Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Cette proposition de loi vise à ajouter une nouvelle section au code électoral pour instituer le vote par correspondance, soit sous pli fermé, soit par voie électronique. Cette disposition pourrait potentiellement concerner l'ensemble des élections, même si la proposition de loi ne l'a pas prévu pour l'élection présidentielle.

C'est un outil que l'on peut légitimement envisager pour lutter contre l'abstention. Avec un taux d'abstention de 65,7 % au second tour des dernières élections régionales et départementales – sauf en Corse, où il n'était que de 40 % –, la démocratie souffre d'un manque de légitimité de plus en plus important et la recherche de solutions est une bonne chose.

Toutefois, des questions se posent quant à la sécurité du scrutin : la sécurité informatique d'un vote électronique n'est pas toujours facile à garantir. En 2017, par exemple, on a dû annuler au dernier moment le vote électronique pour l'élection des députés représentant les Français de l'étranger, compte tenu des menaces de cyberattaque, notamment russes, après l'élection présidentielle américaine.

Le vote par voie postale interroge également, quand on se rappelle que le simple envoi des plis électoraux et des professions de foi a connu des dysfonctionnements majeurs lors des dernières élections régionales et départementales. Un vote par correspondance ne risque-t-il pas d'entraîner des fraudes ou des dysfonctionnements logistiques ? Je viens d'un territoire où il y a eu beaucoup de fraudes, et c'est précisément pour cette raison que nous sommes attachés au vote physique éclairé.

Quand bien même la sécurité du scrutin serait avérée, quelle confiance nos concitoyens auraient-ils dans ce système ? Donald Trump a utilisé l'argument de la fraude pour remettre en cause les résultats de la dernière élection présidentielle. Même s'il était infondé, cet argument a convaincu un nombre suffisant de ses partisans pour créer une grave crise politique.

Le vote éclairé dans l'isoloir est un moment solennel, au cours duquel le citoyen exprime un choix mûrement réfléchi, fruit d'un long processus. Un simple clic n'aurait pas le même impact et n'impliquerait pas la même réflexion en amont. La symbolique est une chose importante.

Il faut réfléchir aux moyens de lutter contre l'abstention, mais une mesure ne pourra pas, à elle seule, régler le problème. La reconnaissance du vote blanc, l'instauration du vote obligatoire, que certains pays ont choisie, et le vote par anticipation seraient des pistes à explorer. Il importe, surtout, de lutter contre la défiance politique, ce qui va bien au-delà de la question de l'abstention. Nous pensons en effet qu'il faut aller vers une démocratie beaucoup plus participative, notamment au travers d'une véritable décentralisation.

Le système allemand de vote par correspondance a été cité en exemple, mais il faut rappeler que l'Allemagne est très décentralisée. En vertu du principe de subsidiarité, la prise de décision a généralement lieu à l'échelon le plus bas, si bien que l'efficacité de l'action publique ne se mesure pas de la même façon que dans notre système républicain. Et cela explique en grande partie que les Allemands votent beaucoup plus massivement que les Français. Ramener la décision au plus près des citoyens nous apparaît comme un enjeu majeur de lutte contre la défiance politique.

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