Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué, et c'est un élément intéressant, la désaffection française – mais elle est commune à une grande partie des démocraties libérales – pour la question électorale, la perte de sens démocratique. Il convient de regarder cette réalité en face, car les chiffres sont alarmants. Selon le baromètre du Centre de recherches politiques de Sciences Po, le CEVIPOF, 55 % des Français, soit plus d'un sur deux, estiment que la démocratie fonctionne mal ; c'est considérable ! Autrement dit, l'idée d'une vie en commun régie par des institutions démocratiques n'est pas effective. Plus alarmant encore, pour 77 % de nos concitoyens, la politique évoque des notions négatives telles que la méfiance ou le dégoût.
Il nous faut trouver des solutions à cette crise profonde. C'est pourquoi, depuis le début de la législature, le groupe MODEM travaille sans relâche à l'approfondissement de la participation citoyenne, qui est, selon nous, la condition de la revitalisation de notre démocratie. Nous avons défendu des propositions fortes en ce sens, comme la reconnaissance du vote blanc ou l'instauration de la proportionnelle, et nous continuerons de le faire. Le rapport de la mission d'information créée à la suite des dernières élections régionales pour identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, rapport qui a été publié le mois dernier, comporte également des propositions intéressantes.
De fait, il convient d'étudier toutes les possibilités techniques de favoriser la participation citoyenne. Cependant, votre texte – reprenant en partie l'article 4 de la proposition de loi tendant à instaurer un référendum d'initiative citoyenne, que vous aviez défendue ici même en janvier 2019 – ne me semble apporter aucune réponse aux enjeux que nous avons évoqués.
Il est, certes, intéressant de réfléchir à ces questions, mais votre proposition de loi est un trompe-l'œil : elle vise à endormir les citoyens sans apporter aucune amélioration concrète à la démocratie française. De fait, les termes employés manquent de clarté ; or, comme M. Gouffier-Cha l'a souligné, lorsque l'on touche à la Constitution, il faut être très précis. Ainsi, la formule « se tiendrait à la demande de toute initiative soutenue par un pourcentage défini des électeurs » me semble floue. La référence à « un pourcentage défini d'électeurs » n'est, à l'évidence, pas à la hauteur d'un texte constitutionnel. Souhaitez-vous maintenir le seuil de 5 % que vous proposiez en 2019 ? Il aurait été utile de nous soumettre la proposition de loi organique dont il est question dans votre texte.
Surtout, celui-ci conduirait à rendre l'élu entièrement dépendant, tout au long de son mandat, des moindres mouvements de l'opinion publique. Cette dernière est, certes, importante ; nous devons l'écouter. Mais ce n'est pas ainsi que l'on fait de la politique. Certaines décisions impopulaires sont parfois très difficiles à prendre, comme l'illustre l'actualité. Pourtant, elles doivent être prises, dans un esprit de responsabilité citoyenne, au titre du mandat d'intérêt général qui nous a été confié.
Ce n'est pas cet outil qui nous permettra de progresser. Nous devons améliorer la démocratie représentative, qui est une force, et les institutions de la Ve République, qui sont stables et permettent une gouvernance puissante, en renforçant les processus de démocratie participative. Nous l'avons fait en partie avec la réforme du Conseil économique, social et environnemental, mais il faudra aller plus loin. Cette articulation entre vie civile, vie civique et vie politique mérite d'être améliorée ; c'est sans doute ainsi que nous réglerons l'importante question que vous soulevez, celle de l'interstice électoral. Comment le citoyen s'exprime-t-il et participe-t-il à la vie citoyenne entre deux élections ? Tel est l'enjeu de notre démocratie moderne. La solution ne consiste certainement pas à permettre la révocation des élus au gré des crises qui peuvent survenir et des décisions, parfois impopulaires, qu'ils doivent prendre.