Intervention de Mathilde Panot

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot, rapporteure :

Madame Abadie, vous dites « embêter » plutôt qu'« emmerder », je constate que vous êtes plus polie que le Président de la République ! Lorsque j'évoquais les trois catégories de non-vaccinés, les personnes éloignées des soins, les flemmards et les timbrés, je ne faisais que traduire les propos tenus par Olivier Véran en commission, lors de l'examen du texte dont nous débattons aujourd'hui en séance publique.

Je ne vois pas en quoi – et personne ici n'a avancé les arguments qui le prouveraient – un passe, sanitaire ou vaccinal, pourrait aider, dans la situation où nous sommes. M. Balanant m'a opposé un chiffre : 10 millions de Français sont allés se faire vacciner. Oui, mais à quel prix ? Alors que l'OMS explique qu'il est préférable de convaincre que de contraindre, la politique que vous conduisez a radicalisé, dans sa défiance, tout une partie de nos concitoyens. Vous nous décrédibilisez en expliquant que nous sommes peut-être contre les vaccins. Nous l'avons répété 25 000 fois, je le redirai encore une fois : nous sommes pour la vaccination, nous croyons qu'elle empêche les formes graves. Seulement, nous pensons qu'elle n'est qu'un outil, parmi d'autres, pour lutter contre l'épidémie.

Vous ne pouvez pas, dans le même temps fermer des lits et supprimer 7 900 postes dans l'enseignement. C'est ainsi que, dans vos circonscriptions, faute de remplaçants, des enfants n'ont pas cours ou se retrouvent dans des classes bondées. Deux ans après le début de l'épidémie, les salles ne sont toujours pas équipées de purificateurs d'air et les enseignants, comme l'ensemble des personnels éducatifs, ne disposent pas de masques FFP2, censés diviser par cent les risques de contamination. C'est cela qui est insupportable !

En Guadeloupe, les gens n'ont pas accès à l'eau pour le lavage des mains, premier des gestes barrières. À quoi sert-il d'envoyer le GIGN et le RAID ? À quoi sert-il d'appliquer une politique de contrainte ? À quoi sert-il que le Président de la République ait des mots aussi insultants quand, dans certains territoires, 65 % des personnes ne sont pas vaccinées ? Croyez-vous vraiment que vous allez les convaincre ?

Interrogez-vous sur l'un des chiffres que je vous ai livrés : 13 % des plus de 80 ans ne sont pas vaccinés. Ce ne sont pas des antivaccin, ce sont des personnes qui vivent en zone rurale, dans des déserts médicaux, éloignées des systèmes de soins, qui n'ont pas accès aux sites Vite Ma Dose ou Doctolib, lesquels ne sont pas des dispositifs publics de santé. Pourquoi la France est-elle l'un des derniers pays d'Europe où les plus fragiles, les personnes de plus de 80 ans, ne sont pas vaccinés ? Parce que, précisément, les outils utilisés sont inefficaces.

Tout le monde comprend que, pour se rendre dans un établissement recevant du public, un test négatif, pratiqué la veille ou le jour même, est plus fiable qu'un passe sanitaire ou vaccinal. Alors pourquoi les tests sont-ils aujourd'hui payants ?

Certains d'entre vous se sont essayés à retracer l'histoire du covid, vue du côté politique. Mais il faudra, un jour, écrire l'histoire du covid, vue du côté du peuple, et rappeler que le premier Conseil des ministres extraordinaire sur le covid a été l'occasion de décider de l'emploi de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour faire passer la réforme des retraites. Ce n'était pas prendre la situation au sérieux que d'agir ainsi !

Oui, avec cette proposition de loi, nous voulons réaffirmer que les passes ne sont pas des outils scientifiques, que nous devrions utiliser d'autres politiques d'« aller vers » et d'autres façons de convaincre, accorder plus de moyens à l'hôpital et procéder à la levée des brevets sur les vaccins.

Collègues, vous avez tous souligné que nous découvrions un variant. Si nous ne levons pas les brevets, ce que la France a refusé à deux reprises, nous en découvrirons beaucoup d'autres. L'OMS – dont, je l'espère, vous respectez les avis – nous a alertés encore récemment sur le risque de prolonger l'épidémie en procédant à des rappels de vaccination à tout-va, sans distinction.

M. Schellenberger a déclaré que se priver de régimes d'exception serait accepter que ces règles persistent. Telle est, en effet, notre plus grande crainte. D'ailleurs, certains juristes vous alertent sur le fait que des glissements de l'État de droit pourrait se produire et s'inscrire dans le droit commun, comme nous l'avons déjà vu à la suite d'états d'urgence sécuritaire.

Cela est d'autant plus inquiétant que l'épidémie de covid-19 ne sera sans doute pas la seule à laquelle nous devrons faire face. Les zoonoses ont été multipliées par dix en cinquante ans et nous connaîtrons des événements climatiques extrêmes dus au dérèglement climatique. Dès lors, la solution ne peut résider, périodiquement, dans l'établissement de régimes d'exception. Elle doit passer par la démocratie. Prendre des décisions en Conseil de défense n'est pas seulement nuisible pour notre démocratie, mais s'avère contre-productif, car les décisions– qu'elles soient effectivement dénuées de sens ou qu'elles changent constamment – ne sont pas comprises.

Le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire court jusqu'au 31 juillet 2022. Nous ne disons pas qu'Emmanuel Macron sera réélu, mais enjamber les élections présidentielle et législatives est déjà extrêmement problématique. La question de la temporalité a été soulevée. Il n'est pas vrai que le Parlement garde un pouvoir de contrôle face aux pouvoirs exceptionnels qui sont confiés à l'exécutif. Si le Gouvernement décide de mettre en place un couvre-feu ou un confinement, il dispose d'un délai d'un mois pour consulter le Parlement ! Si vous voulez conserver des régimes d'exception, ce que nous trouvons dangereux et inefficace, il convient, au minimum, que le Parlement ait, lui aussi, un pouvoir de contrôle exceptionnel.

Quant à l'élection présidentielle, l'instauration, ou la prolongation, de l'état d'urgence sanitaire à La Réunion et à la Martinique, aura des répercussions. Le Conseil constitutionnel a demandé que le passe vaccinal ne s'impose pas pour l'accès aux meetings politiques. Dans moins de cent jours, les citoyens devront décider du projet qu'ils veulent pour les cinq prochaines années et je ne vois pas comment nous pourrions exclure des meetings ceux qui souhaitent se forger une idée ni empêcher des candidats de faire campagne dans certains territoires.

Oui, trois élections se sont déjà déroulées en période covid. Que s'est-il passé ? Lors des dernières élections régionales, 85 % des jeunes se sont abstenus. Voulez-vous que le Président de la République soit choisi en dépit d'un tel taux d'abstention ?

Notre premier défi, c'est de faire en sorte de restaurer la démocratie sanitaire, que les enseignants, les syndicats, les travailleurs de certaines unités de production définissent la façon dont la démocratie sanitaire doit s'insérer, à leur échelle. Ne sont-ils pas les mieux à même de savoir comment se protéger ?

Sans un système de santé restauré, un écran de fumée obscurcira toute discussion sur la conduite des politiques de santé. Le maître-mot devrait être celui de la confiance, or les états d'exception et les passes la détruisent méthodiquement, instaurant la défiance. Nous pourrions faire bien mieux dans notre pays, d'autant que la France fera face à de nouveaux défis, qui soulèveront les mêmes questions.

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