Les sujets extrêmement complexes dont nous débattons embrassent toute l'organisation de nos institutions. Aussi est-il difficile, en seulement quelques instants, d'échanger et de construire de façon positive.
Derrière l'excès de la proposition de loi, qui explique que les pleins pouvoirs sanitaires sont donnés à l'exécutif, le seul fait d'évoquer les régimes d'exception revient à oublier une réalité objective : la France est dotée d'un Conseil constitutionnel – que nous avons saisi – et d'un juge administratif – qui n'a pas non plus failli en appliquant, dans un État de droit, les dispositions prises sous ce régime d'exception. Il ne faudrait pas qu'on puisse laisser nos concitoyens penser que nous sommes dans un régime où le Parlement ne fait rien, que l'exécutif a la main sur tout. Ce serait nier notre travail parlementaire qui reste, j'en conviens, très insuffisant. Comme vous, je déplore que le Parlement, dans son ensemble, soit insuffisamment entendu. Nous l'avons ressenti au cours du précédent quinquennat, comme nous le ressentons à l'heure actuelle. Je pense qu'il arrive que la majorité le vive tout aussi mal. À titre personnel, travailler, animée de mes convictions, dans une concertation plus construite avec les divers groupes, est ce vers quoi je tends.
L'état d'exception figure dans notre Constitution, et c'est une bonne chose. Qu'on puisse le mettre en mouvement à l'occasion de la crise sanitaire me semble important. Je vous rejoins sur la nécessité d'encadrer fortement sa temporalité, car s'installer dans un état d'urgence peut se révéler dangereux. C'est une situation que nous avons vécue en 2015, et que nous vivons à nouveau aujourd'hui. Nous restons donc extrêmement vigilants.
Les clauses de revoyure que nous proposons dans le texte actuellement en examen sont essentielles, même si l'élection présidentielle nous empêchera probablement de nous retrouver dans deux mois. Elles ne sont pas une clause de style. Il est essentiel que le Parlement rappelle qu'il est là, non pour débattre, mais pour évaluer, au regard de données, notamment statistiques – dont nous ne disposons pas toujours – l'importance de cette exception, qui doit demeurer sous son contrôle. Je vous rejoins sur ce volet relatif au contrôle du Parlement. Nous avons agi en responsabilité en votant des textes, parce que nous pensions que la situation l'exigeait, tout en regrettant, en effet, que des garde-fous ne soient pas instaurés.
Nous devons nous interroger moins sur la suppression de l'outil que sur la façon dont il est utilisé. Nous partageons nombre de vos constats sur l'hôpital et sur la désertification médicale, qui est dramatique : 10 millions de personnes n'ont plus de médecin référent, c'est dire qu'elles ont renoncé à l'accès aux soins depuis longtemps ; les jeunes ne consultent plus car ils n'ont pas de médecin ou craignent que le prix de la consultation soit trop élevé.
Il est nécessaire d'encadrer fortement cet outil. Le Parlement aurait dû faire en sorte que les décisions prises dans le domaine réglementaire soient discutées en même temps que les décisions prises au niveau législatif, et qu'elles soient partagées. Car la lassitude de nos concitoyens est extrême : ils ne savent pas très bien ce que les parlementaires décident en ce moment, ce sur quoi ils ont la main, tandis que les décisions prises par l'exécutif ont de fortes répercussions sur leur vie quotidienne. Il convient donc de clarifier le rôle des parlementaires et d'imposer, dans un état d'exception, un partage plus resserré du travail réglementaire, au travers, par exemple, de la mise en place d'un groupe de travail.