Intervention de Jean-Pierre Pont

Réunion du vendredi 15 octobre 2021 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Pont, rapporteur :

De cette période estivale on peut tirer une leçon : notre stratégie sanitaire, fondée sur la vaccination et sur le passe sanitaire, s'est montrée la bonne pour combattre efficacement le virus et pour éviter tout nouveau reconfinement, ainsi que les Français y aspirent légitimement.

Cet été, le déploiement massif de la vaccination et l'application réussie du passe sanitaire ont permis, en métropole, de réduire drastiquement la portée de la quatrième vague, tout en préservant la reprise des activités.

Dans le même temps, en outre-mer, qu'il s'agisse des Antilles, où s'est rendue une mission de la commission des lois, de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie ou encore de la Guyane, la conjugaison de la virulence du variant delta et d'un faible taux de vaccination de la population a entraîné une situation catastrophique qui a durement frappé ces territoires et nos compatriotes ultramarins.

Le dixième texte à être examiné par le Parlement depuis le 18 mars 2020 vise donc à proroger, dans le contexte particulier de l'interlégislature, les deux outils juridiques de la stratégie de lutte contre l'épidémie que sont les régimes de l'état d'urgence sanitaire et de la loi du 31 mai 2021 : tel est l'objet des articles 1er et 2.

Cette double prorogation demeure nécessaire parce que l'épidémie n'a malheureusement pas disparu et constitue toujours une menace sanitaire.

L'avis du Conseil scientifique, qui souscrit à ces deux mesures, appelle les pouvoirs publics à anticiper certains éléments qui pourraient provoquer un rebond épidémique.

Je pense notamment à la progression constante du variant delta, qui présente un risque accru de contagiosité, au ralentissement de la progression de la protection offerte par les vaccins pendant le temps où se déploie la campagne de rappel pour l'injection de la troisième dose, ou encore à l'arrivée des saisons automnale et hivernale qui sont propices à la circulation virale puisque le covid aime le froid humide.

Si la situation s'est nettement améliorée, dix-huit départements sont toujours au-dessus du seuil d'alerte de cinquante cas pour 100 000 habitants et certains frémissements se font sentir. Dans le Pas-de-Calais, le taux d'incidence a ainsi progressé de 35 % en une semaine.

En ce qui concerne l'article 1er, l'utilité du cadre juridique de l'état d'urgence sanitaire, activable en cas de catastrophe sanitaire, demeure incontestable.

Lors du compte rendu de mission présenté avant-hier en commission des lois, notre présidente expliquait que le contexte de faible vaccination de la population en Martinique et en Guadeloupe nécessite d'anticiper la survenue d'une possible cinquième vague.

Si cette éventualité venait à se réaliser, ce que personne ne souhaite évidemment, il serait irresponsable d'avoir renoncé au seul outil juridique adapté qui permette d'y faire face et de protéger la santé de la population car en dehors de la vaccination, seules les mesures d'interdiction de sortie du domicile permettent de freiner brutalement et efficacement l'épidémie.

Je vous rappelle que l'article 1er n'a pas pour effet de permettre l'instauration sans condition de l'état d'urgence sanitaire. Son application dans le temps reste soumise au régime de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique, qui conditionne sa prorogation au-delà de quatre semaines au vote du Parlement.

Le fait de disposer d'un cadre pouvant être facilement activé pour faire face de manière réactive à une épidémie imprévisible ne signifie pas qu'il est utilisé n'importe comment. En témoigne la gestion efficace de la quatrième vague, cet été, en métropole. Elle n'a conduit ni au déclenchement de l'état d'urgence sanitaire, ni à l'application des mesures les plus contraignantes pour les Français.

L'article 2 a pour objet de proroger, également jusqu'au 31 juillet 2022, le régime de gestion de la crise sanitaire que nous avons mis en œuvre, à la sortie du second état d'urgence sanitaire, par la loi du 31 mai 2021. Il sera applicable sur l'ensemble du territoire national, sauf en Guyane, où l'état d'urgence perdurera jusqu'au 31 décembre, en raison d'une situation qui demeure très fragile.

La loi du 31 mai 2021 doit être appréhendée comme une boîte à outils utile au Gouvernement pour gérer la crise avec réactivité et efficacité dans un contexte national, qui ne saurait se réduire à la situation en métropole, et mondial, où le virus continue de circuler et de muter.

La présente prorogation n'entraînera pas l'application générale et automatique du passe sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022, même si nous pouvons nous réjouir de son bilan. Le déploiement du passe sanitaire et la formidable accélération de la vaccination au cours de l'été ont permis de dissiper les craintes, parfois légitimes, et les vives critiques, pas toujours fondées, qui avaient été émises à l'encontre du passe lors de la discussion de la loi du 5 août 2021. Les Français se sont incontestablement approprié cet outil précieux, sésame de leur liberté retrouvée.

Je vous mets en garde, chers collègues : si nous supprimons toute possibilité de recourir au passe sanitaire, ou si nous le rendons inapplicable, comme certains le souhaiteraient, la seule solution, en cas de résurgence épidémique, sera la fermeture des établissements ou le retour au confinement, ce que personne ne souhaite.

Enfin, pendant tout cette période, le dispositif de contrôle parlementaire que nous avons bâti s'appliquera. Pour tenir compte de la durée de prorogation adaptée au contexte de l'interlégislature, le Gouvernement nous propose un dispositif d'information renforcé, avec la remise d'un rapport le 28 février 2022. C'est une bonne base, mais nous pouvons aller plus loin : c'est pourquoi je vous présenterai, avec les groupes politiques de la majorité, plusieurs amendements pour concrétiser cette ambition.

Pour réussir la sortie de crise et combattre durablement l'épidémie, il importe de prévenir et de mieux sanctionner la fraude sanitaire. L'article 2 va dans ce sens en créant deux nouvelles incriminations : la première concerne les cas d'utilisation frauduleuse d'un passe sanitaire, punie d'une contravention de la quatrième classe ; la seconde réprime la création ou l'usage de faux d'un tel document, sanctionnés d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Par coordination, l'article 4 proroge les systèmes d'information créés aux fins de lutter contre l'épidémie de covid-19 jusqu'au 31 juillet 2022. Ces dispositifs, que vous connaissez déjà tous très bien – Contact Covid et SI-DEP – sont indispensables à la lutte contre l'épidémie. Il est donc tout à fait nécessaire d'en proroger l'utilisation, au plus tard jusqu'à l'échéance du dispositif juridique de l'état d'urgence sanitaire.

J'en viens aux autres dispositions du texte.

L'article 3 concerne l'obligation vaccinale des professionnels des secteurs sanitaire et médico-sanitaire, introduite dans la loi du 5 août dernier et qui porte elle aussi ses fruits. Cet article clarifie et précise les modalités de contrôle du respect de cette obligation, en particulier s'agissant des étudiants et élèves des écoles de santé : cela allégera les agences régionales de santé (ARS), ce qui est bienvenu. Il modifie également le régime de sanction en cas d'usage d'un faux document, par parallélisme avec ce que prévoit l'article 2.

Les articles 5 et 6, quant à eux, portent sur l'adaptation de certaines mesures d'accompagnement social et économique. L'article 5 proroge jusqu'au 31 juillet 2022 trois aménagements concernant l'activité partielle pour certaines personnes, les aides exceptionnelles pour les titulaires de droits d'auteurs et les assouplissements au fonctionnement des assemblées délibérantes locales. L'article 6, enfin, habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances en matière d'activité partielle de longue durée, de fonctionnement des assemblées de copropriété et de validité des titres des gens de mer en Nouvelle Calédonie et en Polynésie française. Sur ce dernier point, je vous proposerai de remplacer l'ordonnance par une inscription en dur de cette mesure bienvenue pour ces territoires ultramarins.

Parce que tout a été dit au sujet de ce texte, il me semble important de repréciser les choses, afin que notre débat repose sur de bonnes bases. Ce projet de loi ne proroge pas l'état d'urgence, mais le cadre dans lequel il peut être rétabli. De même, il ne proroge pas le passe sanitaire, mais allonge la période au cours de laquelle il pourra être utilisé.

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