Intervention de Jean-Noël Barrot

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Barrot, rapporteur :

Je vous remercie pour la qualité de vos interventions. Cette question du vote par correspondance suscite des adhésions et des oppositions et il me semble qu'une expérimentation à petite échelle permettrait précisément de trancher ce débat, en s'appuyant sur des faits.

J'aimerais revenir sur le vote par procuration. À l'élection présidentielle, 3 millions de personnes ont voté par procuration. Chacun de nous pense sans doute, en son for intérieur, qu'il est préférable de voter à l'urne que par procuration, mais on tolère tout de même les votes par procuration. Et pourquoi le fait-on ? Pourquoi les Français ont-ils confiance dans les résultats de l'élection présidentielle, alors que 3 millions de bulletins ont été mis dans l'urne par une personne différente de celle qui votait ?

On le tolère, parce que cela permet de résoudre certains problèmes, à commencer par celui que rencontrent les personnes qui n'habitent pas dans la commune où elles sont inscrites. Cela concerne notamment les jeunes. À 18 ans, ils sont inscrits automatiquement sur les listes électorales et leur taux de participation est relativement élevé. Mais, au cours de leurs études, nombre d'entre eux vivent loin et il peut être difficile pour eux de revenir exprès pour le vote. On leur a donc permis de voter par procuration. C'est la même chose pour les personnes qui sont mobiles, parce que leur activité professionnelle les amène loin de la commune où elles sont inscrites. On s'est dit qu'on n'allait quand même pas empêcher ces personnes de voter et on leur a ouvert le vote par procuration. Il y a une autre catégorie de personnes dont la situation explique que l'on tolère le vote par procuration : ce sont les personnes trop âgées ou trop handicapées pour se rendre dans un bureau de vote. Pour elles, on accepte que le vote soit intermédié, même si ce n'est pas idéal, parce que le fait qu'elles puissent voter est plus important que la manière dont elles le font.

Si l'on est d'accord sur ce constat et que l'on envisage maintenant le vote par correspondance, on doit bien admettre qu'il permet lui aussi aux jeunes et aux personnes éloignées du lieu où elles sont inscrites de voter. Il permet lui aussi aux personnes qui sont trop âgées ou trop handicapées pour se déplacer de le faire. Et il a deux autres avantages. Dans le contexte de crise sanitaire que nous avons connu, le fait même de se rendre au bureau de vote pouvait représenter un risque pour la santé. Or la procuration ne résout pas le problème, puisqu'elle suppose que quelqu'un se déplace, alors que le vote par correspondance permet à chacun de voter sans prendre le moindre risque. Le deuxième avantage du vote par correspondance, c'est qu'il n'implique pas, comme la procuration, de trouver une personne de confiance à qui confier son bulletin de vote. Avec le vote par correspondance, chacun peut envoyer son bulletin au bureau de vote sans la moindre crainte.

Les bénéfices du vote par correspondance sont identiques, et même supérieurs, à ceux du vote par procuration. Les risques associés, quant à eux, sont moindres. Pour toutes ces raisons, le vote par correspondance apparaît comme un outil complémentaire, qui conviendra à certaines personnes. Il ne s'agit évidemment pas de forcer les Français à voter par correspondance, mais d'ajouter cette possibilité à la palette des manières dont les citoyens peuvent s'exprimer au moment des élections.

J'aimerais, enfin, dire un mot sur le dispositif et sur ce qui est proposé. Mme Untermaier et M. Orphelin l'ont dit : ce que je propose n'est pas révolutionnaire. Si nous adoptons cette proposition de loi, telle que je propose de l'amender, si le texte est adopté au terme de la navette parlementaire, puis qu'un décret en Conseil d'État en définit les modalités, il faudra encore que des communes se portent volontaires, et que des électeurs de ces communes se portent, à leur tour, volontaires, pour que le vote par correspondance fasse l'objet d'une expérimentation aux élections locales de 2026. Vous voyez qu'il existe des garde-fous très importants…

Cette proposition de loi ne risque pas de déstabiliser notre système électoral, ni d'introduire de la défiance chez nos concitoyens : puisqu'ils ont pleinement confiance dans les procurations, il n'y a aucune raison pour qu'ils n'aient pas confiance dans le vote par correspondance. C'est une manière de montrer, notamment à ceux d'entre eux qui ont le plus de mal à se déplacer, parce qu'ils sont étudiants, ou parce que la maladie, le handicap, le grand âge ne leur permettent plus de le faire, que nous essayons de les associer pleinement aux décisions qui concernent l'avenir du pays.

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