègues au sein même de la majorité.
Je conçois que les amendements puissent paraître porter une atteinte disproportionnée au principe de la liberté du commerce.
Les amendements sont retirés.
Amendement CL307 de Mme Natalia Pouzyreff.
Il s'agit, lorsqu'un deux-roues motorisé non homologué est vendu, d'interdire son paiement en espèces. On sait en effet que l'argent provient très souvent de trafics, notamment de drogue. Une telle interdiction permettrait, en outre, de lutter contre le recel et le blanchiment d'argent.
Sur le plan théorique, votre amendement restreindrait, là encore, de manière excessive la liberté du commerce : la mesure proposée paraît disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi. Au demeurant, le paiement en espèces est déjà plafonné : lorsqu'il est effectué entre un particulier et un professionnel ou entre professionnels, il est autorisé jusqu'à 1 000 euros ; entre particuliers – achat d'une voiture ou d'un tableau, par exemple –, il n'est pas limité mais, au-delà de 1 500 euros, un écrit est nécessaire pour prouver les versements. Enfin, aux termes de l'article L. 561-15 du code monétaire et financier, le professionnel a l'obligation de déclarer à TRACFIN les sommes ou opérations dont il soupçonne ou a de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an – ce qui inclut, j'y insiste, les rodéos motorisés – ou participant au financement du terrorisme. Pour ces trois raisons, mon avis est défavorable.
Sur le plan pratique, la suppression du paiement en espèces pourrait être dissuasive pour des personnes un peu innocentes, mais elle n'est pas de nature à limiter les échanges « commerciaux » qui se déroulent sur le marché noir, notamment sur le darknet où, nous le savons, il est possible de se procurer ce que l'on veut.
Quant au contrôle technique, il risque, là encore, de n'être guère dissuasif s'agissant de véhicules totalement hors-la-loi, dont on a supprimé la plaque d'immatriculation ou effacé le numéro d'identification. Les propriétaires de ces deux-roues connaissent parfaitement la loi et savent la contourner.
Je retire l'amendement, mais j'y retravaillerai car il me semble que les revendeurs ne prennent pas toujours toutes les précautions nécessaires pour éviter le paiement en espèces, notamment lorsque le règlement est effectué en plusieurs fois. J'ajoute qu'en matière de contrôle technique des deux-roues motorisés, une obligation légale serait de nature à responsabiliser les différents acteurs.
L'amendement est retiré.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL392, CL393 et CL394 du rapporteur.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL244 de Mme Alexandra Louis.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL395 du rapporteur.
Amendement CL147 de Mme Lamia El Aaraje.
Nous devons être en mesure de proposer une solution au problème soulevé par les rodéos motorisés. À cet égard, je salue le travail réalisé par nos collègues dans le cadre de la mission d'évaluation de la loi du 3 août 2018.
Dans ce domaine, la police nationale, comme la gendarmerie, peine à identifier les auteurs d'infractions, qu'il est presque impossible d'appréhender en raison de la dangerosité d'éventuelles courses-poursuites. C'est pourquoi l'une et l'autre souhaitent pouvoir utiliser des drones équipés de caméras, qui pourraient leur faciliter la tâche : d'une part, les courses-poursuites deviendraient inutiles, d'autre part, les individus concernés pourraient être poursuivis dans des lieux inaccessibles, que ce soit en zone urbaine ou rurale – une forêt, par exemple.
Si le recours à des drones équipés de caméras n'est pas souhaitable lorsqu'ils sont utilisés à des fins de surveillance, il nous paraît en revanche tout à fait judicieux dans le cadre d'opérations de police judiciaire. C'est une mesure à laquelle nous sommes particulièrement attachés, ainsi que nombre d'élus locaux, car les riverains nous réclament des solutions concrètes. Par ailleurs, vous connaissez les revendications des forces de l'ordre en la matière, monsieur le rapporteur.
Je le confirme.
Permettez-moi d'indiquer que, lorsqu'un quad pénètre dans une forêt dense, même un drone ne parviendra pas à le suivre…
Je précise, car c'est important, que votre amendement s'inscrit dans le cadre d'une procédure judiciaire, alors que la demande des forces de l'ordre était un peu plus générale. Je vous propose de retirer l'amendement et de le redéposer en séance publique afin que nous puissions discuter de cette question très importante avec le Gouvernement, car celui-ci projette de saisir le Conseil d'État afin de sécuriser le régime juridique des drones, notamment en matière de police judiciaire.
Je salue à la fois le bien-fondé de l'amendement et la très grande sagesse de la position de notre rapporteur. Actuellement, l'utilisation de drones n'est prévue que dans le cadre d'une procédure administrative. Pourtant, s'il est une infraction contre laquelle elle permettrait de lutter efficacement en facilitant l'identification des auteurs, c'est bien les rodéos motorisés, dans lesquels les forces de l'ordre ne peuvent intervenir sans se mettre en danger elles-mêmes ainsi que les conducteurs des véhicules. Je suis donc, à titre personnel, plutôt favorable à l'amendement, mais il me paraît préférable que vous le retiriez pour que nous puissions en discuter avec le Gouvernement.
Je vous remercie pour votre proposition, monsieur le rapporteur ; je vais retirer l'amendement, que je redéposerai en séance publique. J'insiste cependant sur l'importance que revêt une telle mesure pour certains territoires et pour les forces de l'ordre.
J'ajoute qu'il s'agit d'une proposition qui figure dans le rapport d'évaluation de Mme Pouzyreff et de M. Reda, et d'une recommandation que j'ai faite dans le cadre de la mission flash sur les entraves à l'exercice des pouvoirs de police des maires, dont Philippe Gosselin et moi étions rapporteurs.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 18 modifié.
Après l'article 18 (amendements précédemment réservés)
Amendements CL81, CL76, CL82 et CL86 de Mme Emmanuelle Ménard.
Ces quatre amendements, qui ont également trait aux rodéos urbains, tendent à durcir les sanctions, afin qu'elles soient davantage dissuasives, donc plus efficaces.
Nous proposons d'aggraver les peines encourues lorsque l'individu dissimule son visage ou lorsque l'engin n'est pas immatriculé – c'est l'objet de l'amendement CL81, le CL76 étant de repli – et lorsque le rodéo urbain est pratiqué dans des lieux dangereux tels que les abords d'une école, les aires de jeux pour enfants, les lieux réservés aux piétons ou les espaces commerciaux ouverts au public – c'est l'objet de l'amendement CL82. Enfin, par l'amendement CL86, nous proposons de permettre au maire ou à l'officier de police judiciaire territorialement compétent d'immobiliser, de mettre en fourrière, de retirer de la circulation et, le cas échéant, de faire procéder à la destruction de l'engin.
Je tiens à saluer, une fois encore, le travail accompli par Mme Pouzyreff et M. Reda dans le cadre de leur mission d'évaluation, dont je veux rappeler certaines conclusions. Tout d'abord, l'ensemble des personnes auditionnées, y compris les représentants des forces de l'ordre, ont reconnu que la loi du 3 août 2018 est équilibrée, de sorte que la mission d'évaluation n'a pas préconisé une aggravation des sanctions encourues, qui sont déjà particulièrement lourdes, puisqu'elles peuvent aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Ensuite, elle a esquissé plusieurs pistes pour améliorer concrètement la judiciarisation ciblée par la loi du 3 août 2018, notamment la généralisation des caméras-piétons. Je me range donc à l'avis de ses rapporteurs et j'émets un avis défavorable sur vos amendements.
J'ajoute que la dissimulation du visage est déjà sanctionnée dans notre droit, de même que la non-immatriculation d'un véhicule – il serait d'ailleurs plus exact de parler de non-homologation s'agissant d'engins motorisés non soumis à réception.
J'entends vos arguments, mais la généralisation des caméras-piétons n'exclut pas une aggravation des sanctions encourues par les personnes qui pratiquent des rodéos urbains, notamment lorsqu'ils mettent en danger en toute connaissance de cause la vie d'autrui, en particulier la vie d'enfants. Il me semble que les cas visés dans les amendements pourraient être considérés comme des circonstances aggravantes.
Les riverains qui subissent ces nuisances chaque nuit sont exaspérés et souhaitent que l'on mette fin, non seulement à ce phénomène, mais aussi au sentiment d'impunité des auteurs, qui doivent être véritablement sanctionnés. À cet égard, l'augmentation des peines encourues ne serait pas un mauvais signal.
La commission rejette successivement les amendements.
Titre VI Dispositions diverses et dispositions relatives à l'outre-mer (suite)
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL406 et CL407 du rapporteur.
Elle adopte l'article 20 modifié.
La commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La réunion se termine à 19 heures 25.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, M. Vincent Bru, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Lamia El Aaraje, M. Jean-François Eliaou, M. Raphaël Gauvain, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Alexandra Louis, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Antoine Savignat, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot
Excusés. - M. Ian Boucard, M. Éric Ciotti, Mme Paula Forteza, Mme Claire Guion-Firmin, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, M. Pierre Morel-À-L'Huissier
Assistaient également à la réunion. - Mme Natalia Pouzyreff, M. Charles de la Verpillière