Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion débute à 9 heures.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine la proposition de loi visant à moderniser la lutte contre la contrefaçon (n° 4555) (M. Christophe Blanchet et M. Pierre-Yves Bournazel, rapporteurs).

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Encore méconnue, la contrefaçon est un phénomène qui croît pourtant de manière exponentielle, ainsi que le démontrent les nombreux travaux publiés sur le sujet par des instances telles que l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ou l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Tous convergent vers un même constat, que j'ai également dressé l'an dernier avec mon collègue et co-rapporteur Christophe Blanchet dans le cadre de notre mission d'évaluation de la lutte contre la contrefaçon : l'action des contrefacteurs n'est pas anodine ; au contraire, elle est dangereuse à de nombreux égards et nécessite une réaction forte des pouvoirs publics.

Si, aux yeux du plus grand nombre, la contrefaçon concerne singulièrement l'industrie du luxe, la dislocation des chaînes de production en a changé le visage : désormais, ce phénomène touche tous les types d'entreprises et tous les secteurs d'activité.

Ce « crime du XXIe siècle », comme l'a qualifié l'Organisation mondiale des douanes (OMD), pose de graves problèmes de sécurité et de santé publique, notamment quand il concerne des médicaments falsifiés, des cigarettes ou des pièces automobiles contrefaites, pour ne citer que ces exemples.

Qu'il s'agisse de l'industrie du luxe, du jeu, des jouets, des articles de beauté, des articles vestimentaires ou des articles de sport, la contrefaçon est responsable de la destruction de milliers d'emplois et de pertes élevées de recettes fiscales pour l'État. Le manque à gagner dû à l'activité des contrefacteurs, estimé à 7,5 à 8 milliards d'euros par an pour nos entreprises, freine l'innovation et la compétitivité, tout en mettant à mal les savoir-faire français et européens, volés par des entreprises qui produisent sans normes et sans scrupule, au mépris des lois et de la santé du consommateur. La contrefaçon a des conséquences sur les manières de produire, donc sur la planète. Elle est, encore aujourd'hui, un moteur du travail des enfants dans les pays où, hélas, il existe toujours.

Elle est, enfin, un puissant catalyseur de la délinquance, car elle représente une activité très lucrative et moins risquée que le trafic de stupéfiants. Je le constate moi-même dans le 18e arrondissement de Paris, à Château-Rouge, à la porte de Clignancourt ou à La Chapelle, où l'on vend tout et n'importe quoi à ciel ouvert. Comme Christophe Blanchet et moi-même l'avons montré dans nos travaux, la contrefaçon attire toutes sortes de délinquants : ceux qui recourent à une « contrefaçon de subsistance », aux volumes limités, et aux seules fins d'accroître modérément leurs revenus ; ceux qui la pratiquent à titre principal, sur les marchés physiques et en ligne ; enfin, les réseaux criminels qui contrôlent la contrefaçon tant pour réaliser d'importants profits que pour blanchir ceux engrangés grâce à d'autres activités.

La France est le deuxième pays victime des contrefacteurs, après les États-Unis. Les saisies douanières, qui représentaient environ 200 000 articles interceptés en 1994, ont été multipliées par près de trente, pour atteindre 5,6 millions d'articles l'an passé. Cette expansion s'explique notamment par le développement d'internet et du commerce en ligne, qui constituent une belle opportunité pour nos entreprises, mais charrient aussi leur lot de produits contrefaits.

En 2019, 39 millions de Français avaient utilisé internet pour y réaliser des achats – et c'était avant l'épidémie de covid-19, qui a bousculé nos modes de consommation. Cette activité commerciale s'est également étendue aux réseaux sociaux, devenus les relais des entreprises, mais aussi, par effet de miroir, des contrefacteurs.

Ce constat d'une progression fulgurante du phénomène nous a conduits à déposer en juin 2021 une première proposition de loi comptant vingt-trois articles et reprenant l'ensemble des recommandations du rapport d'information que nous avions rendu quelques mois plus tôt.

Ce premier projet a été retravaillé et négocié avec le Gouvernement et avec nos partenaires de la majorité pour aboutir à un second texte plus court, déposé le 12 octobre, dans un format plus adapté aux spécificités des journées réservées à des groupes politiques. Je tiens à remercier mon groupe, Agir ensemble, d'avoir inscrit ce texte à son ordre du jour réservé. Notre assemblée s'honore en reconnaissant les nombreuses difficultés que soulève la contrefaçon et je me réjouis qu'elle puisse débattre d'un sujet aussi important.

Je remercie Christophe Blanchet de son investissement depuis trois ans et demi, ainsi que l'ensemble des acteurs que nous avons auditionnés dans le cadre de la mission du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, puis de la préparation du débat qui nous réunit. Malgré des délais très courts, tous se sont rapidement mobilisés pour nous permettre d'examiner sereinement des dispositions très attendues par les entreprises, grandes comme petites et moyennes, et qui, plus largement, concernent chacune et chacun d'entre nous.

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L'article 1er de la proposition de loi prévoit l'instauration d'un délégué interministériel chargé de lutter contre la contrefaçon et de promouvoir les droits de propriété intellectuelle. Bien que persuadés de la pertinence de cette structure interministérielle, souvent demandée lors des auditions, nous avons été sensibles à l'argument selon lequel la récente création des groupes opérationnels nationaux antifraude (GONAF), sous l'égide de la mission interministérielle de coordination antifraude (MICAF) a changé le paysage institutionnel. Faute d'évaluation de ce dispositif, et parce que l'organisation des travaux du Gouvernement échappe au législateur, nous vous proposerons un dispositif différent, quoique complémentaire, reposant sur l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Le deuxième article crée une amende civile prononçable à l'encontre de la personne condamnée pour contrefaçon. Il prévoit l'extinction de la procédure pouvant aboutir à une telle sanction par le versement d'une amende forfaitaire. Enfin, il instaure une peine complémentaire de confiscation des avoirs tirés d'une infraction de contrefaçon.

Ces dispositions visent à répondre à deux préoccupations majeures des acteurs de la lutte contre la contrefaçon : mieux sanctionner la faute lucrative, c'est-à-dire commise délibérément afin d'apporter à son auteur un gain ou une économie supérieurs aux dépenses qu'il a engagées ; faciliter la sanction de l'acheteur de produits contrefaisants par le paiement d'une amende forfaitaire – dont chacun de nous connaît les facilités procédurales.

Il ressort de nos auditions que les réflexions relatives à l'instauration d'une amende civile ne sont pas suffisamment abouties pour envisager un dispositif juridiquement solide et facilement mobilisable par les praticiens du droit. Nous proposerons donc une nouvelle rédaction qui concerne uniquement l'amende forfaitaire pour l'acheteur.

Le troisième article permettra à certains agents assermentés de constater des infractions au droit des marques, comme c'est déjà possible en matière de droit d'auteur. Nous proposerons quelques ajustements rédactionnels afin de clarifier la portée de cette disposition.

Le quatrième article autorise le détenteur des droits à solliciter auprès de l'autorité judiciaire la suspension ou la suppression groupée des noms de domaine ou comptes de réseaux sociaux contrefaisant la marque.

Le cinquième article permet aux agents de police municipale, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, de constater la contravention d'acquisition de produits du tabac manufacturé vendus à la sauvette. Il nous semble plus pertinent de supprimer le caractère expérimental et donc d'inscrire cette disposition dans le code de la sécurité intérieure, tout en l'étendant aux gardes champêtres ; c'est le sens de notre amendement de réécriture.

Le dernier article prévoit, également à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, l'instauration d'une chambre juridictionnelle consacrée aux litiges relatifs au commerce en ligne, au sein de trois tribunaux judiciaires. Les auditions préparatoires ont révélé que ce dispositif n'était pas encore assez mûr pour être adopté en l'état, malgré l'intérêt indéniable qu'il continue de présenter. Je souhaite que les réflexions se poursuivent, avec le ministère de la Justice, pour aboutir à une solution satisfaisante pour les titulaires de droits. En attendant, nous défendrons un amendement de suppression.

Enfin, nous proposerons d'ajouter deux nouveaux articles : l'un, après l'article 2, pour étendre la pratique du « coup d'achat » douanier aux médicaments falsifiés ; l'autre, après l'article 5, pour étendre l'habilitation accordée aux policiers municipaux et aux gardes champêtres à la constatation par procès-verbal de l'infraction de vente à la sauvette.

Je souhaite à mon tour remercier nos collègues du groupe Agir ensemble pour l'inscription du texte à notre ordre du jour dans le cadre de leur niche parlementaire, particulièrement Pierre-Yves Bournazel, avec qui je travaille depuis trois ans et demi. C'est un signal fort que nous envoyons aux entreprises, petites, moyennes et grandes, aux consommateurs, mais également aux contrefacteurs. Je suis fier que l'Assemblée nationale débatte de ce sujet et j'espère que ce texte, préparé avec rigueur et sérieux, saura faire consensus dans nos rangs.

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La contrefaçon a pris une dimension mondiale au cours des dernières années, sous l'effet des opportunités offertes par la vente sur internet et par les réseaux sociaux. Elle n'épargne malheureusement aucun secteur économique. Pour les marques, non seulement il s'agit d'une concurrence déloyale, mais la piètre qualité des produits copiés ternit leur image. Pour les consommateurs, elle met en danger leur santé et leur sécurité, car la commercialisation des contrefaçons passe par des circuits opaques n'offrant aucune garantie. Pour l'État, la perte de recettes fiscales s'élèverait à quelque 10 milliards d'euros par an. Pour notre économie, le nombre d'emplois détruits est estimé à 40 000 chaque année.

La lutte contre le phénomène est donc une nécessité et une priorité. Elle mobilise les services de l'État, au premier rang desquels l'INPI et les douanes.

Nous partageons l'objectif de modernisation qui anime les auteurs de la proposition de loi.

Parmi ses dispositions phares figure l'instauration d'une amende forfaitaire délictuelle de 200 euros pour l'acheteur d'un produit de contrefaçon : c'est une avancée notable ; le dispositif a déjà fait ses preuves en matière de lutte contre l'usage de stupéfiants.

L'habilitation des policiers municipaux à verbaliser acheteurs et vendeurs en cas de vente à la sauvette de produits contrefaisants est une très bonne mesure, qui rendra beaucoup plus efficace l'action des forces de l'ordre. Nous souhaitions, avec Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, l'introduire dans la loi « sécurité globale », mais la disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, non pour sa teneur même, mais en raison du dispositif alors proposé. Si la disposition est adoptée, l'outil sera très bien accueilli sur le terrain – je songe notamment à la place Gabriel-Péri, à Lyon, dans le quartier de La Guillotière, qu'un marché sauvage a transformée en cour des miracles et où les forces de l'ordre sont régulièrement mobilisées en nombre, sous le regard impuissant des riverains.

S'y ajoute le renforcement de la lutte contre les médicaments falsifiés, enjeu majeur de santé publique.

Mis à part son article 4, que nous jugeons insuffisamment clair – nous aurons l'occasion d'y revenir –, et sous réserve de l'adoption de certaines modifications rédactionnelles que vous proposerez, le groupe La République en marche soutiendra la proposition de loi.

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Je me réjouis de l'examen de cette proposition de loi. J'ai été rapporteur du projet de loi de lutte contre la contrefaçon sous la treizième législature : c'est dire qu'il ne s'agit pas d'un phénomène nouveau. De fait, dans la Rome antique, l'usurpation de marque était sanctionnée par la fameuse loi de falsis et, en France, la contrefaçon a été considérée comme un crime jusqu'au Second Empire.

Cette pratique immorale, antiéconomique et dangereuse pour les consommateurs nie en outre la propriété intellectuelle. En la matière, la France avait, pendant la Révolution, une longueur d'avance, qu'elle a d'ailleurs conservée : c'est encore elle qui donne en partie le la à ce sujet en Europe. La négation de la propriété intellectuelle donne lieu à de très nombreux litiges – pas suffisamment, car des chefs d'entreprise renoncent faute de moyens, de preuves ou parce que la démarche serait trop complexe. Le préjudice économique est également considérable, même si le coût en est difficile à évaluer ; des milliers d'emplois sont détruits chaque année. Le phénomène prend de l'ampleur avec le développement du commerce en ligne et les diminutions d'effectifs dans les services des douanes – dont je salue l'action – alors que le nombre de conteneurs à contrôler a explosé. Mais l'opinion publique est peu sensibilisée au problème, cependant que la contrefaçon prend de nouveaux visages, qu'il s'agisse des médicaments, du lait maternisé ou des plaquettes de frein.

On peut donc se réjouir que l'approche en la matière soit renouvelée, tout en regrettant qu'elle ne l'ait pas été par un texte de l'exécutif que nous aurions pu enrichir ; le travail de nos collègues rapporteurs n'est pas en cause, mais cela aurait permis de sécuriser juridiquement certaines procédures dont nous sommes au contraire amenés à repousser la mise en œuvre. Je songe à l'amende civile, dont on parlait déjà en 2007, ou à la spécialisation judiciaire en matière de commerce en ligne, qui est une disposition intéressante qu'il nous est proposé de supprimer par voie d'amendement.

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Il aura fallu à nos rapporteurs bien du travail, de la détermination et de la persévérance pour en arriver là. Le rapport d'information qu'ils ont rendu il y a quelques mois proposait de nombreuses dispositions indispensables ; le texte qui nous est soumis, beaucoup plus réduit, comporte néanmoins des mesures très utiles pour moderniser les outils de lutte contre la contrefaçon.

L'essor considérable du phénomène ces dernières années, lié à l'ouverture des frontières et au commerce en ligne, appelle une adaptation rapide de notre législation ; l'enjeu en est la sécurité, notamment économique et sanitaire. Dans le domaine économique, on évalue à 40 000 le nombre d'emplois détruits chaque année par la contrefaçon, ce qui représente environ 10 milliards d'euros de pertes fiscales pour l'État. Au niveau sanitaire, il a été question des médicaments frauduleux. Il y va aussi du respect des droits humains lorsque l'on recourt au travail des enfants pour la contrefaçon.

Le groupe Démocrates soutiendra la proposition de loi et les amendements des rapporteurs, qu'il s'agisse de l'extension de la pratique du « coup d'achat » douanier à la contrefaçon de médicaments ou de l'inscription dans le code de la sécurité intérieure de la possibilité pour les policiers municipaux et les gardes champêtres de constater le délit de vente de tabac à la sauvette. Plusieurs autres amendements sont également pertinents.

J'espère que notre débat sera constructif, car la lutte contre la contrefaçon appelle un travail commun, à l'image de celui des deux groupes de la majorité qui ont préparé le texte.

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Pour ma part, c'est pendant la quatorzième législature que j'ai été rapporteure d'un texte transposant une directive européenne qui avait fait l'objet d'un beau débat en séance publique, notamment sur la prolongation de la garde à vue pour permettre le bon déroulement des enquêtes ; cela avait été compliqué, mais nous l'avions obtenue et nous avions, je crois, bien légiféré.

Le présent texte vise l'adaptation à une situation nouvelle, née notamment du développement des achats sur internet, et cherche à répondre à une préoccupation croissante : si les entreprises se sont toujours souciées de la contrefaçon, les citoyens s'en inquiètent désormais davantage, particulièrement au nom de la santé publique. À cet égard, plutôt que d'une proposition de loi, c'est d'un projet de loi dont nous aurions besoin, élaboré en lien avec les services des douanes, qu'il faut sans doute mieux doter. La vente sur internet de médicaments de contrefaçon est effrayante ; la combattre doit être une priorité.

En ce qui concerne l'habilitation des policiers municipaux et des gardes champêtres, je suis réservée : comment un garde champêtre pourrait-il agir efficacement face à la contrefaçon ? Je suis favorable à la spécificité de chaque police pour éviter une dilution de la responsabilité.

Le groupe Socialistes, globalement favorable aux dispositions proposées, ne s'opposera pas au texte.

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Saluons tout d'abord le travail de nos deux rapporteurs, qu'il s'agisse de leur précédent rapport d'information ou de la présente proposition de loi : c'est d'un travail de fond que naissent les meilleures lois. Les auditions les ont conduits à souhaiter remanier le texte par voie d'amendement.

Le droit de la propriété intellectuelle est une extension du droit de la propriété incluant le droit des marques, des brevets, des dessins et modèles, ou encore le droit d'auteur. La propriété intellectuelle contribue à l'image de marque du savoir-faire français et européen et à la culture française. Dans ce domaine, l'ampleur prise par le fléau de la contrefaçon du fait du développement de la sphère numérique nous confronte à un nouveau défi.

La France est le deuxième pays le plus affecté par le phénomène, après les États-Unis. De nombreuses entreprises sont contraintes à des stratégies visant à s'en prémunir. Aux effets économiques néfastes s'ajoutent les conséquences sociales : destructions d'emplois, menaces pour la santé des consommateurs, exportation illégale, dévalorisation de nos savoir-faire.

Le texte permettra, je l'espère, de renforcer l'arsenal juridique français et européen en la matière, déjà bien établi. Au-delà de l'indispensable répression, il importe de sensibiliser encore davantage nos concitoyens aux enjeux de propriété intellectuelle.

La proposition apporte une nouvelle pierre à l'édifice permettant de combattre la contrefaçon, notamment en s'intéressant à l'administration de la preuve. En effet, constater un acte de contrefaçon est une chose, le prouver en est une autre. La voie privilégiée depuis de nombreuses années est la saisie-contrefaçon : le juge autorise à faire procéder à une saisie, souvent par ordonnance sur requête, afin de permettre au titulaire du droit de se ménager des preuves en vue d'une action judiciaire en contrefaçon. Mais ces procédures emportent des coûts élevés et ne sont donc pas accessibles à tous. Le but est donc de permettre à certains agents assermentés de constater les infractions au droit des marques et d'intervenir au nom du titulaire du droit auprès de l'autorité administrative ou des autorités judiciaires.

Il faut également chercher à mieux quantifier le phénomène et responsabiliser les opérateurs de plateformes en ligne.

Enfin, le texte aborde un aspect annexe, mais important, en permettant aux policiers municipaux de constater la contravention d'acquisition de produits de tabac manufacturés vendus à la sauvette. La mesure s'inscrit dans la continuité de la possibilité de sanctionner les acheteurs de cigarettes à la sauvette, qu'Élise Fajgeles et moi-même avons créée il y a quelques années. L'idée n'est pas d'imposer une procédure supplémentaire à la police municipale ; cette possibilité relève de ses prérogatives, qu'il faut renforcer, et est destinée à la soutenir dans son action.

Le groupe Agir ensemble votera évidemment la proposition de loi.

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Au cours des dernières décennies, la contrefaçon a connu une forte expansion, facilitée par la mondialisation des échanges, mais aussi par le développement exponentiel d'internet et de l'e-commerce.

La contrefaçon représente une triple menace pour la santé publique, pour la sécurité des consommateurs et pour l'économie nationale. Elle constitue en ce sens un défi majeur pour les États. Au niveau de l'Union européenne, les flux de produits de contrefaçon représenteraient 6,8 % des importations, 700 000 emplois détruits et 16,3 milliards d'euros de pertes fiscales par an, et compteraient une proportion croissante de produits dangereux pour la santé et la sécurité des citoyens. Ces évaluations sont considérées comme prudentes, la complexité et l'opacité du phénomène le rendant particulièrement difficile à mesurer.

Rappelons aussi que les organisations criminelles transnationales profitent de la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux au sein de l'Union pour importer certains éléments et pièces détachées par différents points d'entrée. En 2018, l'Europe était la seconde zone d'origine des contrefaçons, qui en proviennent à 25 %, derrière l'Asie. La France est le pays dont les entreprises sont les plus touchées par le phénomène, après les États-Unis et devant l'Italie.

La fraude a aussi beaucoup évolué. Tous les produits sont concernés : articles de luxe, mais aussi objets du quotidien – brosses à dents, jouets, articles de jardin, de bricolage, de puériculture –, biens de consommation courante tels que les timbres, produits industriels. Les contrefaçons, produites à l'échelle mondiale, majoritairement en Asie, circulent de manière croissante par le fret express et postal, par l'intermédiaire des plateformes de vente en ligne.

Concernant l'acquisition de produits de tabac manufacturés vendus à la sauvette, nous saluons les nouvelles prérogatives octroyées aux agents de police à titre expérimental pour une durée de cinq ans. Notre collègue Béatrice Descamps avait déjà donné l'alerte en 2018 dans sa proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac. Il s'agissait de protéger les buralistes, dont le métier est menacé, mais aussi d'éviter aux territoires frontaliers, comme le Valenciennois, d'être investis par les trafiquants à cause de la hausse drastique des prix du tabac légal.

L'Assemblée a également adopté, suivant l'avis du Gouvernement, un amendement de Laurent Saint-Martin et Éric Woerth au PLF pour 2022, visant à doubler le montant des amendes minimales et maximales encourues en cas de fabrication, détention, vente ou transport illicite de tabac.

Saluons aussi le travail des douanes, qui ont adapté leurs méthodes et leurs moyens d'intervention en développant leur action sur internet, notamment grâce à des services spécialisés comptant des cyberdouaniers, en vue d'infiltrer et de démanteler les organisations clandestines intervenant sur le darknet.

Quant à la peine de confiscation des avoirs, elle me semble bienvenue. La saisie des avoirs criminels, sous l'égide de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), créée par la loi Warsmann, donne des résultats satisfaisants.

Le groupe UDI et indépendants soutiendra la proposition de loi.

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Je félicite mes deux collègues pour leur rapport d'information dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.

Je suis opposé au transfert de compétences aux policiers municipaux et aux gardes champêtres. Je ne vois pas le rapport entre la contrefaçon et les missions de ces derniers, dont la qualification judiciaire leur permet de lutter contre les atteintes à l'environnement. La lutte contre la contrefaçon doit être concentrée entre les mains de la police nationale. Rappelons que, dans le cadre de la loi « sécurité globale », un tel transfert au profit de la police municipale a été censuré par le Conseil constitutionnel.

Plus généralement, les contrefaçons gagnent du terrain pour deux raisons : premièrement, le capitalisme mondial financiarisé et les traités de libre-échange, qui ont accru le volume des échanges tout en réduisant le nombre de contrôles ; deuxièmement, le développement du commerce en ligne, qui facilite la commission de ce genre d'infractions.

Concernant le premier élément, pas d'amélioration en perspective à moins de remettre en cause les traités de libre-échange. Une compétition féroce oppose les ports et les aéroports, qui cherchent à immobiliser les marchandises le moins longtemps possible, donc à réduire le temps consacré aux contrôles. Il faudrait donc une réglementation au niveau européen pour viser un taux de contrôles commun.

Sur le deuxième point, nous devons renforcer nos moyens douaniers et adopter une politique proactive sur internet pour y découvrir des infractions. Nous avons perdu des douaniers, puis leur nombre a de nouveau augmenté du fait du Brexit, mais il nous en faudrait bien davantage pour être à la hauteur des enjeux en matière de lutte contre la contrefaçon.

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La contrefaçon contrevient au respect de la propriété intellectuelle, entrave les débouchés des entreprises et met les consommateurs en péril – outre les médicaments, d'autres produits de contrefaçon peuvent comporter des dangers, par exemple les pièces automobiles.

La contrefaçon est bien sûr stimulée par internet, mais surtout par le libre-échange et la mondialisation effrénée sans aucun accord sur la régulation et les contrôles. Comme cela vient d'être dit, il faudrait convenir de la durée et des moyens des contrôles afin d'échapper à la concurrence sauvage qui conduit à négliger ces derniers pour préserver le trafic çà ou là.

Nous avons des douaniers et une police nationale, des hommes et des femmes formés, chargés de missions spécifiques. Pourquoi étendre les compétences de contrôle des contrefaçons aux policiers municipaux et, a fortiori, aux gardes champêtres ? Vous qui parlez de vente de tabac à la sauvette, allez donc faire un tour aux Quatre-Routes, à La Courneuve : vous verrez que, face à ce trafic, il faut une police nationale formée, prête à affronter des trafiquants très nombreux, très déterminés et parfois très violents, y compris entre eux. Je ne pense pas que ce soit à la police municipale de résoudre le problème, d'autant qu'elle a déjà fort à faire pour accomplir ses missions propres – assurer le respect mutuel entre citoyens, la propreté des villes, la circulation, etc.

Le groupe GDR ne s'opposera pas à la proposition de loi, mais nous insisterons sur ce point.

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Dans le cadre de cette proposition de loi bienvenue, deux points méritent l'attention.

Premièrement, le texte devrait parler de la fraude aux appellations d'origine protégée (AOP) et aux indications géographiques protégées (IGP), notamment les appellations viticoles, afin de permettre de lutter contre la contrefaçon d'étiquettes.

Deuxièmement, j'approuve la possibilité d'intervention des gardes champêtres, aux côtés de la police municipale, pour lutter contre les trafics en tous genres, notamment de cigarettes et d'autres produits du tabac. J'entends le risque de dilution des compétences, mais, s'agissant de certaines pratiques frauduleuses, l'apport d'une police de proximité et des gardes champêtres, qui détiennent plus de 150 compétences, en zone urbaine et rurale, peut être précieux, et il serait dommage de s'en priver.

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Merci à tous de votre intérêt pour le texte et de vos propos.

Outre la nécessité de responsabiliser les plateformes et de donner les moyens permettant de remonter les filières et les réseaux mafieux pour s'attaquer à l'argent, nerf de la guerre, il faut une coopération internationale. Les pays comme le nôtre doivent trouver des alliés pour réguler ce phénomène dangereux. Quand on veut, on peut : parmi les pays spécialistes de la contrefaçon, on compte l'organisateur des Jeux olympiques et paralympiques de 2008 ; habituellement, lors de telles manifestations, les contrefaçons sont légion ; cette fois, pas un seul objet associé à l'événement n'avait été contrefait !

L'éducation et la prévention, des acheteurs comme des consommateurs, sont un autre sujet important que nous ne pourrons éluder et qui figure dans notre rapport. La contrefaçon, c'est la destruction des emplois, de notre modèle social, de nos savoir-faire, de notre tissu de TPE et de PME mais c'est aussi l'exploitation d'enfants à l'autre bout du monde, l'affranchissement des normes, le réchauffement climatique.

J'en viens à la police municipale et aux gardes champêtres. La police municipale est un acteur essentiel du maillage de nos territoires puisqu'elle travaille au plus près du terrain. La maire de Paris, à qui j'en ai parlé, serait d'accord pour lui attribuer cette nouvelle compétence. La police nationale remplit ses missions mais elle a besoin de s'appuyer sur des maillons intermédiaires pour assurer la sécurité et la tranquillité de nos quartiers. La police municipale est l'un de ces maillons. Madame Buffet a évoqué La Courneuve. De mon côté, je connais bien le 18e arrondissement de Paris. À La Chapelle, à la porte de Clignancourt, à Château-Rouge, les vendeurs occupent illégalement le domaine public, ce qui génère des tensions, du bruit, trouble la tranquillité des habitants, qui ne se sentent plus en sécurité. Les vendeurs eux-mêmes travaillent parfois pour des filières mafieuses qui exploitent cette misère humaine. Quant à mentionner le terme de garde champêtre dans le texte, je ne suis pas le mieux placé pour donner mon avis, même si je suis né dans le Cantal. Cependant, toutes les personnes que nous avons auditionnées pensent que ce serait nécessaire.

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Monsieur Rudigoz, vous avez raison, l'adoption de l'amende forfaitaire serait une grande avancée.

Monsieur Gosselin, oui, la contrefaçon est une pratique immorale, antiéconomique et dangereuse. Il est vrai que certaines entreprises se résignent, en particulier les PME et les TPE, car elles n'ont pas les structures juridiques qui leur permettraient de résister, contrairement aux grands groupes. Espérons que notre proposition de loi sera adoptée. Nous aurions préféré qu'elle soit plus fournie mais vous connaissez le principe de la niche parlementaire : il était plus raisonnable de nous en tenir à six articles.

Aujourd'hui, les produits issus de la contrefaçon ne sont plus acheminés par containers. À Roissy, ce sont six colis par seconde qui arrivent en provenance de Chine – je ne parle même pas de l'Asie dans son ensemble ! Nous devons nous adapter aux nouvelles pratiques des contrefacteurs. Les produits de luxe ne sont plus les seuls à être contrefaits, tous les produits du quotidien sont concernés et les conséquences peuvent être graves. La Fédération des industries mécaniques nous a appris que 900 roulements à billes contrefaits avaient été saisis en 2019, 15 000 l'an dernier. On retrouve ces roulements à billes dans les voitures mais aussi dans les remontées mécaniques. Les entreprises qui installent ces contrefaçons les achètent de bonne foi car les certificats d'origine sont, eux aussi, contrefaits ! Or au bout d'un certain nombre de tours, certains cassent, et c'est le jour de l'accident que tout est découvert.

Vous avez raison, madame Louis, de rappeler qu'il faut également sensibiliser nos concitoyens. Quatre Français sur dix achètent de la contrefaçon sans le savoir. Ils se font piéger. En revanche, six Français sur dix sont conscients de ce qu'ils font : il faut faire preuve de pédagogie pour les informer qu'il n'y a pas que des milliards d'euros et 40 000 emplois en jeu, mais aussi la santé publique et la sécurité de leurs enfants. Les jeux et jouets pour enfants sont la deuxième catégorie de produits les plus contrefaits en France, avec tous les risques d'étouffement ou d'intoxication que cela emporte.

Les contrefacteurs sont rusés, on peut se laisser piéger facilement. Prenez l'exemple d'une paire de baskets de marque, qui coûterait une centaine d'euros. Si le contrefacteur la met en vente sur un réseau à un prix de 5 euros, il est bien évident que l'acheteur comprendra de quoi il s'agit. En revanche, s'il la propose à 90 euros, le consommateur se fera duper car il pensera acheter un modèle de marque. Nous devons responsabiliser les gérants de plateforme et permettre au consommateur de se retourner contre eux.

Madame Sanquer, il est vrai qu'il existe un lien financier entre la contrefaçon et la criminalité.

Monsieur Bernalicis, nous devons mieux surveiller le commerce en ligne et nous espérons que cette proposition de loi le permettra.

Madame Buffet, la contrefaçon est une question de sécurité globale et il nous semble que la mutualisation de tous les services, qu'il s'agisse des policiers municipaux ou des gardes champêtres, permettra d'agir plus efficacement. Rappelons que les jeux et jouets pour enfants sont les produits les plus fréquemment saisis après les médicaments et les pièces pour automobiles.

Madame Ménard, nous partageons votre constat sur les étiquettes de vin, mais cette proposition de loi n'est pas le bon moyen de lutter contre cette fraude.

Article 1er : Instauration d'un délégué interministériel à la lutte contre la contrefaçon

Amendement CL5 de M. Pierre-Yves Bournazel.

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La création d'un délégué interministériel, alors que le nouveau dispositif des groupes opérationnels nationaux antifraude n'a pas encore été évalué, ne semble pas opportune à ce stade. Par ailleurs, son instauration n'est pas du ressort de la loi. Il importe néanmoins de renforcer l'information et les données utiles à la quantification de la contrefaçon. Cet amendement tend à habiliter l'INPI à collecter l'ensemble de telles données.

La commission adopte l'amendement et l'article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, l'amendement CL1 de Mme Emmanuelle Ménard tombe.

Article 2 (art. L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle) : Instauration d'une amende civile et d'une amende forfaitaire à l'encontre d'une personne condamnée pour contrefaçon

Amendement CL6 de M. Pierre-Yves Bournazel.

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Il s'agit d'instaurer une procédure d'amende forfaitaire délictuelle de 200 euros en cas d'achat de contrefaçon. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est de 150 euros et celui de l'amende forfaitaire majorée, de 450 euros.

La commission adopte l'amendement et l'article 2 est ainsi rédigé.

Après l'article 2

Amendement CL7 de M. Pierre-Yves Bournazel.

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Les marchandises contrefaisantes peuvent déjà faire l'objet de coups d'achats, sur le fondement du code des douanes. Cependant, tous les médicaments falsifiés ne sont pas issus de la contrefaçon. Afin d'améliorer la lutte contre l'importation de médicaments falsifiés, cet amendement tend à modifier l'article 67 bis -1 du code des douanes afin de rendre cette procédure applicable à de telles marchandises. Cet article permet aux agents des douanes, sur autorisation du procureur de la République, d'acheter et de contrôler la nature des produits prohibés, d'identifier les auteurs et les complices et d'effectuer les saisies.

La commission adopte l'amendement.

Article 3 (art. L. 716-4-7 du code de la propriété intellectuelle) : Autorisation des agents assermentés et habilités par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à constater une infraction au droit des marques

Amendement CL8 de M. Pierre-Yves Bournazel.

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Suite aux échanges avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l'amendement prévoit, sur le modèle des dispositions prises pour protéger le droit d'auteur, que les agents soient agréés par le ministre chargé de la propriété industrielle et non par la DGCCRF. Par ailleurs, il tend à préciser la qualité des agents qui pourraient être agréés.

Enfin, il vise à supprimer la possibilité d'agir auprès de l'autorité administrative et judiciaire pour le compte des titulaires de droits afin de préserver l'indépendance des agents, inhérente à la procédure d'agrément, dont les modalités sont renvoyées à un décret en Conseil d'État.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'article 3 modifié.

Article 4 (art. L. 713-7 et L. 713-8 [nouveaux] du code de la propriété intellectuelle) : Suspension ou suppression groupées de noms de domaine et comptes de réseaux sociaux

Amendement CL3 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Certaines AOP ou IGP sont aussi victimes de contrefaçon, notamment pour ce qui concerne les appellations viticoles. Ces pratiques portent préjudice aux consommateurs et aux producteurs. Dans le Languedoc-Roussillon, les viticulteurs ont dénoncé la francisation de vins espagnols sur les étiquettes ainsi que des présentations susceptibles d'induire les consommateurs en erreur quant à la véritable origine des produits. Certains en sont venus à mener des actions coups de poing en 2016 dans les supermarchés et à la frontière franco-espagnole.

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Sur le fond, je suis d'accord : la protection des AOP et des IGP est essentielle et mérite toute l'attention du législateur. Pour des raisons de forme, cependant, je ne peux accepter votre amendement. D'une part, il devrait se situer dans une autre partie du code de la propriété intellectuelle, au titre II du livre VII, consacré aux appellations d'origine. D'autre part, la modernisation du régime juridique de ces appellations n'est pas l'objet de ce texte qui ne traite que de la protection des marques.

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Je le rédigerai autrement afin de le déposer à nouveau en séance.

L'amendement est retiré.

La commission adopte l'article 4 non modifié.

Article 5 : Habilitation des policiers municipaux à constater la contravention d'acquisition de produits du tabac manufacturé vendus à la sauvette

Amendement CL10 de M. Pierre-Yves Bournazel.

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Il s'agit d'habiliter les gardes champêtres à constater l'infraction d'achat à la sauvette de cigarettes.

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Les policiers municipaux le sont parce qu'ils ne sont pas des policiers nationaux. Leurs missions sont différentes parce que leur métier n'est pas le même. Si tel n'était pas le cas, il vous faudrait accepter la proposition que notre groupe renouvelle depuis 2017 : les intégrer dans la police nationale pour créer une vraie et unique police nationale de proximité, sous la double autorité du maire et du préfet. En attendant, les policiers municipaux n'ont ni les prérogatives ni les compétences des policiers nationaux, notamment en matière judiciaire. Or, pour mettre fin à un trafic de contrefaçon, il ne suffit pas d'arrêter le revendeur, il faut s'attaquer au réseau et mener des enquêtes.

Par ailleurs, les policiers municipaux ne sont pas démunis. Comme tout citoyen, ils peuvent, en vertu de l'article 73 du code de procédure pénale, appréhender l'auteur d'un crime ou d'un délit flagrants et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche.

Nous ne souhaitons pas que les prérogatives des policiers nationaux soient étendues aux policiers municipaux et aux gardes champêtres.

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La vente de cigarettes à la sauvette, pour ne citer que cet exemple, est un fléau. L'Occitanie est l'une des régions les plus frappées de France par ce phénomène : entre 2019 et 2020, la consommation de cigarettes issues de la contrebande est passée de 0,5 % à 12 %. Cet été, à Montpellier, un trafic en provenance d'Ukraine, qui alimentait tout le département, a été démantelé. Le marché parallèle du tabac fait perdre au fisc entre 2,5 et 3 milliards par an.

Il semble donc légitime de mettre toutes les chances de notre côté pour lutter contre ces trafics, ce qui suppose de faire appel à toutes les forces de sécurité en présence, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie, des douanes mais aussi de la police municipale ou des gardes champêtres. Ces derniers travaillent au plus près du terrain et sont les mieux placés pour constater ces infractions. À Béziers, le premier réflexe des débitants de tabac qui constatent la présence de trafiquants devant leur commerce est d'appeler la police municipale.

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Rappelons une évidence : le tabac est une substance nocive, bien plus encore lorsqu'il est contrefait. Il faut bien mettre fin à ce trafic qui s'accompagne de nuisances importantes pour les habitants des quartiers ! Or, la police municipale est la mieux placée pour intervenir rapidement. Elle arpente les rues, à l'écoute des problèmes des habitants. Le rôle de la police nationale, même si ses moyens ont été renforcés, consiste plutôt à remonter les filières pour démanteler les réseaux, souvent mafieux. Police nationale et police municipale sont les maillons d'une même chaîne, destinée à assurer la sécurité de nos concitoyens. Ils doivent travailler ensemble, de manière complémentaire, sans s'opposer.

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Nous sommes élus de territoires qui se ressemblent. La vente de cigarettes à la sauvette est un fléau, dont les nuisances, dans le 18e ou à la porte de Montreuil, sont les mêmes. Mais si nous partageons le constat et les objectifs, nous divergeons sur les méthodes.

La présence massive de policiers sur le terrain est une première réponse, ne serait-ce que pour chercher les planques. En accord avec la police nationale, nous avons installé un commissariat mobile. Les policiers nationaux, présents quotidiennement, ont travaillé étroitement avec les policiers municipaux. Mais ne confondons pas : la lutte contre ces trafics relève de la responsabilité de l'État, et les policiers municipaux, s'ils peuvent soutenir les policiers nationaux, ne sauraient en détenir les prérogatives. Surtout, ils n'ont pas les moyens de suivre le rythme de cette lutte permanente – aussitôt qu'un revendeur est arrêté, un autre prend le relais.

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Je voudrais rappeler l'extrême violence – un phénomène récent, jusqu'alors circonscrit au trafic de drogue – de ces trafiquants de cigarettes. La semaine dernière, à Marseille, ils se sont tiré dessus !

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Oui, nous sommes loin des sacs à main de marque en vente sur le marché de Vintimille ! La contrefaçon recouvre désormais des filières, des réseaux mafieux, qu'ils soient internationaux ou locaux. Nous devons les démanteler.

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Nous voterons cet amendement. N'oublions pas que nous avons autorisé, il y a quelques années, l'armement des policiers municipaux. Ceux-ci sont formés, ils accomplissent un travail exemplaire, à Lyon notamment, et il ne me semble pas que nous ayons eu à déplorer un quelconque problème. Les opérations sur les marchés noirs sont souvent menées conjointement avec la police municipale mais celle-ci reste cantonnée à un rôle d'observation, ce qui est dommage.

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Le calcul est simple : sur le marché légal, le tabac se vend 4 euros le kilogramme ; sur le marché noir, un paquet de cigarettes – soit 20 grammes de tabac – coûte 4 euros. Il suffit donc de vendre 1 paquet pour rentabiliser l'achat de la matière première nécessaire à la fabrication de 49 paquets.

Les usines qui fabriquent ce tabac de contrebande sont situées en Europe, pour la plupart dans les pays de l'est. Il est transporté dans des camions-usines qui coûtent 100 000 euros, soit bien moins que les bénéfices d'une journée de production. Les réseaux criminels mafieux, à l'origine de ces trafics, s'étendent jusqu'aux quartiers que vous avez cités, où ils exploitent la misère humaine. Des investigations doivent être menées pour remonter les filières, mais il faut aussi responsabiliser l'acheteur en le sanctionnant. C'est à ce niveau, la contravention d'acquisition, que les policiers municipaux et les gardes champêtres peuvent agir.

Pourquoi les gardes champêtres ? Parce que la vente de cigarettes de contrebande ne se déroule pas uniquement dans les grandes villes. À Trouville-sur-mer, l'été, les touristes sont si nombreux qu'ils attirent les revendeurs.

La commission adopte l'amendement et l'article 5 est ainsi rédigé.

Après l'article 5

Amendement CL11 de M. Pierre-Yves Bournazel.

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L'amendement vise à permettre aux agents de police municipale et aux gardes champêtres de constater l'infraction de vente à la sauvette. Pour une lutte efficace contre les ventes illégales, il est essentiel que la police municipale collabore de façon étroite avec la police et la gendarmerie nationales.

La commission adopte l'amendement.

Article 6 : Instauration d'une chambre juridictionnelle consacrée aux litiges concernant le commerce en ligne

Amendement de suppression CL12 de M. Pierre-Yves Bournazel.

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Nous sommes convaincus que la justice doit se spécialiser en matière de litiges relatifs au commerce en ligne. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé, à l'article 6, d'expérimenter l'instauration d'une chambre juridictionnelle spécifique au sein de trois tribunaux judiciaires.

Cependant, les auditions préparatoires à l'examen de la proposition de loi ont révélé que ce dispositif n'était pas assez mûr pour être adopté en l'état, malgré l'intérêt que lui reconnaissent les professionnels auditionnés.

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La spécialisation des tribunaux est une décision importante qui ne peut être prise dans le cadre d'une proposition de loi mais nécessite un engagement du garde des Sceaux. Notons que cette spécialisation existe déjà dans certains domaines – je pense notamment aux brevets d'invention – qui présentent un aspect très technique et où les dossiers requièrent un traitement spécifique. Gardons espoir, cela ne fait jamais que quinze ans que nous demandons un tel dispositif !

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'article 6 est supprimé.

Article 7 : Gage financier

La commission adopte l'article 7.

Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

Puis, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à nommer les enfants nés sans vie (n° 4241) (Mme Béatrice Descamps, rapporteure).

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Cette proposition de loi traite du sujet difficile de l'identification des enfants nés sans vie ou non viables. Lorsqu'elles sont confrontées à cette expérience extrêmement douloureuse et traumatisante, au cours de laquelle la mort survient alors que l'on attendait la vie, les familles peuvent solliciter, auprès de l'officier de l'état civil, un acte d'enfant sans vie. Chaque année, plus de 8 700 familles le font afin d'inscrire dans le livret de famille, et dans l'histoire familiale, la perte d'un enfant. Cette faculté est parfois conçue comme une étape nécessaire dans le travail de deuil, en ce qu'elle permet d'individualiser l'enfant perdu.

L'acte d'enfant sans vie a été inscrit à l'article 79-1 du code civil par la loi du 8 janvier 1993. Cet article distingue le cas des enfants nés vivants et viables, qui feront l'objet de l'émission d'un acte de naissance et d'un acte de décès, des enfants nés sans vie ou non viables.

Pour ces derniers, l'officier de l'état civil établit, à la demande des parents et sur présentation d'un certificat médical d'accouchement, un acte d'enfant sans vie, inscrit sur les registres de décès. L'enfant peut également être inscrit sur le livret de famille. Depuis 2008, ce dernier peut d'ailleurs être délivré aux parents non mariés dont le premier enfant est né sans vie ou non viable.

L'article 79-1 du code civil dispose que l'acte d'enfant sans vie énonce les jour, heure et lieu de l'accouchement ainsi que l'identité des parents, mais pas le prénom et le nom de l'enfant. C'est l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 qui a ouvert la possibilité d'attribuer un prénom à l'enfant sans vie. Méconnue, elle fut peu appliquée jusqu'à la circulaire interministérielle de 2009. Depuis, et d'après les données transmises par le ministère de la justice, 94 % des actes d'enfant sans vie énoncent le prénom de l'enfant. L'un des premiers effets de la proposition qui vous est soumise est d'inscrire dans la loi cette possibilité, afin d'apporter de la sécurité juridique au dispositif.

La circulaire de 2009 a expressément exclu la possibilité de donner à l'enfant un nom, en raison du risque de confusion possible avec l'attribution de la personnalité juridique, qui nécessite d'être né vivant et viable. Il en résulte une situation paradoxale et incomprise des parents, désignés par leur nom dans l'acte mais empêchés d'en donner un à leur enfant.

L'apport principal de cette proposition de loi est de leur offrir cette possibilité.

Afin de sécuriser le dispositif, le Sénat a réécrit l'article unique pour préciser que l'inscription du prénom et du nom n'emporte aucun effet juridique. Guillaume Rousset, maître de conférences à l'université Jean-Moulin de Lyon 3, l'a souligné : cette mention met en lumière l'aspect purement symbolique du dispositif. Que les associations se rassurent : il n'est pas question de revenir sur les droits sociaux accordés aux parents.

J'apporterai trois précisions. Tout d'abord, les parents ne sont pas contraints de donner des prénoms et nom à l'enfant né sans vie ; il s'agit là d'une possibilité. Il est primordial de leur laisser le choix, tant les réactions face à la perte d'un enfant avant la naissance peuvent être différentes.

Ensuite, les modalités de choix pour le nom de famille sont précisées afin d'écarter l'application de l'alinéa 3 de l'article 311-21 du code civil, qui dispose que le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants communs.

Enfin, je tiens à rassurer les familles qui ont vécu ce drame et qui souhaiteraient bénéficier du dispositif : les parents n'ayant pas encore sollicité un acte d'enfant sans vie pourront le faire sur présentation d'un certificat médical d'accouchement et demander la mention des prénoms et nom. Pour les familles qui disposent déjà d'un tel acte et souhaitent qu'il énonce le nom de famille de l'enfant, je ne vois pas d'obstacle juridique à ce que l'officier d'état civil procède à sa rectification. Sans doute serait-il utile que le Gouvernement précise les modalités de la procédure, par exemple en adaptant le décret du 15 mai 1974 relatif au livret de famille.

Je voudrais encore souligner combien un nouvel effort de communication et de formation à destination des personnels impliqués dans les démarches administratives auxquelles doivent faire face les parents endeuillés serait bénéfique pour favoriser une application correcte et uniforme des dispositifs sur tout le territoire.

Ce texte apporte une réponse humaine aux parents confrontés à cette épreuve douloureuse. Sa rédaction, améliorée en commission des Lois du Sénat, permet une individualisation symbolique des enfants nés sans vie. Je vous invite à voter cette proposition de loi.

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La plupart des faits de notre existence ont, en miroir, des actes administratifs. Dès lors que certains moments de la vie sont empreints de souffrance, il est du devoir de la puissance publique de faire en sorte que les procédures afférentes n'accentuent pas la douleur et apportent une forme de réconfort. Je salue l'initiative d'Anne-Catherine Loisier et le travail mené par les sénateurs sur cette proposition de loi. Mon propos se fonde sur le travail préparatoire au positionnement du groupe La République en marche, mené par Guillaume Vuilletet, dont je ne suis que le porte-voix.

La Haute autorité de santé (HAS) a défini des orientations générales concernant la prise en charge du deuil périnatal. Plusieurs réseaux de santé périnatale ont travaillé à la définition de recommandations régionales pour harmoniser l'accompagnement du parcours de deuil, afin de proposer aux familles un accompagnement individualisé et de leur transmettre les informations nécessaires en matière d'investigation clinique complémentaire, de procédures administratives, de droit aux prestations sociales ou aux congés parentaux et d'inscription sur les registres d'état civil et de décès.

Lorsqu'un enfant naît sans vie, un acte d'enfant sans vie peut être établi et enregistré sur le registre de décès. En outre, l'enfant peut recevoir un prénom et être inscrit sur le livret de famille, avec indication du nom des père et mère. En 2020, 8 747 actes d'enfant sans vie ont été dressés.

La présente proposition de loi vise à compléter ces dispositions en permettant de donner un nom de famille aux enfants nés sans vie pour accompagner le deuil au sein de la structure familiale. Le Sénat a adopté des modifications utiles : il a précisé les modalités de choix du nom par les parents et a mentionné que l'inscription de l'enfant sur les registres n'emporte aucun effet juridique, afin de s'assurer que le texte ne va pas au-delà de sa portée mémorielle, ce qui aurait pour effet de déséquilibrer notre ordre juridique.

Notre groupe votera la proposition de loi telle qu'elle a été adoptée par le Sénat.

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La mort périnatale est assez rarement abordée dans nos débats. Les sujets de législation funéraire sont toujours délicats, d'autant que, dans notre société, Éros est plus sexy que Thanatos. De nombreuses familles vivent ce deuil : les parents, le cercle familial et, le cas échéant, la fratrie en subissent les conséquences psychologiques. Jusqu'à une époque qui n'est pas si lointaine, il existait une habitude de la mort ; on vivait davantage avec. Depuis quelques dizaines d'années, nous assistons à une « révolution de la mort », selon le titre d'un livre de François Michaud Nérard.

Sous la XIIIe législature, nous avons mené un travail sur le deuil périnatal. En tant que rapporteur de la proposition de loi relative à la législation funéraire, j'avais déploré l'insuffisante prise en compte du traitement de la mort périnatale, ce qui avait abouti aux décrets du 8 août 2008 et à la circulaire du 19 juin 2009.

Madame la rapporteure, vos travaux s'inscrivent dans la continuité des nôtres et sécurisent les dispositions que nous avions adoptées. Même si aucune contestation juridique n'a jamais eu lieu, il importe d'élever – au sens fort du terme – ces dispositions au rang législatif et, ce faisant, au rang symbolique.

Une interrogation demeure au sujet du risque d'attribution de la personnalité juridique à l'enfant né sans vie. Déjà, en 2008, d'aucuns craignaient l'introduction de recours faisant courir un risque en matière de prestations familiales et de succession. Vous avez bien fait de rappeler que la présente proposition de loi n'emporte pas de conséquences juridiques. Pouvoir nommer son enfant est une étape supplémentaire de l'acceptation de la souffrance et du travail de deuil.

Dans ces conditions, notre groupe, de façon unanime s'associe à vos travaux et apportera son soutien à cette proposition de loi. Elle ne résout pas tout – car on ne peut pas tout attendre de la loi ou d'un acte juridique portant reconnaissance d'un nom et d'un prénom –, mais elle permet de reconnaître que l'être perdu a existé.

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Attendre un enfant pendant neuf mois, c'est préparer son arrivée et imaginer sa vie avec lui. Mais il arrive que l'innommable, l'indicible enferme dans le voile du deuil le bonheur des futurs parents. Perdre un enfant à la naissance est un drame absolu, auquel la loi, en refusant de lui donner un nom, ajoute une forme de rejet institutionnalisé, occultant la réalité de son existence dans une histoire familiale.

Ces dernières décennies, des avancées ont été réalisées : depuis 1993, le droit distingue les enfants nés sans vie des enfants nés vivants et viables. En dépit de leur absence de personnalité juridique, les enfants nés sans vie peuvent être inscrits sur les registres d'état civil et sur le livret de famille. Cette disposition permet aux parents de s'enregistrer comme père et mère de l'enfant, ce qui les aide à faire leur deuil. Toutefois, elle relève du champ normatif et non de la loi.

Inscrire dans la loi la possibilité de donner à l'enfant un nom permet d'amorcer sa reconnaissance sociale et d'accompagner le deuil des parents et de leur entourage. La présente proposition de loi est une avancée supplémentaire, qui ne créera ni personnalité juridique ni lien de filiation. Notre groupe la soutient. Elle est attendue par les familles et les professionnels qui les accompagnent dans ces moments douloureux.

Si rien ne peut faire disparaître la souffrance des parents, ce texte d'Anne-Catherine Loisier peut alléger le poids du deuil. L'enfant né sans vie n'est pas l'enfant de personne. Ses parents l'ont aimé avant même sa naissance et il fait partie intégrante d'une famille. Le groupe MODEM votera le texte.

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. Nous poursuivons un travail entamé en 1993 pour prendre en compte la douleur des parents et les aider à faire leur deuil. Si la circulaire de 2009 a ouvert la possibilité de donner un ou plusieurs prénoms à un enfant né sans vie, l'attribution d'un nom a été écartée, de crainte qu'elle n'induise un lien de filiation, donc une personnalité juridique.

L'article unique de la présente proposition de loi apporte une dimension humaine aux démarches puisqu'en permettant de donner un nom à l'enfant né sans vie, il reconnaît symboliquement sa filiation. Le Sénat a eu un débat sur la personnalité juridique et a fait le choix de préciser que l'inscription de prénoms et nom n'emporte aucun effet juridique.

À l'Assemblée nationale comme au Sénat, notre groupe est favorable à cette avancée en matière d'accompagnement du deuil d'un enfant. Elle permet d'inscrire officiellement sa naissance dans l'histoire et la mémoire familiales. J'espère profondément que nous parviendrons à un consensus pour faire aboutir cette proposition de loi. Il importe de respecter le droit de chaque famille et de chaque parent à vivre ce deuil comme ils le souhaitent. Il faut que chacun puisse trouver une forme de repos.

Le texte adopté par le Sénat emploie les mots « père » et « mère ». Nous regrettons cette rédaction, qui ne tient pas compte de la diversité des familles, et exclut notamment les familles homoparentales. Le mot « parents », plus neutre, permettrait d'inclure toutes les familles touchées par ces deuils. Il est, au demeurant, employé dans le code civil en lieu et place des mots « père » et « mère », dont l'emploi contrevient au principe d'égalité et de non-discrimination. Il serait opportun que nous réussissions à dépasser cette formulation : nous reprendrons donc en séance l'amendement que le groupe socialiste, écologiste et républicain a défendu au Sénat.

Notre groupe votera cette proposition de loi. J'ai une pensée pour les parents et les familles qui ont eu à vivre ce drame épouvantable ; puissent-ils trouver la paix et voir dans l'avancée permise par le Parlement le soutien des représentants de la nation.

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Le deuil périnatal est un drame, traversé par de nombreuses familles. C'est un traumatisme, un déchirement pour les parents et leurs proches, qui nécessite un accompagnement et de la bienveillance.

Il est toujours délicat de confronter de telles tragédies à la froide réalité juridique. Historiquement, notre droit civil n'a pas vocation à accompagner le deuil, mais plutôt à assurer la pérennité des règles de succession et de filiation, pour garantir l'ordre social. Bien heureusement, le droit a évolué pour mieux tenir compte de la douleur des familles. En 1806, un décret dispose que l'enfant mort-né est présenté à l'officier d'état civil avant son enregistrement au registre des naissances. Depuis 1993, les familles peuvent solliciter un acte d'enfant né sans vie, lequel est inscrit au registre de décès, ce qui offre la possibilité d'organiser des funérailles. Depuis 2009, les parents ont également la possibilité de choisir un ou plusieurs prénoms pour l'enfant.

La présente proposition de loi nous invite à aller plus loin, en inscrivant dans le code civil la possibilité de lui attribuer un nom. Il s'agit d'une simple faculté, car chacun vit son deuil à sa façon : certains parents ne sollicitent pas de certificat, tandis que d'autres y voient le symbole d'un lien affectif. Comme l'a dit la rapporteure au Sénat, Marie Mercier, il s'agit là d'un accompagnement du deuil par le droit. La vertu du texte est uniquement symbolique et mémorielle, mais ce n'est pas rien.

Le statut juridique de l'enfant né sans vie n'est nullement modifié par le texte. Les sénateurs ont eu la sagesse de préciser que l'inscription de prénoms et nom n'emporte aucun effet juridique. Seuls les enfants nés vivants et viables ont une personnalité juridique.

J'espère que ce texte contribuera, à sa très humble mesure, à accompagner le deuil des familles et de leurs proches, et qu'il permettra de prolonger notre réflexion sur le soutien aux familles, trop souvent seules et démunies. Je partage l'avis de la rapporteure sur le besoin de formation en la matière : quand le destin bascule, et avec lui une vie rêvée pendant de longs mois, nous devons être au rendez-vous. Il est de notre devoir d'offrir un cadre bienveillant et humain au deuil des parents. Dans cet esprit, le groupe Agir ensemble votera la proposition de loi et salue l'unanimité qui semble se dessiner.

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Le sujet que nous abordons dans le cadre de la niche parlementaire du groupe UDI et indépendants est douloureux. Chacun vit son deuil et tente de se reconstruire à sa façon, surtout lorsqu'il s'agit de celui d'un enfant né sans vie.

Ces considérations semblent fort éloignées d'un débat juridique. Pourtant, le droit doit se saisir de cette question, plus complexe qu'il n'y paraît. Son cadre juridique date de 1993, il a évolué grâce à des décrets, à une circulaire et aux interventions du Médiateur de la République, devenu le Défenseur des droits. Les enfants nés sans vie sont distingués des enfants nés vivants et viables, dotés d'une personnalité juridique. Le droit positif permet de donner à l'enfant né sans vie un ou plusieurs prénoms, de l'inscrire à l'état civil, de le faire figurer dans le livret de famille et d'organiser des funérailles, mais pas de lui attribuer un nom. Pour certaines familles, cela n'est pas suffisant. Le statut de l'enfant né sans vie oscille entre la volonté de reconnaître son existence et l'impossibilité de lui accorder la personnalité juridique.

Nous apportons sans hésitation notre soutien à la proposition de loi. La portée de la modification proposée en matière successorale, sociale et fiscale ne fait pas débat. Ainsi, le texte ne ménage aucune ouverture permettant la reconnaissance d'une personnalité juridique. En outre, cette reconnaissance mémorielle demeure facultative.

La transmission du nom soulève une question symbolique. Pour les parents qui le souhaitent, la filiation doit pouvoir être pleinement établie. Par ailleurs, plusieurs associations rappellent que cela permet de matérialiser symboliquement le lien entre l'enfant et le père. Dans certains deuils, le processus d'identification est une étape primordiale. Nous devons entendre ces familles qui, dans leur douleur, ne demandent pas grand-chose. Je salue cette avancée initiée par le Sénat et remercie vivement la rapporteure pour son travail, dont j'espère qu'il permettra une adoption rapide du texte.

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L'an dernier, on a dénombré 8 747 enfants mort-nés, ce qui est considérable. Votre proposition de loi est de bon sens puisqu'en donnant aux parents qui le souhaitent la faculté d'attribuer un nom à l'enfant né sans vie, elle aidera les familles à faire leur deuil.

Une question demeure : à partir de combien de semaines considère-t-on l'enfant viable ? Où placez-vous le curseur ? Pour certains, l'enfant existe dès sa conception. Un enfant né prématuré mais vivant qui décède est normalement inscrit à l'état civil. Qu'en est-il des enfants morts in utero, dont le corps est formé et dont la mère accouche à six mois de grossesse ?

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La proposition de loi vise à répondre aux besoins des familles et des parents d'un enfant né sans vie. Il me semble important d'employer le mot « parents » et de modifier le texte en ce sens, afin de tenir compte de la douleur de tous ceux qui sont victimes de ce drame.

J'ignore comment une loi peut être symbolique mais je dirai que la portée mémorielle et la dimension humaine de ce texte sont importantes puisqu'il ouvre aux parents qui le souhaitent la possibilité de donner un nom à l'enfant né sans vie.

J'aurai deux questions. La circulaire de 2009 soumet l'obtention d'un acte d'enfant sans vie à la production d'un certificat médical d'accouchement ; les critères de l'OMS, de durée de gestation, 22 semaines d'aménorrhée, et de poids, 500 grammes sont-ils toujours pris en compte ? En aucun cas les discours que nous prononcerons dans le cadre de l'examen de ce texte ne doivent remettre en cause le droit des femmes à interrompre une grossesse si elles le souhaitent. Il faut être très clair à ce sujet.

Par ailleurs, le Sénat a adopté un amendement, que je soutiens, garantissant que les dispositions du texte n'accordent pas la personnalité juridique à l'enfant né sans vie. Le texte est-il suffisamment sécurisé sur ce point ? Quel est l'avis des juristes à ce sujet ? Le groupe GDR votera la proposition de loi.

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Je salue l'initiative de la sénatrice Anne-Catherine Loisier et remercie le groupe UDI et indépendants d'avoir présenté ce texte dans le cadre de sa niche parlementaire.

Je pense à ce couple que j'ai reçu dans ma permanence en début de semaine, en état de choc après la perte de leur enfant au cours de la grossesse. Ils connaissaient l'existence de cette proposition de loi, mais ne savaient pas qu'elle serait examinée, hasard du calendrier, cette semaine en commission. Pourront-ils, madame la rapporteure, inscrire le nom de cet enfant sur leur livret de famille une fois la loi promulguée ?

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L'acte d'enfant né sans vie est délivré sur présentation d'un certificat d'accouchement. La circulaire de 2009 précise que celui-ci implique le recueil d'un corps formé et sexué. Le modèle de certificat d'accouchement exclut clairement deux cas : les situations d'interruption volontaire de grossesse (IVG) et les situations d'interruption spontanée précoce de grossesse (la fausse couche précoce). Il est donc parfaitement clair que cette proposition de loi ne menace pas le droit à l'IVG, qui ne peut donner lieu à un certificat d'accouchement. S'agissant de l'appréciation de la limite entre fausse couche précoce, exclue du dispositif, et fausse couche tardive, il y a un consensus médical pour considérer qu'un corps sexué et formé ne peux exister en deçà de la quinzième semaine d'aménorrhée.

En revanche, le modèle de certificat d'accouchement prévoit explicitement que les interruptions médicales de grossesse, qui peuvent intervenir très tardivement au cours de la grossesse, peuvent donner lieu à l'établissement d'un certificat d'accouchement. Un acte d'enfant né sans vie peut donc être établi à la suite d'une interruption médicale de grossesse.

S'agissant de l'emploi des mots « père » et « mère », je suis moi aussi attachée à l'égalité entre les familles. La proposition de loi s'appliquera à toutes les familles, qu'elles soient monoparentales, hétéroparentales ou homoparentales. Je comprends que la rédaction du texte suscite une insatisfaction, mais nous nous inscrivons dans un agenda contraint, et l'adoption d'un seul amendement empêcherait d'adopter conforme la proposition de loi.

Monsieur Mazars, dans la mesure où il s'agit d'une situation juridique non contractuelle, il est évident que la loi pourra être rétroactive.

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Nous devons faire preuve de pragmatisme parlementaire. Si nous adoptons le texte dans les mêmes termes que ceux adoptés au Sénat, la navette parlementaire s'arrêtera et il pourra être promulgué. Nous aurons ainsi ajouté une pierre à l'édifice.

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J'aimerais être certain d'avoir bien compris ce que vient de dire Madame la rapporteure : dès lors que le texte est relatif à des naissances, il ne s'agit pas de situations contractuelles. Toutefois, l'absence de contrat suffit-elle à conférer un caractère rétroactif à la loi ? J'en doute.

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Peut-être aurais-je dû parler d'application immédiate : tous les parents concernés, ou qui l'ont été, pourront demander l'inscription.

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Quelque chose m'échappe. La loi est d'application immédiate et vaut pour l'avenir, mais elle n'est pas rétroactive par principe. Il ne faudrait pas laisser penser que des parents ayant connu un deuil il y a quelques mois ou quelques années peuvent solliciter cette inscription. Madame la rapporteure, il me semble que vous vous méprenez.

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À vrai dire, cette question a été soulevée durant les auditions, car l'attente des familles est réelle. Nous avons interrogé la chancellerie, qui a répondu que la loi serait bien d'application immédiate. Mais nous pourrons vous répondre plus précisément d'ici l'examen du texte en séance publique, afin d'assurer la sécurité juridique de cette question de l'application de la loi.

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Si la rétroactivité de la loi n'est pas envisageable, il faut déterminer s'il sera possible de modifier le livret de famille, en ajoutant le nom de l'enfant, une fois la loi entrée en vigueur.

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L'adoption d'un décret ou d'une circulaire sera sans doute nécessaire pour faire modifier le livret de famille. Cela me semble important et logique. Il semblerait qu'aucune difficulté ne s'oppose à cette évolution pour les familles, qui pourront donner un nom à l'enfant.

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Compte tenu de l'indisponibilité de l'état des personnes, il est nécessaire, pour modifier l'état civil, de conférer à la loi, de façon expresse, un caractère rétroactif. Tel a été le cas lors de la révision des lois de bioéthique, parfois en adoptant des dispositions transitoires.

Toutefois, la présente proposition de loi, dont l'adoption semble faire consensus sous réserve de ces interrogations, n'a aucun effet juridique sur l'état des personnes. Nous pouvons donc nous fonder sur son caractère strictement déclaratif.

Madame la rapporteure, si vos auditions ont fait apparaître un point de doute ou de débat à ce sujet, je vous propose un amendement sur table, susceptible d'être adopté à l'unanimité, prévoyant une clarification par un décret ou une circulaire. À défaut, vous devrez adopter une position très ferme au banc. En tout état de cause, nous ne pouvons pas laisser planer le doute sur ce point.

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Mes chers collègues, je vous propose que nous interrogions la Chancellerie, d'ici l'examen en séance publique, sur l'application du texte aux familles ayant perdu un enfant sans vie avant l'entrée en vigueur de la loi. Madame la rapporteure, vous pourrez décider de déposer un amendement, ce qui empêcherait son adoption conforme. Une expertise juridique, à laquelle nous ne pouvons manifestement pas procéder dès à présent, est nécessaire.

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Entendons-nous bien : sur le fond, il n'y a aucune contestation de la proposition de loi. Les propos liminaires des orateurs de tous les groupes ont été très clairs. Toutefois, nous sommes ici pour faire la loi. Même si le sujet est douloureux et complexe, même s'il exige de l'empathie, nous devons être carrés. Nous ne pouvons pas nous permettre la moindre approximation. Or, sur ce point précis, le texte n'est pas clair. Sur d'autres sujets, honnêtement, nous monterions sans doute un peu rapidement au créneau pour dire « C'est bancal ».

Le doute doit absolument être levé d'ici l'examen du texte en séance publique. Il est même un peu surprenant qu'il ne l'ait pas été avant. Il faut absolument revoir la copie d'ici la semaine prochaine, sous peine de laisser subsister une réelle insécurité juridique. Quant à la circulaire proposée pour préciser les choses, elle est d'emblée contra legem. Tout cela soulève plusieurs questions juridiques que nous ne pouvons pas éluder.

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Je me demande si nous pouvons parler d'effet rétroactif de la proposition de loi, dans la mesure où il s'agit d'une disposition symbolique dépourvue d'effet juridique, donc de tout enjeu de sécurité juridique. Il s'agit de permettre aux parents de déclarer un enfant porteur d'un ou plusieurs prénoms et d'un nom. Il n'existe aucun enjeu de filiation ou de succession, ce qui me semble de nature à apaiser un peu nos inquiétudes.

Une circulaire n'a pas vocation à réécrire le droit, mais elle peut en préciser certains aspects, qui en l'espèce me semblent évidents. Quoi qu'il en soit, il est intéressant de se poser la question. Un éclairage de la Chancellerie peut aussi être utile. En tout état de cause, je ne nourris aucune inquiétude.

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Le sujet, me semble-t-il, a été abordé au Sénat. Le débat qui a eu lieu à cette occasion peut utilement nous éclairer.

Le texte est à la fois une nécessité symbolique et de nul effet juridique. Toutefois, que se passera-t-il si un citoyen demande son application rétroactive ? L'inscription au registre d'état civil est une prérogative exclusive du maire, agissant en tant qu'officier d'état civil, donc en tant qu'agent de l'État et non librement. Le procureur de la République devra donc nécessairement élaborer un texte destiné à dire aux maires comment appliquer la loi que nous aurons adoptée.

Si un citoyen souhaite faire appliquer le texte de façon rétroactive, alors même que la circulaire publiée par la Chancellerie et distribuée aux élus locaux par le procureur de la République le proscrit, c'est au tribunal administratif que les choses seront tranchées. Or la juridiction administrative est souvent très attentive au débat parlementaire. Si nous affirmons clairement que le texte n'a aucun caractère rétroactif, la jurisprudence ne devrait pas contrarier la volonté de la représentation nationale.

L'éclairage de la Chancellerie, que vous suggérez de demander, madame la présidente, est une bonne chose. L'éclairage par nos débats, en l'espèce l'affirmation claire que nous ne visons pas la rétroactivité de la proposition de loi mais l'accompagnement du deuil d'une famille et du traumatisme qu'elle subit, permet de sécuriser les députés qui souhaitent voter ce texte tout en garantissant un éclairage par les procureurs de la République qui devront, si la Chancellerie s'y engage, tenir compte de la volonté du législateur.

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Ce sujet important a été abordé, lors de nos auditions, avec la Chancellerie, qui a mené une réflexion avant de nous adresser une réponse écrite. Il est important de clarifier un point : il s'agit d'une question d'application immédiate de la loi, et non pas de la question de sa rétroactivité.

La délivrance de l'acte d'enfant né sans vie n'est pas soumise à un délai. Les parents d'un enfant né sans vie il y a vingt ans peuvent demander et obtenir l'établissement d'un certificat d'accouchement – plusieurs services de maternité me l'ont confirmé. Une fois la loi promulguée, les parents pourront donc demander à l'officier d'état civil, sur production de ce certificat d'accouchement, d'établir un acte d'enfant sans vie qui portera mention des prénoms et nom de l'enfant.

Si un tel acte a d'ores et déjà été rédigé avec mention d'un ou plusieurs prénoms, comme la circulaire le permet, les parents pourront, une fois la loi promulguée, obtenir la modification de l'acte d'enfant sans vie pour lui attribuer le nom de famille.

Telle est la réponse qui nous a été adressée par la direction des Affaires civiles et du sceau, qui envisage également une modification du décret du 15 mai 1974 relatif au livret de famille et à l'information des futurs époux sur le droit de la famille.

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Madame la rapporteure, je vous remercie de ces précisions et de cette clarification. Nous demanderons à la Chancellerie de bien préciser les choses. En vue de l'examen du texte en séance publique, je vous adresserai, chers collègues, la note qu'elle m'enverra, afin que chacun puisse se forger un avis éclairé. Il ne faut pas que des familles imaginent bénéficier des dispositions du texte si tel n'est pas le cas ou que, dans le cas contraire, elles ignorent cette possibilité. Il importe que chacun soit fixé sur ce point, qu'il faut préciser de façon certaine.

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble de la proposition de loi est ainsi adopté

Puis, la Commission examine la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, favorisant l'implantation locale des parlementaires (n° 4560) (M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur).

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Nous sommes très nombreux, dans cette commission et plus largement dans cette assemblée, à nous interroger sur le fonctionnement de notre démocratie et sur les moyens de répondre à la crise que celle-ci traverse. Il y a d'ailleurs des missions d'information en cours sur ce sujet. L'abstention s'accroît, la désaffection vis-à-vis des responsables politiques également. De plus en plus, les élus sont accusés d'être « déconnectés » ou « hors sol ». Cette défiance des citoyens envers leurs représentants concerne en particulier les parlementaires : seuls 39 % des Français déclarent avoir confiance en leurs députés, contre 64 % pour les élus municipaux.

La proposition de loi organique favorisant l'implantation locale des parlementaires, adoptée par le Sénat le mois dernier, offre une réponse à cet état de fait préoccupant. Ce texte, présenté par Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste du Sénat, a pour objet de revenir partiellement sur la loi organique de 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

Le régime mis en place par la loi organique de 2014 est très strict, pour ne pas dire absolu. Ainsi, les membres d'un conseil municipal exerçant un mandat de parlementaire ne peuvent même pas recevoir de délégation du maire, alors même que celle-ci est par nature limitée, dans son objet comme dans son périmètre. La proposition de loi organique vise donc à réajuster le régime d'incompatibilité pour permettre le cumul entre le mandat de parlementaire et l'exercice de certaines fonctions exécutives locales, par exemple celles de maire d'une commune de moins de 10 000 habitants, de président ou vice-président d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont la population totale est inférieure à 10 000 habitants, de vice-président de conseil départemental ou de conseil régional. Le texte permet aussi le cumul avec des fonctions exécutives dans divers organismes, dont les syndicats mixtes. Je proposerai, à travers un amendement, de l'autoriser avec la fonction d'adjoint au maire dans les communes de moins de 100 000 habitants seulement.

Le débat sur le cumul des mandats est ancien. Les positions et les arguments des uns et des autres sont bien connus. Il s'agit ici non pas de revenir sur le principe de l'interdiction du cumul mais d'effectuer un rééquilibrage proportionné et modéré du droit, sur la base du bilan des quatre dernières années. En effet, le régime d'interdiction créé par la loi de 2014 a-t-il amélioré le fonctionnement du Parlement et, plus largement, celui de notre démocratie ? Selon moi, la réponse est résolument non, pour deux raisons principales.

Premièrement, la fracture entre les citoyens et les parlementaires n'a fait que s'aggraver. Ainsi, l'abstention a continué de progresser : lors des élections législatives de 2017, elle a dépassé pour la première fois le seuil des 50 %. Par ailleurs, 70 % des Français se disent d'accord avec la phrase suivante : « Les responsables politiques sont déconnectés de la réalité et ne servent que leurs propres intérêts ». Il n'en va pas de même lorsqu'il est question des maires.

L'adoption de ce texte permettrait de lutter contre la fracture ressentie par de trop nombreux Français entre le niveau local et les élus nationaux. À l'occasion de la crise des Gilets jaunes – je pense au début du mouvement et non aux événements qui ont suivi, lors desquels nous avons eu à subir des casseurs de tout poil –, nos concitoyens ont réclamé des parlementaires qu'ils soient plus en phase avec leur vie quotidienne. Cela avait d'ailleurs conduit le chef de l'État lui-même à s'interroger publiquement à propos du cumul des mandats des parlementaires. Lors de la première grande réunion organisée dans le cadre du grand débat national, le 15 janvier 2019, il demandait : « Faut-il permettre de ravoir des mandats locaux, du moins dans certaines proportions, sans être dans des exécutifs de premier plan, peut-être ? »

Le maire, en particulier, reçoit de la part de la population des sollicitations beaucoup plus diverses qu'un parlementaire. Cela lui donne une vision plus large des difficultés rencontrées par nos concitoyens – ainsi que par les élus locaux, notamment lorsqu'il s'agit d'appliquer des lois et des textes réglementaires parfois contradictoires ou inadaptés à la réalité du terrain. Il est regrettable pour la qualité de nos travaux que la loi de 2014 ait à ce point appauvri la source d'inspiration des parlementaires : une implantation locale permettrait de prendre des mesures moins idéologiques et plus pragmatiques.

Il me semble indispensable de faire en sorte que les réalités locales aient un meilleur accès à une tribune nationale à travers le mandat parlementaire, de manière à faire remonter au Parlement et au Gouvernement les problèmes rencontrés par nos administrés. Loin de moi l'idée de prétendre que les parlementaires qui ne cumulent pas d'autres mandats n'ont pas tenté de le faire ; ils y sont même parfois parvenus. Force est toutefois de constater que les élus locaux se confient moins que par le passé à nous, députés – mais cela vaut aussi pour les sénateurs –, comme l'a montré l'audition de Guy Geoffroy, représentant de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), car ils ne nous perçoivent plus comme faisant partie de leurs pairs : nous ne gérons plus des réalités similaires.

Je puis en témoigner personnellement, ayant exercé simultanément, pendant dix-sept ans, les fonctions de maire et celles de parlementaire : le maire est destinataire d'une multitude d'informations, circulaires et injonctions de la part des grands services déconcentrés de l'État, qu'il s'agisse des préfectures, de l'éducation nationale, des services de l'équipement, de l'environnement et du logement, ou encore des administrations sociales. Songez par exemple à cette circulaire folle qui visait à encadrer en soixante-dix pages le retour des enfants à l'école après la première vague de la covid-19. Aucun d'entre nous n'en fut destinataire. On voit bien que cela nuit au contrôle de l'action du Gouvernement par le Parlement. Même si nombre d'entre vous se sont efforcés de faire le tour des maires de leur circonscription, vous avez eu bien du mal à embrasser la diversité des situations et à mesurer le décalage existant entre cette circulaire et la réalité locale, alors même que les maires et les associations de maires ne parlaient que de cela.

L'exercice concomitant d'un mandat représentatif national et d'un mandat exécutif local d'une étendue limitée constitue un équilibre entre le « dire » et le « faire » qui serait précieux pour notre vie démocratique et pour le Parlement. Il est faux de dire et de croire que l'exercice d'un mandat délibératif local permet un ancrage local suffisant : la responsabilité opérationnelle de services publics locaux, l'échange permanent avec les services de l'État sont irremplaçables pour saisir au mieux les attentes des citoyens et les difficultés rencontrées. De même, la simple consultation régulière des élus locaux de la circonscription par les parlementaires, que pratiquent d'ailleurs la plupart d'entre nous, n'est pas suffisante pour saisir pleinement les difficultés quotidiennes rencontrées par les Français, car ces derniers ne saisissent pas un maire et un parlementaire des mêmes questions.

Il ne s'agit évidemment pas de considérer qu'un parlementaire n'est pas connecté aux Français ou qu'il ne l'est que s'il dispose de fonctions exécutives locales. L'objectif du texte est simplement de rétablir la possibilité d'exercer ces fonctions, car le Parlement a tout à gagner à disposer dans ses rangs d'élus qui sont aussi en position de responsabilité au niveau local. La qualité du travail législatif et du travail de contrôle s'en trouverait renforcée.

Deuxièmement, les dispositions de la loi organique de 2014 ont eu des conséquences délétères sur l'équilibre institutionnel et sur l'influence du Parlement.

Le durcissement du régime d'interdiction du cumul a contribué à l'affaiblissement du Parlement face au Gouvernement.

Les députés et sénateurs qui étaient aussi maires, présidents ou vice-présidents de conseils départementaux disposaient d'une forme de légitimité supplémentaire et donc d'indépendance à l'égard du Gouvernement. Au niveau local, ils formaient un contrepoids utile au pouvoir des préfectures. À cet égard, je puis témoigner du fait qu'en vingt ans de vie parlementaire, je n'ai jamais vu un tel manque de considération du corps préfectoral envers les parlementaires : dans la mesure où ces derniers n'exercent plus de fonctions exécutives, ils ne sont plus des partenaires avec lesquels l'État doit apprendre à composer pour mettre en œuvre les politiques publiques.

Les parlementaires ayant en parallèle une fonction exécutive locale étaient également plus indépendants vis-à-vis de leur groupe politique et des pressions auxquelles celui-ci les soumet. Bertrand Mathieu, professeur de droit public, a souligné cet aspect dans la contribution écrite qu'il nous a fournie : les parlementaires qui ont pu trouver leur légitimité dans un mandat local et dans le lien qu'ils ont su établir avec leurs électeurs au niveau local osent davantage se confronter à leur groupe politique. Cette indépendance nous semble précieuse.

Enfin, la réforme issue de la loi organique de 2014 a contribué à dévaloriser le mandat de parlementaire par rapport à l'exercice de fonctions exécutives locales, en premier lieu celle de maire. J'en veux pour preuve le fait qu'en 2020, quatre-vingt-sept parlementaires se sont portés candidats en tant que tête de liste aux élections municipales, c'est-à-dire en sachant que le régime d'incompatibilité leur imposerait de démissionner de leur mandat parlementaire en cas de succès. Parmi les députés concernés, vingt-sept étaient issus des groupes de la majorité. À la suite du scrutin, une vingtaine ont renoncé à leur mandat de parlementaire. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. Ils doivent nous préoccuper, car ils constituent une sorte de cursus honorum inversé.

Certaines fonctions – celles de président du conseil départemental ou régional et de maire d'une grande ville – doivent rester incompatibles avec le mandat de parlementaire, en raison du niveau de responsabilité et d'engagement qu'elles exigent. Pour les autres, il me paraît indispensable d'assouplir le régime d'interdiction du cumul. L'argument du manque de temps, sans cesse répété, ou encore celui de la nécessité pour un parlementaire de se consacrer entièrement à son mandat, ne tiennent pas. D'une part, les mandats nationaux et locaux ne s'excluent pas ; ils peuvent même se nourrir mutuellement. D'autre part, il est possible de cumuler le mandat de parlementaire avec l'exercice de nombreuses activités professionnelles. Pourquoi pourrait-on être à la fois député et professeur, médecin, avocat ou chef d'entreprise, mais pas député et conseiller municipal délégué ou maire adjoint ?

Je suis bien conscient du fait qu'ouvrir le débat sur le cumul des mandats, à l'initiative de nos collègues du Sénat, n'est pas tout à fait dans l'air du temps, lequel est caractérisé par la démagogie et un éternel procès en culpabilité des parlementaires, mais cela répond aux exigences de l'époque. Même si ce n'est pas populaire, il nous appartient d'y réfléchir, d'examiner les travers et les excès de la loi de 2014 et les difficultés qu'elle pose du point de vue de la qualité et de la pertinence des travaux parlementaires. En nous interdisant de réfléchir à cet enjeu, d'en débattre et de proposer des améliorations, en en faisant un tabou sous prétexte que l'opinion publique n'y est pas favorable – alors même qu'il n'a jamais été démontré que celle-ci exigeait la disparition des députés-maires, notamment –, nous renoncerions à faire notre travail.

Pour reprendre l'expression du Premier ministre lors d'un déplacement, le 22 octobre dernier, les dispositions contenues dans ce texte constituent des mesures de « bon sens », car il est « fort utile pour l'exercice des mandats nationaux d'avoir les pieds sur terre, ce contact permanent avec la réalité ». Je suis certain que notre commission saura se montrer réceptive à ces sages paroles.

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Cette proposition de loi vise à remettre en cause l'interdiction pour un parlementaire d'être maire en rendant possible cette situation dans les communes de moins de 10 000 habitants. Elle a aussi pour objectif de permettre à un parlementaire d'exercer la vice-présidence d'organes exécutifs des collectivités, des intercommunalités, ou encore d'être maire délégué, maire adjoint ou maire d'arrondissement, sans limite de seuil, tout en cumulant les indemnités. Il s'agit donc tout simplement de faire machine arrière en autorisant un retour au cumul des mandats.

Pourtant, le non-cumul est issu d'un long processus démocratique : la loi du 3 février 1992 a plafonné les indemnités en cas de cumul et celle du 5 avril 2000 a limité à deux le nombre de fonctions exécutives locales. Le comité présidé par Édouard Balladur, créé en 2007, a réfléchi à la question, de même que la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, en 2012. Enfin, la loi organique de février 2014 a mis fin au cumul de la fonction de maire avec un mandat de parlementaire.

Tout a été dit à propos du cumul des mandats, mais la question revient, comme par hasard, à quelques mois des élections. On n'a pas fini la première législature sans cumul, on n'en a pas tiré les leçons, que l'on veut déjà revenir sur cette interdiction.

Je voudrais vous indiquer les raisons principales pour lesquelles le groupe La République en marche est défavorable à ce texte.

Premièrement, la loi autorise déjà le cumul avec un mandat local non exécutif. Nombre d'entre nous sont conseillers municipaux, départementaux ou régionaux. Pour être précis, 56 % des députés ont un mandat local. Il est donc faux de dire que la loi empêche les parlementaires de s'impliquer dans la vie des collectivités territoriales. Nous pouvons prendre part aux discussions, délibérer et voter lors de ces assemblées. N'est-ce pas là une bonne manière d'agir au niveau local et de se connecter à la réalité des territoires ? Représenter les collectivités territoriales, ce n'est pas nécessairement en diriger une. Penser le contraire, comme le laisse entendre cette proposition de loi, c'est manquer un peu de respect envers le travail des 500 000 élus locaux.

Deuxièmement, le seuil de 10 000 habitants – même si j'ai pris note du fait que des amendements visent à faire évoluer le texte sur ce point – me paraît arbitraire, et présente un vrai risque d'inconstitutionnalité. Surtout, ce seuil est contre-intuitif et traduit une mauvaise connaissance du travail des maires de petites villes ou de villages. Ces derniers ont très peu d'agents, leur conseil municipal est réduit et, souvent, tout repose sur eux dans leur commune : leurs administrés les appellent en cas de problème, ce sont eux qui s'occupent des appels à projets ou de trouver des financements. Comment pourraient-ils exercer en plus un mandat de député ? A contrario, les maires de grandes collectivités ont des directeurs de cabinet, des services pléthoriques et de nombreux adjoints ; pour le coup, ils pourraient facilement passer deux ou trois jours à Paris.

Troisièmement, la charge de travail d'un maire est considérable. D'après le dernier baromètre AMF-CEVIPOF, les maires des communes de 1 000 à 3 500 habitants consacrent 35 heures hebdomadaires à leur mandat. Cette charge de travail s'élève à 45 pour les communes de 3 500 à 10 000 habitants. Maire, c'est un engagement à temps plein. Et qui peut dire ici qu'il n'en va pas de même de celui de député, en particulier avec le développement de la fonction de contrôle ? Nous n'avons besoin ni de demi-députés ni de demi-maires.

Quatrièmement, certains voient dans le cumul des mandats le moyen de faire avancer les dossiers à Paris. Est-ce cela que nous voulons : un député qui pourrait privilégier telle ou telle commune de sa circonscription ? Faudrait-il donc donner un siège de député à tous les maires pour que les dossiers avancent ? Comme le disait Michel Debré en 1955, « le cumul des mandats est un des procédés de la centralisation française ».

Enfin, les députés, quand ils sont dans leur circonscription, sont sur le terrain : au marché, sur le bord d'un terrain de rugby ou dans leur permanence, ils sont en contact continu avec les Français.

S'il est encore trop tôt pour faire le bilan de cette législature, il est d'ores et déjà avéré que la loi limitant le cumul des mandats a entraîné un important renouvellement de la classe politique, son rajeunissement et sa féminisation. La venue massive de députés issus de la société civile a favorisé un travail législatif formidable dans de très nombreux domaines.

Il n'en demeure pas moins que la proposition de loi effleure de vraies questions. Comment réaffirmer le rôle du parlementaire, qui est encore méconnu de nos concitoyens ? Faut-il limiter le cumul horizontal des mandats locaux ? En effet, on peut être simultanément maire, président d'EPCI, conseiller régional, vice-président d'un pôle d'équilibre territorial et rural (PETR), etc. ? Comment améliorer l'information et le travail des parlementaires sur le terrain avec les services de l'État et avec certains élus ? Comment réduire le processus de technocratisation des charges des exécutifs locaux ? Comment limiter le cumul dans le temps – car c'est aussi un engagement que nous avons pris ? Comment organiser une démocratie plus directe entre le Parlement et les citoyens ? Enfin, quel doit être le statut de l'élu ? Toutes ces questions sont fondamentales. Il faut donc aborder le sujet globalement, de façon sereine, en concertation avec les élus locaux, mais pas simplement sous l'angle du non-cumul.

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Merci, monsieur le rapporteur, de mettre sur la table ce sujet qui fait débat chez les parlementaires, chez les élus et assez largement aussi dans la population.

Le non-cumul est paré de toutes les vertus. Il est même souvent fantasmé. En réalité, les résultats de cette disposition, prise sous la présidence Hollande et adoptée par les députés socialistes de l'époque, ne sont pas à la hauteur des espérances. Le système s'est sclérosé. On s'envoie à la figure de nombreux arguments, tels que le temps plein que suppose l'exercice d'un mandat ou le caractère hors sol et la déconnexion des parlementaires ne cumulant pas les mandats.

Qu'est-ce qu'un temps plein ? Cela correspond-il à 35 heures ? La vie d'un élu est-elle comparable à celle d'un salarié ? Je n'en suis pas sûr. Nous n'avons pas tous, non plus, les mêmes envies, la même capacité de travail, ni les mêmes ambitions. Par ailleurs, le cumul avec certaines activités professionnelles, y compris à temps plein, reste possible, et c'est tant mieux : il est possible, pour un parlementaire, d'exercer en tant que médecin, enseignant ou chef d'entreprise. Nous n'allons pas nous en plaindre, car le contact avec la vraie vie nourrit notre réflexion et notre action ; nos interactions nous permettent de constituer des réseaux – sans que le terme soit négatif – et de faire remonter des interrogations.

Nous allons être nombreux à déposer des amendements en vue de l'examen la semaine prochaine, par notre commission, du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). Or certains d'entre nous n'ont aucune connaissance du fonctionnement d'une collectivité locale. Alors que le texte comporte déjà 200 articles, il y en aura probablement 400 ou 450 à la fin, ce qui complexifiera encore plus les choses. Et ce sont les mêmes qui auront voté ces amendements qui iront dire, au niveau local, qu'on enquiquine tout le monde avec ces règles, que tout cela devient complexe et qu'il faudrait laisser du temps pour digérer les modifications. Il y a un peu de schizophrénie, par moments…

Il y a aussi la crainte de l'opinion publique, censée ne pas accepter le cumul des mandats. En réalité, ce dont l'opinion ne veut pas, ce sont des élus qui ne sont pas présents et qui ne travaillent pas. À partir du moment où nos concitoyens croisent régulièrement sur le terrain leurs parlementaires et les autres élus, ils n'ont pas la même approche. Il faut être « à portée d'engueulade ». C'est vrai pour les élus locaux comme pour les parlementaires. Le travail de terrain nourrit notre réflexion et notre action.

Du reste, il n'est pas question ici de remettre en cause le non-cumul : la loi de 2014 perdurera. Ce que proposent Jean-Christophe Lagarde et son groupe, c'est une modalité d'application du non-cumul. Certains y verront un pied dans la porte, une brèche entrouverte, mais ce n'est qu'une brèche : il n'est pas question de cumuler un mandat de parlementaire avec la présidence d'une grande collectivité comme un département, une région ou une grande agglomération. L'interdiction du cumul se comprend, dans ces cas-là, car l'exercice de ces fonctions requiert de la disponibilité. Mais la modalité d'application qui est proposée permettrait de s'investir dans la gestion du quotidien. Certes, les préoccupations qui nous animent sont évidemment celles du quotidien de nos concitoyens, mais à travers le prisme de la loi et du contrôle, et en aucun cas celui de la vie dans un hameau, un village ou une ville, au plus proche des territoires. C'est pour cela que l'on nous accuse souvent d'être hors sol et que l'on manifeste de la défiance à notre égard.

Cette proposition de loi nous invite aussi à réfléchir à la manière de rendre plus visible le travail des parlementaires. Cela dépend sans aucun doute de chacun d'entre nous – il convient de mieux communiquer, informer et faire participer les citoyens –, mais cela suppose aussi une certaine visibilité dans l'exercice de mandats locaux. Or cela ne peut pas passer par la nomination des parlementaires dans toutes les commissions départementales possibles et imaginables, qui ne sont bien souvent que des organes purement administratifs, où l'on reste entre soi, sans contact avec la population. Qui plus est, elles ne sont pas non plus nécessairement décisionnaires. Siéger dans les commissions d'élus de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), voire au conseil de surveillance des agences régionales de santé (ARS), comme le proposent certains, c'est encore moins de temps sur le terrain, au contact direct de la population.

Les seuils proposés dans le texte peuvent évidemment bouger. Quoi qu'il en soit, vous l'aurez compris, il nous semble important de réfléchir au cumul des mandats. La question ne manquera pas d'animer nos discussions et celles de nos concitoyens.

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Dans un contexte marqué par l'abstentionnisme croissant d'une partie de l'électorat, la question de la revitalisation de la démocratie se pose inévitablement à nous. Il est donc légitime de débattre du cumul des mandats, qui permettrait, selon vous, monsieur le rapporteur – et selon les auteurs de ce texte –, une meilleure implantation locale et pourrait ainsi répondre au procès en déconnexion intenté aux parlementaires.

Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés s'est toujours mobilisé pour promouvoir un renforcement de notre démocratie. Nous œuvrons sans cesse pour faire du Parlement le miroir de la nation et pour faire en sorte que la démocratie française renoue avec la diversité de notre société, ce qui passe notamment par une représentation des différentes sensibilités, mais aussi par un lien accru avec les territoires dans l'action que nous menons au quotidien.

La proposition de loi organique vise donc à revenir sur l'interdiction du cumul des mandats pour assurer un enracinement dans les territoires. Même si le sujet mérite d'être débattu, il devrait s'inscrire dans le cadre d'une réforme plus vaste, abordant la question du cumul en lien avec d'autres enjeux, par exemple l'organisation du calendrier de travail parlementaire, la maîtrise par les deux chambres de leur ordre du jour, la mise en place d'un véritable travail de contrôle et d'évaluation sur le terrain, ainsi que la proportionnelle, évidemment, que nous défendons avec constance depuis des années.

Si nous voulons revitaliser notre système démocratique, c'est l'ensemble des équilibres qu'il faudrait repenser. Derrière la question du cumul des mandats, se pose une multitude d'autres questions, notamment concernant le rôle des élus, leur statut, leurs pouvoirs, l'organisation de leur travail et leur légitimité. Enfin, la légitimité et la crédibilité des parlementaires dépendent aussi de leur ancrage, de leurs liens avec nos concitoyens et de leur expertise. Plusieurs travaux sont en cours sur ces sujets pour formuler des propositions allant dans le sens d'une refondation de nos institutions et de notre vie démocratique. Je pense bien sûr aux réflexions menées par ma famille politique, mais également à la mission d'information consacrée à la participation électorale, ou encore au groupe de travail de la commission des lois sur les modalités d'organisation de la vie démocratique.

Pour toutes ces raisons, notre groupe ne soutiendra pas cette proposition de loi. Il faut engager une réforme d'ampleur, qui suscitera un débat plus complet. Cela nous semble nécessaire pour regagner plus largement la confiance de nos concitoyens.

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Je souscris entièrement aux propos du porte-parole de La République en marche et le remercie de les avoir tenus. Je crois que l'enjeu n'est pas tant de regarder dans le rétroviseur et d'essayer de revenir sur le non-cumul que de se projeter vers le Parlement du futur, ce qui suppose sans doute une réforme de l'après-non-cumul.

Il est vrai que la loi organique de 2014 est très stricte. Son premier objectif était de garantir la lisibilité du mécanisme en marquant une séparation entre les fonctions exécutives locales et le mandat de parlementaire.

Le cumul n'est pas la condition de l'ancrage d'un parlementaire dans son territoire. Notre vie professionnelle et personnelle – par exemple quand nous amenons nos enfants à l'école – nous permet de partager la vie de nos concitoyens et nous ancre dans le territoire. Au contraire, le cumul avec un mandat exécutif, très prenant quelle que soit la taille de la commune, ne peut que diminuer la disponibilité du parlementaire pour sa tâche. Or celle-ci n'est pas inutile, lui seul peut l'accomplir et il ne saurait s'agir d'une décoration qu'obtient le maire le plus important de la circonscription, comme cela a très souvent été le cas.

Le député-maire a affaibli le Parlement. En étant peu présent et en faisant passer sa collectivité avant le travail parlementaire, il l'a même en partie vidé de son sens. Ce qui doit primer, c'est le travail sur les textes, et non le cumul des responsabilités. Au-delà du fait qu'il est moins disponible, on ne saurait ignorer les conflits d'intérêts susceptibles d'entacher les décisions prises par un parlementaire qui est aussi élu local. À cela s'ajoutent une illisibilité de l'action du parlementaire et un moindre rayonnement du Parlement.

L'ancrage est une vraie question, dont nous sommes tous très soucieux. Or c'est déjà une réalité : nous avons tous des permanences, nous avons tous mis en place des dispositifs de consultation du type ateliers ou conseils citoyens. J'imagine même, pour ma part, la possibilité de référendums locaux sans valeur décisionnelle qui seraient à la main du parlementaire. En outre, le contrôle, qui est une dimension trop souvent ignorée de notre fonction, devrait s'exercer davantage dans nos circonscriptions. Enfin, il faut reconnaître dans la Constitution le rôle local des députés, à l'image de ce qui y est écrit concernant les sénateurs. Cela pourra faire l'objet d'un engagement dans la campagne présidentielle.

Pour renforcer l'ancrage, comme nous le souhaitons tous, il faudra faciliter le travail local du député par des mesures législatives et réglementaires. Plusieurs missions d'information intéressantes ont été mené sur ces questions au cours de la législature. Je pense notamment à celle portant sur la concrétisation des lois, qui a montré la nécessité pour le parlementaire d'effectuer dans sa circonscription, in situ, le contrôle de l'application des lois qu'il a votées. Cela lui permet de travailler encore plus dans la proximité : de la même manière qu'il a pris en compte en amont les demandes des citoyens, il leur rend compte ensuite du travail effectué et s'assure de l'application et de la concrétisation de la loi sur le territoire. C'est un travail nouveau que nous devons nous préparer à faire.

Il faudra également préciser le rôle du député auprès des assemblées d'élus locaux à travers des textes réglementaires ou législatifs. Quand une assemblée locale débat d'une loi, il faut que le parlementaire puisse venir expliquer lui-même le texte qu'il a voté : c'est aussi sa place.

En ce qui concerne la proposition de loi que vous défendez, nous ne pouvons pas vous suivre : mon groupe votera contre.

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Merci, monsieur le rapporteur, d'aborder devant nous un sujet que je considère comme central, même si je regrette que nous soyons appelés à en débattre de manière aussi rapide.

Mon groupe n'a pas une position unanime sur la question. L'opinion que j'exprimerai devant vous, même si elle est majoritairement partagée par mes collègues, sera donc avant tout personnelle.

Je ne cherche pas à alimenter des polémiques stériles. Toutefois, je suis globalement très hostile à la proposition que vous nous présentez. Loin d'être seulement un instrument favorisant l'implantation locale des parlementaires, elle prépare un retour au cumul des mandats, que les Français dénoncent et refusent pourtant de longue date. Je regrette que vous envisagiez de faire machine arrière toute : c'est faire fi des demandes des citoyens.

Qui plus est, je vous avoue ne pas comprendre votre argumentaire. Selon vous, les députés seraient hors sol, déconnectés du réel, extérieurs à la société. Pour ma part, à côté de mes fonctions de député, je vis une vie de père de famille : j'amène mes enfants à l'école et à la bibliothèque et je vis avec eux. Je croise des gens sur les marchés, où je ne me rends pas seulement pour serrer des mains, mais également pour faire des commissions en famille. Je n'ai pas du tout le sentiment d'être déconnecté du réel. Mais peut-être cette déconnexion supposée est-elle dénoncée par ceux qui ont eu le sentiment d'être déconnectés du mode de vie dont ils avaient pris l'habitude en cumulant les fonctions…

Vous suggérez le retour au cumul dans les exécutifs locaux. Or, y compris d'un point de vue technique, cela pose des difficultés. D'abord, le rôle des collectivités territoriales se renforce et la complexité des fonctions exercées dans ces exécutifs est sans cesse mise en avant, ce qui suppose d'avoir des élus locaux entièrement voués à leur mission. Je vois mal comment je pourrais m'occuper d'un EPCI, fût-il de moins de 10 000 habitants, à côté de mes fonctions de parlementaire. Ensuite, d'un point de vue déontologique, voire éthique – ne s'agit-il pas de valeurs que l'on poursuit dans cette vénérable assemblée ? –, le non-cumul permet le renouvellement, ce qui peut contribuer à donner un nouveau souffle à la démocratie, dont on regrette souvent la perte de dynamisme.

Cela dit, on peut débattre de tout, et je suis très sensible à l'une des questions que vous soulevez : il existe effectivement une certaine défiance des citoyens, en particulier à l'égard des députés – un peu moins envers les sénateurs, pour des raisons que nous n'aurons pas le temps d'envisager ici. Notre système présente des imperfections persistantes, notamment l'abstentionnisme, contre lequel il faut s'armer. Toutefois, je suis en désaccord avec votre proposition, à la fois sur la forme et sur le fond.

Je suis en désaccord sur la forme, car on ne lance pas un tel débat à six mois d'une élection présidentielle, même si cela présente l'intérêt majeur de nous permettre de donner notre position sur cette question, qui peut être abordée pendant la campagne.

Sur le fond, et sans chercher la polémique stérile, le véritable enjeu me semble être ailleurs : c'est au cumul horizontal qu'il faut s'attaquer, ainsi peut-être qu'au cumul des fonctions électives dans le temps. On pourrait imaginer de limiter le cumul des mandats de parlementaire dans le temps – par exemple à trois mandats – à l'image de ce qui a été fait pour le chef de l'État. En outre, une réflexion sur le statut des parlementaires me paraît inévitable. Un parlementaire a-t-il vraiment vocation à enfoncer des portes à Paris pour faire avancer certains dossiers ? Enfin, le rôle du député dans sa circonscription mériterait sans doute d'être éclairci.

En interdisant le cumul des mandats, nous avons fait la moitié du chemin. Il serait préjudiciable de faire machine arrière ; essayons plutôt d'aller jusqu'au bout. Nous ferions mieux, également, de repenser la démocratie.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la proposition de loi.

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Je suis effaré par les arguments de ceux qui s'opposent au texte.

Certains d'entre eux nous contestent le droit de mettre sur la table cette question dans une période préélectorale. Si, à l'occasion d'une élection présidentielle, on ne peut plus parler que d'immigration et d'identité nationale, on se prive de bien des sujets ! Qui plus est, en évoquant l'ancrage des parlementaires dans leur territoire, on est au cœur d'un débat qui non seulement dépasse l'élection présidentielle à venir mais reviendra lors des prochaines législatures.

D'autres nous expliquent que, par construction, un parlementaire ne pourrait pas être maire ou adjoint, même d'une petite commune, par manque de temps. Dans ce cas, il faut aller au bout du raisonnement et décréter le mandat unique : si l'on est maire à temps plein, on ne peut pas être simultanément vice-président d'un département. Dites que le premier vice-président d'une région, également maire d'une commune de 50 000 habitants, ne peut pas présider un pays ou exercer les fonctions d'inspecteur général de l'éducation nationale ou de la culture. Allez jusqu'au bout, et vous aurez achevé de casser ce qui fait la richesse de la démocratie française depuis si longtemps, à savoir la possibilité pour des hommes et des femmes de donner de la cohérence à l'action publique dans un territoire.

Par ailleurs, il n'est pas vrai que, pour un parlementaire, c'est la même chose d'être conseiller municipal ou maire. Et ce n'est pas faire offense aux 500 000 élus municipaux de France : c'est comme cela qu'ils vivent les choses. Un conseiller municipal ne participe pas aux mêmes réunions, il n'a pas le même niveau d'information au même moment et, lorsqu'il pose une question au directeur général des services, celui-ci le renvoie vers le directeur de cabinet ou l'adjoint en charge de cette délégation – en tout cas dans les collectivités qui fonctionnent normalement.

La loi interdisant le cumul a été prise par pure démagogie. Elle résulte d'une erreur d'appréciation : ce que nos concitoyens ne veulent pas, ce sont des élus qui n'exercent pas leur mandat. Ils sont aussi hostiles au cumul des indemnités. À cet égard, des dispositions existent depuis longtemps concernant les parlementaires, puisque leurs indemnités font l'objet d'un écrêtement. Dans la même logique, il faudrait s'interroger sur les indemnités des élus locaux : certains d'entre eux les cumulent en même temps que les fonctions.

L'UDI considère que c'est le bon moment pour ouvrir le débat. Vous disiez qu'il était trop tôt pour faire un bilan de cette législature, la première au cours de laquelle les parlementaires n'ont pas eu la possibilité de gérer des exécutifs locaux. Or il ressort de toutes les études d'opinion que le Parlement n'a jamais été aussi mal considéré par nos concitoyens. C'est à se demander parfois à quoi nous servons, si ce n'est, comme l'a rappelé M. Gosselin, à siéger dans un nombre croissant de commissions Théodule, dépourvues du moindre pouvoir décisionnaire – car, dans des domaines importants, c'est l'État central qui prend les décisions, par exemple, en ce qui concerne la santé, à travers les ARS, et les élus locaux sont contraints de les appliquer.

La proposition de loi que nous défendons est modérée : elle ne vise pas à réinstaurer un cumul total. Il y avait des abus, en effet, et il importe de ne pas les rendre de nouveau possibles. Nous limitons les possibilités de cumul aux collectivités ne dépassant pas une certaine taille et à certaines fonctions exécutives.

Il est important de rouvrir le débat, car il est dans l'esprit de nos concitoyens et des élus locaux. Un parlementaire n'a pas la même relation avec les maires et les élus territoriaux de sa circonscription selon qu'il exerce ou non lui-même un mandat exécutif – sans parler du cas où il ne détient aucun autre mandat.

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Cette proposition de loi est-elle en mesure de régler ou de contribuer à régler le problème démocratique auquel nous sommes confrontés, avec l'abstention et la défiance qui est souvent notre lot ? Je ne le pense pas.

Il faut d'abord faire un sort à l'idée selon laquelle les parlementaires cumuleraient les mandats dans le temps : 50 % des députés ne sont pas réélus. Cela veut dire qu'il y a un renouvellement énorme.

Ensuite, tout dépend de la manière dont on conçoit le rôle du député. Selon certains, le député est un bel esprit, qui fait la loi en étant dégagé de toute contingence matérielle, voire de tout territoire. Une loi élaborée de cette manière est peut-être le paradis aux yeux d'un tel député, mais c'est l'enfer pour la majorité des Français, car une loi déconnectée de la réalité n'est jamais un bon texte.

À ce propos, cela m'amuse toujours quand j'entends parler du « Citoyen » : pour ma part, je ne connais que des « citoyens », qui viennent me voir pour que je règle leurs problèmes. Parfois, c'est tout simplement impossible au vu du dossier. Mais il arrive aussi que ce soit l'administration qui bloque, parce qu'elle applique les règles de manière rigide. Peu importe si le service rendu au citoyen et à la collectivité n'est pas bon : l'essentiel est que tout soit bien bordé sur le plan juridique, par crainte du juge. Je pourrais en donner des exemples dans de nombreux domaines, parmi lesquels l'urbanisme et les transports. Je pense ainsi à une jeune fille qui est obligée de faire 5 kilomètres à vélo tous les matins pour aller à l'école alors qu'il aurait été préférable qu'elle prenne le car. Or cela lui a été refusé au motif qu'elle devrait être accompagnée par un adulte entre l'arrêt du car et l'école. Son frère aurait pu le faire, mais c'est impossible aux yeux de l'administration. Que voulez-vous faire quand on en arrive à un tel degré d'imbécillité ?

Les citoyens nous disent que nous sommes bien gentils mais que nous n'avons pas de pouvoir, que c'est l'administration qui dirige tout. À cela s'ajoute la superpuissance de l'exécutif sous la Ve République : les députés ne servent pas à grand-chose. La solution me paraît évidemment de passer à une VIe République, mais pas forcément celle de notre ami Mélenchon. Ce pourrait être une République fédérale, car quand on divise le pouvoir, on introduit de l'équilibre et de la démocratie et on rend les gens intelligents. C'est le cas des Allemands : en l'absence de système majoritaire, ils sont obligés d'être intelligents.

Le renforcement de nos pouvoirs me semble être un minimum, que ce soit par la maîtrise de notre ordre du jour, par l'instauration éventuelle d'une minorité de blocage ou par la possibilité d'exercer un véritable contrôle de l'exécutif. Lorsqu'un ministère nous remet un rapport, il ne nous montre que ce qu'il veut bien nous montrer, de sorte que si nous ne disposons pas de l'assistance nécessaire pour effectuer une analyse complète, nous nous faisons rouler dans la farine ! Pour que le contrôle soit efficace, l'action de chaque ministère doit être suivie par des spécialistes. J'ai conscience de faire ici un peu le procès de la Ve République.

Quant au Sénat, il représente davantage les communes – un sénateur a bien souvent été représentant de l'Association des maires de France dans son département – que les départements et les régions. Aussi les sénateurs pourraient-ils être élus par trois collèges représentant respectivement les régions, les départements et les communes.

Ces différentes mesures seraient beaucoup plus efficaces que le cumul des mandats car nous avons besoin de temps, notamment pour contrôler l'administration et, le cas échéant, lui imposer une décision politique lorsque celle-ci correspond aux besoins de la population.

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Nous sommes totalement opposés à la logique de cette proposition de loi organique qui se donne pour objectif de revenir au cumul des mandats. Car, sous le sympathique vocable d'« implantation », qui vise à susciter l'adhésion, se cachent en fait les pratiques de la Ve République que le peuple déteste le plus ; je veux parler des baronnies dignes de l'Ancien Régime, parfois héréditaires, dans lesquelles un notable local, petit roi en son petit pays, décide de tout presque seul, en cumulant les mandats électifs. Nous croyions en avoir fini avec ces pratiques, mais voilà qu'on tente de les rétablir !

Les parlementaires ne sont pas des plantes dont il faudrait faire pousser les racines, ce sont des représentants de la nation. Si le peuple a pu estimer, à juste raison, que certains d'entre eux étaient déconnectés de la vie quotidienne des gens, ce n'est pas parce que lesdits parlementaires ne détiennent pas de mandats locaux mais précisément parce que l'accumulation de mandats contribue à créer peu à peu une petite caste élective qui vit de la politique et ne connaît rien d'autre, parce que le peuple est largement exclu des fonctions électives et que les personnes issues des classes populaires n'accèdent qu'exceptionnellement à la fonction de parlementaire – sous cet aspect, la législature actuelle ne fait pas exception.

Le rôle d'un parlementaire n'est pas de cumuler des mandats, il est de représenter le peuple dans sa diversité politique. Il y aurait, certes, beaucoup à faire en la matière, mais ce n'est certainement pas en autorisant le cumul que l'on favorisera cette représentation.

Si vous êtes favorable au cumul des mandats, monsieur le rapporteur, sans doute est-ce parce que vous pensez que les parlementaires n'ont plus aucun pouvoir. C'est vrai : notre assemblée a été transformée en chambre d'enregistrement des desiderata de l'exécutif. Mais le cumul des mandats aggraverait le problème au lieu de le résoudre. Il faut plutôt rétablir l'Assemblée nationale dans son rôle de contre-pouvoir, de véritable législateur, et lui permettre de contrôler effectivement l'action du Gouvernement.

La France insoumise souhaite que les députés soient élus, comme ce fut le cas en 1986, à la proportionnelle départementale ; c'est du reste l'une des propositions que nous avions présentées l'an passé lors de la journée réservée à notre groupe. Ainsi, nous garantirions la représentation de l'ensemble des forces politiques au sein de l'Assemblée. Les parlementaires, il faut le rappeler, ne représentent pas des territoires : ils représentent les citoyens et le peuple politique. Ils sont élus pour défendre le programme politique qu'ils ont présenté lors de la campagne électorale, les citoyennes et les citoyens se prononçant en fonction de ce qu'ils pensent être l'intérêt général. C'est pourquoi les dix-sept parlementaires du groupe La France insoumise, qui représentent 7 millions d'électeurs, transcrivent leur programme, « L'Avenir en commun », en propositions de loi et en amendements.

De manière générale, nous estimons qu'il faut refonder nos institutions en les repensant de fond en comble. Si notre démocratie est malade, ce n'est pas du non-cumul des mandats mais de l'exclusion du peuple, qui ne se reconnaît pas dans les institutions. L'abstention augmente élection après élection, le peuple boude les urnes et les élections intermédiaires sont ravalées au rang de référendum : pour ou contre le Président de la République. La monarchie présidentielle se manifeste dans toute sa caricature lors des allocutions au cours desquelles ce dernier explique ses décisions sans que celles-ci fassent l'objet d'un débat démocratique.

Nous voulons donc une VIe République démocratique, c'est-à-dire décidée par et pour le peuple. Dès 2022, une assemblée constituante devra être convoquée ; composée de personnes qui n'auront jamais exercé de mandat parlementaire, elle sera chargée exclusivement d'écrire la nouvelle Constitution et pourra éventuellement, dans ce cadre, traiter de la question du cumul des mandats. Il faut repartir sur des bases entièrement neuves !

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La proposition de loi que nous examinons a pour objet de « favoriser l'implantation locale des parlementaires ». Aussi, je veux tout d'abord rappeler que nous sommes des élus de la nation, chargés d'élaborer et de voter la loi de la République pour l'ensemble de nos concitoyens.

Ensuite, chacun d'entre nous a un parcours, s'est engagé pour défendre des idées, un projet, une vision de la société. La plupart ont eu des responsabilités associatives, politiques, syndicales ; certains – c'est mon cas – ont été longtemps des élus locaux. Forts de cette sorte d'éducation populaire, nous avons acquis une expérience et une connaissance particulière de la société qui nous permettent de travailler à des propositions. Nombre d'entre nous sont encore membres d'une assemblée locale et restent ainsi en contact avec les réalités locales. Au demeurant, rien n'empêche un député de travailler avec les maires, quelle que soit leur sensibilité politique.

Le non-cumul permet notamment le renouvellement. Je pense à la présence des femmes en politique. Celles-ci ont déjà deux journées en une : si l'on passe à quatre, il leur sera encore plus difficile d'accéder aux responsabilités.

Il est proposé de rétablir la possibilité de cumuler un mandat parlementaire avec la fonction de maire d'une commune de moins de 10 000 habitants. Mais ce sont précisément les maires de ces communes-là qui ont le moins de disponibilités : ils s'occupent de tous les dossiers ! Ils sont toujours disponibles ! J'insiste, à ce propos, sur la nécessité de créer un statut de l'élu, qui permettrait à beaucoup de maires, contraints d'exercer parallèlement une activité professionnelle, de mieux remplir leur mandat.

Si l'on veut combler le fossé qui s'est creusé entre les citoyens et les citoyennes et leurs représentants, il faut s'attaquer à la source du problème, c'est-à-dire à nos institutions, qui ont vieilli, sont usées et ne correspondent pas à l'appétit de citoyenneté actuel. Nous devons donc les revoir, accroître le rôle du Parlement, notamment en revenant sur l'inversion du calendrier électoral, dont la logique nuit à l'ancrage local du député puisqu'elle vise avant tout à donner une majorité au Président nouvellement élu.

Mettons fin à la Ve République, qui vieillit mal, et remplaçons-la par une nouvelle république : c'est en procédant ainsi, plutôt qu'en ajoutant le cumul au cumul, que nous parviendrons à améliorer les relations entre les citoyens et citoyennes et leurs élus !

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Ce qui m'a frappée, lorsque j'ai été élue députée, en 2017, c'est le décalage entre ce qui se passe sur le terrain et les lois que nous votons.

Je ne suis pas défavorable par principe à une certaine souplesse dans l'application de l'interdiction du cumul des mandats. Cela dit, je souhaite interroger le rapporteur sur deux points.

Premièrement, j'ai déposé un amendement visant à fixer à 5 000 habitants le seuil en-deçà duquel le maire d'une commune peut exercer un mandat de député. Il s'agit cependant d'un amendement d'appel : je souhaiterais savoir si le choix du seuil de 10 000 habitants, qui figure dans la proposition de loi, repose sur un critère objectif.

Deuxièmement, il est question dans le texte des EPCI de moins de 10 000 habitants. En existe-t-il ? Dans mon département, les communautés de communes comptent plutôt 100 000 habitants, voire plus.

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Je m'en tiendrai à une observation factuelle. J'ai été maire pendant seize ans ; lorsqu'en 2017, j'ai renoncé à le rester en raison de l'interdiction du cumul des mandats, ma majorité s'est divisée. J'ai constaté que beaucoup de collègues députés ont rencontré ce type de problème trois ans plus tard, lorsque, conseillers municipaux de la majorité, ils ont décidé de se présenter contre le maire sortant. Qu'ils aient ou non remporté l'élection, on a assisté à de véritables drames. Il aurait mieux valu laisser les maires sortants aller au terme de leur mandat.

J'estime, pour ma part, que le cumul n'est pas une mauvaise chose – à condition que le député qui exerce également les fonctions de maire ne puisse pas cumuler les indemnités. De fait, il est de plus en plus difficile, dans les petites communes rurales, de trouver une personne qui accepte d'être maire.

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D'abord, je n'ai pas la prétention d'être l'auteur de cette proposition de loi organique : elle émane du Sénat. Parce que nous l'avons jugée intéressante, nous avons souhaité que l'Assemblée en débatte. Ensuite, elle n'apporte pas la solution au problème de la désaffection de nos concitoyens pour la politique, mais elle est une des pistes qui méritent d'être explorées. Il ne s'agit pas, ici, de faire au dispositif actuel un procès en ancrage politique ; nous constatons simplement que la possibilité de cumuler un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale, qui est à présent refusée aux députés, n'a détruit l'Assemblée ni sous la IIIe République, ni sous la IVe République, ni sous la Ve République. Il n'y a donc pas lieu d'en faire un tabou ou de la diaboliser. Par ailleurs, notre propos n'est pas de définir ce qu'est un bon député ou un bon sénateur : ce sont les électeurs qui en décident.

Madame Florennes disait que le Parlement doit être le reflet de la société. C'est vrai et, actuellement, une grande diversité de parcours personnels peut être représentée à l'Assemblée ; le seul qui n'ait plus droit de cité, c'est celui d'adjoint au maire, de conseiller municipal délégué ou de maire. Il faut donc parvenir à un équilibre en la matière.

Je n'ai pas la naïveté de croire que la majorité adoptera cette proposition de loi, qui plus est en fin de législature, mais je connais suffisamment le fonctionnement du Parlement et l'opinion publique pour savoir qu'une idée a besoin de temps pour faire son chemin. Notre ambition, en vous soumettant ce texte, est de défendre l'idée qu'en 2014, nous sommes tombés dans l'excès et que des ajustements sont nécessaires.

Je ne citerai qu'un seul exemple. Un parlementaire ne peut pas être président du conseil d'administration d'un office public HLM, alors que cette fonction ne requiert que cinq jours de présence par an, qu'elle ne confère aucun pouvoir exécutif et qu'elle n'est pas indemnisée. Pourtant, lors de l'examen d'un texte tel que la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN, il peut être utile de connaître les enjeux du logement social. Certes, on peut auditionner les acteurs concernés, mais cela ne vaut pas l'observation directe et la pratique. Telle est la philosophie de cette proposition de loi organique.

Je souhaiterais que l'on se garde, les uns et les autres, de verser dans la caricature. Monsieur Cazeneuve, vous avez commencé votre intervention par quelques affirmations péremptoires, avant d'admettre que la question devait être examinée de manière globale. Je partage l'idée selon laquelle le cumul de mandats locaux peut faire naître des conflits d'intérêts potentiels – par exemple, lorsqu'un élu est à la fois vice-président d'un conseil départemental ou régional et maire de sa commune ou président d'un EPCI. Tel n'est pas le cas, contrairement à ce qu'ont dit certains d'entre vous, lorsqu'on cumule une fonction exécutive locale et un mandat parlementaire, et ce pour une raison simple : chacun d'entre nous représente un cinq-cent-soixante-dix-septième du pouvoir de cette assemblée, si tant est qu'elle en ait ! La capacité à peser sur la décision est donc – nous le mesurons chaque jour – beaucoup plus faible que lorsqu'on exerce deux mandats exécutifs locaux.

Toutefois, vous le savez, la Constitution de la Ve République et le règlement de notre assemblée sont ainsi faits qu'un groupe parlementaire comme le groupe UDI-I a une seule journée par an pour poser une question. Dès lors, il ne peut pas consacrer l'entièreté de cette journée à l'examen de l'ensemble des problèmes soulevés par le cumul. Notre ambition est de susciter la réflexion. Au reste, on pourrait au moins nous reconnaître le courage d'aborder cette question avant les élections. Contrairement à ce qui a été dit, c'est bien le moment de le faire, car c'est à la fin d'un mandat qu'on en dresse le bilan et qu'on trace des perspectives.

Le seuil de 10 000 habitants retenu dans la proposition de loi organique ne pose pas de problème d'ordre constitutionnel. Le Conseil constitutionnel – je réponds là à Madame Ménard – considère en effet qu'un tel seuil doit être justifié. Il ne le serait pas s'il était fixé à 5 000 habitants, par exemple ; il le serait davantage s'il correspondait à l'un des différents seuils qui figurent déjà dans nos lois. Nous pourrions donc en discuter : pourquoi pas 9 000 habitants plutôt que 10 000 ? J'ai repris le seuil retenu par le Sénat, mais M. Brindeau en proposera d'autres. En tout état de cause, il me semble qu'une limite est souhaitable, y compris, même si le Sénat n'en a pas prévu, pour le mandat d'adjoint au maire – je proposerai donc que nous en fixions une.

Le mandat parlementaire, a-t-on dit, s'exerce à plein-temps. Enfin, soyons sérieux ! Lequel d'entre nous travaille 35 heures par semaine ? Lorsque j'étais député et maire, je devais travailler 110 à 115 heures par semaine. De fait, chacun de ces deux mandats représente à lui seul beaucoup plus qu'un plein-temps. Par ailleurs, je conçois parfaitement, cher collègue Cazeneuve, que le maire d'une petite commune rencontre davantage de difficultés que le maire d'une grande commune, ne serait-ce que parce qu'il a moins de services à sa disposition. Mais j'observe que la plupart de ces maires sont dans l'obligation d'exercer un métier à côté de leur mandat, notamment en raison de la faiblesse des indemnités qu'ils perçoivent. Cependant, on ne peut tout de même pas verser une indemnité correspondant à un plein-temps au maire d'une commune de 1 500 habitants. Il faut donc accepter qu'ils travaillent par ailleurs, à moins qu'ils ne soient tous retraités – ce qui ne serait pas forcément une bonne chose, car ils ne représenteraient pas la diversité de la population. Et, s'ils travaillent par ailleurs, sans doute peuvent-ils exercer des fonctions parlementaires.

Ne pas pouvoir exercer une fonction exécutive locale – celle d'adjoint au maire ou de conseiller délégué, par exemple – appauvrit la capacité que l'on a de percevoir ce qui se passe. Je ne dis pas qu'un parlementaire doit forcément exercer une telle fonction, je dis que le priver de cette possibilité est excessif. J'observe du reste, madame Florennes, qu'au Sénat, les représentants du MODEM ont voté cette proposition de loi organique. Ils ne la jugent sans doute pas parfaite, mais le débat existe : assumons-le !

Madame Untermaier et madame Buffet, en revanche, ont indiqué qu'il n'y avait pas lieu de débattre de cette question. Pourtant, encore une fois, le débat existe. Il y a une seule affirmation que je conteste, c'est celle selon laquelle l'opinion publique se serait prononcée à ce sujet. De fait, jamais il n'a été démontré que les électeurs rejetaient le cumul de la fonction de maire et du mandat de député. J'irai même au-delà : lorsque c'était le cas, ils n'avaient qu'à ne pas choisir leur maire comme député... Ils avaient évidemment tout le loisir de le faire !

Au demeurant, si l'on adoptait le seuil proposé, l'Assemblée nationale ne redeviendrait pas ce qu'elle était avant 2014, puisque les députés qui cumulaient alors étaient les maires des grandes communes. Il y avait d'ailleurs là quelque chose d'anormal car, dans un pays aussi centralisé que le nôtre, le rôle du député peut effectivement être d'ouvrir des portes à Paris – et je réponds là à monsieur Euzet –, notamment celles des administrations. Or si le maire d'une grande commune – Marseille, Toulouse ou Paris – a accès aux ministères, ce n'est pas le cas de l'édile d'une commune de 6 000 ou 7 000 habitants, qui n'a quant à lui accès qu'au préfet – ce n'est pas la même chose.

Monsieur Gosselin s'est dit favorable au texte. Je précise cependant que l'objet de la proposition de loi organique est d'assurer, non pas la visibilité du travail des parlementaires, mais la diversité de leurs profils. Il est arrivé que se succèdent des assemblées où siégeaient majoritairement des membres de la fonction publique, des chefs d'entreprise ou des élus locaux. Ce n'est pas sain : il n'est pas bon de limiter la diversité des profils composant une assemblée. On a dit que le rôle des maires des petites communes était trop complexe, mais qui est responsable de cette situation, sinon le Parlement, qui vote la loi, et le Gouvernement, qui édicte des décrets ? L'AMF a ainsi rapporté que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, impose aux maires d'augmenter de 50 % la production de logements sociaux dans leur commune quand la loi « climat et résilience » les exhorte à limiter l'artificialisation des sols ! Oui, nous rendons la vie difficile aux maires. C'est pourquoi il serait bon que certains d'entre eux puissent siéger à l'Assemblée et au Sénat pour éviter ce type d'injonctions contradictoires.

Madame Untermaier, l'interdiction actuelle me paraît trop stricte : il est des fonctions que des députés pourraient utilement occuper sans être de mauvais parlementaires. Je ne crois pas que la vie privée, si riche soit-elle, permette de connaître la diversité des difficultés et des aspirations de nos concitoyens qu'un mandat municipal, même d'adjoint au maire, permet d'appréhender. Dans vos permanences, vous ne serez jamais saisis de certains problèmes, qui sont pourtant soumis au maire. Il est dommage que nous soyons privés de cette possibilité d'alimenter notre mandat parlementaire.

Encore une fois, le cumul des mandats ne serait pas une obligation. Limité aux maires des communes de 9 000 ou 10 000 habitants, il ne conférerait pas une position prédominante dans la circonscription, mais permettrait à celui qui est élu député d'avoir une corde de plus à son arc. J'ajoute que, comme vous l'avez dit, madame Buffet, l'élection présidentielle précédant les élections législatives, la volonté de donner une majorité au Président prime, si bien que le fait d'être maire d'une commune de 5 000 habitants ne favoriserait guère votre élection en tant que député.

Enfin, je le répète, nous savons que la proposition de loi ne sera pas adoptée, mais le moment viendra. Il n'est pas logique que l'on puisse être parlementaire sans avoir la possibilité d'acquérir une expérience locale. Les lois que nous votons s'appliquent aux chefs d'entreprise – et un chef d'entreprise peut être député –, aux administrations – et un fonctionnaire, même en exercice, peut être parlementaire –, mais elles s'appliquent également aux collectivités ; or un maire ne peut pas être député…

Pour conclure, je suis d'accord avec ceux qui estiment qu'une réforme plus globale est nécessaire. Cependant, j'appelle votre attention sur la petite musique que l'on entend de plus en plus selon laquelle les sénateurs sont plus proches des élus locaux. On finira donc par admettre, lorsqu'interviendra la révision constitutionnelle, qu'il est légitime que les sénateurs puissent cumuler, mais pas les députés. Du point de vue de l'équilibre des pouvoirs entre les deux assemblées, une telle réforme serait délétère, car elle accroîtrait la capacité des sénateurs à peser sur le processus législatif et à faire remonter des questions dont nous n'aurions toujours pas connaissance – je parle bien entendu d'une prochaine législature.

Madame Ménard, comme moi, vous êtes bien placée pour savoir qu'un maire reçoit des informations dont vous êtes privée en tant que députée et qu'on le sollicite au sujet de problèmes qui ne seront pas abordés dans votre permanence. J'ajoute, pour répondre à votre question, qu'il existe bien entendu des EPCI de moins de 10 000 habitants. Enfin, je ferai des propositions sur le cumul du mandat de parlementaire avec certaines fonctions au sein de sociétés d'économie mixte et de sociétés publiques locales car de telles fonctions, qui ne sont pas chronophages, permettent d'apprendre beaucoup sur la réalité du terrain.

Article 1er (art. L.O. 141-1 du code électoral) : Assouplissement du régime des incompatibilités entre le mandat de parlementaire et l'exercice de fonctions exécutives locales

Amendement CL7 de Mme Cécile Untermaier.

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Il s'agit d'un amendement de suppression, et j'en regrette le caractère radical, mais il me semble que le débat a pu aller jusqu'à son terme et que nous n'avons plus aucun doute sur la finalité de votre démarche.

Elle me semble triste, la vie de députée telle que vous la décrivez ! Pour ma part, je n'attends pas d'un mandat supplémentaire un ancrage plus profond ou un surplus d'expérience, tant le temps me manque pour embrasser toute la richesse de celle que m'offre le mandat de député.

On nous a reproché le caractère démagogique du non-cumul. Mais, en 2014, la loi a été très compliquée à faire adopter, car il n'était pas si simple, pour les sénateurs et même pour les députés siégeant dans nos rangs, de rompre avec une tradition qui était chère à beaucoup, d'autant plus que le cumul offrait une sorte de parapluie fort utile, compte tenu de la difficulté des élections législatives. Nous avons donc plutôt fait preuve de courage en remettant en jeu notre mandat sans pouvoir compter sur le secours de ce parapluie. En tout état de cause, cette loi était une manière sincère de prendre en considération le refus du cumul que nous percevions dans nos territoires respectifs, même s'il s'exprime peut-être avec moins d'acuité aujourd'hui.

Enfin, le véritable courage consiste, non pas à revenir en arrière, mais à aller de l'avant en imaginant d'autres moyens de conforter le rôle du député – car, je suis d'accord avec vous sur ce point, monsieur le rapporteur : il doit l'être – que le rétablissement du cumul, qui contribuerait en réalité à l'affaiblir. Du reste, la suppression de la réserve parlementaire a été un facteur d'affaiblissement. Sans doute ne faut-il pas la rétablir, mais nous devons réfléchir à d'autres moyens que les députés pourraient avoir d'aider les associations de leur circonscription.

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Notre ambition, Madame Untermaier l'a dit, est de susciter le débat et la réflexion. La suppression de l'article empêcherait cette réflexion ; j'y suis donc défavorable.

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Le débat est en effet utile : de vraies questions se posent sur le statut de l'élu, notamment du parlementaire, ou son information. Je ne crois donc pas qu'il faille voter cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL8, CL9, CL10, CL11 de M. Pascal Brindeau et CL4 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune).

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Ces amendements, qui sont peut-être perçus par certains de nos collègues comme une provocation, sont en fait des amendements d'appel. Soulever la question des seuils, c'est aborder le fond du débat : le temps et l'implication exigés par un mandat parlementaire interdisent-ils réellement l'exercice d'une fonction exécutive locale ? Nous pouvons entendre – et c'est en cela que notre proposition de loi organique est modérée – que l'implication du maire d'une commune de 3 500 habitants, aussi forte soit-elle, n'est pas de même nature que celle du maire d'une commune de 100 000 habitants. C'est pourquoi nous avons déposé ces amendements, par lesquels nous vous soumettons différents seuils.

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Sur cette question, qui doit être débattue au sein de notre assemblée, je m'en remets à la sagesse de la commission. Je remercie monsieur. Cazeneuve d'avoir dit que ce débat devait avoir lieu, même s'il mérite d'être plus large.

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Les amendements montrent que le seuil de 10 000 habitants est quelque peu artificiel. Je crois, quant à moi, que, pour cette raison, la proposition de loi organique présente un risque constitutionnel. J'ajoute, monsieur Brindeau, que le texte n'est pas modéré car, en proposant de fixer le seuil à 10 000 habitants – et, à plus forte raison, à 50 000 ou à 80 000 habitants –, vous requalifiez, si je puis dire, des centaines de milliers d'élus locaux en n'en excluant que quelques centaines, notamment les présidents de département, de région et de grandes métropoles. Quel que soit le seuil, c'est une modification profonde de la règle actuelle que vous proposez.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CL16 du rapporteur et CL12 de M. Pascal Brindeau.

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Dans la rédaction issue du Sénat, le texte ne fixe pas de seuil pour le cumul d'un mandat parlementaire avec des fonctions d'adjoint au maire. Nous proposons que celles-ci puissent être exercées par un parlementaire lorsque la commune compte moins de 100 000 habitants.

La commission rejette les amendements.

Elle rejette l'article 1er.

Article 2 (supprimé)

Amendements CL17 du rapporteur, CL14 de M. Pascal Brindeau, CL18 du rapporteur et CL15 de M. Pascal Brindeau (discussion commune).

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Il s'agit de rétablir l'article 2 dans sa version initiale qui, tout en permettant le cumul d'un mandat parlementaire avec des fonctions exécutives locales, excluait toute possibilité de cumuler les indemnités liées à ces mandats. Le Sénat a cru bon de revenir sur cette interdiction ; je crois que ce n'est ni nécessaire ni utile à la compréhension du texte par nos concitoyens. Je ne vois pas qui reprocherait à des parlementaires de travailler bénévolement.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle maintient la suppression de l'article 2.

Après l'article 2

Amendements identiques CL19 du rapporteur et CL13 de M. Pascal Brindeau.

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Il est actuellement interdit d'être député et président du conseil d'administration d'un office HLM, d'un établissement public industriel et commercial ou d'un établissement public administratif. Cette interdiction nous paraît excessive : de ce fait, aucun parlementaire ne peut, par exemple, avoir une connaissance pratique de la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, la GEMAPI. C'est regrettable. Je propose donc qu'un parlementaire puisse exercer une de ces fonctions, qui ne sont ni chronophages ni, pour la plupart d'entre elles, rémunératrices mais qui lui permettraient d'améliorer sa connaissance des dossiers.

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Ces amendements sont représentatifs de ce qui constitue un conflit d'intérêts, puisqu'ils permettraient à un député, qui sollicite les suffrages de ses concitoyens, d'attribuer l'attribution de logements. C'est précisément pour cette raison que nous ne voulions plus de l'ancien dispositif, rejeté dans nos territoires.

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Madame Untermaier, je ne peux pas vous laisser dire cela. Votre propos pourrait témoigner d'une méconnaissance du processus d'attribution des logements sociaux. Celui qui exerce le pouvoir au sein d'un office HLM, c'est son directeur général, et non le président de son conseil d'administration. Par ailleurs, les attributaires sont l'État, la caisse d'allocations familiales et les collectivités locales de tutelle. Comme quoi, une connaissance fine du terrain permet de mieux légiférer…

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Je n'ai jamais présidé une telle commission, mais je connais le dispositif. Lorsque l'on vient me demander un logement, je sais qui il faut saisir et le rôle qu'a le président lorsqu'il est saisi d'une telle demande.

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Je ne veux pas croire que vous le saisissez de ces demandes pour avoir des électeurs : c'est ce que vous sembliez dénoncer tout à l'heure.

La commission rejette les amendements.

Elle rejette l'ensemble de la proposition de loi.

Enfin, la Commission examine la proposition de loi instaurant diverses dispositions relatives aux fonctionnaires et militaires originaires d'outre-mer (n° 4554) (Mme Nicole Sanquer, rapporteure).

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Je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission, que je sais particulièrement sensible au sort des outre-mer et des ultramarins, et attachée à l'égalité entre les citoyens, tous les citoyens !

Des dispositions spécifiques régissent les outre-mer. Ce ne sont pas des anomalies, encore moins des privilèges. Ce ne sont que les compensations, souvent limitées, des difficultés liées à l'éloignement, à l'insularité, à la géographie et à l'histoire, que nos compatriotes qui vivent sur le continent européen n'imaginent même pas.

Je ne défends pas cette proposition de loi pour jeter la pierre au Gouvernement ou à l'État. Je suis bien placée pour savoir que les outre-mer sont complexes et que les solutions dont ils ont besoin le sont également. L'erreur est humaine ; c'est persévérer dans l'erreur qui est diabolique. Quand nous identifions un manquement, un dysfonctionnement, une malfaçon, notre devoir de représentants élus est de tout faire pour les corriger. Telle est l'humble ambition de cette proposition de loi : soumettre à la Représentation nationale les accrocs ressentis sur le terrain et suggérer les voies pour y remédier. Les cinq articles de ce texte, que je vais détailler, n'ont pas d'autre objet.

L'article 1er est relatif à l'indemnité temporaire de retraite, l'ITR. Ce dispositif ancien, datant des années 1950, consistait à octroyer une sur-pension aux agents retraités de l'État qui allaient passer leurs vieux jours dans certains territoires d'outre-mer, qu'ils en soient originaires ou non. C'était injuste et cela coûtait cher. Le Gouvernement a décidé sa suppression progressive en 2008, par une diminution graduelle étalée sur vingt ans. Cette réforme est accomplie aux trois quarts. Elle a rempli ses objectifs de limitation des coûts et des effets d'aubaine.

Pourtant, ce succès pour l'État s'accompagne d'un recul pour les ultramarins. En fermant le robinet dont abusaient des profiteurs, on a coupé les vivres, pour partie, à des agents installés sur le terrain. Or, nous le savons, les retraités ultramarins coûtent moins cher parce que, et c'est triste, ils vivent moins longtemps. Sans ITR, leur taux de remplacement est ridicule : si la réforme est menée à bien, il sera de l'ordre de 40 % du revenu d'activité. C'est très faible. Dans les faits, les agents retraités de l'État qui vivent en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à La Réunion vont plonger dans la précarité.

Il y a une colère locale que le Parlement doit entendre. Elle a une source simple : le parjure du Gouvernement, qui a fait des promesses qu'il n'a pas tenues. Ce n'est pas le gouvernement d'aujourd'hui qui est en faute – je le précise – mais, en vertu du principe de la continuité de l'État, ce sont les ministres actuels qui doivent assumer. En 2008, lorsque la suppression de l'ITR a été votée, le ministre d'alors a promis la poursuite du dialogue et des mesures de compensation. Mais, en 2010, un rapport d'inspection a affirmé que c'était inutile, que nos concitoyens ultramarins devaient s'estimer heureux de leur sort et qu'on en resterait là. Cette vexation n'a pas été oubliée dans nos territoires.

Par l'article 1er, nous ne demandons pas le rétablissement de l'ITR : nous maintenons le principe de sa disparition en 2028. Nous suspendons seulement sa diminution en sifflet afin de donner à l'État le temps nécessaire pour discuter avec les acteurs de terrain les justes compensations et les mesures transitoires. Alors même que la réforme des retraites ne verra pas le jour sous cette législature et que personne n'a mandat pour s'engager sur l'avenir à l'issue du printemps, cette position me semble pondérée et très acceptable. Cela apparaît même comme le premier pas vers un dialogue renoué avec l'État, pour redonner confiance à nos fonctionnaires établis outre-mer après ce long silence et ces engagements non tenus.

L'article 2 vise à donner un rang législatif à la définition du centre des intérêts matériels et moraux, le CIMM. Cette notion est employée par les administrations d'emploi et par Bercy pour allouer aux agents publics le bénéfice de divers dispositifs tels que les congés bonifiés et l'ITR, notamment. Pour le moment, l'appréciation du CIMM relève exclusivement de l'administration qui recourt, sous le regard du juge administratif, à la méthode du faisceau d'indices. Sont pris en compte les lieux de naissance, de scolarité et de vie, mais aussi les propriétés foncières, les séjours sur place et jusqu'au lieu d'inhumation des parents.

Quel est le résultat de cette architecture juridique ? Comme l'a souligné à maintes reprises le président Olivier Serva, il est très mauvais. Les administrations font ce qu'elles veulent ; les unes ne sont pas tenues par les décisions des autres, de sorte que le ministère de la Fonction publique peut vous accorder le CIMM quand le ministère des Finances vous le refuse. C'est aberrant ; c'est pourtant clairement affirmé dans une circulaire gouvernementale. Plus choquant encore : ce raisonnement aboutit à fermer des portes pour des raisons d'opportunité. On pourra reprocher à un Polynésien venu travailler en Europe le lieu de naissance de ses enfants, et refuser de reconnaître ainsi son attachement à son pays. C'est inacceptable. Le législateur ne doit pas accepter ce qui relève, au sens strict, de l'arbitraire. La rédaction que je vous propose est forcément discutable et amendable, mais elle fait consensus dans le monde syndical et permettra à chacun de savoir quelle est la règle applicable.

L'article 3 traite, lui aussi, d'une inégalité inexplicable ; je parle de l'indemnité d'installation en métropole des militaires ultramarins, l'INSMET. Où est l'inégalité ? Vous allez le comprendre très vite. Si vous êtes un militaire martiniquais, guadeloupéen ou réunionnais, vous avez droit à une prime égale à neuf mois de solde. Si vous êtes un militaire guyanais, vous avez droit à une prime égale à douze mois de solde. Et si vous êtes un militaire polynésien, calédonien, wallisien ou mahorais, vous avez droit à une tape dans le dos, c'est-à-dire à rien !

Cette disparité qui date des années 1950 est incompréhensible ; le Président de la République l'a lui-même souligné cet été en Polynésie française. À sa demande, la ministre des Armées a annoncé, le mois dernier, après l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour, qu'elle allait restaurer l'égalité par voie réglementaire. Nous, députés des outre-mer, étions ravis. Je me préparai même à déposer un amendement de suppression de l'article 3 de ma proposition de loi. Mais je dois dire que les derniers jours m'ont singulièrement inquiétée et refroidie. Pour moi, restaurer l'égalité signifie accorder aux Mahorais et aux militaires du Pacifique la même INSMET qu'aux ultramarins des départements et régions d'outre-mer, soit neuf mois de solde. Je crains que, pour le Gouvernement, il ne s'agisse de donner à tout le monde la même prime, fixée à quatre, six ou huit mois de solde.

Je tiens à être claire : il n'est pas question que la solidarité envers nous, ultramarins, se fasse sur le dos des autres ultramarins. Dans la devise de notre République figure la fraternité nationale. Nos militaires sont mobilisables au nom de la France, pas au nom des outre-mer. Nous n'accepterons pas que le Gouvernement dégrade le sort des Guadeloupéens, des Martiniquais, des Guyanais et des Réunionnais, au prétexte fallacieux d'assurer notre égalité. J'appelle donc solennellement à adopter l'article 3, non seulement pour faire progresser l'égalité, mais aussi pour faire obstacle à la perspective que caresse le Gouvernement et qui, croyez-le, lui coûtera bien plus cher que les quelques économies qu'il espère.

L'article 4 traite de la reconversion professionnelle des militaires d'outre-mer pour faciliter leur retour dans leur territoire d'origine. Les choses sont complexes et je veux bien entendre que les dispositifs de droit commun peuvent suffire, s'ils sont convenablement aménagés. Je me bornerai donc à solliciter un rapport du Gouvernement.

Enfin, l'article 5 tend à aligner sur le régime civil des congés bonifiés les dispositifs de permission de longue durée applicables aux militaires. Les comparaisons sont délicates, car les droits et les devoirs d'un soldat diffèrent beaucoup de ceux d'un fonctionnaire. Là encore, il faut procéder prudemment, et j'entends solliciter du Gouvernement, en séance publique, toutes les précisions qu'il pourra apporter.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je me réjouis que les outre-mer soient de nouveau au centre des travaux de votre commission. Cette proposition de loi a fait l'objet d'une large concertation en amont, dans les territoires, auprès des élus comme des représentants des forces économiques. J'espère qu'elle bénéficiera aussi de votre soutien. L'État nous doit des réponses ; or, conserver pieusement des dispositifs des années 1950 au motif que les choses sont compliquées n'en est pas une. Nous attendons, et j'ose espérer que nous obtiendrons, davantage.

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Notre collègue Nicole Sanquer met en lumière des préoccupations prégnantes dans les territoires ultramarins, qui font l'objet de débats depuis plusieurs années. Il aura fallu attendre les engagements de l'exécutif, notamment du Président de la République, pour que leur soit enfin donnée une suite favorable – j'y reviendrai.

L'indemnité temporaire de retraite, le centre des intérêts matériels et moraux, l'indemnité d'installation des militaires ultramarins, leur reconversion professionnelle et leurs congés bonifiés : autant de sujets qui suscitent une attention particulière. L'audition par la rapporteure des ministères concernés a démontré tout l'intérêt accordé à l'égalité de traitement entre nos fonctionnaires, qu'ils exercent dans l'Hexagone ou outre-mer. Je sais l'implication continue de mes collègues dans ces dossiers ainsi que celle de la majorité dans la recherche d'un consensus.

De fait, lors de sa visite officielle en Polynésie française, le Président de la République a confirmé, dans son discours prononcé à Papeete le 28 juillet dernier, qu'une commission paritaire serait créée afin de proposer, en lien avec les exécutifs locaux, des solutions concrètes pour réparer les injustices dont souffrent nos militaires et nos fonctionnaires. Avant même l'installation de cette commission, le Gouvernement a souhaité avancer sur ces questions restées trop longtemps sans réponse. Le 26 octobre dernier, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, la ministre des Armées, Mme Florence Parly, a annoncé qu'une révision du dispositif de l'INSMET avait été engagée pour pallier les inégalités entre militaires ultramarins. Un projet de décret sera présenté en janvier prochain ; il constitue une avancée pour l'ensemble des militaires du Pacifique et de Mayotte. Du fait de cet engagement, l'article 3 de la proposition de loi me paraît satisfait.

Concernant l'ITR, la réflexion engagée par la ministre de la Transformation et de la fonction publiques témoigne de la volonté d'aboutir à des propositions concrètes et pérennes. Un gel de la mesure n'inciterait pas les différents acteurs à travailler à un nouveau système plus adéquat, qui soit à même de permettre à l'ensemble des fonctionnaires, quel que soit le versant de la fonction publique dont ils relèvent, de sur-cotiser durant leur carrière afin de percevoir une pension de retraite plus élevée et plus adaptée au coût de la vie dans ces territoires.

S'agissant du CIMM, il est tout à fait exact que le contrôle des intérêts matériels et moraux suscite incompréhensions et rancœurs : nous l'avons souligné dans le rapport remis au nom de la délégation aux outre-mer, le 22 juillet dernier. La procédure de reconnaissance qui touche le fonctionnaire dans son intimité est à la fois opaque et non contradictoire, si bien qu'une décision défavorable est dure à accepter. Il importe donc de simplifier l'établissement du CIMM. Objectiver les intérêts matériels et moraux doit permettre d'uniformiser les attributions, quel que soit le territoire d'origine du fonctionnaire. Néanmoins, introduire le dispositif dans la loi risquerait de compromettre l'ensemble de la jurisprudence accumulée. Par l'établissement d'un bilan, voire la création d'un guide de bonnes pratiques, on permettrait une certaine souplesse tout en garantissant une application uniforme.

De même, l'article concernant la prise en charge de congés bonifiés tous les deux ans pour les militaires ultramarins relève de la compétence réglementaire. En effet, y compris pour les fonctionnaires, la prise en charge des frais de transport vers le territoire d'origine est fixée par décret. Par ailleurs, depuis 2007, les militaires originaires d'une collectivité d'outre-mer peuvent solliciter à l'occasion de permissions cumulées la concession d'un passage gratuit, aller et retour, vers le territoire dont ils sont originaires. Aligner le régime des permissions cumulées sur celui des congés bonifiés pourrait conduire à une perte pour nos militaires : permissions plus courtes, limitation de l'indemnité de cherté de la vie.

Enfin, concernant la demande de rapport relative à la reconversion professionnelle des militaires, il importe de rappeler que Défense mobilité dispose d'une antenne en Polynésie française, consacrée à l'accompagnement de la transition professionnelle des militaires et anciens militaires souhaitant se reconvertir dans ce territoire. Par ailleurs, produire ce type de rapport relève pleinement de notre compétence de parlementaires.

Pour ces raisons, afin d'assurer la continuité des travaux amorcés et des engagements pris, le groupe La République en marche ne votera pas la proposition de loi.

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Nous le savons tous, la situation des fonctionnaires et des militaires ultramarins est particulière et nécessite un accompagnement de l'État. Malheureusement, comme l'a souligné la rapporteure, il existe des différences de traitement. Des évolutions sont en cours : je pense à l'extension de la prime d'installation aux militaires originaires de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française, de Wallis-et-Futuna et de Mayotte annoncée par la ministre des Armées. Elle fera l'objet d'un décret, car il s'agit d'une mesure réglementaire.

S'agissant de l'indemnité temporaire de retraite, comme vous l'expliquez dans votre exposé des motifs, elle était discriminatoire et les abus recensés rendaient le dispositif de plus en plus douteux. La réforme de 2008 prévoyant son extinction d'ici à 2028 a eu pour corollaire l'instauration d'un comité par territoire afin d'engager une réflexion sur le coût de la vie et sur tous les leviers pouvant être actionnés.

Depuis 2017, aux côtés du Gouvernement, notre majorité s'est attachée à lutter contre la vie chère outre-mer. Nous travaillons à des solutions d'ensemble en agissant à tous les niveaux et en consacrant à l'outre-mer des budgets à la hauteur des enjeux. En outre, le plan de relance bénéficie également aux territoires ultramarins : il alloue au moins 1,5 milliard d'euros, en 2021 et 2022, à des projets dans les outre-mer tenant compte de leurs spécificités.

L'action contre la vie chère, le développement économique et l'amélioration du quotidien outre-mer font partie des préoccupations de notre groupe et nous restons mobilisés en la matière. Mais les mesures que vous proposez ne sont pas pertinentes pour apporter une solution rapide et adaptée.

Concernant la priorité légale d'affectation prévue pour les fonctionnaires justifiant que le centre de leurs intérêts matériels et moraux est outre-mer, vous souhaitez modifier les critères d'appréciation de cette notion, jugée trop floue. Pourtant, un bilan effectué par le Gouvernement en juillet dernier conclut à la réussite du dispositif, qui a permis d'accélérer les mobilités des fonctionnaires ultramarins. Par ailleurs, la définition des critères relève du pouvoir réglementaire.

Nous comprenons votre volonté de lutter contre les différences de traitement qui peuvent subsister : ce combat nous tient à cœur à nous aussi. Mais votre proposition de loi ne permettra pas d'y parvenir. Elle peut même produire l'effet inverse. Par ailleurs, les territoires d'outre-mer méritent des mesures efficaces à long terme, et non des pansements qui ne pourront enrayer durablement les phénomènes que vous dénoncez.

Le groupe Démocrates votera contre votre proposition de loi.

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Cette proposition de loi, déposée par les députés ultramarins membres de l'UDI-I mais cosignée par les membres d'autres groupes, notamment par le président de la délégation aux outre-mer Olivier Serva, a l'intérêt de placer l'État face à ses responsabilités et à ses promesses. Qu'il s'agisse de l'ITR ou de l'INSMET, il s'est engagé à répondre aux demandes formulées de longue date par de nombreux parlementaires. Sans vouloir être réducteur ou simpliste, nous avons le sentiment, outre-mer, qu'à la solidarité nationale s'est substituée, sur ces questions, la solidarité entre ultramarins.

Concernant l'éligibilité au CIMM, je remercie la rapporteure de son travail et de ses propositions afin d'éviter la super-paperasserie et le stress que l'administration centrale a créés malgré elle. Mais il convient d'encadrer l'accès à ce dispositif : évitons qu'à l'image de ce qui s'est passé pour l'ITR, son bénéfice soit étendu à un point qui conduirait à de nouveaux abus. Les critères doivent être suffisamment clairs et précis pour empêcher des décisions arbitraires, mais ils doivent aussi permettre de toucher efficacement le public cible ; il faudra sans doute y retravailler. Je pense par exemple au critère relatif au lieu où a été effectuée la scolarité obligatoire : doit-il être strict et comprendre toute la scolarité obligatoire, ou seulement une partie de celle-ci, et, dans cette dernière hypothèse, laquelle ?

Le vrai problème que le CIMM pose à nos fonctionnaires est le non-respect de la loi par certains ministères, tout particulièrement celui de l'Intérieur, qui a été condamné pour cela par le Conseil d'État et qui rechigne toujours à appliquer la loi votée à l'unanimité en 2017. Il existe d'ailleurs toujours une inégalité d'application entre les différents ministères, ce qui est incompréhensible pour les agents publics.

Cette situation nuit à tout le monde : aux administrations, aux citoyens auxquels le service prévu n'est pas rendu, car elle entraîne de nombreuses absences pour arrêt maladie, et aux fonctionnaires. Leur éloignement entraîne des séparations conjugales et familiales – des enfants ne voient leur père ou leur mère qu'une à deux fois par an à cause du prix des billets d'avion, souvent plusieurs années de suite –, mais aussi des situations d'endettement puisqu'ils doivent payer deux loyers. Beaucoup souffrent de solitude et d'un sentiment d'impuissance qui peuvent les mener à la dépression, et parfois à la démission. Pour nombre d'ultramarins qui ont décidé de consacrer leur vie professionnelle au service de l'intérêt général, l'État est loin d'être un employeur exemplaire.

Il faudra aller plus loin face à des inégalités honteuses, voire insultantes pour nos concitoyens : ils voient passer des offres d'emploi ou de stage obéissant aux critères légaux minimaux quand elles leur sont destinées, mais assorties, quand elles s'adressent aux hexagonaux, de promesses de sur-rémunération, d'aides et d'indemnités. C'est inacceptable alors que nous avons de plus en plus de jeunes diplômés et que le chômage des moins de 25 ans frise les 40 %.

La proposition de loi ne traite pas toutes ces situations. Mais elle a le mérite de proposer des solutions à certains problèmes rencontrés par les fonctionnaires ultramarins et souvent méconnus des collègues hexagonaux. Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur du texte.

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Tout le monde connaît l'attachement de mon groupe à l'outre-mer et sa sensibilité aux problèmes spécifiques de ces territoires, en particulier en ce qui concerne le coût de la vie. La situation des serviteurs de l'État doit toujours être regardée avec sérieux, surtout dans les territoires d'outre-mer qui font l'objet de dispositions spécifiques destinées notamment à compenser l'éloignement.

Nous prenons acte des propos rassurants de madame Stéphanie Atger. Même si la proposition de loi s'attaque à un vrai problème, le dispositif qu'elle suggère, bien qu'intéressant, ne paraît pas toujours adapté aux situations. Parmi les mesures qui suscitent l'intérêt figurent le gel de la suppression de l'ITR, qui a créé des inégalités, comme on l'a dit, et pourrait laisser la place à un autre système ; l'article 2, qui tente d'objectiver le CIMM en substituant à la méthode du faisceau d'indices l'application, plus sécurisante, de trois critères sur huit ; l'extension de l'indemnité d'installation en métropole à tous les ultramarins, y compris ceux issus du Pacifique.

Cela étant, la solution législative ne semble pas s'imposer dans la mesure où des modifications réglementaires ont été annoncées. Par ailleurs, la demande d'un rapport relatif à la reconversion professionnelle est satisfaite puisqu'une antenne de Défense mobilité est déjà installée en Polynésie française. Il ne me semble pas davantage opportun de prévoir la prise en charge des frais d'un voyage de congé car les militaires bénéficient d'un régime particulier. L'alignement pourrait leur être défavorable. À titre personnel, je m'abstiendrai mais mon groupe est majoritairement opposé à cette proposition de loi.

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Originaire de Nouvelle-Calédonie, je peux vous assurer que les problèmes soulevés par la rapporteure ne sont pas des lubies. Les sentiments d'incompréhension et d'injustice sont bien réels et cette proposition de loi, que j'ai cosignée, vise à y répondre. Certaines des mesures ont pu être qualifiées de pansements. C'est bien injuste au regard de la nature des dispositions et du travail réalisé. Le président de la délégation aux outre-mer, d'ailleurs, est loin de partager cet avis, sans parler des collègues de tous bords qui ont cosigné ce texte.

Les sujets abordés sont importants. Je pense notamment à l'indemnité temporaire de retraite, à laquelle j'ai consacré un rapport d'information, avec mesdames Stéphanie Atger et Nicole Sanquer. La réforme de l'ITR, décidée en 2008, visait à mettre fin à des effets d'aubaine inadmissibles puisque des fonctionnaires sans lien avec les outre-mer venaient passer leur retraite dans les territoires concernés dans le seul but d'augmenter leurs revenus. Désormais, ces comportements intolérables ne sont plus permis. En revanche, si cette loi continue de produire ses effets, l'indemnité aura disparu dans six ans et le taux de remplacement de ces fonctionnaires de l'État originaires du Pacifique ne dépassera pas 40 %. Le niveau de remplacement est particulièrement faible en raison des primes, qui ne sont pas prises en compte dans le calcul des pensions publiques. En comparaison, la moyenne européenne et française fluctue entre 60 et 63 %. Or, aucun projet de loi de finances, aucun investissement, aucune mesure de solidarité ne prévoit de corriger cet écart. Pour nombre de fonctionnaires de cette région, cette perspective est un cataclysme qui les contraindra à passer leur retraite en Europe faute de pouvoir assumer le coût de la vie en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou dans les îles Wallis et Futuna. À cet égard, je remercie la ministre de la Transformation et de la fonction publiques qui leur offre une lueur d'espoir : nous ne proposons, avec ce texte, qu'une solution de court terme de gel de la mise en extinction de l'ITR, le temps que le Gouvernement instaure un dispositif alternatif. Je fais confiance à la ministre pour engager les travaux.

De même, je salue l'engagement ferme pris par la ministre des Armées d'aligner, soixante-dix ans après, un mécanisme qui attribuait une indemnité d'installation différente aux militaires ultramarins, en fonction de leur territoire d'origine. Nous ne connaissons pas encore les modalités de la correction qui s'appliquera, mais nous ne doutons pas de la fermeté de cet engagement et il faut comprendre l'article 3 comme une invitation à y travailler ensemble.

Le groupe UDI et indépendants votera cette proposition de loi. Il se peut que certaines dispositions relèvent effectivement davantage du règlement que de la loi. Mais ce texte a le mérite de proposer des solutions aux difficultés que vivent quotidiennement des milliers de nos compatriotes issus de ces territoires.

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Cette proposition de loi vise à lutter contre certaines inégalités dont sont victimes des fonctionnaires et militaires ultramarins. Le coût de la vie est plus élevé dans ces territoires et le taux de chômage y est supérieur. L'État, en qualité d'employeur, est tenu à un devoir d'exemplarité. Il doit soutenir financièrement ses agents afin d'éviter un décrochage des fonctionnaires et des retraités de ces territoires. En ce sens, notre groupe regrette que les engagements du Gouvernement, pris dans le cadre de la réforme de l'ITR, soient restés lettre morte. Fin 2008, le Parlement avait accepté la suppression progressive de ce dispositif à la condition qu'une solution de remplacement soit trouvée. Treize ans après, rien n'a été fait.

Notre groupe approuve la volonté de redéfinir dans la loi la notion de centre des intérêts matériels et moraux, mal comprise alors qu'elle ouvre droit à plusieurs avantages : ITR, mutation, congés bonifiés, prise en charge des frais de changement de résidence. À cet égard, nous déplorons l'opacité des conditions d'examen des dossiers par l'administration fiscale et nous nous rallions au constat de la délégation aux outre-mer qui a dénoncé des « examens d'ultramarinité » et mis en évidence des incohérences choquantes. Cependant, quelques inquiétudes demeurent du fait, notamment, du flou qui entoure certains des nouveaux critères permettant à un agent public ou à un militaire de justifier que le centre de ses intérêts matériels et moraux se trouve dans l'une de ces collectivités – séjours fréquents, durée significative etc. La marge d'appréciation laissée à l'administration pourrait être trop grande.

Nous regrettons par ailleurs que l'indemnité d'installation en métropole ne soit pas ouverte à tous les militaires indépendamment de leur collectivité d'outre-mer d'origine. Notre collègue Sylvain Brial avait alerté la ministre des Armées en 2019 au sujet de l'exclusion des Wallisiens et des Futuniens, ressentie comme une profonde injustice et une discrimination ethnique. Les différences de statut ne devraient pas conduire à une exclusion pure et simple des dispositifs de droit commun mais à l'instauration de mécanismes alternatifs adaptés.

Nous soutenons la volonté des auteurs de ce texte d'instaurer une égalité de traitement de tous nos militaires afin de renforcer l'engagement des ultramarins dans nos armées.

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Chers collègues, je vous remercie de vos interventions, qu'elles soient favorables au texte ou non. La proposition de loi a le mérite d'ouvrir le débat et d'informer les parlementaires sur la situation difficile dans laquelle se trouvent certains de nos compatriotes, fonctionnaires d'État ou militaires. Certes, le dialogue a été renoué sur plusieurs sujets. Toutefois, si nous avons déposé cette proposition de loi, c'est parce que le Gouvernement, à plusieurs reprises, n'a pas tenu ses engagements. S'agissant de l'ITR, un rapport d'inspection remis au Gouvernement en 2010 a conclu qu'il n'était pas nécessaire d'adopter des dispositions transitoires. À propos du CIMM, on nous parle d'un rapport d'évaluation du ministère de la transformation et de la fonction publiques et on nous répond que tout va bien. Pourtant, M. Olivier Serva avait remis à M. Édouard Philippe, alors Premier ministre, un rapport détaillant les dysfonctionnements en matière de CIMM et de facilitation de l'emploi des ultramarins dans leurs collectivités territoriales, et rien n'a été modifié depuis.

Si nous avons décidé de déposer cette proposition de loi, c'est pour apporter des réponses concrètes à nos compatriotes, qui font souvent appel à nous. Ses dispositions sont inspirées des recommandations du rapport de mission d'Olivier Serva et du rapport d'information sur la réforme de l'ITR publié en juillet dernier. Certains de nos collègues disent que des discussions sont en cours, mais chacun peut constater qu'il s'agit d'inégalités et de discriminations anciennes. Les gouvernements successifs les ont constatées, se sont engagés à les résorber et n'ont rien fait. De plus, le contexte de fin de législature que nous connaissons ne nous permet pas de présager de l'avenir.

Plusieurs d'entre vous considèrent que les mesures contenues dans cette proposition de loi sont d'ordre réglementaire et que la voie réglementaire permettra d'aller plus vite. Cet argument est difficilement recevable, quand on parle de modifier un décret datant de 1950. Pour éviter toute mauvaise interprétation par quiconque, notamment par les administrations, il convient d'inscrire dans la loi les dispositions proposées.

Chapitre Ier

Gel de l'extinction progressive de l'indemnité temporaire de retraite

Article 1er (art. 137 de la loi n° 2008‑1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008) : Indemnité temporaire de retraite

La commission rejette l'article 1er.

Chapitre II

Centre des intérêts matériels et moraux

Article 2 (art. 85 bis [nouveau] de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique) : Définition du centre des intérêts matériels et moraux

Amendement CL1 de Mme Nicole Sanquer.

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L'article 2 vise à définir clairement les modalités de localisation du CIMM. Le présent amendement porte de trois à quatre le nombre de critères à réunir pour l'attribution de l'ITR. Les deux derniers critères de la liste – le bénéfice antérieur d'un congé bonifié et des séjours fréquents et d'une durée significative dans le territoire considéré – peuvent se recouper. Afin d'éviter les effets d'aubaine, dont nous avons trop été témoins, l'amendement vise à resserrer le champ de l'article.

La commission rejette l'amendement.

Elle rejette ensuite l'article 2.

Chapitre III

Dispositions relatives aux militaires

Article 3 : Indemnité d'installation en métropole

La commission rejette l'article 3.

Article 4 : Emplois réservés aux militaires et anciens militaires établis dans les collectivités territoriales du Pacifique

La commission rejette l'article 4.

Article 5 : Congés bonifiés au bénéfice des militaires originaires d'outre-mer

La commission rejette l'article 5.

Chapitre IV

Recevabilité financière

Article 6 : Gage financier

La commission rejette l'article 6.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l'ensemble de celle-ci est rejeté.

La réunion s'achève à treize heures vingt.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Stéphanie Atger, Mme Laetitia Avia, M. Ugo Bernalicis, M. Christophe Blanchet, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Émilie Chalas, Mme Béatrice Descamps, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Lamia El Aaraje, Mme Isabelle Florennes, M. Laurent Garcia, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Victor Habert-Dassault, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, M. Jean‑Michel Mis, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Valérie Oppelt, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Bruno Questel, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, Mme Nicole Sanquer, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Guillaume Vuilletet, M. Sylvain Waserman

Excusés. - M. Éric Ciotti, Mme Paula Forteza, M. Mansour Kamardine, M. Rémy Rebeyrotte, M. Fabien Roussel

Assistaient également à la réunion. - M. Pascal Brindeau, M. Vincent Bru, M. Philippe Dunoyer, M. Christophe Euzet, M. Bastien Lachaud, Mme Aude Luquet, M. Bruno Millienne, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Philippe Naillet, M. Jean-Luc Warsmann