Nous sommes totalement opposés à la logique de cette proposition de loi organique qui se donne pour objectif de revenir au cumul des mandats. Car, sous le sympathique vocable d'« implantation », qui vise à susciter l'adhésion, se cachent en fait les pratiques de la Ve République que le peuple déteste le plus ; je veux parler des baronnies dignes de l'Ancien Régime, parfois héréditaires, dans lesquelles un notable local, petit roi en son petit pays, décide de tout presque seul, en cumulant les mandats électifs. Nous croyions en avoir fini avec ces pratiques, mais voilà qu'on tente de les rétablir !
Les parlementaires ne sont pas des plantes dont il faudrait faire pousser les racines, ce sont des représentants de la nation. Si le peuple a pu estimer, à juste raison, que certains d'entre eux étaient déconnectés de la vie quotidienne des gens, ce n'est pas parce que lesdits parlementaires ne détiennent pas de mandats locaux mais précisément parce que l'accumulation de mandats contribue à créer peu à peu une petite caste élective qui vit de la politique et ne connaît rien d'autre, parce que le peuple est largement exclu des fonctions électives et que les personnes issues des classes populaires n'accèdent qu'exceptionnellement à la fonction de parlementaire – sous cet aspect, la législature actuelle ne fait pas exception.
Le rôle d'un parlementaire n'est pas de cumuler des mandats, il est de représenter le peuple dans sa diversité politique. Il y aurait, certes, beaucoup à faire en la matière, mais ce n'est certainement pas en autorisant le cumul que l'on favorisera cette représentation.
Si vous êtes favorable au cumul des mandats, monsieur le rapporteur, sans doute est-ce parce que vous pensez que les parlementaires n'ont plus aucun pouvoir. C'est vrai : notre assemblée a été transformée en chambre d'enregistrement des desiderata de l'exécutif. Mais le cumul des mandats aggraverait le problème au lieu de le résoudre. Il faut plutôt rétablir l'Assemblée nationale dans son rôle de contre-pouvoir, de véritable législateur, et lui permettre de contrôler effectivement l'action du Gouvernement.
La France insoumise souhaite que les députés soient élus, comme ce fut le cas en 1986, à la proportionnelle départementale ; c'est du reste l'une des propositions que nous avions présentées l'an passé lors de la journée réservée à notre groupe. Ainsi, nous garantirions la représentation de l'ensemble des forces politiques au sein de l'Assemblée. Les parlementaires, il faut le rappeler, ne représentent pas des territoires : ils représentent les citoyens et le peuple politique. Ils sont élus pour défendre le programme politique qu'ils ont présenté lors de la campagne électorale, les citoyennes et les citoyens se prononçant en fonction de ce qu'ils pensent être l'intérêt général. C'est pourquoi les dix-sept parlementaires du groupe La France insoumise, qui représentent 7 millions d'électeurs, transcrivent leur programme, « L'Avenir en commun », en propositions de loi et en amendements.
De manière générale, nous estimons qu'il faut refonder nos institutions en les repensant de fond en comble. Si notre démocratie est malade, ce n'est pas du non-cumul des mandats mais de l'exclusion du peuple, qui ne se reconnaît pas dans les institutions. L'abstention augmente élection après élection, le peuple boude les urnes et les élections intermédiaires sont ravalées au rang de référendum : pour ou contre le Président de la République. La monarchie présidentielle se manifeste dans toute sa caricature lors des allocutions au cours desquelles ce dernier explique ses décisions sans que celles-ci fassent l'objet d'un débat démocratique.
Nous voulons donc une VIe République démocratique, c'est-à-dire décidée par et pour le peuple. Dès 2022, une assemblée constituante devra être convoquée ; composée de personnes qui n'auront jamais exercé de mandat parlementaire, elle sera chargée exclusivement d'écrire la nouvelle Constitution et pourra éventuellement, dans ce cadre, traiter de la question du cumul des mandats. Il faut repartir sur des bases entièrement neuves !