À l'heure où des débats sur des sujets comme la neutralité d'internet ou le partage des ressources de la planète deviennent incontournables, la notion de bien commun mérite certainement de faire l'objet d'une réflexion approfondie sur les plans juridique, économique et politique. L'examen de ces deux propositions de loi est certainement l'occasion d'amorcer cette réflexion, mais sans doute pas d'y apporter une réponse appropriée.
D'abord, vos propositions se heurtent, selon nous, à un obstacle constitutionnel. Le statut et les missions du Conseil économique, social et environnemental sont en effet définis aux articles 69 et 70 de la Constitution, et ne peuvent être modifiés que par une réforme constitutionnelle. Par conséquent, le contenu de la proposition de loi organique, qui vise à attribuer de nouvelles missions au CESE, afin qu'il puisse accorder le statut de bien commun, ne relève pas de la compétence du législateur.
Ensuite, votre texte conduirait à faire assumer au CESE un rôle distinct de celui pour lequel il a été conçu, et qu'il exerce depuis sa création. Lui permettre d'attribuer ce statut juridique à des biens constituerait un changement majeur de la nature de cette institution, qui exerce une fonction exclusivement consultative.
Sur le fond, ce texte remet en cause un vieil article du code civil, qui est resté inchangé depuis plus de 200 ans. La proposition de loi ordinaire vise en effet à créer un statut juridique du bien commun à travers des critères particulièrement larges, pour ne pas dire extrêmement flous. Par exemple, n'importe quel bien auquel un droit fondamental peut s'attacher pourrait devenir un bien commun. Le périmètre défini par le texte ouvre la porte à un ensemble de dérives.
Le statut de bien commun est d'ailleurs incohérent avec la définition qui nous en est donnée par le code civil. L'article 714, que modifierait la proposition de loi, dispose qu'il s'agit de biens « qui n'appartiennent à personne » alors que votre texte inclut tous les biens, « quel que soit leur régime de propriété ». La rédaction qui nous est proposée n'est, de toute évidence, pas suffisamment mature.
Le groupe Démocrates est attentif à la préservation des libertés fondamentales de nos concitoyens. Parmi ces libertés, qui sont protégées par la Constitution et les textes internationaux, figurent le droit de propriété et la liberté d'entreprendre. Certes, ces libertés doivent être conciliées avec d'autres impératifs, comme la sauvegarde de l'environnement ou la lutte contre la précarité. Mais l'atteinte que vous proposez de porter à ces libertés appelle, selon nous, une réflexion beaucoup plus approfondie.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Démocrates s'opposera à l'adoption de ces textes.