Intervention de Christophe Euzet

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

Merci, monsieur le rapporteur, d'aborder devant nous un sujet que je considère comme central, même si je regrette que nous soyons appelés à en débattre de manière aussi rapide.

Mon groupe n'a pas une position unanime sur la question. L'opinion que j'exprimerai devant vous, même si elle est majoritairement partagée par mes collègues, sera donc avant tout personnelle.

Je ne cherche pas à alimenter des polémiques stériles. Toutefois, je suis globalement très hostile à la proposition que vous nous présentez. Loin d'être seulement un instrument favorisant l'implantation locale des parlementaires, elle prépare un retour au cumul des mandats, que les Français dénoncent et refusent pourtant de longue date. Je regrette que vous envisagiez de faire machine arrière toute : c'est faire fi des demandes des citoyens.

Qui plus est, je vous avoue ne pas comprendre votre argumentaire. Selon vous, les députés seraient hors sol, déconnectés du réel, extérieurs à la société. Pour ma part, à côté de mes fonctions de député, je vis une vie de père de famille : j'amène mes enfants à l'école et à la bibliothèque et je vis avec eux. Je croise des gens sur les marchés, où je ne me rends pas seulement pour serrer des mains, mais également pour faire des commissions en famille. Je n'ai pas du tout le sentiment d'être déconnecté du réel. Mais peut-être cette déconnexion supposée est-elle dénoncée par ceux qui ont eu le sentiment d'être déconnectés du mode de vie dont ils avaient pris l'habitude en cumulant les fonctions…

Vous suggérez le retour au cumul dans les exécutifs locaux. Or, y compris d'un point de vue technique, cela pose des difficultés. D'abord, le rôle des collectivités territoriales se renforce et la complexité des fonctions exercées dans ces exécutifs est sans cesse mise en avant, ce qui suppose d'avoir des élus locaux entièrement voués à leur mission. Je vois mal comment je pourrais m'occuper d'un EPCI, fût-il de moins de 10 000 habitants, à côté de mes fonctions de parlementaire. Ensuite, d'un point de vue déontologique, voire éthique – ne s'agit-il pas de valeurs que l'on poursuit dans cette vénérable assemblée ? –, le non-cumul permet le renouvellement, ce qui peut contribuer à donner un nouveau souffle à la démocratie, dont on regrette souvent la perte de dynamisme.

Cela dit, on peut débattre de tout, et je suis très sensible à l'une des questions que vous soulevez : il existe effectivement une certaine défiance des citoyens, en particulier à l'égard des députés – un peu moins envers les sénateurs, pour des raisons que nous n'aurons pas le temps d'envisager ici. Notre système présente des imperfections persistantes, notamment l'abstentionnisme, contre lequel il faut s'armer. Toutefois, je suis en désaccord avec votre proposition, à la fois sur la forme et sur le fond.

Je suis en désaccord sur la forme, car on ne lance pas un tel débat à six mois d'une élection présidentielle, même si cela présente l'intérêt majeur de nous permettre de donner notre position sur cette question, qui peut être abordée pendant la campagne.

Sur le fond, et sans chercher la polémique stérile, le véritable enjeu me semble être ailleurs : c'est au cumul horizontal qu'il faut s'attaquer, ainsi peut-être qu'au cumul des fonctions électives dans le temps. On pourrait imaginer de limiter le cumul des mandats de parlementaire dans le temps – par exemple à trois mandats – à l'image de ce qui a été fait pour le chef de l'État. En outre, une réflexion sur le statut des parlementaires me paraît inévitable. Un parlementaire a-t-il vraiment vocation à enfoncer des portes à Paris pour faire avancer certains dossiers ? Enfin, le rôle du député dans sa circonscription mériterait sans doute d'être éclairci.

En interdisant le cumul des mandats, nous avons fait la moitié du chemin. Il serait préjudiciable de faire machine arrière ; essayons plutôt d'aller jusqu'au bout. Nous ferions mieux, également, de repenser la démocratie.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la proposition de loi.

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