. Vous avez évoqué mon impartialité ; il me semble très difficile de vous dire dans quel sens j'aurais voté dès lors que je n'occupais pas les fonctions qui m'y auraient amenée.
Vous m'avez enfin interrogée sur la hiérarchie entre les règles de droit européen et la Constitution. Les choses me paraissent assez claires : la Cour de Cassation et le Conseil d'État jugent de la conventionnalité des lois au droit européen ; le Conseil constitutionnel s'en tient au contrôle de constitutionnalité. La hiérarchie des normes existe. Elle est précise. Je ne vois pas l'intérêt de la modifier.
Monsieur Houbron, je vous remercie des propos chaleureux que vous avez tenus à mon égard. Vous m'avez posé trois questions.
La première porte sur la réforme de la nomination des magistrats du parquet. Je me suis déjà exprimée à ce sujet dans des précédentes fonctions. Il me semble opportun que la réforme souhaitée un temps par le Gouvernement entre en application, afin que l'avis émis par la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet du CSM ne soit plus favorable ou défavorable, mais conforme ou non conforme. Ainsi, le ministre ne pourra pas passer outre un avis défavorable, ce qui au demeurant n'est jamais arrivé depuis 2009.
Faut-il – j'ignore si tel était l'objet de votre question – aller au-delà et envisager que la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet du CSM ait la même capacité de proposition, en matière de nomination, que celle compétente à l'égard des magistrats du siège ? Sur ce point, je suis bien plus réservée, pour deux raisons.
Le travail mené par la direction des services judiciaires (DSJ) sur la proposition de choix qu'elle fait au CSM repose sur l'ancienneté et l'évaluation des magistrats pressentis, ainsi que sur leur audition. L'avis du CSM s'ajoute à cette démarche, ce qui offre un double regard sur les nominations. Dans le cas de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, il n'y a qu'un seul regard ; quant au recours, il est déposé devant la formation qui a prononcé l'avis. La proposition du CSM n'a pas été suivie d'effet une seule fois. Aller au-delà me semble inefficace. Ce qui est, à l'heure actuelle, la règle de tous les ministres de la Justice pourrait être inscrit dans la Constitution, dans le cadre d'une réunion du Congrès. Cette solution me semble acceptable.
Votre deuxième question porte sur la laïcité. Il s'agit d'un principe essentiel, prévu dès l'article 1er de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion, à plusieurs reprises, de se prononcer sur son application. Il a rappelé qu'il figure au nombre des droits et des libertés que la Constitution garantit. Il implique tant la neutralité de l'État que le respect de toutes les croyances. Faut-il aller au-delà ? Il m'est difficile de me prononcer. En tout état de cause, le Président de la République a souhaité, dans le cadre de l'Observatoire de la laïcité, que tous les ministères y soient particulièrement attentifs, et prennent des mesures – nous l'avons fait au ministère de la Justice – pour en assurer le respect.
Vous m'avez également interrogée sur l'égalité entre les femmes et les hommes, en me demandant si je souhaitais que nous allions plus loin en la consacrant dans la Constitution. Nous nous rendons bien compte que nous n'arrivons pas, ou pas assez, à l'atteindre. Il importe de passer des grands principes aux actes, et de les appliquer. La tâche est difficile et prendra sans doute plusieurs années.
Faut-il inscrire ce principe dans la Constitution ? À la place qui est la mienne, il m'est difficile de le dire. Ce qui est certain, c'est que je suis très attentive à cette question. Dans le cadre de mes fonctions antérieures au ministère de la Justice, j'ai fait en sorte que nous disposions d'un observatoire de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Le sujet est complexe : les femmes travaillent souvent à temps partiel, et ne valident pas toujours leurs promotions car elles ne déménagent pas. Messieurs, nous attendons toujours que vous preniez toute votre part dans ce débat, afin que l'égalité entre les hommes et les femmes soit enfin respectée ! Je plaisante, monsieur Houbron.
Monsieur Bernalicis, je n'ai pas vraiment compris votre question. Je doute même que vous ne m'en ayez posé une, ce qui me dispense de répondre.
Vous avez fait allusion à la fonction qu'occupe mon époux. Pour préparer cette réunion, j'ai lu de nombreux comptes rendus d'auditions de personnes pressenties pour être nommées au Conseil constitutionnel. Jamais on ne s'est intéressé aux fonctions de leur époux ou de leur épouse. Par ailleurs, je ne suis pas la seule femme dont l'époux occupe des fonctions relativement importantes. Mon mari et moi-même avons toujours fait en sorte de rester chacun dans son couloir de nage, si je puis dire. Rien n'a jamais laissé penser qu'il puisse exister un conflit d'intérêts entre nous. Nul ne nous reproche d'occuper les fonctions que nous occupons. Je continuerai ainsi. Si je dois me déporter, je n'hésiterai pas à le faire. On pourrait aussi s'interroger sur ce que font mes enfants… L'important, pour moi, est le respect de mon serment.
Monsieur Peu, vous m'avez posé la question de savoir si, en conscience et compte tenu de la crise que nous vivons, j'aurais dû décliner la proposition qui m'a été faite de siéger au Conseil constitutionnel. Je vous réponds en conscience : il importe, dans les difficultés que nous connaissons, de dire la vérité aux Français. La vérité, telle que je vous l'ai rappelée, est que l'on m'a adressé des reproches infondés. Telle est la vérité que nous devons aux Français : leur faire savoir qu'on leur ment, et qu'on leur dit des choses inexactes.