Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion débute à 9 heures.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La commission a été consultée sur une demande d'examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à moderniser la régulation du marché de l'art (n° 2721) selon la procédure d'examen simplifié.

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Notre commission examine, ce matin, les trois propositions de loi que le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés a choisi d'inscrire à l'ordre du jour de sa journée réservée.

Avant cela, il nous faut donner l'avis de la commission sur l'utilisation de la procédure d'examen simplifiée pour l'examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à moderniser la régulation du marché de l'art, qui est inscrite en séance le 7 févier

Vous vous en souvenez, nous avons déjà examiné cette proposition de loi en commission il y a près de deux ans, le 26 février 2020, sur le rapport de Sylvain Maillard. Cet examen sérieux avait montré que la portée de ce texte était avant tout technique. Mais, la crise sanitaire a ensuite empêché qu'il soit inscrit en séance publique dans la foulée.

Il me semble qu'il s'agit exactement du type de texte pour lequel la procédure d'examen simplifiée est parfaitement adaptée. Toutefois, l'article 103, alinéa 2, du Règlement prévoit que, lorsque la demande intervient après l'examen en commission, elle doit être précédée d'une consultation de la commission.

Etes-vous donc favorable que je demande la mise en œuvre de la procédure d'examen simplifiée sur cette proposition de loi ? Je constate qu'il n'y a pas d'opposition.

La commission donne son assentiment à la proposition de demander la mise en œuvre de la procédure d'examen simplifiée.

La Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit (n° 4221) (M. Philippe Latombe, rapporteur).

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La proposition de loi tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit a été déposée par les sénateurs Mme Valérie Létard et M. Vincent Delahaye, du groupe Union centriste. Le texte, en apparence technique, fait suite aux travaux de la mission dite BALAI (Bureau d'abrogation des lois anciennes et inutiles), qui a recensé un grand nombre de lois obsolètes encore en vigueur.

Nous avions déjà examiné en 2019 une proposition de loi dont le rapporteur était M. Erwan Balanant tendant à améliorer la lisibilité du droit par l'abrogation de lois obsolètes, qui abrogeait une cinquantaine de lois, adoptées entre 1819 et 1940. Ce deuxième épisode, puisque l'on peut parler d'une série, couvre la période allant de 1941 à 1980 : ce sont cette fois 115 lois que le Sénat propose d'abroger.

La démarche est complexe : à ce titre, je rends hommage aux auteurs et à la rapporteure de la proposition de loi au Sénat, Mme Catherine Di Folco, qui ont examiné avec rigueur l'ensemble des lois que nous nous apprêtons à abroger. Ainsi, sur les 163 lois initialement identifiées, 114 figurent dans la version du texte qui a été transmise à l'Assemblée nationale et une cent-quinzième a été ajoutée par coordination. Ce tri a été réalisé pour réduire autant que possible les risques qui résulteraient d'une abrogation prématurée. Il s'agit uniquement de lois obsolètes : les abrogations n'ont aucune vocation à modifier le droit applicable.

Le Conseil d'État, qui a été saisi pour avis sur ce texte, a défini une loi obsolète comme « une loi dont toutes les dispositions n'ayant pas fait l'objet d'une abrogation explicite, soit ont été abrogées implicitement par des lois ultérieures posant des règles contraires, soit ont épuisé leurs effets eu égard à leur objet, soit sont désormais privées d'objet parce qu'elles visaient des situations qui, en raison de l'évolution des circonstances de droit et de fait, ne sont plus susceptibles de se présenter. »

La présente proposition de loi vise à abroger trois catégories de lois. D'abord, celles dont l'effet était temporaire ou lié à des circonstances exceptionnelles. C'est par exemple le cas du rallongement de certains délais légaux après les événements de Mai 68. Ensuite, des lois qui encadraient des régimes juridiques ayant disparu, par exemple l'élection des membres de l'Assemblée algérienne. Enfin, une série de lois ayant modifié des articles de code ou des lois qui n'existent plus.

Le Sénat, notamment sur la recommandation du Conseil d'État, a fait le choix d'écarter 49 lois, dont l'obsolescence pouvait apparaître comme incertaine ou dont l'abrogation pouvait poser des difficultés juridiques. Quatre motifs ont justifié le maintien de ces lois : leur caractère symbolique ou historique, par exemple pour la loi qui consacre l'indépendance professionnelle et morale des médecins ; leur valeur organique, qui implique l'intervention d'une nouvelle loi organique, par exemple pour ce qui concerne la féminisation du statut de magistrat ; la possibilité qu'elles continuent de régir des situations en cours, qui pourraient faire l'objet d'un contentieux dans le futur, par exemple en matière de prestations sociales, de contrats ou d'état civil ; enfin, le fait que l'abrogation prive un décret ou un article de code de base légale.

Ce choix a été guidé par la prudence et le souci de préserver la sécurité juridique sur tout autre impératif. Les abrogations retenues par le Sénat ne posent pas de difficulté. Nous pouvons donc les adopter conforme.

Le travail mené nous conduit aussi à nous interroger sur les causes et l'utilité de cette démarche. L'exercice n'est pas uniquement comptable. Il s'inscrit plus largement dans la poursuite de l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme car conserver des lois obsolètes présente des risques. Les personnes que nous avons auditionnées l'ont rappelé, il arrive souvent que l'on ne sache pas si une norme est encore en vigueur. En effet, si une loi postérieure abroge une loi antérieure incompatible, encore faut-il que cette incompatibilité soit évidente, ce qui est loin d'être toujours le cas.

Que faire pour éviter d'être confronté à cette confusion des normes ? La codification a fait beaucoup en la matière mais les codes sont aujourd'hui très fournis – le code du travail compte plus de 10 000 articles, dont certains sont également obsolètes. Il semble qu'il faille anticiper cette difficulté car le flux des textes législatifs sera difficile à freiner dans les prochaines années. Les Anglo-Saxons recourent parfois à des lois à durée déterminée, devant être régulièrement prorogées : les sunset legislations. En France, nous utilisons davantage les expérimentations, qui sont une bonne habitude.

Au niveau réglementaire, où les textes sont encore plus foisonnants, le Gouvernement a mis en place des démarches efficaces telles que l'obligation de supprimer au moins deux normes pour une norme créée, et l'abrogation automatique des circulaires n'ayant pas été transférées sur un site dédié du Gouvernement.

Dans le domaine législatif, l'initiative en la matière est souvent venue des parlementaires. Il en va ainsi des lois auxquelles M. Jean-Luc Warsmann a donné son nom. Nous pourrions demander au Gouvernement d'apporter sa pierre à l'édifice. Nous suggérons ainsi que les études d'impact identifient pour chaque projet de loi les abrogations qu'il rendrait nécessaires. Un petit coup d'aspirateur de temps en temps vaudrait mieux qu'un grand ménage de printemps, une fois par an !

La démarche de nos collègues sénateurs a été ambitieuse mais prudente. Les auditions ont montré qu'il pourrait être intéressant de procéder à des abrogations plus systématiques, en se donnant la capacité de rétablir la norme concernée, s'il s'avérait qu'une erreur avait été commise. Tout cela doit faire l'objet d'une réflexion approfondie – la proposition de loi donne l'occasion d'en jeter les premières bases.

Pour conclure, il serait intéressant que l'Assemblée nationale participe davantage à l'effort du Parlement pour améliorer la clarté et la lisibilité de notre droit. Les sénateurs ont d'ailleurs formulé la demande que les députés participent à leur fameuse mission BALAI.

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La proposition de loi est sans aucun doute nécessaire, puisqu'il s'agit d'améliorer la clarté, l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi, que nul ne peut ignorer. Il s'agit de poursuivre le travail du BALAI – ce bureau pourrait être le titre d'une série télé ; d'autres ont d'ailleurs pu s'en inspirer. (Sourires.) Reconnaissons avec humilité qu'une loi pourrait être inutile, quand bien même elle ne serait pas obsolète. Nous devrons mener un jour cette réflexion.

Un vrai travail de fond a été mené, sur des critères objectifs, que M. le rapporteur a rappelés. Il en vient à considérer que 115 textes – cela n'est pas rien – n'ont plus d'application possible. Le travail est délicat car certains peuvent encore avoir des incidences, soit directement, soit par ricochet. Il s'agit alors de ne pas les modifier. À cet égard, M. le rapporteur a relevé le caractère symbolique de certains textes. La loi de 1854 portant abolition de la mort civique, par exemple, ne peut pas être oubliée. Il faut remercier les auteurs de ce travail, qui offre une incursion dans notre histoire et un éclairage du présent. La mort de la loi n'est évidemment pas celle de la mémoire. Certains textes attestent que l'on peut « effacer le temps et surfer sur le présent », comme l'exprime Charlélie Couture. À ce titre, l'abrogation de la loi du 3 juillet 1965 relative à la francisation des noms et prénoms pour personnes qui acquièrent ou se font reconnaître la nationalité française, est d'une certaine actualité, comme la loi du 8 juin 1970 tendant à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance lors des manifestations.

Nous avons beaucoup fabriqué de lois durant ce quinquennat – selon les dernières estimations, plus de 1 300 textes ont été votés. Notre loi est-elle toujours claire, intelligible, accessible et correspondant au souhait des auteurs de la proposition de loi ? N'avons-nous pas, dans certaines conditions, et avec la meilleure volonté du monde, installé un régime d'instabilité juridique ? Il serait curieux de se transporter dans le temps, pour voir combien de ces lois seront considérées comme inutiles et rattrapées par la voiture-balai de l'histoire. Même s'il ne suffit pas que l'objectif figure dans le texte pour qu'il soit atteint, notre travail a tout de même visé à simplifier la loi et à la rendre plus accessible, notamment dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, la loi d'accélération et de simplification de l'action publique ou loi ASAP, voire la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale – loi « 3DS ».

Cet effort doit être accompagné : à cet égard, la PPL va indubitablement dans le bon sens. C'est une loi utile, qui ne devrait pas être abrogée à l'avenir. Pour cette raison, le groupe La République en marche la votera sans aucun état d'âme.

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Le travail entamé par le Sénat rencontrera vraisemblablement l'unanimité. Il a été conçu comme structurel : il s'agit non d'une opération ponctuelle pour simplifier le droit mais, de façon régulière et permanente, de scanner les tables de la loi, pour y trouver les textes devenus manifestement obsolètes ou déconnectés. Certains critères ont été fixés par la commission. Il n'est pas question de fragiliser quelque acte juridique que ce soit. Des lois semblent parfois obsolètes alors qu'à la suite de déclinaisons, de jurisprudences ou d'évolutions successives, elles sont toujours le fondement d'un droit réel, parfois complexe à décortiquer, mais qu'il ne faudrait pas menacer car il s'applique au quotidien pour nombre de personnes.

Abroger une loi ne revient pas à l'effacer de l'histoire. Au contraire, nombre de lois ont été abrogées mais elles sont toujours à la disposition de celles et ceux qui veulent étudier le passé, et les recontextualiser. Le processus du vote de la loi ne se limite en effet pas au site www.legifrance.gouv.fr, mais il recouvre nombre d'archives réelles, concrètes, disponibles dans les fonds documentaires, notamment les bibliothèques de l'Assemblée nationale et du Sénat ou les ressources en ligne.

Un tri dans ce qui est devenu manifestement obsolète et inappliqué est donc nécessaire. Certaines mesures peuvent nous faire sourire, telles que la criée publique, un an après l'oubli d'un bien dans une chambre d'hôtel, pour permettre son acquisition par le tenancier. Nous serons évidemment favorables à un toilettage de cet ensemble, qui réserve quelques pépites, comme le problème soulevé en 1941 par l'inexactitude des noms des créanciers de l'État, la nécessité d'autorisations préalables à la construction de navires pour les eaux maritimes ou la rémunération des personnels des journaux quotidiens, autant de sujets qui ont fait couler beaucoup d'encre et de salive aux époques où ces textes ont été votés, mais qui sont aujourd'hui devenus des faits de l'histoire, qu'il est amusant d'observer.

Le groupe Les Républicains n'aura aucune difficulté à voter la proposition de loi. Nous espérons que ce travail se poursuivra de façon régulière et rejoignons l'appel du rapporteur à nous saisir du fonctionnement de cette commission originale et originalement nommée par le Sénat. Enfin, nous nous réjouissons du travail de tri que nous effectuons.

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L'Assemblée algérienne a bien été créée par une loi de 1947 et dissoute par un décret du 12 avril 1956. Pourtant, une loi de 1948 portant fixation des circonscriptions électorales pour la désignation des membres de l'Assemblée algérienne reste inscrite parmi les quelque 10 000 textes en vigueur dans notre pays. Après avoir déniché cette incongruité, il aura fallu peu de temps et de réflexion aux sénateurs de ce fameux bureau d'abrogation des lois anciennes et inutiles – qui, comme son acronyme, évoque immanquablement un roman-fleuve de J.K. Rowling – pour évaluer qu'un tel texte pouvait être abrogé sans risque.

Si cet exemple semble simple, tel n'est pas le cas des 163 lois identifiées dans un premier temps comme abrogeables, tant les chausse-trapes étaient nombreuses. Ainsi, après qu'un examen approfondi a été mené par le Sénat, et que le Conseil d'État s'est, lui aussi, penché sur les conséquences de l'abrogation de chacun de ces textes, 49 lois ont été écartées du processus soit parce qu'elles étaient susceptibles d'être la base législative d'autres textes, soit parce que certains de leurs effets ne sont pas totalement éteints. Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, les sénateurs s'étaient déjà penchés en 2019 sur les lois adoptées de 1800 à 1940, ce qui nous avait permis de nous débarrasser de 44 lois obsolètes. Aujourd'hui, ce sont 115 nouvelles lois, adoptées entre 1941 et 1980 que nous nous apprêtons à abroger, pour toiletter notre droit législatif.

Au nom du groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, je salue avec admiration le travail de fourmi de la Chambre haute, si peu gratifiant mais tellement nécessaire, pour que notre droit conserve une certaine lisibilité. Nous voterons d'une seule voix l'ensemble de ce texte qui, au vu de l'absence d'amendements – cela est suffisamment rare pour être noté – devrait emporter l'unanimité. Nous devons veiller à limiter cette fameuse inflation législative, à laquelle nos concitoyens sont particulièrement attentifs. Pour finir, j'adresse mes vœux de courage aux sénateurs, qui se sont d'ores et déjà attelés au nettoyage des quelque 400 000 normes législatives et administratives qui régissent le fonctionnement des collectivités territoriales, afin de proposer prochainement un nouveau coup de balai, voire d'aspirateur, qui est plus que nécessaire.

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La présentation du rapporteur suscite peu d'interrogations. L'inflation législative accompagne en effet notre société compliquée. Souvent, nous n'exigeons pas nous-mêmes les normes ; elles nous sont demandées. Nous avons donc des injonctions contradictoires, qu'il paraît utile de relever.

En 2008, nous avons décidé qu'une étude d'impact précéderait la loi. Année après année, ses exigences ont été renforcées, bien qu'elles n'aient pas toujours été respectées. Dans ce cadre, nous devons travailler davantage sur la lisibilité de la loi, pour distinguer les textes appliqués de ceux devenus obsolètes. Il serait opportun de mener ce travail d'érudition lors des études d'impact, qui n'ont pas atteint le niveau que nous souhaitions. Il est regrettable que la présidence de l'Assemblée nationale n'ait jamais refusé un texte de loi dont l'étude d'impact était insuffisante. Il faudra aller dans cette voie, si nous voulons que le Parlement du futur soit digne de ce nom.

En 2014, nous avions aussi travaillé sur la simplification législative : comparé au droit anglo-saxon, le nôtre est plus complet et cohérent, et traite les sujets d'une manière plus individuelle et plus précise. Le recours à l'abrogation systématique de certains dispositifs législatifs, générateur de maladresses et d'erreurs, est apparu en revanche comme une fausse bonne idée. Nous en avions conclu qu'il était nécessaire de revenir au travail fastidieux mené par le Sénat. Les lois ayant été votées par les deux assemblées, nous devrions instaurer un pont entre le Sénat et l'Assemblée nationale, pour réaliser cette tâche ensemble. Chacun doit donner sa part de travail, un travail que nous n'avons évidemment pas vérifié car nous faisons confiance aux sénateurs. Il faut à présent que l'Assemblée nationale renforce l'analyse préfigurative du caractère obsolète d'un texte.

Le groupe Socialistes et apparentés votera la proposition de loi et vous remercie pour le travail aride accompli à ce sujet.

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Le groupe Agir ensemble sera favorable à cette proposition de loi, fruit du travail d'orfèvre de nos collègues sénateurs. Je salue également le travail du rapporteur, Philippe Latombe. Ce coup de balai était en effet nécessaire.

Un de mes professeurs voyait dans le droit le substitut de l'amour absent. L'existence de règles dans une société témoigne de la difficulté à cohabiter : plus elles sont nombreuses, plus cette difficulté est grande. C'est bien la voie sur laquelle nous nous sommes progressivement engouffrés. Il y a trente ans, on dénombrait 8 500 à 9 000 lois. Elles sont aujourd'hui 11 500 – le processus ne s'est pas amélioré.

Vous me direz que rien n'est plus naturel que de prendre des mesures juridiques pour légiférer dans un État de droit. Dans notre pays comme dans l'ensemble des démocraties occidentales, on a le sentiment excessif que tout peut se résoudre par des règles de droit. Cette assemblée où je siège depuis cinq ans semble aussi avoir une propension un peu trop grande à entrer dans le détail. Le législateur, tantôt trop bavard, tantôt trop précis, finit par donner certaines injonctions contradictoires ; l'administration adopte des normes d'application de plus en plus détaillées, même si nous devons nous féliciter des mesures salutaires qui ont été prises dans ce domaine. À vouloir prévoir toutes les situations, on ne laisse plus aucune marge de manœuvre ni à ceux qui déploient les dispositifs adoptés sur le terrain, ni aux citoyens qui en sont les destinataires, ni à ceux qui doivent les interpréter en cas de dissensions ou de contentieux – les avocats –, ni à ceux qui doivent les arbitrer – les juges –, auxquels on accorde finalement peu de confiance.

À ce rythme, quand nous aurons légiféré sur à peu près tout, en ayant prévu tous les scénarios, la vie sera devenue une sorte de parcours fléché, faite de permis et d'interdits, qui nécessitera un logiciel d'aide à la décision pour éviter les obstacles et les écueils constitutionnels. Il est à craindre que le principe de liberté, que nous portons en étendard sur notre devise nationale, ne soit réduit à la portion congrue.

Pour revenir au sujet de la proposition de loi, je suis très favorable à BALAI 1, BALAI 2 et autres, afin d'essayer d'épurer notre droit. Nous devrions de plus ouvrir une réflexion collective sur le statut du droit dans notre société, et sur son articulation avec le principe de liberté, auquel nous sommes tous très attachés. De mon point de vue, ce principe passe par une simplification de notre système normatif, pour un avenir serein. Nous voterons donc pour la proposition de loi.

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Nos 10 000 lois sont redondantes, parfois contradictoires, et se superposent. Parmi 300 000 articles, certains ont été abrogés ; d'autres, s'ils sont inclus dans un code, sont conservés.

S'agissant des contradictions, le décret du 2 thermidor de l'an II – une période particulière de notre histoire, qui fleure bon la dictature – dispose que « nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire français, être écrit qu'en langue française ». Depuis, la loi relative à l'emploi de la langue française, dite loi Toubon, est revenue sur ces dispositions. Le Conseil constitutionnel a ajouté que des mentions dans une autre langue que le français sont possibles. Pourtant, les articles du décret, qui condamnent le fonctionnaire contrevenant à la destitution et à six mois d'emprisonnement, restent en vigueur. Rendus inopérants par une modification intervenue en 2016, ils auraient pourtant pu être purement et simplement supprimés.

On tombe aussi dans la contradiction lorsque le juge est conduit à interpréter la loi. En Bretagne, la mairie de Quimper a été condamnée en première instance, puis relaxée, pour avoir refusé un prénom avec le n tilde ; au Pays basque, le juge a pris argument que ce signe diacritique avait été déjà utilisé dans la langue française pour y reconnaître un caractère français, qui peut figurer dans les noms de famille ou les prénoms. On peut s'interroger sur l'égalité entre les citoyens dans cette application du droit sur le terrain. Dans de telles situations, on se marche sur les pieds.

Des stupidités peuvent aussi être constatées, comme cette ordonnance du 16 brumaire de l'an IX interdisant le port du pantalon, qui a été abrogée dans les années 1980, si ma mémoire est bonne. Depuis belle lurette, les femmes portaient un pantalon sans qu'un fonctionnaire de police n'ait la mauvaise idée de les verbaliser.

Monsieur le rapporteur, vous comptez donner un coup de balai, ce qui est très bien. Sans faire de vous un sorcier des lois, il faudrait que ce balai soit un peu magique car les problèmes risquent d'être nombreux.

Comme vous l'avez compris, nous sommes très favorables à cette loi, que nous voterons.

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La proposition de loi ne vise pas à effacer un pan de notre histoire. Ces lois resteront disponibles pour la recherche historique, afin qu'on puisse comprendre comment telle ou telle décision a pu être prise à telle ou telle période.

Légifère-t-on trop ? Peut-on parler d'inflation législative ? Peut-être. Mais ma préoccupation est plutôt de savoir si on travaille assez sur l'efficacité de la loi, c'est-à-dire sur les études d'impact et l'évaluation. Premier exemple, les lois pour l'égalité salariale entre les hommes et les femmes : il y en a eu quelques-unes, mais nous n'aboutissons pas. Ces textes n'ont pas fait preuve d'efficacité, la situation évolue très lentement. Prenons aussi les lois contre les violences faites aux femmes : nous avons un problème de mise en œuvre. Quant à la loi de 2016 visant à abolir la prostitution, elle ne s'applique pas. Nous avons un véritable problème de crédibilité concernant l'efficacité et la mise en œuvre de certaines lois. Il faut donc que l'évaluation soit au cœur du travail législatif. On fait la loi, mais on a aussi le devoir de l'évaluer, de regarder son efficacité, parce que c'est aussi cela qui redonnera de la confiance aux citoyennes et aux citoyens dans le travail législatif, dans le travail des parlementaires.

Bravo au Sénat pour ce qu'il a fait. Je partage ce qui a été dit au sujet de la nécessité de travailler ensemble sur ces questions, pour mettre l'ensemble de notre réflexion dans un pot commun. Nous voterons cette proposition de loi avec confiance quant aux choix faits par le Sénat.

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Rapporteur du texte issu de la première mission « BALAI », j'ai été, monsieur Molac, le premier « Merlin l'enchanteur » de l'Assemblée (Sourires), et Philippe Latombe en est le deuxième.

Dans un monde de plus en plus complexe, il est assez logique que nous ayons de plus en plus de normes. Je rejoins à 100 % Marie-George Buffet : la question n'est pas le nombre de lois, mais leur efficience, leur efficacité, leur adaptation et la manière dont elles sont reçues et utilisées par les Français. La question de l'évaluation se pose évidemment. Je donne un exemple que vient de me souffler Élodie Jacquier-Laforge : la loi LAURE de 1996 obligeait de construire, pour toute nouvelle route, une piste cyclable. On a vu les nouvelles routes, mais on attend encore les pistes cyclables.

Le problème n'est pas tant le nombre de lois que leur évaluation, ex ante et ex post, notamment en matière de transition écologique. Travailler sur cette question sera un enjeu lors de nos éventuels prochains mandats.

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Le Sénat a commencé à travailler à un BALAI 3, qui sera essentiellement tourné vers les collectivités territoriales – il y a, là aussi, de la matière. Vous avez dit, et vous avez raison, qu'il faut travailler avec le Sénat : j'en appelle aux bonnes volontés pour le faire dans les deux ou trois mois qui viennent, afin de préparer le prochain texte.

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Je précise que c'est une décision du bureau du Sénat, et non de sa commission des Lois, qui a créé la mission chargée de travailler sur les lois obsolètes.

Il serait effectivement intéressant d'engager un travail bicaméral en la matière, en choisissant peut-être des thèmes complémentaires pour avancer dans la même direction. Il faudrait que le bureau de l'Assemblée se saisisse de cette question, probablement durant la prochaine législature.

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble de la proposition de loi est ainsi adopté.

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En application de la procédure d'examen simplifiée, ce texte ne fera l'objet que d'un vote dans l'hémicycle.

Puis, la Commission examine la proposition de loi visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal (n° 4587) (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure).

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C'est une proposition de loi à laquelle je suis particulièrement attachée, madame la rapporteure : je vous remercie de l'avoir mise à l'ordre du jour de la journée réservée au groupe MoDem.

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Nous nous sommes réunis le 6 octobre dernier pour examiner les conclusions de la mission flash sur la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, dont Raphaël Schellenberger et moi-même étions les rapporteurs. Aux termes de nos travaux, nous avons tous les deux conclu à la nécessité de légiférer pour renforcer la présence des femmes dans les conseils municipaux des communes les moins peuplées et au sein des exécutifs intercommunaux.

Je rappelle que ces travaux s'inscrivaient dans la continuité de l'adoption de l'article 28 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Cet article prévoyait qu'avant le 31 décembre 2021 « les dispositions du code électoral relatives à l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires [devaient être] modifiées pour étendre l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements » et qu'une « évaluation [devait être] préalablement conduite par le Parlement pour déterminer les modes de scrutin permettant cet égal accès ».

La proposition de loi soumise à votre examen ce matin, qui est composée de quatre articles, constitue la traduction législative des recommandations que j'ai souhaité formuler au terme de la mission d'information et que mon groupe a soutenues en inscrivant ce texte dans sa niche parlementaire.

Je profite de cette occasion pour remercier sincèrement les associations d'élus, le bureau des élections du ministère de l'Intérieur et la direction générale des collectivités locales pour leur précieux concours à mes travaux. Je tiens également à remercier mon équipe pour son travail de longue haleine, notre présidente pour son engagement ainsi que mon groupe, qui me soutient dans cette démarche.

Depuis les lois constitutionnelles de 1999 et de 2008, notre Constitution dispose que « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ». À la suite de la révision constitutionnelle de 1999, au siècle dernier donc, plusieurs grandes lois ont été adoptées pour renforcer la parité au sein de la vie politique locale. Ces lois ont permis des avancées majeures, mais elles comportent aujourd'hui deux zones blanches : les conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants et les exécutifs intercommunaux.

S'agissant de ces deux angles morts de la parité, plusieurs chiffres très parlants doivent nous alerter. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les femmes représentent 37,6 % des membres des conseils municipaux. Dans les communes de 1 000 habitants et plus, au sein desquelles la parité s'applique, on atteint 48,5 %, soit 11 points de plus. Dans les exécutifs des intercommunalités, la proportion de femmes vice-présidentes d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre s'établit à 25,6 %. Leur part est de plus de 10 points inférieure à celle des femmes dans les conseils communautaires, elle aussi faible puisqu'elle est de 35,8 %. Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire de tels chiffres.

Les facteurs expliquant la sous-représentation des femmes sont bien connus : l'autocensure, la cooptation masculine, la moindre connaissance des rouages politiques ou encore le temps de travail domestique des femmes, qui est plus important que celui des hommes. L'expérience l'a montré, ces causes sont tellement enracinées que si la parité n'est pas imposée par la loi, elle ne s'impose jamais d'elle-même. Nous devons donc agir : c'est le sens de cette proposition de loi.

En ce qui concerne les communes les moins peuplées, auxquelles sont relatifs les trois premiers articles du texte, nous proposons d'étendre le scrutin de liste paritaire. C'est la solution la plus lisible, pour les candidats et pour les électeurs, et la plus pertinente afin d'instaurer rapidement une parité effective. L'adoption de cette disposition très en amont des prochaines élections municipales permettrait d'engager suffisamment tôt le travail de constitution des listes. Cette mesure fait l'objet d'un large consensus parmi les acteurs concernés : la plupart des associations d'élus, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et l'Assemblée des communautés de France (ADCF), la soutiennent, ainsi que le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, et une telle proposition avait été faite en commun dès 2018.

Afin de ne pas porter atteinte au principe de pluralisme garanti par la Constitution, en son article 4, nous avons prévu certains aménagements. La constitution des listes dans les communes les moins peuplées pourrait, en effet, être malaisée. Ce fut une préoccupation constante lors des travaux de la mission d'information et lors de la rédaction de cette proposition de loi. Plusieurs mesures parallèles sont ainsi prévues. Premièrement, la proposition de loi crée une strate nouvelle dans le tableau des conseillers municipaux et abaisse de 15 à 13 le nombre des membres du conseil municipal dans les communes comptant entre 500 et 999 habitants. Par ailleurs, le texte autorise le dépôt de listes incomplètes dans l'ensemble des communes de moins de 1 000 habitants. Enfin, nous élargissons à l'ensemble des communes comptant jusqu'à 999 habitants les dérogations au principe de complétude du conseil municipal qui sont actuellement prévues pour les communes de moins de 500 habitants.

S'agissant des vice-présidents des EPCI, le texte propose une solution originale, dont l'idée vient du Sénat. Nous suggérons de ne pas revenir sur leur modalité d'élection, au scrutin majoritaire, afin de ne pas bouleverser les équilibres territoriaux et politiques. En revanche, pour renforcer la présence de femmes parmi les vice-présidents, l'article 4 prévoit que leur répartition s'effectue en proportion de la répartition par sexe des membres de l'organe délibérant pris dans son ensemble. Si les femmes représentent 40 % des membres du conseil intercommunal, il en faudra, en miroir, au moins 40 % au sein de l'exécutif.

Ce dispositif présente deux grands avantages. Il renforcera évidemment la présence des femmes dans les exécutifs intercommunaux. Par ailleurs, de façon pragmatique, il permettra de suivre l'évolution de la part des femmes dans l'organe délibérant sans que le législateur ait à intervenir de nouveau.

Voici les dispositions de cette proposition de loi, qui ont été élaborées pour étendre l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions électives du bloc communal tout en préservant le pluralisme, la lisibilité des règles du droit électoral et les équilibres territoriaux.

Pour conclure, j'appelle de mes vœux un travail à ce sujet avec le Sénat.

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Ce texte vise à poursuivre la construction d'un édifice important, qui vise à faire progresser la parité dans les instances des collectivités locales. À cet égard, je suis obligé de vous dire que ma génération est en avance sur les précédentes. Chez les jeunes élus, de 18 à 39 ans, 46 % sont des femmes, ce qui marque un vrai changement générationnel et ne peut être que l'effet des différentes lois votées jusqu'à présent. Elles ont permis de faire avancer la parité.

Une loi adoptée dès 2000 a notamment permis, pour les élections dans les communes de plus de 3 500 habitants, une alternance par tranche de six candidats, puis une loi de 2013 a abaissé le seuil à 1 000 habitants. Une loi de 2007, si on revient un peu en arrière, a imposé l'alternance des candidats sur les listes, selon la méthode qu'on appelle le chabada – un homme, une femme, un homme, une femme, et pourquoi pas désormais, une femme, un homme, une femme, un homme, puisque c'est le sens de l'histoire – et ensuite une loi de 2019 a prévu des scrutins de liste pour les adjoints, et donc pour l'exécutif communal, dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Nous nous étions demandé en 2019, au vu des dispositions constitutionnelles que vous avez rappelées, madame la rapporteure, si nous pouvions abaisser le seuil de 1 000 habitants pour les élections communales. L'article 1er de la Constitution prévoit que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », mais il y a aussi le principe selon lequel « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions ». La difficulté était que si on exigeait des listes complètes, il pourrait en résulter une raréfaction de l'offre politique dans ces communes, ce qui aurait rendu inconstitutionnelles les dispositions envisagées.

Comme nous avons une volonté politique très forte de garantir la parité, une mission d'information vous a été confiée, ainsi qu'à Raphaël Schellenberger. Vous avez établi que l'Association des maires de France, l'Association des maires ruraux de France ou encore l'Association des petites villes de France étaient favorables à une évolution. Le texte que vous proposez prévoit ainsi le scrutin de liste paritaire pour l'ensemble des communes, ce qui a le mérite de la clarté et de la simplicité, tout en permettant le dépôt de listes incomplètes, et vise à étendre les dérogations au principe de complétude des conseils municipaux – en clair, on abaissera le nombre d'élus nécessaire pour qu'ils puissent fonctionner. Nous soutenons, bien naturellement, ces dispositions qui vont dans le bon sens.

Vous avez également travaillé sur les exécutifs des intercommunalités, mais je crains que le dispositif proposé, sur la base des travaux de nos collègues du Sénat, ne contribue pas à l'intelligibilité de la loi. En effet, l'article 4 est ainsi rédigé : « Le nombre de vice-présidents de chaque sexe ne peut être inférieur au produit, arrondi à l'entier inférieur, du nombre de vice-présidents multiplié par le quotient du nombre de membres en exercice de l'organe délibérant de ce sexe divisé par le nombre total de membres en exercice de l'organe délibérant. » Je partage totalement le principe qui vous inspire, c'est-à-dire qu'il doit y avoir autant de personnes de chaque sexe en situation de responsabilité – adjoints ou vice-présidents – parce que c'est là que s'exercent, sous la responsabilité d'un élu, des délégations ou des compétences, mais je ne pense pas que nous puissions adopter cette disposition. Je proposerai donc de voter les articles 1 à 3 et de laisser de côté, pour l'instant, l'article 4.

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Sacha Houlié vient de rappeler les évolutions législatives en matière de parité, de l'introduction dans la Constitution de la nécessité de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux différentes fonctions électives et aux responsabilités dans la société à la déclinaison progressive de ce principe en ce qui concerne les fonctions électives locales depuis la loi du 6 juin 2000. Vous l'avez également rappelé, madame la rapporteure, dans les communes de moins de 1 000 habitants, qui n'ont pas été touchées par les réformes du mode de scrutin, 37,6 % des conseillers municipaux sont des femmes. Ce n'est pas assez, nous sommes d'accord sur ce point. Néanmoins, la progression est notable et s'accélère, en particulier depuis les deux derniers scrutins municipaux, alors qu'aucune loi n'obligeait à aller en ce sens dans ces communes. L'ensemble des textes construits pour les communes de plus de 1 000 habitants et pour les scrutins départementaux ont conduit la société à se mettre en mouvement, et on ne peut que s'en réjouir.

Je ne me satisferai jamais, pour ma part, d'une situation dans laquelle on devrait conserver une contrainte légale pour maintenir ce qui devrait être naturel. L'égalité des droits et l'égalité dans l'exercice des responsabilités publiques entre les hommes et les femmes doivent être naturelles : on ne devrait pas avoir de loi y contraignant. On peut donc être heureux de voir que la situation évolue naturellement, même si on peut considérer que ce n'est pas assez rapide, en particulier dans l'angle mort que sont les communes de moins de 1 000 habitants.

Je suis beaucoup plus réservé, comme je l'ai indiqué dans le cadre de la mission d'information, concernant les dispositions proposées. Le travail que nous avons mené lorsque nous avons rédigé le rapport n'a pas permis de me rassurer, pas plus que la convergence progressive des différentes associations d'élus, sur la réalité des intentions des élus municipaux. On va certes obliger à organiser un scrutin paritaire dans les communes de moins de 1 000 habitants, mais on va surtout changer la nature du scrutin, qui ne sera plus uninominal mais de liste, ce qui semble convenir aux élus des communes concernées. J'ai senti que certains voyaient dans la contrainte de la parité une opportunité de changer de mode de scrutin, ce qui m'inquiète. Nous avions pris des précautions lorsque nous avons adopté la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, compte tenu des dispositions constitutionnelles, dont la portée n'a jamais été précisément définie, relatives au pluralisme.

Avec ce texte, on va profondément changer la nature de ce qu'est un conseil municipal dans une commune de moins de 1 000 habitants. Très concrètement, qu'est-ce qu'un conseil municipal dans une petite commune ? C'est un endroit où on prend des décisions publiques, mais aussi où on rend beaucoup de services et où on travaille au quotidien, avec un certain nombre de moyens. On ne fait pas de la grande politique politicienne dans le conseil municipal d'une commune de 250 habitants : on gère les affaires du quotidien. Des hommes et des femmes peuvent le faire de la même façon, sans aucune distinction. En changeant le mode de scrutin, on va profondément changer la nature de ces conseils municipaux.

S'agissant de l'article 4, je suis plutôt favorable au dispositif en miroir qui est proposé, mais très réservé au sujet de sa rédaction. Vous aurez peut-être des propositions à nous faire sur ce point, madame la rapporteure.

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Depuis 1999, aux termes de l'article 1er de la Constitution, « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Sur ce fondement, depuis plusieurs décennies, de nombreuses avancées législatives ont eu lieu en matière de parité. Pourtant, plus de 80 % des maires et 89 % des présidents d'intercommunalité sont des hommes. La tendance à la sous-représentation des femmes est exacerbée dans les communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent plus de 70 % du total.

Ces chiffres sont éloquents. Si l'égal accès aux fonctions électives est bien inscrit dans la loi, nous ne sommes pas encore arrivés à une égalité réelle. Le plafond de verre est particulièrement épais dans le monde politique : normes sociétales, obligations professionnelles et familiales ou encore autocensure constituent autant de freins à la présence de femmes dans les fonctions électives, alors qu'elles sont évidemment tout aussi compétentes, ambitieuses et capables d'exercer ces fonctions. J'irai même plus loin : leurs opinions, leurs analyses sont primordiales pour que certaines réalités et certains enjeux entrent dans le débat public.

Force est de constater que la parité, lorsqu'elle n'est pas rendue obligatoire, ne s'impose pas d'elle-même, et c'est pour cette raison que le législateur doit intervenir. Le groupe MoDem et démocrates apparentés s'est ainsi engagé depuis le début de la législature en faveur d'évolutions institutionnelles permettant d'arriver à une parité non seulement en droit mais aussi dans les faits.

La parité en politique est une double exigence, sociétale et démocratique. Une exigence sociétale, car c'est participer à lever les obstacles auxquels sont confrontées les femmes au sein du monde politique comme dans l'ensemble de la société. Une exigence démocratique, car face à la crise de la démocratie représentative que nous traversons, nous devons agir pour que tous les Français et toutes les Françaises aient les mêmes chances d'accéder aux fonctions électives. Afin de répondre à ces enjeux cruciaux, nous avons un rôle important à jouer en tant que législateurs.

La proposition de loi que nous examinons instaure une parité obligatoire pour toutes les élections et toutes les fonctions exécutives. Le texte assure un équilibre entre le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, inscrit à l'article 1er de la Constitution, et le principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions, consacré par l'article 4 du même texte. Cet équilibre indispensable a été permis par le travail formidable qui a été mené depuis décembre 2020 par nos collègues Élodie Jacquier-Laforge et Raphaël Schellenberger, corapporteurs de la mission flash relative à la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal.

L'article 1er de la proposition de loi étend le scrutin de liste paritaire à l'ensemble des communes de moins de 1 000 habitants. Les listes devront être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. Afin de respecter le principe de pluralisme, le texte autorise le dépôt de listes incomplètes et étend les dérogations au principe de complétude du conseil municipal prévues par le code général des collectivités territoriales pour les communes de moins de 500 habitants à celles en comptant entre 500 et 999. Ceux qui diront par facilité ou conservatisme que ce n'est pas réalisable n'ont pas dû contacter les élus locaux ou leurs associations, comme l'AMF, l'ADCF ou encore l'AMRF, qui sont toutes favorables à ces évolutions, également préconisées par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.

En vue de rendre l'évolution plus graduelle, le texte prévoit de faire passer de 15 à 13 le nombre des membres des conseils municipaux dans les communes ayant entre 500 et 999 habitants. Cette disposition traduit l'attention particulière qui a été portée aux spécificités des petites communes et le souhait que la mise en œuvre de la parité ne se fasse pas au détriment de la vie démocratique mais à son profit.

L'article 4 fait l'objet d'un petit débat. Je comprends que sa rédaction, mathématique – c'est peut-être la raison du débat, vu le niveau que nous avons en la matière en France –, semble un peu compliquée mais il serait dommage de dire que parce que c'est compliqué, il ne faut pas le faire. Nous avons toujours agi ainsi concernant la parité : parce que c'était compliqué, il ne fallait pas l'introduire… Je vous invite à relire les débats entre nos prédécesseurs au sujet des grandes lois relatives à la parité.

Avançons vers l'égalité réelle, effective. Le groupe Démocrates, mobilisé depuis le début du quinquennat pour la parité et la modernisation de notre vie démocratique, votera en faveur de ce texte qui permettra une évolution très positive en faveur d'une égale représentation des femmes et des hommes dans la vie politique.

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La parité n'est pas une contrainte. L'objectif peut être compliqué à atteindre mais il nous reste cher. Notre groupe a toujours souhaité promouvoir ce principe, en particulier au sein des entreprises et des organismes publics, comme en témoignent les nombreux textes que nous avons fait adopter dans ce domaine.

Nous partageons l'esprit de cette proposition de loi mais des questions demeurent. Concernant l'article 4, nous reconnaissons bien volontiers qu'il n'est pas lisible. Je ne sais pas qui a tenu le stylo mais on pourrait se demander s'il n'a pas cherché la formulation la moins intelligible possible ! Cela étant, l'objectif d'assurer la parité des vice-présidents au sein du bureau de l'établissement public de coopération intercommunale est louable et nous le soutenons.

En revanche, est-il judicieux d'étendre cette obligation aux communes de moins de 1 000 habitants ? Sans en contester le principe, l'obligation qui en découlerait d'organiser un scrutin de liste pourrait être difficile à respecter. En effet, les élections municipales de 2020 ont montré qu'il était de plus en plus compliqué pour les petites communes rurales de trouver des candidats. Pas moins de 106 d'entre elles n'ont pu présenter aucun candidat, au premier comme au second tour. Et la situation est loin de s'améliorer ! Ainsi, les conseils municipaux ont été incomplets dans 700 communes. Nous devrons nous poser la question de la raison d'être de ces petites communes qui ne sont plus en mesure de garantir ni l'exercice de la démocratie locale ni la gestion des affaires locales, et de leur éventuelle fusion avec d'autres communes. En attendant, cette nouvelle contrainte, dont nous comprenons l'intérêt, pourrait rendre encore plus difficile la tâche des petites communes.

Au-delà de la consultation des élus, il conviendrait d'évaluer la situation et de mener une étude d'impact avant de prendre une telle mesure. En effet, 25 000 communes et 9 millions de nos concitoyens seraient concernés. Du reste, vous anticipez vous-même la survenue de difficultés en autorisant la présentation de listes incomplètes et, par conséquent, non paritaires.

D'autres dispositions de ce texte pourraient mécontenter les élus, comme celle, prévue à l'article 2, de faire passer de quinze à dix-neuf, le nombre des membres du conseil municipal dans les communes de 1 000 à 1 500 habitants.

Cela étant, ce n'est pas parce que l'objectif nous semble difficile à atteindre qu'il faut y renoncer. Nous nous abstiendrons pour le moment mais nous pourrions voter pour ce texte s'il était amendé comme nous le souhaitons.

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Mme la rapporteure a raison, le bilan est affligeant : 71 % des communes n'étant pas concernées par l'obligation de parité, 80 % de leurs maires et 89 % de leurs présidents d'intercommunalité sont des hommes. En décembre 2019, nous nous sommes engagés à renforcer le principe de parité. Une mission d'information flash a ainsi été confiée à Raphaël Schellenberger et à notre rapporteure sur ce sujet, ce qui nous amène à débattre de ce texte aujourd'hui.

Notre groupe est favorable à cette proposition de loi. À titre personnel, mon opinion a évolué. J'ai longtemps pensé que l'on ne pourrait pas changer les cultures par la loi mais j'ai réalisé que la révision constitutionnelle de juillet 1999 relative à l'égalité entre les hommes et les femmes avait porté ses fruits.

Les mesures que vous proposez seront sans doute difficiles à appliquer, en particulier la constitution de listes paritaires dans les plus petites communes mais les mentalités changent et la vie politique s'est largement féminisée. Vous souhaitez aller plus loin aujourd'hui, quitte à aménager les modalités en autorisant le dépôt de listes incomplètes et en prévoyant des dérogations au principe de complétude du conseil municipal. Nous y sommes favorables.

Je suis d'accord avec Sacha Houlié concernant la rédaction de l'article 4 mais cela ne nous empêchera pas d'approuver ce texte.

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Notre groupe a demandé à sortir cette proposition de loi de la procédure de législation en commission car le débat qui s'engage, éminemment important pour les petites communes, doit être approfondi en séance publique avec l'ensemble des députés. Grâce aux lois successivement votées, la parité a progressé au sein des organes délibérants de nos territoires. Les conseils régionaux et départementaux sont devenus des instances paritaires, ce que nous saluons.

Au niveau communal, la part des femmes a augmenté puisque nous comptons 42,4 % de conseillères municipales. Cependant, la parité est moins respectée dans les communes de moins de 1 000 habitants, où la proportion de conseillères municipales s'élève à 37,6 %. Les femmes représentent, dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), 35,8 % des conseillers communautaires, 11,2 % des présidents et 25,6 % des vice-présidents. Les exécutifs locaux restent dominés par les hommes – 82,2 % des maires et 88,6 % des présidents d'intercommunalités.

Par son objectif de faire progresser la parité, jusque dans les communes de moins de 1 000 habitants et les exécutifs des petites intercommunalités, cette proposition de loi est la bienvenue. En effet, elle tend à combler certaines lacunes de la législation. Cependant, les petites communes ont déjà des difficultés à recruter des candidats pour siéger au conseil municipal. Le passage à un scrutin de liste ne fera qu'aggraver la situation même si le nombre de conseillers municipaux à élire diminue.

Si la proposition de loi est adaptée aux communes de plus de 500 habitants, elle sera difficile à appliquer dans les communes plus petites. Le pluralisme pourrait en sortir affaibli, ce qui menacerait le texte d'inconstitutionnalité. Retenir un seuil de 500 habitants, comme le suggère M. Raphaël Schellenberger, répondrait davantage aux particularités des petites communes.

Vous prévoyez d'autre part de modifier le nombre de membres à partir duquel un conseil municipal est réputé complet, qui est réduit à cinq pour les communes de moins de 100 habitants, à neuf pour celles de 100 à 499 habitants et à onze pour celles de 500 à 999 habitants. Cette proposition permettra de contourner la difficulté que rencontrent les petites communes à constituer des conseils municipaux.

La mesure relative à la parité dans les EPCI est la bienvenue mais elle risque de porter atteinte à la représentation des petites communes au sein des organes délibérants. En effet, dans bon nombre d'EPCI, les petites communes ne sont représentées que par un seul élu, en général le maire, qui est souvent un homme alors que les élues proviennent majoritairement des villes. Il est donc fort probable que les vice-présidentes soient des représentantes de ces grandes communes.

Cette proposition de loi, même si elle va dans le bon sens, ne suffira pas à réduire l'écart dans les organes délibérants des exécutifs des EPCI tant que les maires seront principalement des hommes. Pour le moment, il n'est pas possible de voter une disposition qui modifie cette situation.

La revalorisation du mandat local, tant pour ce qui concerne la reconnaissance, l'indemnité que le statut ou le transfert de compétences aux communes, favoriserait la naissance des vocations, masculines ou féminines, pour pallier le manque.

La position de notre groupe évoluera en séance publique en fonction du vote des amendements.

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Certains arguments, par la réserve qu'ils expriment, sont un bain de jouvence et me replongent dans les débats qui ont entouré l'examen de la loi relative à la parité. Bien sûr, l'on pourrait penser que, tout naturellement, celles qui représentent la moitié de l'humanité se retrouvent à occuper la moitié des postes à responsabilités ou de pouvoir. Eh bien non ! Du fait de la domination patriarcale, du poids des mentalités, le combat des femmes pour obtenir le respect de leurs droits a toujours eu besoin de l'appui de la loi. La loi relative à la parité a ainsi permis de répondre à une très ancienne revendication des femmes : tenir leur place dans la vie publique. Ce n'est qu'à la Libération que nous obtenons le droit de vote, grâce à l'implication des femmes dans la Résistance, mais beaucoup doutent alors de la capacité des femmes à participer à la vie publique de leur pays.

Encore aujourd'hui, au sein des exécutifs, 85 % des fonctions liées aux affaires sociales sont confiées à des femmes tandis que les hommes s'occupent des finances, de l'urbanisme, des travaux.

Les mentalités pèsent encore dans la construction de notre société et elles rendront d'autant plus difficile l'application des mesures que vous proposez, surtout dans les petites communes. L'argument selon lequel on ne trouverait pas de femmes pour remplir cette mission était déjà utilisé pour rejeter les dispositions concernant les élections municipales ou régionales lors de l'examen de la loi relative à la parité ! Allions-nous trouver suffisamment de femmes compétentes ? Auraient-elles le temps de s'engager en politique, une fois leur travail domestique achevé ? C'est évident, vous le constatez vous-mêmes : les femmes qui ont mené une carrière politique n'ont pas été capables d'élever leurs enfants !

Mon groupe soutiendra cette proposition de loi, malgré la rédaction de l'article 4 qui a le mérite de la précision. Il sera toujours possible de l'expliquer le moment venu.

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Cette proposition de loi part d'une très bonne intention mais si elle était adoptée en l'état, elle aurait des conséquences fâcheuses. Je ne suis pas opposée à la parité même si j'ai toujours préféré parier sur la compétence des individus plutôt que sur leur sexe. Cela étant, l'un n'est pas incompatible avec l'autre. Je suis favorable à toutes les mesures qui permettraient de lutter contre les obstacles auxquels sont confrontées les femmes qui s'engagent dans la politique mais je reste lucide quant à leurs répercussions.

L'article 1er vise à étendre aux petites communes les règles jusqu'à présent réservées à celles de plus de 1 000 habitants. Alors qu'il est de plus en plus difficile de recruter des élus, en particulier dans les villages, cette mesure pourrait dissuader les candidats occasionnels qui n'étaient pas liés par un ordre de liste, même si vous réduisez le nombre de conseillers municipaux à élire.

D'autre part, M. Schellenberger a raison : en modifiant le mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants, vous transformez la nature même de leurs conseils municipaux.

Quant à l'article 4, au-delà de sa rédaction, son adoption ferait courir le risque que le sexe l'emporte sur la fonction élective, ce qui favoriserait la place des grandes communes dans l'exécutif. Les maires des petites communes, essentiellement des hommes, devront céder leur place à des conseillères communautaires, qui figureront sur les listes des grandes communes et non sur celles des petites.

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Je partage votre souci de renforcer la parité et l'égal accès aux fonctions électives, économiques ou sociales mais les mesures que vous proposez pourraient mettre en difficulté les petites communes. Elles témoignent d'une méconnaissance du fonctionnement des conseils municipaux de nos petites communes. Dans la Manche, on n'établit pas de listes politiques dans les petites communes, on essaie tout simplement de trouver des bonnes volontés ! Certains conseils municipaux ne sont pas complets, non pas en raison des règles de parité, mais parce qu'il manque de personnes prêtes à s'engager. Une petite commune ne se gère pas comme une grande où la majorité se distingue nettement de l'opposition et où l'on expédie les rapports en deux heures. Dans une petite commune, on s'occupe des chemins, de l'école, du quotidien. Les bonnes volontés, déjà difficiles à trouver, n'ont pas de sexe. J'ai peur qu'en imposant un scrutin de liste dès le premier habitant, on transforme la nature des fonctions, bénévoles, au sein du conseil municipal. La République s'honore à disposer d'un tel maillage de conseillers municipaux mais elle ne doit pas désespérer les maires et les élus.

Enfin, la formule concernant les EPCI est alambiquée. Alors que nous venons de voter un texte pour simplifier la loi, nous nous retrouvons face à une usine à gaz.

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La question qui se pose n'est pas tant celle de la parité, en l'espèce, que de l'évolution du mode de scrutin dans les très petites communes. J'avais été rapporteur du projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Plusieurs de nos collègues ont sous-entendu que notre formation politique aurait émis des réserves à l'adoption de mesures en faveur de la parité. Au contraire, nous avons fait adopter une loi qui a permis à des femmes d'accéder à des postes de responsabilité dans tous les exécutifs car bien souvent, après la loi de 2000, elles étaient cantonnées à des postes de conseillères sans disposer d'un quelconque pouvoir.

Pourquoi ne pas choisir un juste milieu en imposant que les listes panachées soient paritaires, sauf lorsqu'une seule personne se présente ?

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Il y a quelques années encore, les électeurs des petites communes avaient une complète liberté de vote car il n'était pas obligatoire de se déclarer candidats. Dans les faits, les personnes allaient chercher ceux qui pouvaient faire profiter à la commune de leurs compétences mais n'avaient pas entamé la démarche de se présenter. La disparition de cette liberté a été très mal vécue.

Si l'on veut renforcer la parité, il faut conserver la liberté de candidature individuelle. En revanche, pourquoi ne pas imposer l'alternance des sexes dès lors que plus de deux candidats se présentent sur une même liste ? Cette solution serait certainement la plus équilibrée. Sur l'intercommunalité, je suis très sceptique.

Je suis moins hostile à votre proposition que je ne l'aurais été il y a quelques mois mais ces communes se sentent déjà suffisamment maltraitées par le législateur et mieux vaut ne pas alourdir leurs contraintes.

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Votre proposition ne serait-elle pas contre-productive ? L'objectif est de permettre aux femmes d'accéder, comme les hommes, aux postes qu'elles briguent. Or, si vous imposez que des places soient occupées par des femmes, elles s'y retrouveront comme des potiches. Je refuse, quant à moi, d'occuper un poste parce que je suis une femme. Je veux être reconnue pour mes compétences.

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Je suis très attentive à la situation des femmes élues dans les plus petites communes. Selon un récent sondage, 74 % d'entre elles ont été victimes de propos sexistes et déplorent l'ambiance dans laquelle elles évoluent. J'invite les femmes à s'engager. Elles sont compétentes, légitimes et nous voulons, par cette proposition de loi, que les portes de toutes les mairies leur soient ouvertes. Nous partageons tous le souci de donner aux femmes et aux hommes l'envie de s'engager. N'hésitons plus, notre démocratie locale le mérite.

Article 1er (art. L. 252 à L. 253, art. L. 255-2 à L. 255-4 et L. 256 à 259 du code électoral) : Extension du scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants et autorisation du dépôt de listes incomplètes

Amendement CL2 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Par cet article, vous entendez mettre fin au scrutin spécifique aux petites communes pour leur appliquer les règles applicables aux communes de plus de 1 000 habitants. Si l'instauration de la parité dans la présentation des candidats correspond à l'esprit de la loi et paraît nécessaire, au regard des attentes de la société, on ne peut que s'émouvoir de la disparition de la possibilité d'ajouter et de supprimer des noms, et donc de modifier l'ordre de présentation des listes. Dans le contexte actuel, il est extrêmement difficile de recruter des élus dans les très petits villages. La communauté d'agglomération Béziers Méditerranée, dans laquelle je siège, comprend un village de 400 habitants. J'ai contacté le maire de cette commune, qui ignorait qu'une proposition de loi serait discutée cette semaine à l'Assemblée. Cela montre que les bureaux exécutifs des associations d'élus, qui vous ont répondu, sont loin d'avoir contacté les 25 000 communes concernées par la loi. La première chose que m'a dite le maire est que cette réforme serait une catastrophe pour les petites communes, qui ont déjà le plus grand mal à trouver des candidats. Le système actuel leur semble déjà très contraignant. Si je comprends l'intérêt théorique de l'obligation de la parité parfaite, dans un monde idéal – je souhaiterais que ce soit le cas –, il me semble que le système que vous proposez est contre-productif.

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Vous évoquez un intérêt théorique, mais il s'agit d'un impératif constitutionnel. La loi du 5 avril 1884 est au fondement de la législation municipale. Je comprends qu'on nourrisse une certaine nostalgie de ce régime, mais il est nécessaire de faire évoluer ce mode de scrutin. À l'opposé de votre perception, je considère que cette loi permettra de doubler le vivier de candidats potentiels. Aujourd'hui, pour des raisons sociales et culturelles, tenant à la cooptation masculine, à l'ancrage de certaines pratiques, les maires, qui sont à 80 % des hommes, se tournent naturellement vers d'autres hommes. Ce système de listes offrira des solutions aux difficultés que rencontrent les communes, même les plus petites d'entre elles – j'ai, dans ma circonscription, l'exemple de villages de cinquante habitants.

Le dernier congrès de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) était centré sur la place de la femme dans la République. C'est un sujet dont on discute publiquement ; les associations d'élus défendent, en la matière, un message très fort. Peut-être certains ne veulent-ils pas l'entendre. Avis défavorable.

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Les maires ne sont pas opposés à la parité mais constatent qu'il est extrêmement difficile de constituer une liste dans les toute petites communes. Vous ajoutez de la difficulté à la difficulté. Comme le disait M. Gosselin, vous allez changer la nature du conseil municipal. Aujourd'hui, on cherche des gens de bonne volonté ; on se fiche, à la limite, de savoir si ce sont des hommes ou des femmes.

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Dans nos petites communes, il y a autant de femmes que d'hommes ; aussi la loi permettra-t-elle de doubler le vivier de candidats. Comme l'a dit très justement Blandine Brocard, longtemps, un certain nombre de femmes n'ont pas voulu se porter candidates de crainte d'être des potiches. Ce texte change tout, puisqu'il offre la possibilité aux femmes de s'engager. Lorsque j'ai été candidat à une élection municipale, j'ai expliqué à un certain nombre de femmes comment je voulais travailler, quelles pratiques je proposais d'exercer en commun. J'ai eu finalement cinq femmes en trop sur ma liste ; il me manquait deux hommes pour respecter la parité entre les trente-trois colistiers. Tout dépend de la démarche que l'on adopte. Les femmes ont la même envie de s'engager et ont tout autant de compétences. Leur action politique est nécessaire à la démocratie.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL8, CL9 et CL10 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Amendement CL3 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Cet amendement a pour objet de conserver le mode de scrutin majoritaire avec la possibilité de panacher et de supprimer des noms, en instituant simplement l'obligation de se présenter sur une liste complète respectant la parité. À défaut d'avoir une parité absolue, nous aurions une parité dans les candidatures, tout en conservant un système qui limite la pénurie de candidats.

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Vous proposez un dispositif qui ferait coexister un scrutin de liste et un scrutin majoritaire. Son application paraît extrêmement complexe et risquerait de réduire la lisibilité de la règle électorale. Par ailleurs, le panachage pourrait constituer un obstacle important à l'institution de la parité qui est, rappelons-le, l'objectif du texte. Enfin, dans la mesure où vous proposez de conserver l'obligation de se présenter sur une liste complète, cette disposition ne traiterait pas le problème de la pénurie de candidats. Avis défavorable.

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La volonté de supprimer le panachage semble faire consensus au sein des associations d'élus. Je suis plutôt opposé à cette évolution, qui, dans les communes de moins de 1 000 habitants, changerait la nature de la collectivité. On passerait d'un scrutin uninominal, dans lequel la somme des élections individuelles compose le conseil municipal et forme un espace où l'on est contraint à la coconstruction d'un projet pour la commune, à une élection politique où l'on opposera les visions du territoire. La confrontation politique, nécessaire dans les villes d'une certaine taille, qui disposent de beaucoup d'argent public et d'une administration étendue, serait délétère dans les petites communes, où on a peu de moyens et où l'objectif est de se mettre autour de la table pour travailler. Il faut, non pas exacerber le caractère politicien des élections municipales, mais plutôt soutenir la construction collective de projets locaux. Je regrette qu'on abandonne le panachage.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL11 et CL12 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Puis elle adopte l'article 1er modifié.

Article 2 (art. L. 2 121-2 du code général des collectivités territoriales) : Création d'une nouvelle strate dans le tableau fixant le nombre de membres dans les conseils municipaux

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL13 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Puis elle adopte l'article 2 modifié.

Article 3 (art. L. 2121-2-1 du code général des collectivités territoriales) : Extension aux communes entre 500 et 999 habitants des dérogations au principe de complétude du conseil municipal

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL14 et CL15 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Puis elle adopte l'article 3 modifié.

Article 4 (art. L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales) : Répartition des fonctions de vice-président des EPCI par sexe en proportion de la répartition par sexe des membres de l'organe délibérant

Amendement CL7 de Mme Emmanuelle Ménard.

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J'ai essayé de mesurer les effets de cet article, en prenant pour exemple l'EPCI dans lequel je siège. Le président et les dix vice-présidents de la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée sont des hommes. L'application de la loi conduirait à la désignation d'au moins trois femmes vice-présidentes. Parmi les dix vice‑présidents, certains sont maires de toute petites communes, lesquelles n'ont qu'un seul élu au conseil communautaire. Si vous demandez à l'un de ces maires de quitter l'exécutif de l'EPCI pour donner sa place à une femme, celle-ci sera nécessairement une conseillère communautaire issue d'une grande commune. Vous allez donc privilégier les communes de plus grande taille, au détriment des petites, et faire passer le sexe avant la fonction élective. Cela me semble problématique.

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Le texte originel de la proposition de loi ne comportait pas de date d'entrée en vigueur. Par l'amendement CL18, nous proposerons que le texte s'applique lors du prochain renouvellement général des conseils municipaux. La loi ne concernera donc pas les élus actuellement en fonction dans les intercommunalités. Il ne s'agit pas d'instituer le scrutin de liste – qui est demandé notamment par l'Assemblée des communautés de France (ADCF) – pour les exécutifs intercommunaux. Dans le cadre des travaux de la mission d'information, nous avons constaté que l'équilibre trouvé au sein des exécutifs revêtait une forte dimension territoriale. Les maires sont à 80 % des hommes. Quand la commune a un seul représentant, c'est la plupart du temps le maire qui la représente au sein de l'EPCI. Il s'agit, par ce texte, d'enclencher une dynamique. En faisant cette proposition suffisamment en amont, nous souhaitons favoriser une prise de conscience afin que la dimension paritaire soit intégrée dans la préparation des prochaines élections et la formation des prochains exécutifs intercommunaux. Aujourd'hui, 89 % des présidents d'intercommunalités sont des hommes. Je sais que la rédaction de l'article a été vivement critiquée, mais elle a le mérite de la souplesse et de la progressivité. Elle maintient des équilibres. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que, dans le cadre de la gouvernance intercommunale, il faut maintenir une certaine forme de souplesse, tout en prenant en compte la parité. Avis défavorable.

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J'ai fait part de nos réserves à l'égard de cette rédaction. Néanmoins, nous ne soutiendrons pas l'amendement de suppression, en raison, notamment des motifs qui ont été invoqués. Aujourd'hui, la meilleure façon de faire progresser la parité dans les EPCI est d'augmenter le nombre de femmes maires. Même si celui-ci a – faiblement – progressé entre 2019 et 2020, à la faveur du renouvellement électoral, 80 % des maires demeurent des hommes. Cela soulève des difficultés importantes dans les EPCI, particulièrement dans le monde rural, où les représentants des communes sont principalement les maires, auxquels s'ajoutent quelques élus issus des communes les plus peuplées. Nous voterons contre l'article.

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À mon sens, les difficultés que soulève l'article sont moins liées à la disposition proprement dite qu'à l'extension excessive des EPCI, tant sur le plan territorial que sur celui des compétences. Si l'on considérait avant tout cette structure comme un espace de coopération entre communes ayant une proximité immédiate et des intérêts communs, l'article 4 soulèverait beaucoup moins d'enjeux. On a voulu, à marche forcée, faire des EPCI un niveau de collectivité territoriale supplémentaire, à des échelles territoriales trop étendues – je pense à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et au combat de l'ADCF, dans lequel je ne me retrouve pas toujours. Je ne suis pas favorable au scrutin de liste pour l'élection de l'exécutif intercommunal, qui impliquerait l'élaboration d'un projet politique lors de l'élection.

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Je suis évidemment favorable à la progression de la parité. Cela étant, il faut sortir de la posture politique consistant à se dire pour ou contre la parité : ce n'est pas le sujet. L'essentiel est la déclinaison des mesures sur le terrain. J'ai le sentiment qu'on assiste au combat de l'égalité contre la liberté de prendre en compte le particularisme de chaque situation. C'est notamment le cas pour les communes de moins de 500 habitants. J'ai été maire d'une commune de 150 habitants et ai connu, à ce titre, les difficultés d'élaboration d'une liste électorale. Cela se vérifie en particulier lorsqu'on a la volonté politique d'obtenir une meilleure représentation des femmes et des jeunes. Il faut prendre en considération les strates démographiques de chaque commune et la libre administration des collectivités locales. Chaque commune est importante. Lorsque, dans un village, l'âge moyen de la population féminine excède 85 ou 86 ans, il est extrêmement difficile de faire figurer des femmes sur les listes électorales. C'est une réalité pratique à laquelle on sera confronté.

Vous évoquez la progressivité de la mesure, mais, à partir du moment où une petite commune ne peut avoir qu'un représentant au sein de l'EPCI et que celui-ci ne peut être que le maire ou, à défaut, un élu dans l'ordre du tableau, la liberté de choix de la collectivité pour désigner un autre représentant, de sexe féminin, sera limitée. Le principe de la libre administration devrait pourtant lui offrir une plus grande latitude. Vous voudriez que l'on élise davantage de femmes maires, dans la perspective des élections communautaires. Or, dans certains cas, les habitants choisiront la personne qu'ils jugent la plus à même de gérer la commune, en faisant une croix sur la représentation au sein de l'EPCI. On connaîtra ce type de raisonnements, qui se feront toujours au détriment de la commune la plus petite et la plus faible.

La progressivité aurait justifié que l'on se demande qui peut représenter une commune, en particulier une commune de petite taille. Cela pourrait être un membre du conseil municipal autre que le maire ou un élu choisi dans l'ordre du tableau. Il aurait fallu modifier la loi en ce sens. Cela aurait offert une plus grande liberté de choix, par exemple pour présenter une femme. À défaut de cette évolution, le rapport de force risque d'être toujours en défaveur des communes les moins peuplées. Cela contraindra, éventuellement, à la fusion de communes pour obtenir un effet de seuil, mais c'est un choix politique qu'il faut assumer.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL1 de Mme Paula Forteza .

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Cet amendement vise à revenir sur la rédaction de l'article 4, qui ne nous semble pas claire. La proposition de loi apporte des avancées majeures pour les femmes et la société tout entière – l'égalité, à mon sens, ne peut pas souffrir de « mais ». Cela étant, la rédaction de l'article nous paraît complexe et pourrait engendrer des biais. En effet, la répartition en miroir pourrait conduire à la formation d'exécutifs composés à 90 % d'hommes. Par cet amendement, nous souhaitons aller plus loin. Nous proposons une autre rédaction, qui garantirait que tous les exécutifs des collectivités dont les membres sont élus par un scrutin de liste paritaire, soient désormais paritaires par alternance. Ainsi, par exemple, le premier adjoint d'un maire de sexe masculin devra être une femme. L'amendement concerne les conseils municipaux, les conseils départementaux et les conseils régionaux.

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Je me réjouis que vous souscriviez à l'objectif de la proposition de loi, particulièrement à l'extension du scrutin de liste paritaire dans les communes les moins peuplées. L'évolution que vous proposez consiste à prévoir une alternance de sexe entre le maire et son premier adjoint ou entre le président de l'EPCI et son premier vice-président. Nous avions étudié cette piste dans le cadre de la mission d'information, mais nous ne l'avons pas retenue, car il nous semblait que la proximité entre le maire et le premier adjoint – ou entre la maire et la première adjointe –, ou entre le président et le premier vice-président – ou entre la présidente et la première vice-présidente – reposait sur une dimension interpersonnelle et était essentielle. Avis défavorable

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Je ne partage pas votre point de vue. Il me semble que cette proposition de loi pourrait avoir beaucoup plus d'ambition. Instituer cette alternance permettrait de résorber la reproduction des stéréotypes et des inégalités. Nous retravaillerons l'amendement pour la séance.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL16 et CL17 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Elle rejette l'article 4.

Après l'article 4

Amendement CL5 de Mme Albane Gaillot.

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Cet amendement a pour objet la remise d'un rapport au Parlement. Il prend tout son sens au regard des débats que nous venons d'avoir. On a parlé d'autocensure, de stéréotypes, de contraintes, d'inégalités, de reproduction de biais, de petites et de grandes communes… Nous souhaitons faire un point sur la parité politique, de la même façon que M. Saulignac a demandé une étude d'impact. On a besoin de mieux connaître la situation et d'identifier les freins au développement de la parité, pour activer de nouveaux leviers. Cela pourrait déboucher sur la rédaction d'une proposition de loi qui défendrait de manière plus ambitieuse l'égalité entre les femmes et les hommes.

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Mon avis sera défavorable car beaucoup de travaux ont déjà été menés, à l'instar de ceux du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Je partage votre volonté d'avoir un texte encore plus ambitieux, mais il faut quand même rappeler que cette proposition de loi concerne plus de 70 % des communes et revient sur un mode de scrutin qui date de 1884. Elle marque une étape essentielle.

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Je souhaiterais corriger l'image que l'on pourrait avoir de la ruralité. Celle-ci a beaucoup évolué. Je ne voudrais pas qu'on ait le sentiment que, dans les communes rurales, il ne se passe rien, que l'on reste à la marge de l'évolution de la société. On y observe, de plus en plus, la volonté d'appliquer la parité, alors que la loi ne l'impose pas. La proposition de loi en discussion accompagne une évolution en cours. Dans le monde rural, les femmes travaillent ; beaucoup d'entre elles exercent un mandat municipal. Elles sont moins souvent maire que les hommes mais exercent fréquemment la fonction de première adjointe. Dans une commune, où j'avais participé à une inauguration, on s'était aperçu que le conseil municipal était exclusivement masculin ; une prise de conscience a eu lieu et, lors de l'élection suivante, la parité était appliquée. Nous ne sommes pas là pour dire aux maires et aux habitants comment ils doivent s'organiser. Il est important aussi de saluer les efforts qu'ils accomplissent. La volonté de développer la parité est partagée. Sans doute ce texte les y aidera-t-il.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL18 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

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Il s'agit de préciser que le texte s'appliquera au prochain renouvellement général des conseils municipaux. Il ne concernera donc pas les élections partielles qui pourraient avoir lieu d'ici là.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

Puis, la Commission examine la proposition de loi visant à rétablir le vote par correspondance (n° 3039) (M. Jean-Noël Barrot, rapporteur).

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Nous en venons à l'examen du dernier texte inscrit à l'ordre du jour de ce matin.

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Je vous remercie de m'accueillir au sein de la commission des Lois et de me permettre ainsi de vous présenter une proposition de loi, cosignée avec mes collègues du groupe MoDem et apparentés, visant à rétablir le vote par correspondance.

Ce texte a été déposé le 2 juin 2020, après que l'irruption de la covid-19 a considérablement perturbé les opérations de vote du premier tour des élections municipales et avant que le second tour de ces mêmes élections soit, hélas, marqué par une abstention record, près de six électeurs sur dix ne s'étant pas rendus aux urnes. Pourtant, dans d'autres grandes démocraties, l'Allemagne et les États-Unis notamment, le taux de participation aux élections a augmenté pendant la pandémie. S'il n'explique pas à lui seul cette différence, le vote par correspondance semble néanmoins avoir joué un rôle puisqu'il a été utilisé par 42 % des électeurs américains lors du dernier scrutin présidentiel – soit trois fois plus qu'en 2016 – et par plus d'un tiers des électeurs allemands lors des dernières élections fédérales, en 2021.

En France, le vote par correspondance postale est autorisé pour l'élection des députés représentant les Français de l'étranger et pour le vote des personnes détenues. La faculté offerte à ces dernières de voter par correspondance, expérimentée avec succès lors des élections européennes de 2019 puis généralisée par la loi « Engagement et proximité » depuis le 1er janvier 2021, a nettement favorisé leur participation électorale, qui a été multipliée par huit entre les élections législatives de 2017 et les élections les régionales et départementales de 2021.

Étendre la possibilité de voter par correspondance permettrait aux électeurs qui le souhaitent, notamment les plus vulnérables d'entre eux, d'exprimer individuellement leur choix sans être contraints de se rendre au bureau de vote. Cela faciliterait également la participation de tous ceux qui n'habitent pas de façon effective et permanente dans la circonscription électorale dans laquelle ils sont inscrits, soit près de 8 millions d'électeurs. Cette proposition de loi n'est donc pas une simple réponse conjoncturelle liée à la crise sanitaire : elle a vocation à offrir une souplesse supplémentaire aux électeurs qui n'ont pas la possibilité de voter personnellement le jour du scrutin.

De plus en plus utilisé dans de nombreux pays, le vote par correspondance est une technique qui bénéficie d'un avis favorable des organisations internationales telles que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la commission de Venise du Conseil de l'Europe et les institutions de l'ONU, à condition que la procédure soit précisément encadrée. Les Français y sont eux-mêmes majoritairement favorables, comme en témoignent les résultats de deux enquêtes d'opinion publiés en novembre 2020, qui montrent que 57 % à 72 % des électeurs approuvent son rétablissement, étant entendu que rien ne les obligerait à y recourir.

Le vote par correspondance suscite néanmoins trois types de critiques légitimes.

Premièrement, il est rejeté au nom des principes – le recours à l'urne et à l'isoloir – qui permettent de soustraire l'acte de vote aux influences dont il peut être l'objet. Or le vote par procuration compromet bien davantage le caractère personnel et secret du vote puisque l'électeur qui établit une procuration est obligé de divulguer son choix à une personne tierce sans être certain que celle-ci respectera son vote. Pourtant, les assouplissements progressifs du vote par procuration, que nous saluons, n'ont soulevé aucune objection majeure, contrairement aux critiques habituellement adressées au vote par correspondance. On ne peut donc, en toute bonne foi, être à la fois favorable à l'élargissement du vote par procuration et opposé au vote par correspondance au prétexte que celui-ci pourrait faire l'objet de pressions.

Deuxièmement, le vote par correspondance suscite une méfiance liée aux irrégularités, voire aux risques de fraude, qu'il serait susceptible d'entrainer. En France, ces craintes s'expliquent par le souvenir des fraudes qui ont pu survenir à l'occasion de certains scrutins, notamment en Corse, au cours des années 1960 et 1970. Ces difficultés, dont il ne faut pas nier l'existence, s'expliquent en réalité – les auditions l'ont montré – par les défaillances de la procédure prévue dans le code électoral, laquelle n'imposait pas une véritable vérification de l'identité des électeurs votant par correspondance et accordait un rôle central aux mairies, ce qui ne correspond pas aux standards internationaux actuels. Cinquante ans plus tard, aucune étude n'a démontré, à l'étranger, que cette technique de vote induirait davantage d'irrégularités ou de fraudes que le vote à l'urne, comme l'ont récemment rappelé les autorités suisses et allemandes. Si le vote par correspondance se déroule sans irrégularité dans les autres grandes démocraties occidentales, pourquoi en serait-il autrement dans notre pays ?

Troisièmement, le vote par correspondance suscite un certain nombre d'interrogations d'ordre logistique et opérationnel. Toutefois, les auditions nous ont rassurés sur ce point. Là encore, il est difficile d'imaginer en toute bonne foi qu'une grande démocratie comme la France ne serait pas capable de relever le défi logistique.

Outre les consultations auxquelles nous avons procédé, nous nous sommes appuyés sur les travaux de notre assemblée sur le sujet. Je pense en particulier au rapport de la mission d'information créée par la conférence des présidents en juillet dernier, mission dont le président était Xavier Breton et le rapporteur Stéphane Travert. Fruit d'un remarquable travail collégial et approfondi, cet excellent rapport, approuvé par les membres de la mission d'information, indique : « La mission considère que le vote par correspondance doit pouvoir faire l'objet d'une réflexion renouvelée s'incarnant dans des expérimentations locales en s'appuyant sur les expériences nationales et étrangères afin de ne pas s'arrêter aux difficultés posées par cette modalité de vote, mais plutôt de chercher de manière lucide et volontariste à les résoudre. » Ainsi, dans leur proposition n° 8, nos collègues recommandent d'expérimenter le vote par correspondance et le vote par internet lors des prochaines élections locales ou lors de référendums d'initiative locale dans les communes volontaires.

Cette solution nous paraissant équilibrée, nous vous proposerons, par un amendement à l'article 1er de la proposition de loi, de la concrétiser et de recourir à une simple expérimentation du vote par correspondance postale lors des élections municipales de 2026, expérimentation qui serait menée sur la base du volontariat et dont les modalités seraient fixées par décret. Je précise que cet amendement concerne le seul vote par correspondance postale et non le vote électronique, initialement inclus dans la rédaction de la proposition de loi.

Le vote par correspondance n'est pas l'unique rempart à l'effondrement de la participation électorale dans notre pays mais, alors que la méfiance de nos concitoyens à l'égard de leurs représentants grandit de jour en jour – et de la méfiance à la violence, on l'a vu récemment, il n'y a qu'un pas –, nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'écarter d'un revers de la main toute modernisation de nos modalités de vote. S'agissant d'un sujet aussi important, prenons le temps d'expérimenter, comme nous l'a suggéré la mission d'information de la conférence des présidents, faisons-nous une idée sur le fondement des résultats de cette expérimentation, et nous pourrons ensuite trancher en notre âme et conscience.

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L'objet de la proposition de loi est d'instaurer, en complément du vote traditionnel à l'urne, un vote anticipé à distance et de réduire ainsi le niveau de l'abstention. Si le groupe LaREM partage le constat d'une démocratie qui se lézarde à mesure que les électeurs désertent les urnes, nous sommes beaucoup plus partagés sur l'efficience et la fiabilité du dispositif qui nous est proposé. Le débat sur la participation électorale est bien plus vaste ; je salue, à cet égard, le rapport d'information publié en décembre dernier que Stéphane Travert et Xavier Breton ont consacré aux ressorts de l'abstention.

À ce jour, nous disposons, en France, d'un système que l'on peut qualifier de robuste. C'est, du reste, ce qui ressort, monsieur le rapporteur, de l'audition des représentants du ministère de l'Intérieur. Les électeurs français ont confiance dans ce système en vigueur depuis plus d'un siècle, qui consiste à se rendre au bureau de vote le dimanche, à s'enfermer dans l'isoloir puis à glisser son bulletin dans l'enveloppe avant d'insérer celle-ci dans l'urne, et ce sous le contrôle du président du bureau de vote et de ses assesseurs, citoyens bénévoles. Telle est la tradition électorale française, qui assure le respect le plus total du secret du vote, donc de sa liberté. Nul, ici, ne peut contester la fiabilité de ce système qui garantit le consentement de l'électeur au vote et permet de s'assurer qu'il a fait un choix libre et éclairé, à l'abri de toute influence.

C'est là l'enjeu fondamental du vote par correspondance : tant que le vote sous influence – familiale, clientéliste, voire communautaire – ne pourra pas être évité, il ne sera pas sécurisé.

Au demeurant, des aménagements existent, qu'il s'agisse du vote par procuration ou du vote par correspondance, qui est déjà autorisé pour l'élection des députés représentant les Français de l'étranger et, depuis l'an dernier – c'était un engagement du Président de la République –, pour le vote des détenus. Ces dispositifs ont évidemment pour but d'améliorer la participation aux élections, et notre groupe souhaite faciliter le plus possible la démarche des électeurs. Du reste, pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a choisi d'encourager le recours au vote par procuration pour les élections municipales puis les départementales et les régionales de 2021, en permettant à un électeur de porter deux procurations.

Par ailleurs, rappelons que le vote par correspondance était possible jusqu'en 1975, date à laquelle il y a été mis un terme en raison de trop nombreux cas de fraudes, qui avaient provoqué l'annulation de diverses élections municipales et législatives. Anecdote éclairante : dans une petite commune, on avait décompté 35 votes par correspondance effectués grâce à des certificats médicaux établis par un médecin décédé deux ans plus tôt… À l'époque, aux quatre coins de la France, on a constaté des bourrages d'urnes, l'oubli de bulletins dans les plis adressés aux électeurs – certains maires n'envoyant que celui de leur liste – et de faux émargements. Ces pratiques, me direz-vous, sont d'un autre temps. Hélas ! on recourt encore aujourd'hui à des manœuvres peu scrupuleuses. Ainsi, le Conseil d'État a récemment décidé de rendre inéligible l'ancien maire du 6e secteur de Marseille en raison de fraudes électorales constituées par l'utilisation de procurations établies dans un EHPAD auprès de résidents parfois séniles, et ce à leur insu.

Dans la société française actuelle, où un nombre de plus en plus élevé de nos concitoyens remet tout en question, où d'aucuns se laissent tenter par toutes sortes de théories complotistes, le contexte n'est pas suffisamment serein et apaisé pour permettre le vote par correspondance à grande échelle.

Enfin, d'un point de vue purement logistique, nous sommes très dubitatifs quant à la possibilité d'acheminer le matériel de vote en temps et en heure jusqu'aux électeurs, au vu des erreurs et retards de distribution de la propagande électorale lors des dernières élections. Si cet acheminement paraît encore possible lorsque quinze jours s'écoulent entre les deux tours, comme pour l'élection présidentielle, tel n'est pas le cas lorsqu'il n'y a qu'une semaine entre le premier et le second tour. Au reste, le vote par correspondance, notamment aux États-Unis, s'applique très souvent à des élections à un tour.

Par ailleurs, nous avons noté l'appréciation mitigée du ministère des Affaires étrangères, qui déplore qu'un bulletin sur quatre soit nul lorsque les Français de l'étranger ont recours au vote par correspondance. En outre, le dispositif aurait un coût très important pour l'État puisqu'il faudrait adresser les bulletins par courrier recommandé aux électeurs qui choisiraient de voter par correspondance.

En tout état de cause, la question doit être abordée dans le débat présidentiel à venir car nous devons envisager l'utilisation de nouveaux outils pour attirer à nouveau les Français, en particulier les jeunes, vers les urnes. Le vote par correspondance pourrait ainsi être expérimenté dans certaines communes volontaires, comme le propose effectivement la mission de MM. Travert et Breton, mais une telle expérimentation doit s'inscrire dans le cadre plus large d'une réforme de nos institutions.

Compte tenu de ces différents éléments, le groupe LaREM votera contre la proposition de loi.

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Il est vrai que la participation aux élections soulève un problème conjoncturel, voire structurel, mais il faut se garder de réagir avec précipitation.

Voter est un acte qui n'est ni anodin ni simple : chaque électeur doit prendre le temps de réfléchir à son choix, lequel ne doit pas être déterminé par des intérêts territoriaux, économiques ou communautaires, mais doit concourir à l'élaboration d'un projet collectif. Quelle société voulons-nous construire ensemble ? Tel est l'enjeu du vote, pour chaque électeur. Ce qui éloigne l'électeur du vote, c'est davantage la difficulté qu'il éprouve à répondre à cette question, dans une société de plus en plus morcelée, que l'obligation de se rendre dans un bureau de vote pour y glisser un bulletin dans l'urne et signer la liste d'émargement. De fait, ceux qui expliquent que la participation est moins élevée lorsqu'il fait beau le jour du vote sont systématiquement démentis la semaine suivante, lorsqu'on s'aperçoit que la participation n'est pas plus élevée un jour de pluie.

Il faut donc rester très prudent quant aux modalités du vote : ce n'est pas parce qu'elles seront simplifiées que la décision sera plus facile à prendre.

Au fond, l'élection est le seul moment où l'électeur se trouve dans la même situation que son représentant pendant l'exercice de son mandat. En effet, que faisons-nous chaque jour, sinon réfléchir au point d'équilibre qui permet de construire une société ? Or, on le voit, il nous est difficile d'expliquer notre travail, qui est parfois complexe et ne se limite pas aux effets de manche et aux propos de tribune mais se construit sur la durée et dans la complexité de l'action. Si nous facilitons trop la procédure de vote, si elle se réduit à un simple clic sur internet, nous distendrons davantage encore le lien entre les électeurs et leurs futurs représentants.

Je ne crois pas, monsieur le rapporteur, que les États-Unis d'Amérique soient un exemple en matière de modalités de vote. Certes, la dernière élection présidentielle a suscité une mobilisation que l'on n'avait pas connue depuis longtemps. Mais jusque-là, le modèle américain, qui inclut le vote par correspondance, se caractérisait plutôt par une faible participation et une piètre confiance dans l'issue du scrutin. Le modèle français, quant à lui, celui de l'isoloir et de l'urne, est peut-être à l'origine d'une diminution de la participation – si tant est que celle-ci s'explique par les modalités du vote –, mais il assure en tout état de cause une grande confiance dans l'issue du scrutin, laquelle est peu contestée.

Un certain nombre d'éléments ont conduit à la suppression du vote par correspondance en France. Je ne crois pas que les problèmes liés au communautarisme auxquels nous faisons face actuellement nous incitent à le rétablir, dès lors que ses modalités ne permettent pas de garantir le secret et la sincérité d'un vote susceptible d'être effectué dans la cuisine familiale ou un espace partagé, dans des quartiers parfois gangrenés par les violences communautaires.

Enfin, à quelques semaines d'une élection présidentielle, le moment est mal choisi pour discuter, à la faveur d'une niche parlementaire, d'un texte qui, même s'il ne s'appliquerait qu'aux élections municipales de 2026, tend à modifier les modalités du scrutin. Votons dans les semaines qui viennent comme nous l'avons toujours fait !

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La question du vote par correspondance revêt une importance particulière à mes yeux puisque, lors du scrutin qui a abouti à mon élection, un tiers des électeurs ont voté par correspondance.

Ce système est largement utilisé. On a évoqué l'Allemagne et les États-Unis. Faisons un peu d'histoire. Aux États-Unis, le vote par correspondance a été adopté pour permettre aux électeurs mobilisés durant la guerre de sécession d'exprimer leur suffrage. En Allemagne, il est pratiqué depuis 1947, la Cour de Karlsruhe ayant estimé, dans un avis de 1981, que ses avantages l'emportaient largement sur les risques de fraude.

Le vote par correspondance est, je le rappelle, un vote à l'urne : la veille du scrutin, l'ensemble des bulletins de vote adressés par correspondance sont insérés dans l'urne et la liste électorale est émargée.

Je ne reviens pas sur les risques de fraude : notre rapporteur en a très bien parlé.

Je suis d'accord avec ceux d'entre vous qui ont souligné la solennité des modalités de vote actuelles. Toutefois, le ministère de l'Intérieur, pourtant prudent quant aux changements susceptibles d'intervenir dans ce domaine, envisage que le scrutin puisse, comme dans d'autres pays, se dérouler sur plusieurs jours et débuter avant le dimanche. Cela ne changerait rien à la solennité du vote, qui prévaut – je l'ai expérimenté – dès lors que le vote par correspondance est un vote à l'urne et qu'il est traité par le même bureau de vote que celui où l'on se rend physiquement. J'avais du reste déposé un amendement, déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, afin de renforcer la solennité des bureaux de vote, les bénévoles, qui sont souvent des experts, n'étant pas toujours très bien traités.

On a dit qu'un quart des bulletins de vote adressés par correspondance pour l'élection des députés représentant les Français de l'étranger étaient nuls. Cela n'est pas dû au vote par correspondance mais au système, unique au monde et très complexe – à trois enveloppes –, inventé par l'administration française. À la suite de ces problèmes, des rapports ont montré qu'il fallait retenir un système à deux enveloppes, comme dans tous les autres pays.

Le groupe MoDem, vous l'avez compris, votera pour cette proposition de loi, à laquelle nous tenons beaucoup.

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Le traumatisme causé par les fraudes au vote postal constatées en 1975 pèse lourd, et de manière injuste, en 2022. Le dispositif proposé est en effet tout autre. J'ai moi-même déposé une proposition de loi analogue à celle-ci en septembre 2021 : les deux textes diffèrent sur la forme mais, sur le fond, les objectifs sont les mêmes.

L'instauration de modalités de vote différentes est plus que pertinente : c'est une exigence démocratique. Elle nous paraît même tardive, compte tenu des difficultés liées à la pandémie, mais nous nous sommes heurtés à l'opposition du ministère de l'Intérieur. Si nous soutenons ce texte, c'est pour une raison simple : il faut faciliter l'expression de la volonté souveraine des Françaises et des Français. C'est pour cette raison que le vote a lieu le dimanche et qu'à 18 ans, on est inscrit automatiquement sur les listes électorales, et c'est à cette fin que le vote par correspondance doit être généralisé. En s'y refusant, la France fait figure d'anomalie parmi les démocraties libérales : il est possible de voter par correspondance en Allemagne, aux États-Unis, en Suisse, en Espagne, au Royaume-Uni et en Australie – la liste n'est pas exhaustive.

Lorsque, au cours d'une réunion de l'Assemblée parlementaire franco-allemande, j'ai demandé à Angela Merkel pourquoi le taux d'abstention était plus faible en Allemagne qu'en France, elle m'a répondu que cette différence s'expliquait uniquement par le vote par correspondance ! C'est du reste à la suite de cet échange que j'ai décidé de déposer la proposition de loi que j'évoquais au début de mon propos.

Le vote par correspondance n'est pas, dans les pays où il est autorisé, un phénomène marginal ou cosmétique : la part des voix exprimées par correspondance a été, en Allemagne, de 28,6 % aux élections législatives de 2017, en Australie, de 8,5 % en 2016 et, aux États-Unis, de 26 % à la présidentielle de 2016 et de 42 % à celle de 2020, la participation ayant par ailleurs augmenté de onze points entre ces deux élections.

Ce n'est pas la panacée de la démocratie : le vote par correspondance ne supprimera pas le sentiment de confiscation qui résulte de l'injonction que constitue le vote utile, du fait majoritaire et des déséquilibres inhérents au semi-présidentialisme – pour ne pas dire à l'ultraprésidentialisme – de la Ve République. Pour y remédier, il faut modifier les modes de scrutin et l'équilibre des pouvoirs.

Mon regret est que le dispositif proposé soit expérimental, mais il est vrai que la date à laquelle nous examinons la proposition de loi est problématique. Il nous faut, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, simplifier l'inscription sur les listes électorales, car près de 8 millions de personnes ne sont pas inscrites sur les listes de la commune où elles résident. C'est, du reste, un problème pour les maires, qui ne rencontrent plus les nouveaux habitants de leur commune. Même si cela est très difficile, ceux-ci devraient être inscrits automatiquement sur les listes de leur commune de résidence et rencontrer le maire au moment de leur emménagement. Tant que cela ne sera pas le cas, le vote par correspondance apparaîtra comme d'autant plus nécessaire.

Enfin, la Commission supérieure du numérique et des postes a rendu, le 10 novembre 2021, un avis sur la modernisation des processus électoraux dans lequel elle conclut à la nécessité d'instaurer le vote par correspondance, qui est attendu par nos concitoyens.

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Je salue l'initiative prise par le président Mignola et Jean-Noël Barrot de nous soumettre cette proposition de loi, car elle a trait à une question cruciale dans le débat démocratique actuel, question sur laquelle les avis divergent. Le groupe Agir ensemble est lui-même divisé : certains de ses membres considèrent que le vote par correspondance faciliterait le vote et contribuerait ainsi à améliorer la participation aux élections ; d'autres, dont je suis, s'y opposent, pour de multiples raisons.

Tout d'abord, je suis très attaché au caractère solennel du vote. La démocratie se mérite ; le vote est un acte individuel volontariste, dont on ne peut faire aisément abstraction. Se rendre dans un bureau de vote, pénétrer dans l'isoloir – je me souviens du sentiment de responsabilité qui m'a envahi lorsque j'ai voté pour la première fois à 18 ans – et glisser son bulletin dans l'urne est une démarche citoyenne. Je crains que le vote par correspondance – puis le vote électronique, que l'on voit poindre derrière lui – ne retire cette solennité. C'est, en outre, la porte ouverte aux votes épidermiques, que l'on risque de voir se multiplier dans notre société caractérielle.

Un autre risque, qui a déjà été évoqué et qui me paraît particulièrement préoccupant, c'est de voir certains individus subir des pressions, de la part de leur entourage, de cercles de pensée, de cercles communautaires ou religieux. Le danger, dans ce cas, c'est que le vote ne soit plus l'expression d'un choix individuel.

Il faut encore évoquer le risque de fraude, qui est inévitable, et les difficultés de mise en œuvre matérielle d'un tel système. D'une manière générale, même si la crise que nous avons connue a favorisé la multiplication des procurations, je crois qu'il faut éviter au maximum les médiations, afin de préserver la solennité du moment et l'importance de l'acte en lui-même. Et il faut nous mobiliser pour trouver d'autres solutions.

Il existe d'autres moyens de lutter contre l'abstention que ce faux ami qu'est le vote par correspondance – et, à terme, le vote électronique : l'inscription automatique sur les listes électorales ; l'aménagement des conditions du vote, avec la possibilité de voter pendant un laps de temps plus grand ; un effort pour rapprocher les bureaux de vote des citoyens, en multipliant les points où il serait possible de voter ; l'amélioration de la représentation, grâce à la proportionnelle ; une participation accrue de nos concitoyens à tous les niveaux décisionnels avant, pendant, et après les élections, de façon à leur permettre d'exister indépendamment des périodes électorales ; une limitation du cumul horizontal des mandats locaux et une limitation des mandats dans le temps, de façon à ouvrir les postes à la concurrence élective.

Même à titre expérimental, le vote par correspondance me semble représenter un risque pour nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, et au nom d'une majorité du groupe Agir ensemble, je voterai contre cette proposition de loi.

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Cette proposition de loi vise à ajouter une nouvelle section au code électoral pour instituer le vote par correspondance, soit sous pli fermé, soit par voie électronique. Cette disposition pourrait potentiellement concerner l'ensemble des élections, même si la proposition de loi ne l'a pas prévu pour l'élection présidentielle.

C'est un outil que l'on peut légitimement envisager pour lutter contre l'abstention. Avec un taux d'abstention de 65,7 % au second tour des dernières élections régionales et départementales – sauf en Corse, où il n'était que de 40 % –, la démocratie souffre d'un manque de légitimité de plus en plus important et la recherche de solutions est une bonne chose.

Toutefois, des questions se posent quant à la sécurité du scrutin : la sécurité informatique d'un vote électronique n'est pas toujours facile à garantir. En 2017, par exemple, on a dû annuler au dernier moment le vote électronique pour l'élection des députés représentant les Français de l'étranger, compte tenu des menaces de cyberattaque, notamment russes, après l'élection présidentielle américaine.

Le vote par voie postale interroge également, quand on se rappelle que le simple envoi des plis électoraux et des professions de foi a connu des dysfonctionnements majeurs lors des dernières élections régionales et départementales. Un vote par correspondance ne risque-t-il pas d'entraîner des fraudes ou des dysfonctionnements logistiques ? Je viens d'un territoire où il y a eu beaucoup de fraudes, et c'est précisément pour cette raison que nous sommes attachés au vote physique éclairé.

Quand bien même la sécurité du scrutin serait avérée, quelle confiance nos concitoyens auraient-ils dans ce système ? Donald Trump a utilisé l'argument de la fraude pour remettre en cause les résultats de la dernière élection présidentielle. Même s'il était infondé, cet argument a convaincu un nombre suffisant de ses partisans pour créer une grave crise politique.

Le vote éclairé dans l'isoloir est un moment solennel, au cours duquel le citoyen exprime un choix mûrement réfléchi, fruit d'un long processus. Un simple clic n'aurait pas le même impact et n'impliquerait pas la même réflexion en amont. La symbolique est une chose importante.

Il faut réfléchir aux moyens de lutter contre l'abstention, mais une mesure ne pourra pas, à elle seule, régler le problème. La reconnaissance du vote blanc, l'instauration du vote obligatoire, que certains pays ont choisie, et le vote par anticipation seraient des pistes à explorer. Il importe, surtout, de lutter contre la défiance politique, ce qui va bien au-delà de la question de l'abstention. Nous pensons en effet qu'il faut aller vers une démocratie beaucoup plus participative, notamment au travers d'une véritable décentralisation.

Le système allemand de vote par correspondance a été cité en exemple, mais il faut rappeler que l'Allemagne est très décentralisée. En vertu du principe de subsidiarité, la prise de décision a généralement lieu à l'échelon le plus bas, si bien que l'efficacité de l'action publique ne se mesure pas de la même façon que dans notre système républicain. Et cela explique en grande partie que les Allemands votent beaucoup plus massivement que les Français. Ramener la décision au plus près des citoyens nous apparaît comme un enjeu majeur de lutte contre la défiance politique.

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J'entends des arguments pour et contre le vote par correspondance. Pour ma part, j'y suis plutôt favorable mais, dans tous les cas, avec l'amendement que le rapporteur va nous proposer, le vote par correspondance ne fera l'objet, au mieux, que d'une expérimentation à partir de 2026, pour une entrée en application en 2032... Ne nous faites pas rire ! On donne l'impression de s'intéresser à la crise démocratique et, en réalité, on ne fait rien.

Par ailleurs, je ne partage pas du tout le concert de louanges que j'ai entendu au sujet du rapport d'information de notre collègue Stéphane Travert. Ce rapport a été volontairement orienté vers des mesures très techniques, dont celle du vote par correspondance, mais il ne s'attaque pas aux vraies raisons de l'abstention, notamment la mal-inscription électorale, qui est le premier facteur d'abstention chez les jeunes. Si la majorité avait vraiment voulu agir sur ce sujet, elle nous aurait soumis une proposition de loi pour régler cette question directement. La deuxième chose que demandent les jeunes, c'est de l'information et de la formation sur les enjeux de la démocratie. Or, là-dessus, vous ne proposez strictement rien.

Le rapport préconise quelques mesures techniques intéressantes, comme le vote blanc ou le vote par correspondance. Mais la réalité, c'est que cette mission d'information n'a volontairement été lancée qu'à la fin du quinquennat, pour qu'elle n'ait pas d'effet. Et là, nous sommes en train de débattre d'une loi qui entrera éventuellement en application en 2032. Excusez-moi de trouver cela un peu grotesque, à un moment où la crise démocratique, dans notre pays, est tellement grave.

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Je souscris aux propos de Thomas Rudigoz et de Christophe Euzet. Chaque pays a son histoire, et l'une des caractéristiques françaises, c'est le grand nombre des scrutins à deux tours. Si je peux concevoir qu'un vote par correspondance puisse être sécurisé dans le cadre d'un scrutin à un tour, je vois mal comment on peut l'organiser dans l'espace très court de l'entre-deux-tours. C'est vraisemblablement au vote numérique, plutôt qu'au vote par correspondance, qu'il faut désormais réfléchir : il serait plus adapté à notre mode de scrutin et nous avons désormais des technologies qui le permettent.

Encore faut-il que le vote soit parfaitement sécurisé et que l'on puisse s'assurer que l'électeur, au moment du vote, est bien isolé et à l'abri de toute pression, et que c'est bien son choix personnel qu'il exprime. Des électeurs, souvent âgés, m'ont déjà dit que leur fils ou leur fille avait mis pour eux un bulletin dans une enveloppe mais que, une fois dans l'isoloir, ils ont fait ce qu'ils voulaient, y compris retirer le bulletin en question pour en mettre un autre. Il faudra s'assurer, grâce aux techniques du numérique, que c'est bien la volonté propre de l'électeur qui s'exprime.

C'est tout l'enjeu de la réforme qu'il faudra construire. Il faut que la personne puisse voter par voie électronique, au moment où elle le souhaite, pas forcément depuis chez elle, et il faut que l'on puisse s'assurer qu'elle a fait elle-même son choix, comme elle l'aurait fait dans l'isoloir. Il faut du temps pour résoudre un tel problème. Le ministère de l'Intérieur y travaille, de nombreuses études sont menées sur le sujet, des rapports existent. Il faudra franchir le pas, mais je crois qu'il est encore un peu tôt pour trancher cette question, essentielle pour l'avenir.

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Ce débat est intéressant. En ce qui me concerne, je n'aurais pas déposé l'amendement qui vise à reporter l'application de ce texte. Comme Matthieu Orphelin, je trouve que le fait de proposer ce dispositif à titre expérimental et à une échéance très lointaine n'a plus beaucoup de sens. J'aurais voté ce texte sans cet amendement. Même s'il ne va pas résoudre à lui seul le problème de l'abstention, le vote par correspondance est un outil intéressant et je pense qu'il faudra bientôt en venir aussi au vote électronique. On peut le regretter, mais c'est dans l'ordre des choses et il faut s'adapter aux évolutions de la société.

Quant à l'argument selon lequel les électeurs risqueraient de subir des pressions – c'est l'argument phare du ministère de l'intérieur –, il me laisse de marbre, parce que les pressions sont les mêmes, que l'on aille dans un bureau de vote ou que l'on soit chez soi, avec son enveloppe. Ce n'est pas le fait de parcourir cette petite distance à pied qui va permettre de les éviter, mais l'instruction civique, l'initiation politique, le goût de la chose publique et de l'intérêt général, qui devraient animer chacun de nos concitoyens.

Je ne comprends vraiment pas vos réticences vis-à-vis de ce texte, mes chers collègues. Pour ma part, je le voterai – et je répète que je l'aurais voté même sans l'amendement du rapporteur.

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S'agissant de la solennité du vote, je rappelle que le vote par correspondance finit dans l'urne et qu'il est ouvert par la communauté élective le dimanche soir.

Pour ce qui concerne la formation, je crois que l'on ne s'appuie pas assez sur nos bureaux de vote – et c'est le sens de l'amendement que je défendrai en séance publique. Aux États-Unis, le travail accompli par les bénévoles qui tiennent les bureaux de vote dans les semaines qui précèdent le vote est important pour la démocratie. Ce sont des gens qui appellent, qui vérifient, qui regardent, qui discutent. Prendre exemple sur eux serait une manière de faire avancer les choses.

Enfin, je voudrais donner quelques chiffres qui illustrent la différence entre le vote électronique et le vote par correspondance – une différence qui tient aussi à la solennité du vote. Traditionnellement, le vote électronique remplace le vote à l'urne : on a à peu près la participation que l'on attendait mais, au lieu de n'avoir que du vote à l'urne, une partie de celui-ci est remplacée par du vote électronique. Le vote par correspondance, lui, ajoute de la participation : il peut représenter 10, 20, parfois 30 % de participation en plus – une participation que l'on n'avait pas prévue.

Je pense que cette différence tient à l'acte lui-même. Appuyer sur un bouton, ce n'est pas la même chose que de s'installer dans sa cuisine, en face de la propagande électorale, de mettre son bulletin dans une petite enveloppe, puis la petite enveloppe dans une grande, et d'apposer sa signature. Ce n'est peut-être pas aussi solennel que l'isoloir, mais ça l'est davantage que le vote électronique. Et je pense que c'est pour cela qu'on constate, sur le terrain, que le vote par correspondance amène de la participation, qui n'aurait pas existé autrement.

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À titre personnel, je suis profondément attaché à ce que j'appelle la liturgie électorale : le vote du dimanche, avec son unité de lieu, d'action et de temps. Cela fait partie de notre patrimoine et de notre culture démocratique et j'y suis attaché, parce que je pense que cela donne une solennité au vote.

Et pourtant, il faut accepter que le monde change et je pense que nous devrions expérimenter sans tarder le vote électronique. Nous pouvons emprunter sur vingt ans grâce à notre téléphone portable, nous pouvons signer des actes notariés par mail, nos enfants regardent leurs notes sur Pronote, le logiciel de l'éducation nationale, une grande partie de notre vie est gérée par des applications. On peut le regretter, on peut avoir la nostalgie de la vie d'avant et de l'odeur du vieux papier. Moi, j'aime le vieux papier, mais il faut aussi être à la page.

Je suis sûr que l'on peut inventer une application qui permettrait de voter le dimanche des élections de manière sécurisée. On paie nos impôts en ligne de façon sécurisée ; nos banques sont parvenues à sécuriser l'accès à nos comptes. Faisons preuve de créativité et sortons de cette nostalgie démocratique, qui est aussi un conservatisme. Les jeunes ont changé de paradigme.

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Monsieur le rapporteur, vous avez parlé très justement de la méfiance, ou de la défiance, qu'éprouvent nombre de nos concitoyens pour les élus et le monde politique. Or nous avons un bien très précieux en France : la confiance quasi unanime dans notre processus électoral et dans le résultat des élections. Aux États-Unis, a contrario, près de la moitié des citoyens pense que l'élection a été volée. À un moment où les théories du complot fleurissent et où les divisions se creusent dans notre société, il ne faut toucher à ce bien précieux qu'avec une extrême précaution.

Le vote par correspondance pourrait entamer la confiance d'une partie de nos concitoyens dans le processus électoral et entraîner une remise en cause du résultat des élections, ce qui serait très problématique. Et je ne crois pas qu'il résoudrait pour autant le problème de la défiance vis-à-vis des politiques. Chacun sait que le vote par correspondance ne va pas, à lui seul, s'attaquer aux causes profondes de la crise que traverse la démocratie.

Il existe des spécificités françaises : le dimanche, le rituel républicain, les deux tours qui s'enchaînent et qui empêchent, d'un point de vue opérationnel, le vote par correspondance. Si le dépouillement du vote par correspondance avait lieu le samedi, certaines personnes connaîtraient les tendances du scrutin avant même qu'il ait eu lieu le dimanche…

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable au vote par correspondance. Ce n'est pas une innovation démocratique, puisqu'il a existé il y a très longtemps et qu'on est d'ailleurs revenu dessus.

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J'aimerais répondre à ceux qui repoussent le vote par correspondance, en arguant du fait que le processus actuel suscite la confiance de nos concitoyens et qu'il ne faudrait pas risquer de l'entamer, en alimentant le complotisme.

Le système actuel suscite peut-être la confiance, mais de moins en moins de personnes y participent. Il semble donc utile d'imaginer une alternative, qui ne remette pas en question le cérémonial auquel nous sommes tous attachés.

J'ai le sentiment qu'on a envie d'emmerder les Français, pour reprendre une expression désormais célèbre. Nous avons, avec le vote par correspondance, une alternative intéressante à la procuration, qui pourrait simplifier la vie des personnes qui ont des difficultés à se rendre dans un bureau de vote. Je ne comprends pas que l'on repousse ce dispositif simple, sur lequel la Commission supérieure du numérique et des postes s'est prononcée favorablement.

Sur la question éthique, on peut faire un parallèle avec le paiement de l'impôt, qui est aussi un moment important. Désormais, il est prélevé à la source et on ne sait même plus comment cela se passe. Ne faudrait-il pas réintroduire un cérémonial, au cours duquel on irait remettre un chèque symbolique à la direction générale des finances publiques ? C'est la même chose : vivons dans la modernité et profitons de ce que permet le service postal.

Quant à la pression sur l'électeur, elle s'exerce partout, comme l'a très bien rappelé Laurence Vichnievsky. Lorsqu'on fait une procuration, on ne sait pas pour qui la personne que l'on a choisie va effectivement voter : c'est un chèque en blanc. Nos concitoyens peuvent donc souhaiter mettre eux-mêmes dans l'enveloppe le bulletin qui leur convient.

Enfin, il ne s'agit que d'une expérimentation. Dans le contexte actuel, je comprends mal pourquoi on se priverait d'une expérimentation qui peut s'appuyer sur La Poste et la Commission supérieure du numérique et des postes et qui est proposée par l'un des groupes de la majorité. Tout cela me laisse assez perplexe quant aux capacités de progrès et d'innovation que nous pouvons avoir au sein de cette assemblée.

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Je souscris à ce qui vient d'être dit. Il faut que nous ayons le courage d'avancer et l'expérimentation qui est proposée permettrait de le faire.

J'aimerais évoquer le modèle des élections professionnelles. Ce ne sont certes pas les mêmes enjeux, mais ce sont tout de même des enjeux importants. Or, pour ces élections, il y a déjà la possibilité de voter à l'urne, par correspondance ou par voie électronique. Inspirons-nous de ce qui existe déjà pour les élections professionnelles et avançons collectivement sur ce sujet d'importance. Il ne faudrait pas que le fossé qui nous sépare de nos concitoyens s'élargisse encore.

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Je vous remercie pour la qualité de vos interventions. Cette question du vote par correspondance suscite des adhésions et des oppositions et il me semble qu'une expérimentation à petite échelle permettrait précisément de trancher ce débat, en s'appuyant sur des faits.

J'aimerais revenir sur le vote par procuration. À l'élection présidentielle, 3 millions de personnes ont voté par procuration. Chacun de nous pense sans doute, en son for intérieur, qu'il est préférable de voter à l'urne que par procuration, mais on tolère tout de même les votes par procuration. Et pourquoi le fait-on ? Pourquoi les Français ont-ils confiance dans les résultats de l'élection présidentielle, alors que 3 millions de bulletins ont été mis dans l'urne par une personne différente de celle qui votait ?

On le tolère, parce que cela permet de résoudre certains problèmes, à commencer par celui que rencontrent les personnes qui n'habitent pas dans la commune où elles sont inscrites. Cela concerne notamment les jeunes. À 18 ans, ils sont inscrits automatiquement sur les listes électorales et leur taux de participation est relativement élevé. Mais, au cours de leurs études, nombre d'entre eux vivent loin et il peut être difficile pour eux de revenir exprès pour le vote. On leur a donc permis de voter par procuration. C'est la même chose pour les personnes qui sont mobiles, parce que leur activité professionnelle les amène loin de la commune où elles sont inscrites. On s'est dit qu'on n'allait quand même pas empêcher ces personnes de voter et on leur a ouvert le vote par procuration. Il y a une autre catégorie de personnes dont la situation explique que l'on tolère le vote par procuration : ce sont les personnes trop âgées ou trop handicapées pour se rendre dans un bureau de vote. Pour elles, on accepte que le vote soit intermédié, même si ce n'est pas idéal, parce que le fait qu'elles puissent voter est plus important que la manière dont elles le font.

Si l'on est d'accord sur ce constat et que l'on envisage maintenant le vote par correspondance, on doit bien admettre qu'il permet lui aussi aux jeunes et aux personnes éloignées du lieu où elles sont inscrites de voter. Il permet lui aussi aux personnes qui sont trop âgées ou trop handicapées pour se déplacer de le faire. Et il a deux autres avantages. Dans le contexte de crise sanitaire que nous avons connu, le fait même de se rendre au bureau de vote pouvait représenter un risque pour la santé. Or la procuration ne résout pas le problème, puisqu'elle suppose que quelqu'un se déplace, alors que le vote par correspondance permet à chacun de voter sans prendre le moindre risque. Le deuxième avantage du vote par correspondance, c'est qu'il n'implique pas, comme la procuration, de trouver une personne de confiance à qui confier son bulletin de vote. Avec le vote par correspondance, chacun peut envoyer son bulletin au bureau de vote sans la moindre crainte.

Les bénéfices du vote par correspondance sont identiques, et même supérieurs, à ceux du vote par procuration. Les risques associés, quant à eux, sont moindres. Pour toutes ces raisons, le vote par correspondance apparaît comme un outil complémentaire, qui conviendra à certaines personnes. Il ne s'agit évidemment pas de forcer les Français à voter par correspondance, mais d'ajouter cette possibilité à la palette des manières dont les citoyens peuvent s'exprimer au moment des élections.

J'aimerais, enfin, dire un mot sur le dispositif et sur ce qui est proposé. Mme Untermaier et M. Orphelin l'ont dit : ce que je propose n'est pas révolutionnaire. Si nous adoptons cette proposition de loi, telle que je propose de l'amender, si le texte est adopté au terme de la navette parlementaire, puis qu'un décret en Conseil d'État en définit les modalités, il faudra encore que des communes se portent volontaires, et que des électeurs de ces communes se portent, à leur tour, volontaires, pour que le vote par correspondance fasse l'objet d'une expérimentation aux élections locales de 2026. Vous voyez qu'il existe des garde-fous très importants…

Cette proposition de loi ne risque pas de déstabiliser notre système électoral, ni d'introduire de la défiance chez nos concitoyens : puisqu'ils ont pleinement confiance dans les procurations, il n'y a aucune raison pour qu'ils n'aient pas confiance dans le vote par correspondance. C'est une manière de montrer, notamment à ceux d'entre eux qui ont le plus de mal à se déplacer, parce qu'ils sont étudiants, ou parce que la maladie, le handicap, le grand âge ne leur permettent plus de le faire, que nous essayons de les associer pleinement aux décisions qui concernent l'avenir du pays.

Article 1er (art. L. 78-1 [nouveau] du code électoral) : Autorisation du vote à distance

Amendement de suppression CL1 de Mme Emmanuelle Ménard

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J'ai écouté la discussion avec beaucoup d'intérêt. Il y a des arguments pour et contre le vote par correspondance. Spontanément, j'étais plutôt contre, et je le reste, pour les raisons suivantes.

D'abord, si le vote par correspondance, qui était auparavant possible en France, a été supprimé en 1975, c'est à cause du nombre élevé de fraudes qu'il permettait. C'est aussi, comme le rappelait en 2020 Christophe Castaner, alors ministre de l'Intérieur, parce qu'il prêtait à manipulation : c'est au nom de la sécurité et de la sincérité du scrutin que l'on a recouru au vote par procuration plutôt qu'au vote par correspondance.

Monsieur le rapporteur, vous ne voyez pas pourquoi les Français n'auraient pas la même confiance dans le vote par correspondance que dans le vote par procuration, mais vous oubliez une différence majeure : la validité de la procuration est vérifiée par un officier de police judiciaire qui peut venir au domicile des personnes.

Des recherches très sérieuses ont été conduites, notamment par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), sur les pratiques frauduleuses constatées du fait du vote par correspondance. Ce mode de vote ne permet de vérifier ni les papiers d'identité ni l'enveloppe : cela pose un vrai problème.

Depuis les déclarations de M. Castaner, la crise sanitaire a fourni à certains d'entre nous une raison supplémentaire d'exhumer le vote par correspondance, mais nous ne sommes pas capables de le mettre en œuvre dans des conditions de sécurité suffisantes. De ce point de vue, l'élection présidentielle américaine de 2020 devrait nous inciter à la plus grande prudence : les contestations qu'elle a suscitées ne contribuent pas à un climat serein – c'est un euphémisme.

La proposition de loi tend à autoriser le vote par correspondance sous pli fermé, écartant la voie électronique. Pourquoi cela ne ressusciterait-il pas les problèmes de fraude qui ont entraîné sa suppression en 1975 ?

Enfin, l'objection majeure contre le vote par correspondance est que celui-ci ne garantit pas un vote libre, loin de toute pression familiale. À cet égard, je ne suis pas du tout d'accord avec Laurence Vichnievsky, qui oublie un élément essentiel : l'isoloir, lieu où vous êtes libre de toute pression, seul face à vous-même. La procuration, elle, est remise à une personne de confiance : c'est encore un autre cas de figure. En tout cas, cette liberté est la raison principale de ne pas autoriser à nouveau le vote par correspondance.

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Avant la pandémie, je ne m'étais jamais vraiment posé la question du vote par correspondance. De ce fait, me sont d'abord venus à l'esprit tous les arguments que vous avez développés.

Toutefois, le vote par procuration expose à un plus grand risque de vote sous influence que le vote par correspondance, car il repose sur un intermédiaire qui ne va pas transporter le bulletin. Quant aux risques de fraude, si vous n'êtes pas convaincue, ce que l'on peut comprendre, par l'exemple américain – où la participation a tout de même fortement augmenté –, tournez-vous vers l'Allemagne et les autres pays européens qui, forts d'une longue expérience, recourent au vote par correspondance en limitant ces risques sans grande difficulté, comme le montrent les études internationales. Enfin, la logistique représente bien une petite difficulté, mais c'est une raison supplémentaire d'expérimenter pour se faire une idée sur ce point.

À cet égard, le dispositif que je propose dans l'amendement suivant est si encadré qu'il prémunira contre tous les risques légitimement signalés.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL9 de M. Jean-Noël Barrot

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Il reprend, en laissant de côté le vote électronique, la proposition numéro 8 du rapport d'information de nos collègues Breton et Travert.

La commission rejette l'amendement.

Elle rejette l'article 1er.

Article 2 : Gage financier

La commission rejette l'article 2.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l'ensemble de celle-ci est rejeté et l'amendement CL10 de M. Jean-Noël Barrot tombe.

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La proposition de loi sera examinée dans l'hémicycle telle qu'elle avait été déposée, lors de la journée réservée du MoDem, le 3 février.

La réunion se termine à 12 heures 10.

Informations relatives à la commission

La commission a désigné Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure sur la proposition de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne (n° 4883).

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Erwan Balanant, M. Jean-Noël Barrot, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, M. Vincent Bru, Mme Marie-George Buffet, Mme Émilie Chalas, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Camille Galliard-Minier, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Victor Habert-Dassault, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Danièle Obono, Mme Valérie Oppelt, M. Matthieu Orphelin, M. Didier Paris, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, Mme Laurence Vichnievsky, M. Patrick Vignal, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - M. Ian Boucard, M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, Mme Lamia El Aaraje, M. Jean-François Eliaou, Mme Paula Forteza, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, M. Fabien Matras

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Dharréville, M. Christophe Euzet, Mme Albane Gaillot, M. Sylvain Maillard, M. Frédéric Petit