Intervention de Caroline Fiat

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

L'histoire est souvent réécrite. Nous allons donc remonter dans le passé. Au mois de janvier 2020, Agnès Buzyn – que nous félicitons d'avoir été décorée de la légion d'honneur – nous annonçait que nous disposions d'un stock de masques en cas de pandémie, mais qu'il ne fallait pas s'inquiéter car le virus n'arriverait pas en France et que tout était sous contrôle. Nous voyons où nous en sommes !

Notre collègue du groupe MODEM a déclaré, en substance, que nous avions agi avec réalisme et science. Le stock de masques était tel que les soignants sont allés travailler sans masque ni gants. Je remercie d'ailleurs les entreprises de sacs-poubelles, dont celles de Ludres en Meurthe-et-Moselle, qui ont stoppé leurs chaînes pour fabriquer des tenues en sacs-poubelles pour les soignants, et qu'ils ont vendues sans réaliser de marge.

S'agissant de la vaccination, la position de La France insoumise est de convaincre plutôt que contraindre – nous ne le rappellerons jamais assez. J'ai été moi-même menacée, comme beaucoup d'entre vous, pour avoir remercié dans un tweet du 5 janvier 2021 le directeur du CHU de Nancy, où je travaillais en réanimation covid, d'avoir retiré la contrainte d'âge qui permettait aux seuls soignants de plus de 50 ans travaillant dans les services à risques de se faire vacciner. Cela m'a valu d'être accusée d'avoir incité à la vaccination, et d'avoir conduit à la mort les personnes concernées. Je rappelle donc qu'inciter à la vaccination n'a été simple pour personne. Notre position sur ce sujet a été claire dès le 5 janvier 2021.

Lorsqu'Olivier Véran expliquait que, quand 90 % de la population serait vaccinée, le Gouvernement retirerait le passe sanitaire et qu'alors la crise serait derrière nous, nous répondions que ce n'était certainement pas la seule position à adopter, que la vaccination ne réglerait pas tout, et que la stratégie « tester, tracer, isoler » s'imposait.

Lors de l'examen du texte en commission, la semaine dernière, je n'ai cessé de répéter qu'il était ubuesque de vouloir à la fois diminuer le nombre de jours d'isolement et imposer le passe vaccinal, car cela conduirait à une augmentation du taux de contamination. Le rapporteur m'a répondu que le délai d'isolement pouvait être raccourci car il était probable que la contagiosité des personnes contaminées diminuait au bout de cinq jours. Est-ce cela, agir avec réalisme et science ? À force de répéter la même chose, nous avons obtenu que le nombre de jours d'isolement soit réduit, mais seulement en cas de test négatif.

Il faut tester, mais on constate l'insuffisance du nombre de tests dans notre pays. Par ailleurs, même si nous ne cessons de le répéter, vous ne voulez pas entendre qu'il faut produire des tests pour pouvoir les proposer en nombre suffisant.

Enfin, il faut tracer. Les employés des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) n'ont cessé de le dire, jusque dans la presse : ils ne sont pas assez nombreux pour rappeler toutes les personnes contaminées, repérer les cas contact et les prévenir. Sans traçage, on ne peut pas protéger nos concitoyens. Tout miser sur la vaccination ne permet pas de protéger nos concitoyens.

Cela passe aussi par la société du roulement. Lundi soir, dans l'hémicycle, le ministre Véran a repris, sans le savoir, l'ensemble de notre argumentaire lorsqu'il a évoqué les stades de football. Il a expliqué que l'on ne pouvait pas accepter plus de 5 000 personnes dans un stade, car cela supposait qu'elles prennent toutes le métro en même temps pour s'y rendre. Le même raisonnement pourrait s'appliquer au travail ! Or cela ne semble pas poser de problème au Gouvernement : contaminez-vous dans le métro en allant travailler !

Chers collègues, il va falloir réfléchir à ce que vous faites et répondre quand on vous propose des solutions. Vous avez voté contre un amendement d'un député du groupe MODEM encourageant les purificateurs d'air. S'agissant des moyens que nous vous proposons d'octroyer aux établissements de santé, le Ségur ne suffit pas et on constate que les démissions continuent de progresser. Et non, n'en déplaise à ceux qui avaient peut-être lu l'article du Parisien avant l'heure, elles ne sont pas dues aux non-vaccinés. Nous vous proposons d'auditionner les représentants des 180 000 infirmiers diplômés d'État qui pourraient revenir si des propositions leur étaient faites.

Une précision d'importance, sur le tri. Le tri signifie qu'une personne arrive aux urgences et qu'on ne la prend pas. C'est, pour moi, une ligne rouge à ne pas franchir. Des pays ont vécu le tri, lorsque, au début de la crise, des parents, des enfants se sont entendu dire : on n'admet pas votre proche, on ne lui donne pas sa chance. En France, nous n'avons jamais été confrontés à de telles situations. Aujourd'hui, il n'y a pas de tri.

Je suis informée constamment par des capteurs, sur le terrain. Des personnes ayant refusé de se faire vacciner arrivent aux urgences, obligeant le transfert d'autres patients. Mais nous ne sommes pas dans une situation où les services ne seraient pas en mesure d'accueillir tous les patients. Dans la mesure où vous justifiez votre politique – passe vaccinal, urgence sanitaire – par les déprogrammations et le tri dans les hôpitaux, il faudra expliquer que les soignants mentent. Ou alors, le Président de la République et Olivier Véran mentent.

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