Ce que vous venez de dire, monsieur le président, est terrifiant. Terrifiant parce que la confiance dans une institution, l'Église, a été trahie. Terrifiant parce qu'a été mis sur pied une organisation quasiment criminelle. Terrifiant parce que des centaines de milliers de jeunes garçons âgés d'une douzaine d'années ainsi violés en restent marqués pour le reste de leur vie. Vous parlez d'abus à caractère systémique, mais n'est-ce pas une organisation structurelle qui s'est faite sur le fondement de la philosophie de l'éveil de l'enfant à la sexualité ? Au prétexte d'« éveiller » l'enfant, on pouvait le violer : c'était pour son bien. Ce qui me terrifie également, pour avoir plaidé de nombreux dossiers à ce sujet, c'est que cette structure est hiérarchisée. Le prêtre violeur va voir son évêque ; mais combien de crimes qu'ils connaissaient les évêques ont-ils dénoncé ? Pratiquement aucun. Et quand l'évêque de Bayeux-Lisieux est condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour non-dénonciation de crime – j'étais partie civile dans cette affaire – le Vatican a refusé de faire la moindre démarche pour le muter. C'est donc l'ensemble d'une structure qui a permis cette criminalité.
Que faut-il faire ? D'abord, monsieur le président, définir ce qu'est l'Église. Sont-ce les associations cultuelles, est-ce le clergé régulier, le clergé séculier ? De la définition donnée découlera l'indemnisation. Le patrimoine de l'évêché de Paris peut-il être saisi et vendu pour indemniser les victimes ? En ce cas, l'État ne doit-il pas prendre des mesures de saisie conservatoire ? L'indemnisation portera sur des chiffres très élevés si l'on se rapporte aux montants octroyés aux victimes américaines par la justice des États-Unis. Y aura-t-il une indemnisation différente selon que les abus ont été commis par le clergé régulier ou par le clergé séculier ? Toutes ces questions vont être posées et nous devons y répondre. Je remercie la présidente de notre commission d'avoir organisé votre audition et je pense nécessaire qu'une instance parlementaire plus importante, de l'Assemblée nationale et du Sénat, soit créée, qui pourra avoir connaissance des conclusions du procureur de la République sur ces faits, car je ne doute pas que votre commission l'en a saisi. Ne rien faire serait une forme de complicité. Nous devons être justes, c'est-à-dire intraitables.