Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Réunion du mercredi 24 novembre 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne, rapporteur :

Si notre groupe a choisi d'inscrire ces deux textes à l'ordre du jour, c'est que nous considérons que, dans certains cas, les biens communs méritent d'être préservés, protégés, voire développés. Cette notion est utilisée par un nombre croissant d'acteurs, notamment par les chercheurs en sciences humaines et sociales. Elle traduit la prise en considération de certains enjeux qui traversent nos sociétés. Des expériences politiques se revendiquant du mouvement des communs fleurissent en France et partout dans le monde : ainsi, la commission Rodotà en Italie, les logiciels libres, les monnaies alternatives, la défense de l'environnement ou encore l'économie sociale et solidaire, pour ne citer qu'elles. Nous les observons avec grand intérêt pour ce qu'elles sont, mais aussi pour ce qu'elles peuvent nous apprendre. Nous sommes convaincus que la représentation nationale peut contribuer à enrichir ce débat contemporain.

Bien entendu, il n'est pas question de préjuger d'un régime qui s'appliquerait uniformément à l'ensemble des biens communs. Nul ne contestera qu'une forêt communale ne peut et ne doit pas être administrée comme un centre de soins. C'est pourquoi mon collègue Dharréville en appelle à la délibération citoyenne, à l'intelligence collective. Seul l'esprit de raison doit primer. D'où la proposition de mettre à contribution le Conseil économique, social et environnemental, troisième assemblée de notre République, pour l'attribution de ce nouveau statut dont la définition serait consacrée dans le code civil. Fort de ses quatre-vingts organisations, le CESE constitue à nos yeux l'espace de délibération approprié. Dans son esprit, notre proposition entre pleinement dans le cadre de la saisine citoyenne par voie de pétition étendue par la dernière loi organique.

Il nous semble que la définition de bien commun proposée par le rapporteur répond aux exigences d'inclusivité et de souplesse. Concrètement, cela permettrait de s'interroger sur le caractère d'un bien, qu'il soit local ou universel. Si certains sont d'ores et déjà soumis à un régime d'encadrement, notamment dans une perspective de préservation, cela ne recoupe pas l'ensemble de ce qui pourrait être considéré de commun.

On peut légitimement s'interroger sur l'usage antisocial qui peut être fait de certains biens alors même qu'ils sont bénéfiques à la collectivité. Dans certains cas, cela pourrait nécessiter une limitation du droit de propriété, que le bien soit sujet à un régime public ou privé. Nous entendons par limitation l'impossibilité pour le propriétaire de faire acte de ce que les Romains ont appelé abusus, c'est-à-dire le droit de disposer librement de sa chose, et même de la détruire. Nous considérons que ce tabou doit être levé et que des discussions doivent s'engager sereinement sur le sujet, sans dogmatisme ni position de principe. Il s'agit de réfléchir aux biens que nous devrions sanctuariser et, le cas échéant, d'en proposer de nouvelles modalités d'administration en adéquation avec leurs caractéristiques et leur nature, l'objectif étant de garantir le libre épanouissement de la personne, l'exercice de ses droits fondamentaux et l'égal accès aux biens qui leur sont rattachés.

Une telle perspective devrait faire l'objet d'un consensus. Je vous invite donc à faire comme moi et à voter pour ces propositions de loi.

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