Intervention de Élodie Jacquier-Laforge

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlodie Jacquier-Laforge, rapporteure :

Nous nous sommes réunis le 6 octobre dernier pour examiner les conclusions de la mission flash sur la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, dont Raphaël Schellenberger et moi-même étions les rapporteurs. Aux termes de nos travaux, nous avons tous les deux conclu à la nécessité de légiférer pour renforcer la présence des femmes dans les conseils municipaux des communes les moins peuplées et au sein des exécutifs intercommunaux.

Je rappelle que ces travaux s'inscrivaient dans la continuité de l'adoption de l'article 28 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Cet article prévoyait qu'avant le 31 décembre 2021 « les dispositions du code électoral relatives à l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires [devaient être] modifiées pour étendre l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements » et qu'une « évaluation [devait être] préalablement conduite par le Parlement pour déterminer les modes de scrutin permettant cet égal accès ».

La proposition de loi soumise à votre examen ce matin, qui est composée de quatre articles, constitue la traduction législative des recommandations que j'ai souhaité formuler au terme de la mission d'information et que mon groupe a soutenues en inscrivant ce texte dans sa niche parlementaire.

Je profite de cette occasion pour remercier sincèrement les associations d'élus, le bureau des élections du ministère de l'Intérieur et la direction générale des collectivités locales pour leur précieux concours à mes travaux. Je tiens également à remercier mon équipe pour son travail de longue haleine, notre présidente pour son engagement ainsi que mon groupe, qui me soutient dans cette démarche.

Depuis les lois constitutionnelles de 1999 et de 2008, notre Constitution dispose que « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ». À la suite de la révision constitutionnelle de 1999, au siècle dernier donc, plusieurs grandes lois ont été adoptées pour renforcer la parité au sein de la vie politique locale. Ces lois ont permis des avancées majeures, mais elles comportent aujourd'hui deux zones blanches : les conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants et les exécutifs intercommunaux.

S'agissant de ces deux angles morts de la parité, plusieurs chiffres très parlants doivent nous alerter. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les femmes représentent 37,6 % des membres des conseils municipaux. Dans les communes de 1 000 habitants et plus, au sein desquelles la parité s'applique, on atteint 48,5 %, soit 11 points de plus. Dans les exécutifs des intercommunalités, la proportion de femmes vice-présidentes d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre s'établit à 25,6 %. Leur part est de plus de 10 points inférieure à celle des femmes dans les conseils communautaires, elle aussi faible puisqu'elle est de 35,8 %. Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire de tels chiffres.

Les facteurs expliquant la sous-représentation des femmes sont bien connus : l'autocensure, la cooptation masculine, la moindre connaissance des rouages politiques ou encore le temps de travail domestique des femmes, qui est plus important que celui des hommes. L'expérience l'a montré, ces causes sont tellement enracinées que si la parité n'est pas imposée par la loi, elle ne s'impose jamais d'elle-même. Nous devons donc agir : c'est le sens de cette proposition de loi.

En ce qui concerne les communes les moins peuplées, auxquelles sont relatifs les trois premiers articles du texte, nous proposons d'étendre le scrutin de liste paritaire. C'est la solution la plus lisible, pour les candidats et pour les électeurs, et la plus pertinente afin d'instaurer rapidement une parité effective. L'adoption de cette disposition très en amont des prochaines élections municipales permettrait d'engager suffisamment tôt le travail de constitution des listes. Cette mesure fait l'objet d'un large consensus parmi les acteurs concernés : la plupart des associations d'élus, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et l'Assemblée des communautés de France (ADCF), la soutiennent, ainsi que le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, et une telle proposition avait été faite en commun dès 2018.

Afin de ne pas porter atteinte au principe de pluralisme garanti par la Constitution, en son article 4, nous avons prévu certains aménagements. La constitution des listes dans les communes les moins peuplées pourrait, en effet, être malaisée. Ce fut une préoccupation constante lors des travaux de la mission d'information et lors de la rédaction de cette proposition de loi. Plusieurs mesures parallèles sont ainsi prévues. Premièrement, la proposition de loi crée une strate nouvelle dans le tableau des conseillers municipaux et abaisse de 15 à 13 le nombre des membres du conseil municipal dans les communes comptant entre 500 et 999 habitants. Par ailleurs, le texte autorise le dépôt de listes incomplètes dans l'ensemble des communes de moins de 1 000 habitants. Enfin, nous élargissons à l'ensemble des communes comptant jusqu'à 999 habitants les dérogations au principe de complétude du conseil municipal qui sont actuellement prévues pour les communes de moins de 500 habitants.

S'agissant des vice-présidents des EPCI, le texte propose une solution originale, dont l'idée vient du Sénat. Nous suggérons de ne pas revenir sur leur modalité d'élection, au scrutin majoritaire, afin de ne pas bouleverser les équilibres territoriaux et politiques. En revanche, pour renforcer la présence de femmes parmi les vice-présidents, l'article 4 prévoit que leur répartition s'effectue en proportion de la répartition par sexe des membres de l'organe délibérant pris dans son ensemble. Si les femmes représentent 40 % des membres du conseil intercommunal, il en faudra, en miroir, au moins 40 % au sein de l'exécutif.

Ce dispositif présente deux grands avantages. Il renforcera évidemment la présence des femmes dans les exécutifs intercommunaux. Par ailleurs, de façon pragmatique, il permettra de suivre l'évolution de la part des femmes dans l'organe délibérant sans que le législateur ait à intervenir de nouveau.

Voici les dispositions de cette proposition de loi, qui ont été élaborées pour étendre l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions électives du bloc communal tout en préservant le pluralisme, la lisibilité des règles du droit électoral et les équilibres territoriaux.

Pour conclure, j'appelle de mes vœux un travail à ce sujet avec le Sénat.

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