Intervention de Béatrice Descamps

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Descamps, rapporteure :

Cette proposition de loi traite du sujet difficile de l'identification des enfants nés sans vie ou non viables. Lorsqu'elles sont confrontées à cette expérience extrêmement douloureuse et traumatisante, au cours de laquelle la mort survient alors que l'on attendait la vie, les familles peuvent solliciter, auprès de l'officier de l'état civil, un acte d'enfant sans vie. Chaque année, plus de 8 700 familles le font afin d'inscrire dans le livret de famille, et dans l'histoire familiale, la perte d'un enfant. Cette faculté est parfois conçue comme une étape nécessaire dans le travail de deuil, en ce qu'elle permet d'individualiser l'enfant perdu.

L'acte d'enfant sans vie a été inscrit à l'article 79-1 du code civil par la loi du 8 janvier 1993. Cet article distingue le cas des enfants nés vivants et viables, qui feront l'objet de l'émission d'un acte de naissance et d'un acte de décès, des enfants nés sans vie ou non viables.

Pour ces derniers, l'officier de l'état civil établit, à la demande des parents et sur présentation d'un certificat médical d'accouchement, un acte d'enfant sans vie, inscrit sur les registres de décès. L'enfant peut également être inscrit sur le livret de famille. Depuis 2008, ce dernier peut d'ailleurs être délivré aux parents non mariés dont le premier enfant est né sans vie ou non viable.

L'article 79-1 du code civil dispose que l'acte d'enfant sans vie énonce les jour, heure et lieu de l'accouchement ainsi que l'identité des parents, mais pas le prénom et le nom de l'enfant. C'est l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 qui a ouvert la possibilité d'attribuer un prénom à l'enfant sans vie. Méconnue, elle fut peu appliquée jusqu'à la circulaire interministérielle de 2009. Depuis, et d'après les données transmises par le ministère de la justice, 94 % des actes d'enfant sans vie énoncent le prénom de l'enfant. L'un des premiers effets de la proposition qui vous est soumise est d'inscrire dans la loi cette possibilité, afin d'apporter de la sécurité juridique au dispositif.

La circulaire de 2009 a expressément exclu la possibilité de donner à l'enfant un nom, en raison du risque de confusion possible avec l'attribution de la personnalité juridique, qui nécessite d'être né vivant et viable. Il en résulte une situation paradoxale et incomprise des parents, désignés par leur nom dans l'acte mais empêchés d'en donner un à leur enfant.

L'apport principal de cette proposition de loi est de leur offrir cette possibilité.

Afin de sécuriser le dispositif, le Sénat a réécrit l'article unique pour préciser que l'inscription du prénom et du nom n'emporte aucun effet juridique. Guillaume Rousset, maître de conférences à l'université Jean-Moulin de Lyon 3, l'a souligné : cette mention met en lumière l'aspect purement symbolique du dispositif. Que les associations se rassurent : il n'est pas question de revenir sur les droits sociaux accordés aux parents.

J'apporterai trois précisions. Tout d'abord, les parents ne sont pas contraints de donner des prénoms et nom à l'enfant né sans vie ; il s'agit là d'une possibilité. Il est primordial de leur laisser le choix, tant les réactions face à la perte d'un enfant avant la naissance peuvent être différentes.

Ensuite, les modalités de choix pour le nom de famille sont précisées afin d'écarter l'application de l'alinéa 3 de l'article 311-21 du code civil, qui dispose que le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants communs.

Enfin, je tiens à rassurer les familles qui ont vécu ce drame et qui souhaiteraient bénéficier du dispositif : les parents n'ayant pas encore sollicité un acte d'enfant sans vie pourront le faire sur présentation d'un certificat médical d'accouchement et demander la mention des prénoms et nom. Pour les familles qui disposent déjà d'un tel acte et souhaitent qu'il énonce le nom de famille de l'enfant, je ne vois pas d'obstacle juridique à ce que l'officier d'état civil procède à sa rectification. Sans doute serait-il utile que le Gouvernement précise les modalités de la procédure, par exemple en adaptant le décret du 15 mai 1974 relatif au livret de famille.

Je voudrais encore souligner combien un nouvel effort de communication et de formation à destination des personnels impliqués dans les démarches administratives auxquelles doivent faire face les parents endeuillés serait bénéfique pour favoriser une application correcte et uniforme des dispositifs sur tout le territoire.

Ce texte apporte une réponse humaine aux parents confrontés à cette épreuve douloureuse. Sa rédaction, améliorée en commission des Lois du Sénat, permet une individualisation symbolique des enfants nés sans vie. Je vous invite à voter cette proposition de loi.

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