Ces propositions de loi visent à apporter des tempéraments législatifs à l'usage du droit de propriété et au principe de la liberté d'entreprendre, à travers un statut juridique des biens communs. Cette notion, hautement polysémique, vise les biens, matériels ou non, rivaux et non exclusifs, c'est-à-dire inaliénables par essence, tels que l'air ou l'eau. Le Conseil économique, social et environnemental serait l'entité chargée de la procédure de classement. Le groupe LaREM n'y est pas favorable.
D'abord, le texte est juridiquement inopérant, à défaut de prévoir une articulation réelle entre bien commun et droit de propriété. L'indétermination conceptuelle de la notion de bien commun rend très hasardeuse, par-delà son intérêt doctrinal, l'élaboration d'un régime juridique spécialement dédié, c'est-à-dire assorti d'une consistance normative véritable. Aucune règle de droit, qui permet, ordonne ou interdit, n'est prévue par le texte pour déterminer les effets juridiques qui s'attachent à la qualité de bien commun. Vous déterminez l'accessoire, à savoir la définition et la procédure, mais non le principal, c'est-à-dire le régime, le droit, le normatif.
Ensuite, les dispositions proposées sont litigieuses au regard des principes législatifs et constitutionnels de la propriété publique. D'une part, la procédure de classement que vous attribuez au Conseil économique, social et environnemental semble bien éloignée de sa fonction constitutionnelle. Au demeurant, aucune disposition n'interdit au CESE, que notre majorité a récemment transformé en carrefour des consultations publiques, de lancer des consultations sur l'usage des biens publics. D'autre part, les textes visent à apporter des modulations législatives au droit de propriété, au préjudice de la nécessaire et traditionnelle conciliation entre les principes et règles de valeur constitutionnelle. La protection de l'environnement n'est qu'un objectif à valeur constitutionnelle auquel, à la différence d'une règle constitutionnelle, à caractère impératif, n'est attachée qu'une obligation de moyens et nécessite, pour sa mise en œuvre, l'intervention du législateur.
En outre, ces textes sont autrement moins ambitieux que ne l'était notre révision constitutionnelle concourant à la préservation de l'environnement. Nous souhaitions inscrire, à l'article 1er de la Constitution, le principe selon lequel « la France garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Cette réforme tendait à instituer un droit constitutionnel de l'environnement applicable et opposable, sans intervention du législateur, à l'ensemble des pouvoirs publics, à travers une quasi-obligation de résultat pour la préservation de l'environnement et une quasi-obligation de moyens contre le dérèglement climatique. Nous souhaitions affirmer la nature prioritaire de la cause environnementale aux côtés des principes fondamentaux de la République. La protection des biens communs aurait été bien plus opérante en renforçant l'intensité et le champ du contrôle constitutionnel.
Enfin, des mécanismes bien plus efficaces que vos propositions autorisent, à l'heure actuelle, des actions en justice pour protéger les biens communs. Par exemple, en cas d'atteinte à l'environnement, c'est-à-dire de dommage écologique, le droit français a connu des évolutions majeures quant au préjudice civilement réparable et aux voies d'action ouvertes pour engager la responsabilité juridique et l'obligation en réparation subséquente.
Telles sont les raisons qui motivent notre rejet des deux textes, que nous abordons dans un esprit de confrontation des idées, sur une notion sans doute porteuse d'avenir.