Nous sommes réunis afin d'examiner pour avis les crédits de la mission « Sécurités », et plus précisément ceux des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022.
Le dernier projet de loi de finances de la législature s'inscrit cette année dans un contexte particulier : le Beauvau de la sécurité, ouvert en janvier 2021, a été clôturé par le Président de la République en septembre dernier. L'organisation de ces états généraux a permis de mettre en lumière le dévouement de l'ensemble des forces de l'ordre, dont les missions au service de nos compatriotes se situent au cœur de notre pacte républicain. Ce moment d'échanges et de rencontres a aussi été l'occasion d'objectiver les multiples difficultés auxquelles ces femmes et ces hommes sont confrontés au quotidien.
Je veux ici saluer le travail accompli par les 250 000 policiers et gendarmes qui représentent collectivement notre « force publique instituée pour l'avantage de tous » selon les mots de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Cette force publique nécessite bien sûr des moyens. Depuis 2017, le Gouvernement et notre majorité ont fait le choix de les augmenter année après année, face à la réalité des besoins et aux demandes légitimes exprimées par nos concitoyens. Ainsi, entre 2017 et 2022, les crédits de la police et de la gendarmerie auront bénéficié d'une hausse globale de près de trois milliards d'euros, soit une croissance d'environ 14 % sur l'ensemble du quinquennat.
Le projet de loi de finances pour 2022 accentue considérablement cette trajectoire : en crédits de paiement, c'est plus d'un milliard d'euros supplémentaire qui sera engagé par l'Etat dès l'année prochaine, en intégrant les dotations prévues au titre du Plan de relance.
La traduction budgétaire de cet engagement en faveur de la sécurité se décline à tous les niveaux.
Au niveau humain, d'abord, grâce au recrutement de 761 policiers et 185 gendarmes supplémentaires, dans le cadre du plan de création de 10 000 emplois à l'horizon 2022. La progression des effectifs est une condition sine qua non du renforcement de la présence des « bleus » sur le terrain, au contact direct de la population.
Au niveau matériel, ensuite, grâce au renouvellement des équipements dont disposent les forces de l'ordre, qu'il s'agisse de leurs véhicules d'intervention, des outils technologiques qu'ils peuvent ou pourront bientôt utiliser afin d'accomplir leurs tâches – je pense ici aux caméras-piétons, aux caméras embarquées ou aux drones – et de la rénovation, essentielle, des systèmes d'information et de communication.
Au niveau immobilier, enfin, grâce à la mise en œuvre de projets immobiliers d'envergure : il s'agit de poursuivre la réhabilitation des commissariats et des casernes pour améliorer concrètement les conditions de travail des agents.
Si elle est bien entendu capitale, la traduction budgétaire des réformes qu'il convient de mener n'est pas suffisante. L'action réformatrice du Gouvernement et du Parlement depuis le début de la législature a nécessité une adaptation et un renforcement constant du cadre légal et réglementaire dans lequel évoluent nos forces de l'ordre.
Les lois adoptées depuis 2017, souvent d'ailleurs à l'initiative de parlementaires issus de la majorité – je pense plus particulièrement à la loi dite « sécurité globale » du 25 mai 2021 à la suite des travaux menés par nos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, ou de la loi du 3 août 2018 consécutive au rapport remis par notre collègue Natalia Pouzyreff – ont donné à la police et à la gendarmerie de nouveaux moyens juridiques pour lutter efficacement contre la délinquance et la criminalité.
La recherche d'un équilibre optimal entre efficacité opérationnelle et protection des libertés fondamentales est évidemment complexe. C'est l'honneur, mais aussi le devoir du législateur que de définir les règles applicables en la matière, en évitant les deux écueils que représentent, d'une part, la surenchère et, d'autre part, le déni de réalité. Le Parlement y est notamment parvenu dans le domaine sensible de la lutte contre le terrorisme grâce à la loi du 30 juillet dernier.
Ce travail législatif de longue haleine se poursuit jusqu'à la fin de la législature, comme en témoigne le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure adopté en première lecture par notre assemblée le mois dernier.
Il aboutira aussi, je l'espère, à une grande loi d'orientation dès l'année prochaine, ce qui permettra de tracer des perspectives d'avenir à la suite des orientations définies par le Beauvau de la sécurité.
Le renforcement des moyens humains et technologiques, la meilleure prise en charge des victimes et la simplification de la procédure pénale constituent les principales pistes d'amélioration que nous devons explorer afin d'adapter la police et la gendarmerie aux enjeux de la sécurité à l'horizon 2030.
La transformation à venir de la réserve civile de la police nationale en véritable réserve opérationnelle, ainsi que le développement des formations initiale et continue des membres des forces de l'ordre, représentent des réponses indispensables aux défis auxquels nous devons répondre.
Je conclus en évoquant le sujet thématique que j'ai choisi d'aborder cette année en tant que rapporteur pour avis de notre commission : l'activité des forces d'intervention spécialisée de la police et de la gendarmerie.
L'action du RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion), de la brigade de recherche et d'intervention (BRI) et du groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) est à la fois médiatisée lors des crises d'ampleur nationale – le procès des attentats du 13 novembre 2015 nous le rappelle – mais paradoxalement relativement méconnue le reste du temps.
J'ai eu le privilège de rencontrer chacune de leurs unités, à Bièvres pour le RAID, à la préfecture de police de Paris pour la BRI, et encore ce matin même à Versailles s'agissant du GIGN.
La sensibilité extrême mais aussi la diversité des missions qui leur incombent impliquent des qualités physiques et morales hors du commun, que ce soit à l'épreuve de preneurs d'otages, de terroristes ou plus quotidiennement de forcenés.
Je tiens ici à leur rendre l'hommage qu'ils méritent et à leur témoigner la reconnaissance sincère de la Représentation nationale.
Monsieur le ministre, l'amélioration constante de leur fonctionnement, de leur capacité de projection et de leur interopérabilité est une garantie de la réussite de leurs interventions, cinq après la mise en œuvre du schéma national défini par votre prédécesseur Bernard Cazeneuve.
J'ai notamment été sensibilisé à certaines problématiques logistiques récurrentes, à l'image de la rigidité des règles de la commande publique en matière d'approvisionnement de matériels de haute technologie.
Je me permets donc d'appeler votre attention sur ces questions qui, si elles peuvent apparaître subsidiaires peuvent aussi, hélas, si elles ne sont pas traitées, entraîner des dysfonctionnements majeurs qu'il convient donc d'anticiper.