Monsieur le rapporteur, je vous remercie de nous soumettre cette proposition de loi constitutionnelle. La réflexion sur les institutions est essentielle à un moment où la démocratie représentative est affaiblie et le système politique quasiment à bout de souffle. Toutefois, le remède que vous préconisez pourrait être, me semble-t-il, contre-productif.
Votre texte conduirait, en fait, à instaurer le mandat interactif, ou impératif ; c'est l'une des critiques les plus fortes que l'on puisse lui adresser. L'exercice du pouvoir n'est jamais aisé, en particulier en ce moment, où l'on nous soumet des textes sur lesquels nous devons prendre des positions qui ne sont pas faciles. Ce que les électeurs attendent de nous, c'est que nous fassions des choix, souvent difficiles, et que nous expliquions les arguments sur lesquels ils sont fondés.
Dans le système que vous préconisez, l'élu risquerait d'être dans la main des électeurs. Certes, il doit leur rendre des comptes au cours de son mandat, et de nombreux élus l'ont compris, qui publient des comptes rendus de mandat réguliers ou participent à des discussions et des réunions. Est-ce suffisant ? Sans doute pas : souvent, la forme n'est pas satisfaisante et l'interrogation n'est pas toujours partagée avec les électeurs. Pour autant, nous ne sommes pas favorables à un mandat interactif qui, en outre, accélérerait le temps. Or un mandat de cinq ans, c'est court – on s'étonne d'ailleurs que celui des sénateurs soit de six ans, mais c'est ainsi : le Sénat a toujours su se mettre à l'abri…
Néanmoins, votre constat, sévère, doit nous inciter à agir. Ainsi, le rôle local du député devrait être défini dans la Constitution : la mission de contrôle qui nous incombe – trop souvent caricaturée lors des fameuses semaines de contrôle, qui n'ont guère d'utilité malgré la qualité des intervenants – s'en trouverait renforcée. Qu'il soit élu à la proportionnelle ou pas, le député doit rendre des comptes et contrôler l'application des lois qu'il a votées ainsi que leurs effets dans les territoires. Une telle évolution implique que le pouvoir exécutif accepte d'avoir des interactions avec les parlementaires, qui pourraient se rendre dans les administrations et enquêter sur l'application des lois. Je sais, pour avoir tenté de le faire, que ce n'est pas simple : j'ai ressenti une forte résistance. L'approche constitutionnelle a donc toute son importance en la matière.
D'autres textes auraient été utiles, notamment pour lutter contre l'abstentionnisme, qui est l'un des problèmes de la démocratie représentative. Ainsi, nous avions proposé d'autoriser le vote par voie postale pour l'élection présidentielle : en Allemagne, cette procédure a fait progresser la participation de dix points ! Mais cette mesure a été rejetée, au prétexte, assez effrayant, que nous n'aurions pas la capacité d'endiguer la fraude.
Nous devrions par ailleurs accroître les pouvoirs du Défenseur des droits. Tout ce qui favorise les contre-pouvoirs est utile, tout ce qui affermit le pouvoir du Parlement – car c'est là que le peuple s'exprime – doit être préservé. Il faut renforcer la démocratie parlementaire ; je ne crois pas que ce soit en instaurant le droit de révocation que nous y parviendrons. Le citoyen assume la responsabilité de son vote. Quant à l'élu, s'il se comporte mal, il existe des voies judiciaires pour le rappeler à l'ordre.