Cette proposition de loi concerne un sujet qui est rarement abordé dans le débat public, mais qui pose pourtant des problèmes récurrents à nombre de nos concitoyens. Je salue pour commencer le travail du rapporteur.
En droit français, il existe une certaine sacralisation du nom de famille. Il constitue en effet notre identité administrative, ce qui nous rattache à la société. C'est la raison pour laquelle il est si difficile d'en changer. Le nom est aussi ce qui relie à la famille, et le plus souvent à la branche paternelle. C'est un héritage du code civil napoléonien, lequel était le reflet d'une époque où les femmes n'avaient pas les mêmes droits que les hommes. La société en porte encore l'empreinte, même si le droit consacre désormais l'égalité.
La proposition de loi comprend deux avancées principales.
La première consiste à simplifier le quotidien des familles, et en particulier des mères et des enfants, en indiquant dans le code civil qu'il est possible pour l'enfant d'utiliser le nom de sa mère en plus de celui du père, ou inversement. Le texte va même plus loin que la pratique en permettant de substituer le nom de la mère à celui du père, ou inversement. Il ne s'agit pas de revenir sur les règles de dévolution du nom de famille, mais bien de faciliter l'usage du nom du parent qui n'a pas transmis son nom à l'enfant au moment de la naissance.
La question du nom de famille se pose quasi systématiquement lors d'un divorce. Dans de nombreux cas, l'enfant porte depuis sa naissance le nom de son père, alors que la mère reprend l'usage de son nom patronymique. Elle ne porte dès lors plus le même nom que son enfant et se retrouve dans une situation où elle doit continuellement justifier le lien de filiation pour les activités du quotidien. Beaucoup de mères m'ont expliqué combien il est fatiguant de prouver que leur fils est bien leur fils. Cela crée de fait une situation d'inégalité par rapport à l'autre parent.
À l'adjonction du nom d'usage, désormais codifiée, s'ajoutera la possibilité de la substitution. En pratique, soit les deux époux seront d'accord pour le nouveau nom d'usage de l'enfant, soit ils ne le seront pas et la décision reviendra au juge aux affaires familiales. L'enfant devenu majeur pourra également décider de faire usage du nom de sa mère.
La seconde avancée de la proposition de loi réside dans la création d'une procédure simplifiée de changement de nom parmi les noms issus de la filiation. Chaque personne majeure pourra décider de changer de nom une fois dans sa vie, en s'adressant directement à l'officier de l'état civil. Quand on porte un nom, on porte aussi une histoire. Il y a de très belles histoires ; il y en a beaucoup qui sont plus difficiles, voire sombres. Je pense par exemple à l'enfant qui n'a pas connu son père et qui en a dû porter le nom sans connaître la personne qui le lui a transmis. Je pense aussi aux enfants qui ont été victimes de violences de la part d'un de leurs parents et qui doivent porter le nom du coupable comme un fardeau. C'est une forme de double peine qui est infligée à la victime. Aussi est-il de notre devoir de permettre à ces personnes, devenues majeures, de tirer un trait sur ce passé en changeant de nom, sans qu'elles aient à s'engager dans d'éprouvantes démarches, trop complexes et interminables. Selon un reportage diffusé sur TF1, chaque année au moins 2 000 Français veulent changer de nom, mais seulement un tiers d'entre eux y parviennent.
Même si la procédure de changement de nom est simplifiée, elle fera toujours l'objet d'un encadrement strict pour ménager le principe de stabilité de l'état civil. Le recours à cette procédure sera donc limité à une utilisation au cours de la vie d'adulte, avec pour seul choix possible le nom du parent qui n'a pas été transmis – par substitution ou adjonction.
Pour conclure, cette proposition de loi offrira de nouveaux droits et libertés à nos concitoyens, ainsi que davantage d'égalité entre les femmes et les hommes. C'est pourquoi le groupe Agir ensemble la soutiendra.