Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Réunion du mercredi 24 novembre 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne, rapporteur :

Je me retrouve totalement dans cette dernière intervention. J'ai eu le même sentiment en entendant cette déclaration selon laquelle il y aurait les conscients, et, par sous-entendu, les inconscients.

Puisque chacun fait référence à la situation de son territoire, c'est donc qu'il y en a de fort différentes – si on a mal travaillé en Saône-et-Loire, ce n'est pas le cas partout. Ma commune est intégrée avec vingt-six autres dans un syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) ayant notamment les compétences eau et assainissement. Cela fonctionne très bien : 90 % d'efficacité au niveau des réseaux. Ces vingt-sept communes sont réparties sur trois intercommunalités différentes. Que va-t-il se passer ? Une seule va peut-être redéléguer les compétences, les autres vont les garder, et on va totalement déstabiliser un système qui fonctionne bien. Pourquoi vouloir remettre en cause ce qui fonctionne ?

Vous sortez les grandes phrases : « c'est un enjeu mondial, qui dépasse nos organisations territoriales ». Nous sommes tous conscients que l'eau est un enjeu fondamental ! Et il peut tout aussi bien être traité par le local, par l'implication des collectivités, des élus. Dans de nombreux territoires où cela fonctionne mal, en raison d'un trop grand morcellement et de difficultés pour réinvestir, ma proposition de loi n'empêche en rien d'intervenir ; ce que nous remettons en cause, c'est le caractère obligatoire du transfert. Partout où le système est défaillant, allons-y, et rapidement ! Mais là où il fonctionne, pourquoi vouloir le remettre en cause ? J'ai auditionné l'Association des maires ruraux de France : ils sont encore vent debout. Pour eux, l'intercommunalité ne doit pas être subie, elle doit être consentie et intervenir là où c'est nécessaire.

Quant à l'argument de la perte moyenne d'un litre d'eau sur cinq, je l'attendais – déjà, « en moyenne », cela veut dire que certains font bien et d'autres moins bien. Les besoins d'investissement pour renouveler les réseaux, dont les plus anciens ont 60 ans, sont énormes. On brandit l'intercommunalité comme le moyen d'y répondre, comme à tous les autres problèmes. Or les syndicats intercommunaux – que j'englobe dans le terme générique de « communes » –, très présents en zone rurale, n'ont pas attendu qu'on leur en donne le signal pour commencer le renouvellement des réseaux. C'est particulièrement coûteux dans les territoires ruraux en raison des distances entre les habitations et de la desserte en eau des pâturages.

Nous sommes donc autant que vous convaincus que la ressource en eau est fondamentale. Nous voulons la protéger, et la préserver aussi des tentations d'en faire un enjeu financier, mercantile. C'est pourquoi nous souhaitons favoriser la gestion publique, car on sait bien que de nombreuses intercommunalités choisiront de recourir à des DSP, ce qui aura ensuite un impact sur la gestion de l'eau.

Ne voyez pas cette proposition de loi comme un moyen d'empêcher de tourner en rond ; considérez-la comme une offre de souplesse. J'ai, moi aussi, une citation du président Macron en réserve : « Dans la très grande majorité des cas, les territoires, en réalité, savent mieux l'organisation qui est la plus pertinente pour eux. » Je ne lui accorde pas toujours ce crédit mais, en l'occurrence, il a raison ! Les références que je fais ce matin montrent bien que, sur certains enjeux fondamentaux, nous pouvons nous retrouver.

Or, comme trop fréquemment, vous vous accrochez à vos certitudes, vous vous croyez plus malins que tout le monde. Je pense que vous vous trompez. Se tromper n'est pas un problème – d'ailleurs, vous n'êtes pas responsables de la loi NOTRe, puisqu'elle date de 2015 ; vous n'avez fait qu'y apporter des aménagements. Aujourd'hui, je suis d'accord avec vous, il faut clarifier les choses. C'est en donnant de la souplesse, en envoyant aux territoires un message positif pour l'avenir qu'on y arrivera – ne soyez donc pas gênés de voter différemment de ce que vous aviez annoncé…

L'enjeu, finalement, de cette organisation, c'est le financement du renouvellement des réseaux. On veut tout faire faire aux intercommunalités, en présupposant qu'elles en ont les moyens. Or elles ont aussi des contraintes financières et des choix d'investissement à faire. Ce n'est pas parce qu'on leur confie la gestion de l'eau qu'elles vont l'assurer. Si vous voulez faire de l'eau un enjeu supérieur, prenez vos responsabilités en permettant la mise en œuvre de programmes spéciaux qui aideront les communes, les syndicats intercommunaux et les intercommunalités à relever ce défi. Il faut laisser un peu de liberté, ce qui revient, avant tout, à offrir un choix.

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