Intervention de Raphaël Schellenberger

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Dans une démocratie libérale comme la nôtre, le pouvoir appartient au peuple, qui l'exerce de manière libre mais aussi responsable, en assumant ses choix. Lorsqu'on élit un député pour cinq ans, on s'informe avant de prendre la décision de lui confier ce mandat.

Celui-ci n'est pas impératif ; il est bien représentatif – c'est important. Toujours, au cours de l'histoire, face à des événements imprévus, les représentants du peuple ont pris librement les décisions qui leur semblaient nécessaires et utiles. Par ailleurs, les mandats électoraux sont, en France, de cinq ou six ans : c'est une durée tout à fait raisonnable.

Le moment de l'élection est celui où nous sommes supposés construire un sens partagé, un sens collectif. Or, avec votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, on risque de s'éloigner progressivement de cette ambition pour se rapprocher d'un modèle dans lequel prévaut la volonté de choisir un représentant qui répond individuellement à chaque préoccupation. Même si, en tant que députés, nous ne sommes élus que d'une circonscription, ensemble, nous représentons la nation. Si, demain, notre élection pouvait être remise en cause par une révocation, nous nous retrouverions dans une logique de représentation d'intérêts catégoriels, intérêts qui peuvent varier au fil du temps, en fonction des circonstances, qui ne correspondront jamais à la somme des intérêts individuels de chacun des agents électoraux et qui se conjugueront de façon différente selon le moment.

Nous sommes particulièrement attachés à la Ve République. Celle-ci a favorisé la stabilité de nos institutions et des choix politiques, permettant à notre pays de se redresser après la deuxième guerre mondiale et d'affronter les crises et les difficultés. Ainsi, en 2008, Nicolas Sarkozy a pu gérer, dans la stabilité et avec force, parce qu'il disposait de temps, une crise financière majeure que jamais notre pays n'avait connue depuis la dernière guerre.

Bien entendu, il faut des bornes à ces mandats. Ces bornes existent. Ainsi, même si la procédure n'a jamais été utilisée, le Président de la République peut être révoqué par l'Assemblée nationale. De même, le Conseil constitutionnel peut faire appliquer un certain nombre de décisions de justice et révoquer des élus. Quant au Gouvernement, il peut décider de révoquer des maires ; cela est arrivé à plusieurs reprises, notamment au cours de ce quinquennat, lorsque l'intérêt général était dangereusement mis en cause.

Nous serons toujours opposés aux propositions – y compris à certaines de celles relatives au vote blanc – qui tendent à déresponsabiliser l'électeur. En effet, la démocratie fonctionne parce que l'électeur est responsable de ses choix et conscient de leurs conséquences, et parce qu'il se projette dans le temps en prenant des décisions sérieuses.

Nombre de nos concitoyens estiment déjà, alors que les élections ont lieu tous les cinq ou six ans, que les politiques sont en campagne permanente. Il est vrai que, plus que jamais, nous avons eu droit, durant ce quinquennat, à cinq ans de propagande et de coups politiciens, sans qu'à aucun moment un véritable travail de fond ait été engagé. Si, en outre, la révocation est possible, nous n'aurons jamais le temps de travailler en faveur de l'intérêt général. Or, ce que nous souhaitons avant toute chose, c'est nous occuper du quotidien de nos concitoyens.

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