Intervention de Christophe Euzet

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

Je salue l'initiative prise par le président Mignola et Jean-Noël Barrot de nous soumettre cette proposition de loi, car elle a trait à une question cruciale dans le débat démocratique actuel, question sur laquelle les avis divergent. Le groupe Agir ensemble est lui-même divisé : certains de ses membres considèrent que le vote par correspondance faciliterait le vote et contribuerait ainsi à améliorer la participation aux élections ; d'autres, dont je suis, s'y opposent, pour de multiples raisons.

Tout d'abord, je suis très attaché au caractère solennel du vote. La démocratie se mérite ; le vote est un acte individuel volontariste, dont on ne peut faire aisément abstraction. Se rendre dans un bureau de vote, pénétrer dans l'isoloir – je me souviens du sentiment de responsabilité qui m'a envahi lorsque j'ai voté pour la première fois à 18 ans – et glisser son bulletin dans l'urne est une démarche citoyenne. Je crains que le vote par correspondance – puis le vote électronique, que l'on voit poindre derrière lui – ne retire cette solennité. C'est, en outre, la porte ouverte aux votes épidermiques, que l'on risque de voir se multiplier dans notre société caractérielle.

Un autre risque, qui a déjà été évoqué et qui me paraît particulièrement préoccupant, c'est de voir certains individus subir des pressions, de la part de leur entourage, de cercles de pensée, de cercles communautaires ou religieux. Le danger, dans ce cas, c'est que le vote ne soit plus l'expression d'un choix individuel.

Il faut encore évoquer le risque de fraude, qui est inévitable, et les difficultés de mise en œuvre matérielle d'un tel système. D'une manière générale, même si la crise que nous avons connue a favorisé la multiplication des procurations, je crois qu'il faut éviter au maximum les médiations, afin de préserver la solennité du moment et l'importance de l'acte en lui-même. Et il faut nous mobiliser pour trouver d'autres solutions.

Il existe d'autres moyens de lutter contre l'abstention que ce faux ami qu'est le vote par correspondance – et, à terme, le vote électronique : l'inscription automatique sur les listes électorales ; l'aménagement des conditions du vote, avec la possibilité de voter pendant un laps de temps plus grand ; un effort pour rapprocher les bureaux de vote des citoyens, en multipliant les points où il serait possible de voter ; l'amélioration de la représentation, grâce à la proportionnelle ; une participation accrue de nos concitoyens à tous les niveaux décisionnels avant, pendant, et après les élections, de façon à leur permettre d'exister indépendamment des périodes électorales ; une limitation du cumul horizontal des mandats locaux et une limitation des mandats dans le temps, de façon à ouvrir les postes à la concurrence élective.

Même à titre expérimental, le vote par correspondance me semble représenter un risque pour nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, et au nom d'une majorité du groupe Agir ensemble, je voterai contre cette proposition de loi.

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