Intervention de Emmanuelle Ménard

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

J'ai écouté la discussion avec beaucoup d'intérêt. Il y a des arguments pour et contre le vote par correspondance. Spontanément, j'étais plutôt contre, et je le reste, pour les raisons suivantes.

D'abord, si le vote par correspondance, qui était auparavant possible en France, a été supprimé en 1975, c'est à cause du nombre élevé de fraudes qu'il permettait. C'est aussi, comme le rappelait en 2020 Christophe Castaner, alors ministre de l'Intérieur, parce qu'il prêtait à manipulation : c'est au nom de la sécurité et de la sincérité du scrutin que l'on a recouru au vote par procuration plutôt qu'au vote par correspondance.

Monsieur le rapporteur, vous ne voyez pas pourquoi les Français n'auraient pas la même confiance dans le vote par correspondance que dans le vote par procuration, mais vous oubliez une différence majeure : la validité de la procuration est vérifiée par un officier de police judiciaire qui peut venir au domicile des personnes.

Des recherches très sérieuses ont été conduites, notamment par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), sur les pratiques frauduleuses constatées du fait du vote par correspondance. Ce mode de vote ne permet de vérifier ni les papiers d'identité ni l'enveloppe : cela pose un vrai problème.

Depuis les déclarations de M. Castaner, la crise sanitaire a fourni à certains d'entre nous une raison supplémentaire d'exhumer le vote par correspondance, mais nous ne sommes pas capables de le mettre en œuvre dans des conditions de sécurité suffisantes. De ce point de vue, l'élection présidentielle américaine de 2020 devrait nous inciter à la plus grande prudence : les contestations qu'elle a suscitées ne contribuent pas à un climat serein – c'est un euphémisme.

La proposition de loi tend à autoriser le vote par correspondance sous pli fermé, écartant la voie électronique. Pourquoi cela ne ressusciterait-il pas les problèmes de fraude qui ont entraîné sa suppression en 1975 ?

Enfin, l'objection majeure contre le vote par correspondance est que celui-ci ne garantit pas un vote libre, loin de toute pression familiale. À cet égard, je ne suis pas du tout d'accord avec Laurence Vichnievsky, qui oublie un élément essentiel : l'isoloir, lieu où vous êtes libre de toute pression, seul face à vous-même. La procuration, elle, est remise à une personne de confiance : c'est encore un autre cas de figure. En tout cas, cette liberté est la raison principale de ne pas autoriser à nouveau le vote par correspondance.

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