La proposition de loi ordinaire du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a pour objet de créer un statut de bien commun attribuable à tous les types de biens caractérisés par leur destination commune et l'usage collectif qui peut en être fait. Elle est assortie d'une proposition de loi organique attribuant au Conseil économique, social et environnemental la prérogative d'attribution du statut de bien commun.
Par « bien commun », le groupe GDR entend des éléments matériels ou immatériels de nature très différente, depuis la planète, ou même l'espace, jusqu'à la maison de quartier, en passant par des ressources naturelles, des produits répondant à des besoins humains fondamentaux ou des inventions sociales et scientifiques qui méritent d'être partagées. Le périmètre est donc extrêmement vaste. Le rapporteur s'appuie sur l'article 714 du code civil, mais aussi sur la loi du 31 décembre 1913 relative aux monuments historiques et sur le préambule de la Constitution de 1946, dans lequel la notion de service public est directement connectée à la propriété collective – ce qui implique qu'un service public ne puisse être accaparé par un tiers.
Les auteurs de la proposition de loi défendent l'idée selon laquelle il est crucial de pouvoir poser des limites à l'exercice du droit de propriété lorsque ce dernier est susceptible de nuire aux biens communs, dans une démarche démocratique.
Malgré l'esprit bienveillant qui a présidé à son élaboration, la proposition de loi ordinaire soulève plusieurs interrogations. On ne peut évidemment pas la déconnecter d'une vision idéologisée, communiste, de la société, que je respecte mais qui n'est évidemment pas la nôtre.
En ce qui concerne, tout d'abord, l'intérêt de ces textes, il faut rappeler que la notion de bien commun existe déjà, s'agissant des services publics et des offices HLM, qui sont parfois définis comme le « patrimoine de ceux qui n'en ont pas », ou encore comme le « patrimoine commun à tous les citoyens français ».
S'agissant, ensuite, du périmètre du dispositif, j'ai évoqué l'espace, la Terre, mais aussi les maisons de quartier. Concernant ces dernières, est-ce à dire que l'on va imposer de nouvelles contraintes aux communes qui investissent beaucoup dans ces structures, à chaque fois qu'elles voudront faire un investissement ou modifier leur périmètre ?
Puisque vous avez souvent évoqué la Constitution, je vous rappelle que l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen définit la propriété comme un « droit inviolable ». Or, dans ce texte, vous ne faites que peu de cas du droit de propriété, et vous reconnaissez vous-même que votre dispositif a aussi pour objet de refonder le droit de la propriété. Nous pouvons difficilement vous rejoindre sur ce point.
Le Conseil constitutionnel et, plus généralement, les tribunaux pourraient être souvent saisis d'un grand nombre de sujets, dès lors que le statut de bien commun aurait été instauré. Je vous rappelle que l'État a été récemment condamné, à la demande d'ONG écologistes, unies sous la bannière L'affaire du siècle. Certains ont vu dans cette décision, qualifiée d'historique, une excellente nouvelle. Il m'a semblé, à l'inverse, qu'il était extrêmement inquiétant que la justice s'autorise à débuter un délibéré par les mots « Il y a lieu d'ordonner au Premier ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures sectorielles utiles ». Nous sommes tous très attachés à l'indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir politique, mais la réciproque doit être vraie. On ne peut pas se satisfaire que le Premier ministre et les ministres se voient ordonner, en permanence, la réalisation d'actions par la justice. Si des citoyens sont particulièrement mécontents de l'action du Gouvernement, il faudrait qu'ils le sanctionnent dans les urnes et non devant les tribunaux.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains s'opposera à la proposition de loi ordinaire. Pour reprendre la conclusion de M. Dufrègne au sujet de la proposition de loi précédente – que nous avons votée –, il faut « laisser un peu de liberté ».
Par la proposition de loi organique, vous proposez d'attribuer au CESE la possibilité de statuer sur les biens communs. Il me semble que ça ne devrait pas relever de cette institution, mais du Parlement. On nous présente en permanence, depuis le début de la législature – une marotte de la majorité et particulièrement du groupe La République en marche –, le CESE comme le représentant de la société civile et des citoyens. Or les représentants des citoyens, ce sont les députés et non les membres du CESE, qui sont désignés par le chef de l'État et les syndicats. Nous sommes donc également opposés à la proposition de loi organique.