Intervention de Paul Molac

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Certaines multinationales se déchargent de leurs responsabilités sur leurs sous-traitants et leurs fournisseurs, afin d'éviter d'avoir à en répondre juridiquement. Elles sont pourtant bien donneuses d'ordre et peuvent être responsables indirectement de pollution massive, de travail des enfants, de travail forcé et de manquements graves aux droits de l'homme et à l'environnement. Bien des exemples peuvent être cités : plusieurs milliers de travailleurs sont décédés sur le chantier de la Coupe du monde au Qatar, où opèrent douze multinationales européennes. Selon une étude du WWF, l'Union européenne serait la deuxième responsable de la destruction des forêts tropicales du fait de l'importation de bois. Et comment ne pas parler des Ouïghours ? Quatre-vingt-deux multinationales sous-traitent une partie de leur production en Chine, comme Nike ou Zara, contribuant ainsi à l'exploitation des Ouïghours, laquelle va jusqu'au prélèvement d'organes – je le signale même si ce dernier point ne concerne pas les multinationales.

La loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre est le fruit d'un long travail transpartisan dont Dominique Potier a été la cheville ouvrière. Elle a été votée à la suite de l'effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh, un immeuble dans lequel plus de 1 100 travailleurs du textile ont trouvé la mort dans des conditions affreuses. Si nous regrettons que la loi ait été amputée de son volet sanctions, elle fixe néanmoins d'importants objectifs en matière de responsabilité pour les entreprises de 5 000 salariés.

Certaines ONG trouvent que la loi n'est pas suffisamment appliquée. Celle-ci a tout de même permis d'assigner en justice plusieurs entreprises, comme Total, pour un forage en Ouganda qui gênait les cultures vivrières des populations, ou encore le groupe Casino, pour de la déforestation en Amazonie à des fins de production de viande bovine. Ces procédures sont toujours en cours, certaines depuis plus de deux ans.

Toutefois, le périmètre assez flou de la loi rend son utilisation difficile dans de nombreux cas ; plusieurs plaintes n'ont pu être déposées sur son fondement. L'Association des Ouïghours de France a porté plainte en France contre Nike pour complicité de travail forcé et pratiques commerciales trompeuses, alors que 7 millions de paires de chaussures auraient été fabriquées par les Ouïghours dans le cadre du travail forcé. Il faut donc veiller à ce que ces obligations soient suivies d'effets concrets et leur non-respect réellement sanctionné. Nous devons y travailler à l'échelon européen, voire mondial, afin que les multinationales soumises à un devoir de vigilance élevé ne subissent pas de concurrence déloyale.

Par ailleurs, un protectionnisme ambitieux au niveau européen, avec la création de barrières tarifaires sur les importations de produits ayant des conséquences sociales et environnementales néfastes, pourrait avoir un impact tout à fait appréciable. Notre groupe soutiendra donc pleinement cette proposition de résolution, dans l'espoir d'un monde plus vivable, où les droits des populations, en particulier ceux des Ouïghours, sont mieux respectés.

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