Le 16 mars 2020, à 20 heures, le Président de la République annonce la mise en place d'un confinement. Deux mois plus tôt, le gouvernement chinois avait placé progressivement sous quarantaine plusieurs villes, avant l'Italie, le 9 mars, et l'Espagne, le 15 mars.
Le monde entier découvre alors les courbes exponentielles des contagions et des morts. Quels que soient les systèmes de santé, tous les pays doivent prendre des mesures importantes pour enrayer une épidémie dont on ne connaît que le nom et à peine quelques symptômes. En France, les premières mesures sont prises par la combinaison d'un article du code de la santé publique relatif aux menaces et crises sanitaires graves et de la théorie des circonstances exceptionnelles, si rarement utilisée dans notre histoire récente.
Le 18 mars 2020, un projet de loi est présenté en Conseil des ministres : il vise à encadrer juridiquement l'état d'urgence sanitaire afin de sécuriser les mesures qui ont été prises et de prévoir, compte tenu de leur ampleur, le contrôle du Parlement. Nous accordons alors au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels et temporaires, extrêmement encadrés : les décrets de mise en œuvre feront l'objet de recours devant les juridictions administratives, seule une loi pourra proroger le régime de l'état d'urgence sanitaire – ce sera le cas de la loi du 11 mai 2020 – et le Gouvernement devra remettre des rapports très réguliers, faisant état des mesures prises. La loi du 9 juillet 2020 prévoit que dès lors que les pouvoirs octroyés au Gouvernement ne seront plus nécessaires, ils ne seront plus utilisés.
C'est cela un État de droit. C'est cela, agir en responsabilité.
Parce que nous savons la situation fragile – l'été suivant en attestera –, nous mettons alors en place un régime de sortie de la crise sanitaire. Des pouvoirs sont accordés au Gouvernement, là encore, mais dans une moindre mesure. Plus de confinement, plus de couvre-feu, mais le contrôle du Parlement se poursuit et le Gouvernement doit continuer de lui remettre des rapports et les deux chambres peuvent, dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures, requérir toute information complémentaire.
C'est cela un État de droit. C'est cela, agir en responsabilité.
Depuis le début de l'épidémie, plus de 55 heures ont été consacrées à ces travaux en commission, plus de 135 heures en séance publique, sans compter les débats en cours. À cela, s'ajoute l'important travail de contrôle, avec la remise de rapports et des auditions régulières du ministre de la santé et du président du comité scientifique.
Le Conseil constitutionnel exerce aussi son contrôle : à l'été 2021, il a censuré une disposition concernant l'isolement obligatoire, que nous pensions utile. Nous en avons pris acte, sans jamais remettre en question son contrôle.
C'est cela un État de droit. C'est cela, agir en responsabilité.
Au printemps 2021, après deux périodes d'état d'urgence sanitaire, le pays regagne progressivement les libertés qui ont été restreintes par nécessité. Il faut alors trouver des outils qui permettent de retourner à la vie normale sans compromettre une situation encore fragile. Nous découvrons ce qu'est un variant.
Le Parlement prévoit, avec la loi du 31 mai 2021, la mise en place d'un passe sanitaire, d'abord pour les grands rassemblements. Le dispositif est élargi aux lieux ayant une certaine capacité d'accueil, mais la jauge est écartée. Alors que le rebond épidémique menace d'être particulièrement fort, la loi du 5 août 2021 prévoit l'application du passe aux bars et aux restaurants. Le dispositif est proportionné, s'agissant du recueil de données. Le fait de conserver l'une de ces informations constitue un délit, tout comme celui de demander l'un des justificatifs hors les cas prévus par la loi.
C'est cela un État de droit. C'est cela, agir en responsabilité.
La situation sanitaire s'améliore, malgré l'apparition de variants bien plus contagieux, delta puis omicron. Pourtant, le pays tient, la vie est presque normale, grâce à une vaccination massive, à l'esprit exemplaire d'une grande majorité des citoyens et aux mesures de freinage.
Voilà l'histoire du régime de l'état d'urgence sanitaire et du régime de gestion de la sortie de crise sanitaire, deux régimes qui ont permis depuis mars 2020 de protéger la santé des Français et que le groupe FI propose ce matin de supprimer, purement et simplement.
Que proposez-vous, face à une crise sanitaire d'une telle ampleur ? De ne rien faire, si j'en juge vos interventions dans le cadre de l'examen du nouveau projet de loi ? De créer des lits d'hôpitaux supplémentaires, alors même que, sans mesures de freinage, aucun pays n'aurait pu encaisser le nombre d'hospitalisations que prédisaient les scénarios, pourtant optimistes, au début de la crise.
Cette proposition de loi est dangereuse. Vous omettez volontairement ce qu'ont permis les régimes de gestion de la crise sanitaire : un équilibre constant entre la protection de la santé des Français et les libertés constitutionnellement garanties. Grâce à ces outils, cela fait un an et demi que nous tenons, dans la tempête épidémique. Nous avons toujours eu la conviction que l'esprit de responsabilité devait l'emporter sur les vaines querelles politiciennes.
C'est cela, un État de droit. C'est cela, agir en responsabilité. Nous voterons contre cette proposition de loi.