La séance est ouverte à 15 heures.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission auditionne Mme Véronique Malbec dont la nomination en tant que membre du Conseil constitutionnel est proposée par le Président de l'Assemblée nationale (Mme Cécile Untermaier, rapporteure).
Nous sommes réunis pour la dernière réunion de notre commission au cours de cette législature afin d'examiner la proposition de nomination, par le Président de l'Assemblée nationale, de Mme Véronique Malbec, à la fonction de membre du Conseil constitutionnel, en remplacement de Mme Claire Bazy-Malaurie. Nous appliquons la procédure de l'article 13 de la Constitution, comme nous l'avons fait ce matin pour Mme Gourault et hier pour la nomination de M. Boucher au poste de directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Comme il est d'usage, la commission des Lois a désigné un rapporteur, en la personne de Mme Cécile Untermaier, membre du groupe Socialistes et apparentés.
Madame Malbec, la rapporteure vous a adressé un questionnaire écrit auquel vous avez répondu, et ces réponses ont été communiquées à l'ensemble des membres de la commission et publiées sur le site de l'Assemblée nationale.
Madame Malbec, votre parcours est avant tout celui d'une magistrate du parquet et il vous a amené aux fonctions prestigieuses de procureure générale près la cour d'appel de Rennes puis de Versailles. Votre connaissance du fonctionnement de l'administration ne peut pas être mise en doute, puisque vous avez été inspectrice des services judiciaires, directrice de ceux-ci, directrice de la formation à l'École nationale de la magistrature (ENM) et secrétaire générale du ministère de la Justice.
Depuis juillet 2020, vos fonctions sont devenues plus politiques puisque vous avez été nommée directrice de cabinet du garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti.
Vous n'y êtes pour rien mais, comme ce matin, je profite de cette occasion pour dire que je regrette que les conditions dans lesquelles nous procédons à ces nominations n'aient toujours pas évolué. En comparaison des États-Unis ou de l'Allemagne, notre procédure est d'une grande faiblesse. Un processus plus transparent en matière de nominations éviterait les procès d'intention qui font tant de tort à la République.
Madame Malbec, vous n'êtes pas une personnalité publique – et ce n'est pas un défaut. Mais nous ignorons vos prises de position et souhaiterions mieux vous connaître avant de vous confier d'aussi hautes responsabilités. Vos réponses écrites sont intéressantes et j'ai beaucoup apprécié leur authenticité. C'est manifestement vous qui les avez écrites et je vous en sais gré. Pour autant, elles ne nous permettent pas toujours de comprendre pleinement votre vision personnelle de la mission du juge constitutionnel.
Cette audition doit être l'occasion de lever tous les doutes et de mieux vous connaître. Je vous poserai donc cinq questions.
La première concerne votre implication dans le traitement judiciaire d'une affaire concernant le président de l'Assemblée nationale, dont la presse s'est fait l'écho de nouveau aujourd'hui et qu'il est difficile d'écarter d'un revers de main. Il importe que vous précisiez votre degré d'intervention dans cette affaire, dans le cadre d'un parquet hiérarchisé. J'aimerais également que vous indiquiez dans quelles conditions et au terme de quelle procédure de sélection votre nomination a été proposée.
La deuxième question est générale. Est-il pertinent de désigner au sein de la plus haute instance juridictionnelle des personnes ayant un lien direct avec le Gouvernement en exercice, et ayant eu de ce fait à connaître d'un grand nombre de décisions qui pourront être contestées à l'avenir ? Le Conseil constitutionnel, dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours, doit être exemplaire en ce qui concerne son indépendance et son impartialité. Comment mettrez-vous en œuvre ces principes ?
La troisième question porte aussi sur la déontologie. Je vous ai interrogée sur les déclarations d'intérêts et la place des lobbys au Conseil constitutionnel. Vous avez répondu prudemment par écrit, en expliquant que leur encadrement dépendait de la volonté du législateur. Dont acte. Mais nous voulons connaître votre opinion personnelle. Est-il justifié que les juges constitutionnels échappent à l'obligation de remplir une déclaration d'intérêt – à laquelle vous vous êtes d'ailleurs soumise en raison du poste que vous occupez actuellement. Ne doivent-ils pas se mettre sans attendre au même niveau d'exigence que celui des magistrats des différents ordres juridictionnels, des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), des élus et des membres des cabinets ministériels ?
La quatrième question concerne votre appréciation du rôle du Conseil constitutionnel en tant que garant de l'équilibre des pouvoirs. J'avoue que vos réponses sur ce point m'ont parfois un peu inquiétée. Vous vous félicitez du contrôle en amont de la recevabilité des amendements au regard de l'article 45 de la Constitution alors même que, d'une certaine manière, cela entrave l'initiative et le débat parlementaires – car jusqu'à présent, la jurisprudence du Conseil était très souple en la matière. Inversement, il vous semble inopportun que le Conseil contrôle les études d'impact. Je trouve cela regrettable. Non seulement parce que vous semblez privilégier les prérogatives du Gouvernement à celles du Parlement. Mais surtout parce qu'il existe une procédure permettant au Premier ministre ou au président de l'Assemblée nationale ou du Sénat de saisir le Conseil constitutionnel lorsque les règles organiques qui encadrent les projets de loi ne sont pas respectées – je vous renvoie au quatrième alinéa de l'article 39 de la Constitution. Certes, cette procédure est trop rarement utilisée ; mais elle a déjà conduit le Conseil, dans une décision du 1er juillet 2014, à se prononcer sur la conformité d'une étude d'impact à la loi organique. J'aimerais donc que vous précisiez votre vision de l'équilibre entre l'exécutif et le législatif, et que vous nous rassuriez sur votre capacité et votre volonté de vous défaire de plusieurs années de proximité avec le Gouvernement dans les nouvelles missions que vous exercerez.
Enfin, la cinquième question concerne la transparence et la motivation des décisions.
Il ne faut pas être trop conservateur en matière de transparence. Le secret du délibéré est nécessaire ; vous avez raison de le signaler et de faire valoir que vous y êtes favorable. En revanche, du fait du rôle particulier du Conseil – qui contribue pleinement à l'élaboration de la norme – il me semblerait utile que des opinions dissidentes puissent s'exprimer. Ce n'est pas une idée fantaisiste, puisque Pierre Joxe l'a toujours défendue et que les cours constitutionnelles américaines et allemandes le font de manière très encadrée depuis des années.
Je voudrais également vous entendre sur la motivation des décisions. J'ai souvenir d'avoir voulu corriger un dispositif qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel. Il m'avait été impossible de comprendre précisément pour quelle raison il avait été considéré inconstitutionnel. Des évolutions supplémentaires sont nécessaires en la matière et j'aimerais connaître les propositions d'amélioration que vous pourriez proposer en tant que membre du Conseil constitutionnel.
Je souhaite tout d'abord vous remercier pour votre accueil et pour les propos que vous venez d'avoir à mon égard.
C'est avec beaucoup d'humilité – et, je ne le cache pas, avec une certaine émotion – que j'aborde cette audition au cours de laquelle je vais d'abord vous présenter la diversité des fonctions que j'ai occupées dans la magistrature. Elles m'ont permis d'acquérir les compétences que je souhaite mettre au service du Conseil constitutionnel, si vous acceptez la proposition de nomination dont le président de votre assemblée m'a honorée.
Depuis mon entrée dans la magistrature en 1980, je dirais à grands traits que mes quarante-deux années de vie professionnelle se partagent entre deux tiers d'exercice de fonctions juridictionnelles et un tiers de fonctions consacrées à l'organisation, à la gestion et aux efforts de modernisation du ministère de la Justice.
Servir la justice et les justiciables, c'est l'engagement de toute ma vie. C'est le prolongement et la mise en œuvre des valeurs et des principes transmis par mes parents : le respect, l'attention aux autres, l'apaisement des conflits, le dépassement des difficultés – avec l'ambition de trouver des solutions à la fois acceptables et acceptées. C'est aussi la certitude que l'État de droit est le cœur de notre démocratie, l'âme de notre République, le bien précieux qu'il nous faut chérir et préserver pour que les droits et libertés de chacune et chacun de nos concitoyens soient préservés.
Toutes ces années passées à rendre la justice et à œuvrer pour elle n'ont pas émoussé la force de l'attachement que je lui porte. Et je peux dire aujourd'hui devant la représentation nationale que j'ai toujours rempli mes fonctions dans le respect du serment que j'ai solennellement prêté à l'âge de 21 ans comme auditrice de justice, puis deux ans plus tard comme magistrate, avec pour guides, dans mon esprit et dans mon cœur, les principes d'impartialité, d'intégrité et de dignité.
J'ai toujours respecté ces principes, sans jamais y avoir dérogé. Tout au long de ma vie professionnelle, j'ai pu constater à de très nombreuses reprises combien la vérité judiciaire pouvait être balayée par le poison du doute, qui est bien souvent instillé à coups de mensonges ou d'approximations. Le souci de la recherche de la vérité m'a toujours guidée. C'est pour cette raison que je me suis toujours attachée aux faits.
En ce qui concerne la polémique lancée à la suite de la proposition de me nommer au Conseil constitutionnel, je regrette que certains se soient contentés de jeter le soupçon, sans s'attacher à la réalité et en s'éloignant de la vérité du droit et des termes de la loi. Un procureur général doit être tenu informé des affaires sensibles de son ressort, pour assurer une remontée d'information. C'était ma mission. Mais il ne peut jamais – j'y insiste : jamais – donner l'ordre à un procureur de classer une affaire. Il peut seulement enjoindre d'engager des poursuites, par réquisition écrite figurant au dossier.
Les principes que j'évoquais m'ont toujours accompagnée, dans mon premier poste au siège comme juge d'instruction à Tours, puis au parquet, de substitut à procureure générale à Périgueux, Limoges, Poitiers, Paris, Rennes et Versailles. Ces fonctions m'ont toujours fait mesurer le poids des responsabilités qui incombent aux magistrats, compte tenu des conséquences de leurs décisions sur la vie des justiciables et sur le fonctionnement de la société. Je pense en particulier à mes premières ordonnances de mise en détention, prises à l'époque par le seul juge d'instruction. J'avais seulement 23 ans lorsque j'ai rendu ma première ordonnance de ce type ; je l'ai fait les mains tremblantes, en mesurant l'immense responsabilité qui m'incombait et les conséquences que cette décision aurait sur la personne concernée. Je m'en souviens encore très précisément.
L'importance de nos décisions nous oblige à nous méfier de nos préjugés et de nous-mêmes. Il faut considérer la règle de droit non seulement dans son abstraction, mais aussi sans oublier les effets concrets de son application pour les justiciables. Ce sont des considérations qu'il me semble utile de garder à l'esprit dans l'exercice de la fonction de juge constitutionnel.
Il en est de même des soucis de pédagogie, de clarté et d'intelligibilité – pour utiliser le vocable consacré – afin de permettre aux justiciables, et en particulier aux victimes, de comprendre les décisions rendues. C'est un souci partagé par les juridictions judiciaires et administratives, tout comme par le Conseil constitutionnel.
Les fonctions de magistrat du parquet m'ont permis d'appréhender l'ensemble des contentieux qui lui sont soumis, en étroite concertation avec de nombreux acteurs : les forces de sécurité intérieure, les partenaires de justice et, bien entendu, les élus. Au parquet du Mans, j'ai tout particulièrement appris à travailler en équipe et j'ai beaucoup apprécié la confrontation des idées et le croisement de regards différents afin de retenir la meilleure des solutions. Je suis très attentive aux apports de la collégialité, que vous pratiquez vous-mêmes au sein de cette commission et qui est au cœur du fonctionnement du Conseil constitutionnel.
En alternance avec mes fonctions juridictionnelles, j'ai exercé des responsabilités dans l'administration centrale, à l'inspection générale de la justice et à l'ENM. Ces expériences ont été très enrichissantes et complémentaires de celles précédemment évoquées. Elles m'ont fait découvrir la variété et la complexité des politiques publiques. On ne peut pas penser la justice, la comprendre et la moderniser sans prendre en compte son environnement.
De mon passage à l'ENM, je retiens l'excellence technique de notre modèle de formation, mais aussi la nécessité de son ouverture. Cette dernière passe par l'intégration dans la magistrature de profils et de parcours diversifiés, mais aussi par des échanges avec les partenaires de justice et les autres cadres de la fonction publique. Enfin, cette ouverture doit se manifester envers les plus démunis de nos concitoyens, que les auditeurs de justice vont prochainement pouvoir accompagner dans le cadre des « point-justice ». Je sais que le Conseil constitutionnel est également soucieux de son ouverture vers l'extérieur.
Lors de mon passage en administration centrale, notamment comme directrice des services judiciaires et secrétaire générale du ministère de la Justice, j'ai acquis la conviction que les sujets d'intendance, parfois considérés comme secondaires, sont en réalité essentiels au bon fonctionnement de la justice. Il en est ainsi, par exemple, de la gestion des ressources humaines, où une plus grande place doit être donnée à l'ouverture, à l'évaluation, au lancement et au suivi des grands projets immobiliers. Il est également nécessaire d'adapter les outils informatiques, pour faciliter la saisine des juridictions par les justiciables et le suivi des dossiers. La justice doit impérativement se moderniser. Le chantier est immense et je me suis efforcée d'y prendre ma part, mais je sais que beaucoup reste encore à faire.
Depuis presque deux ans, j'ai l'honneur de diriger le cabinet du garde des Sceaux et de l'aider notamment à porter un certain nombre des textes qui contribuent à l'amélioration de la justice. Cela m'a donné l'opportunité, avec mon équipe, de travailler étroitement avec le Parlement – et en particulier avec les membres de votre commission. J'ai ainsi pu appréhender très concrètement l'ensemble du processus d'élaboration de la loi, avec la préoccupation constante de donner à la représentation nationale les éclairages les plus utiles à son travail, dans le respect des prérogatives du Parlement auxquelles je suis profondément attachée.
Le juge constitutionnel est chargé de contrôler les lois dans le cadre que lui a fixé le constituant. Mais le Conseil constitutionnel n'omet jamais de rappeler dans ses décisions qu'à l'évidence, la Constitution ne lui confère pas un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement. Il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du législateur. Je suis très attachée au respect des rôles et des missions de chacun. Si vous me faites l'honneur de confirmer ma nomination, c'est dans cet esprit que j'assumerai mes fonctions de juge au sein du Conseil constitutionnel.
La description de mon parcours et de mes convictions permet de dire que si je ne suis peut-être pas encore une spécialiste du droit constitutionnel, je connais le fonctionnement de la justice, avec ses forces et ses faiblesses. Je pense être une juriste pragmatique, soucieuse du respect de l'État de droit, attentive à la hiérarchie des normes et au principe de légalité, mais également attentive aux conséquences des décisions juridictionnelles sur le fonctionnement et les équilibres de la société.
Nous avons l'État de droit en partage avec les États membres de l'Union européenne. J'accorde une importance toute particulière à la qualité du dialogue des juges, afin d'assurer la cohérence des ordres juridiques ainsi que la bonne articulation des procédures et des jurisprudences du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Sur un plan plus personnel, l'approbation de cette candidature me permettrait de continuer à servir la justice de notre pays avec la passion qui m'anime depuis que j'ai commencé à étudier le droit. Je n'ai pas d'autre ambition que de pouvoir être encore utile à mon pays.
J'en viens aux questions de la rapporteure.
Madame, je crois avoir répondu à votre première question dans mon propos liminaire, mais je pourrais y revenir de manière plus précise.
Vous m'avez ensuite demandé comment j'envisageais mes fonctions au Conseil constitutionnel, ayant eu un lien direct avec le Gouvernement pendant plusieurs années. Il est exact que j'occupe mes fonctions actuelles auprès du garde des Sceaux depuis presque deux ans. C'est peu au regard de l'ensemble de ma carrière ; c'est beaucoup au regard de l'implication de tous les instants que cela demande. Bien évidemment et comme c'est l'usage, je me déporterais si des textes dont je me suis occupée pendant cette période venaient à être examinés par le Conseil constitutionnel – je pense tout particulièrement à la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. En outre, il faut rappeler qu'avant de siéger au sein du Conseil constitutionnel, ses membres doivent prêter devant le président de la République le serment de respecter les règles d'impartialité.
Voilà de quelle la manière j'exercerai ces fonctions.
Si le Conseil constitutionnel a invalidé un article qui prévoyait que ses membres devaient déposer une déclaration d'intérêt et de patrimoine, ce n'est pas pour des raisons de fond mais pour un motif de procédure. Il a estimé que la disposition en question constituait un cavalier législatif. En ce qui me concerne, j'ai déjà été amenée à déposer une telle déclaration – au début et à la fin de mes fonctions de secrétaire générale du ministère de la Justice, puis lors de la prise de fonctions de directrice du cabinet du garde des Sceaux. Je n'ai donc aucune prévention en la matière et je me conformerais à la législation si elle venait à être modifiée. Je précise que tous les magistrats ne sont pas soumis au dispositif de la déclaration d'intérêt et de patrimoine ; seuls ceux qui occupent des fonctions particulières le sont, et notamment ceux qui siègent au Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
La question des cavaliers législatifs et de l'application de l'article 45 de la Constitution taraude à la fois les membres du Parlement et le Conseil constitutionnel. L'ensemble du travail que vous effectuez est extrêmement important – je peux en attester. La rédaction de l'article 45 a été précisée et désormais tous les amendements ayant un lien même indirect avec le texte sont recevables. Cela a tout de même accru vos possibilités. Quant au Conseil constitutionnel, il joue son rôle. Mais invalider un cavalier législatif ne revient pas à porter un jugement sur le fond de la disposition en question. Le doyen Vedel disait que le Conseil constitutionnel manie la gomme, pas le crayon. Le crayon vous appartient : c'est à vous d'écrire la loi, dans les limites que prévoit l'article 45 de la Constitution. Le règlement de votre assemblée a également modifié les règles de recevabilité des amendements, pour éviter que des cavaliers législatifs viennent en discussion.
Je comprends que la réponse écrite que j'ai faite au sujet des études d'impact ne vous a pas complètement satisfaite. J'ai eu l'occasion de réaliser de telles études dans le cadre de mes fonctions actuelles, ainsi que lorsque j'étais directrice des services judiciaires. C'est un travail considérable, qui est réalisé en liaison très étroite avec le secrétariat général du Gouvernement (SGG) et le Conseil d'État. Le contrôle effectué par ces derniers est extrêmement important. Le Conseil constitutionnel doit-il aussi s'intéresser à la qualité des études d'impact ? Je n'en suis pas persuadée. Le travail qui est fait en amont est peut-être suffisant, même s'il est certainement perfectible. On se rend compte que parfois, malgré la grande qualité des études d'impact, la loi ne les a pas prises pas en compte et on doit appliquer un texte sans avoir les moyens de le faire.
Doit-on divulguer les positions dissidentes ? C'est un vaste débat, qui est loin d'être clos et qui occupe de nombreux professeurs de droit constitutionnel. J'ai toujours été très attachée au secret du délibéré et je considère que le Conseil constitutionnel n'est pas une troisième chambre. Il a un rôle d'apaisement. Prenons l'exemple de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Le débat sociétal avait été extrêmement rude. Quand le Conseil constitutionnel a jugé la loi conforme à la Constitution, cela a permis d'apaiser les choses. Publier les opinions dissidentes risque, d'une part, de poser des difficultés de fonctionnement interne pour l'institution et, d'autre part, de relancer le débat. Je n'y suis donc pas favorable.
En ce qui concerne la motivation des décisions, celles-ci sont beaucoup plus limpides qu'elles ne l'étaient il y a quelques années puisque le Conseil constitutionnel a changé la manière de les écrire. Il a abandonné la rédaction utilisée par le Conseil d'État ainsi que les considérants, pour passer au style direct. La compréhension en est facilitée, d'autant qu'un communiqué de presse et une explication de la décision sont publiés très rapidement.
Après avoir auditionné Mme Jacqueline Gourault ce matin, nous sommes réunis pour nous prononcer sur la nomination de Mme Véronique Malbec au Conseil constitutionnel.
Nous sommes bien entendu très attachés à cette procédure qui témoigne de la proximité voulue par le constituant entre le Parlement et le Conseil constitutionnel, lequel vérifie la bonne application des règles constitutionnelles en matière de procédure législative et le respect des droits fondamentaux par le législateur.
La procédure de l'article 13 de la Constitution permet au Parlement d'exercer sa fonction de contrôle. C'est aussi l'occasion de vous présenter devant la représentation nationale afin d'indiquer la manière dont vous envisagez vos fonctions au Conseil constitutionnel et ce que seront vos priorités. Notre mission est de s'assurer que les personnalités pressenties pour siéger dans cette institution présentent les garanties d'indépendance, d'autorité et de compétence nécessaires. Notre intérêt porte tant sur les convictions que vous exprimez que sur les garanties offertes par votre candidature au vu de l'étendue et de l'importance du contentieux constitutionnel – notamment en ce qui concerne les libertés fondamentales, auxquelles notre commission est particulièrement attachée.
Mes chers collègues, au même titre que celui de Mme Claire Bazy-Malaurie, le parcours de Mme Véronique Malbec est exceptionnel. Éminente magistrate, elle commence sa carrière dans différents tribunaux d'instance et cours d'appel, avant d'être nommée inspectrice des services judiciaires puis directrice de ceux-ci au début des années 2010. Après plusieurs années à Paris et un passage à la direction de l'ENM, elle retrouve les régions françaises en devenant procureure générale près les cours d'appel de Rennes puis de Versailles. Elle retourne en 2018 au ministère de la Justice, afin d'y occuper le poste de secrétaire générale – elle est la première femme à l'occuper, fait trop rare et qui mérite d'être salué. Actuellement directrice de cabinet du garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, sa double expérience de rédactrice de projets de loi et de magistrate de l'ordre judiciaire, qui doit appliquer la loi votée par le Parlement, la désigne tout naturellement.
Femme d'État, magistrate de l'ordre judiciaire et souvent précurseure dans ses fonctions, elle a participé au renforcement de l'État de droit et des libertés fondamentales au cours de sa carrière. Je vois dans sa désignation un signe fort de reconnaissance envers l'institution judiciaire et ceux qui la servent. Je salue ainsi la diversité des profils des personnes nouvellement nommées au Conseil constitutionnel. Technicienne du droit, elle a été confrontée à sa création, à sa mise en œuvre et à sa pratique, tout au long de son parcours. Elle a en outre une vue globale du terrain et une perception non déformée de l'organisation de l'État. Elle maîtrise donc les aléas et les contraintes de son fonctionnement, mais aussi de celui de la justice – notamment grâce à son expérience de procureure générale. Elle a su défendre les intérêts de la société et la bonne application de la loi, ce qui la prédestine pour vérifier la conformité des lois aux principes de la Constitution – notamment à travers la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
En tant que coordinateur de la délégation aux droits des femmes, je salue son engagement en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat. Elle en a fait une priorité fondamentale dans la gestion des ressources humaines de l'ensemble du ministère de la Justice, afin de rendre l'État exemplaire. Elle a été animée par la volonté de lutter pour l'égalité effective des rémunérations, pour concilier la vie personnelle et la vie professionnelle, mais aussi contre le harcèlement et les agissements sexistes sur les lieux de travail. Il en a été de même s'agissant de la lutte contre les violences faites aux femmes, comme l'illustre l'arsenal juridique spécifique prévu par le garde des Sceaux, avec notamment le bracelet anti-rapprochement et le téléphone grave danger (TGD).
C'est pourquoi notre groupe soutiendra cette nomination, pour cette connaissance précise et concrète du processus de fabrication de la loi, liée à un attachement certain aux libertés publiques et individuelles.
Si nous ne pouvons pas exiger d'une personnalité pressentie pour siéger au Conseil constitutionnel qu'elle nous donne à l'avance sa position par rapport à un problème posé au Conseil, je souhaiterais toutefois poser des questions d'ordre plus général ? Je suis heureux que le président de notre assemblée ait choisi une femme pour siéger au Conseil constitutionnel mais les mérites de cette candidature ne se limitent pas à cette caractéristique. Au Conseil constitutionnel, vous devrez exploiter, madame, vos compétences juridiques : comment envisagez-vous vos fonctions ? Depuis 1962, le rôle et le fonctionnement du Conseil constitutionnel ont profondément évolué. Comment concevez-vous les obligations qui incombent à un membre du Conseil constitutionnel par rapport aux affaires qu'il doit traiter ? D'autre part, à périmètre constitutionnel constant, le Conseil constitutionnel pourrait-il renforcer l'intensité et le champ de son contrôle en matière environnementale ? Enfin, la question prioritaire de constitutionnalité est un progrès mais sa procédure relève du parcours du combattant. La citoyenne que vous êtes souhaite-t-elle la faire évoluer pour rapprocher nos concitoyens de la loi fondamentale ?
Que contrôle le Conseil constitutionnel lorsqu'il est saisi du décret de convocation d'un référendum organisé au titre de l'article 11 ? Contrôle-t-il seulement le fait que le référendum entre bien dans le champ de l'article 11 ou considère-t-il, de manière prétorienne, sans texte, qu'il peut contrôler la constitutionnalité du projet de loi soumis au référendum ? Le constituant n'a jamais écrit qu'il souhaitait donner au Conseil constitutionnel cet office de contrôle ex ante de la constitutionnalité d'un projet de loi.
Par ailleurs, qu'en est-il de l'articulation entre les deux cours suprêmes européennes, celle de l'Union européenne et celle du Conseil de l'Europe, d'une part, et le Conseil constitutionnel d'autre part ? Quel regard portez-vous sur l'arrêt de la cour constitutionnelle fédérale allemande qui ouvre la voie à un contrôle ultra vires ? Serait-il envisageable que le Conseil constitutionnel français considère qu'il est juge du respect par les institutions européennes de la délégation de compétence qui leur est attribuée par le constituant lui-même puisque l'article 88-1 de la Constitution dispose que la République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ? Qui contrôle cette délégation de compétence ? Pensez-vous qu'il s'agisse du rôle du Conseil constitutionnel, ce qui serait logique puisque la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes, ou de celui de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui serait la seule à pouvoir définir la ligne de partage, selon l'opinion de la personnalité auditionnée ce matin ?
Vos fonctions à la tête du cabinet du garde des Sceaux nous ont permis de mesurer vos qualités professionnelles, la parfaite connaissance que vous avez de nos institutions et du droit mais aussi votre humanité. Vous avez dit un mot sur l'opinion dissidente, qui consiste à permettre à l'un des membres de la formation de jugement de faire valoir son désaccord avec une décision et d'en expliquer les causes. Il me semble que cette question est en débat.
Concernant la protection des libertés et la marge d'appréciation du législateur, l'équilibre est-il respecté ? Faut-il renforcer le contrôle du législateur ou assouplir les contraintes qui pèsent sur lui ?
D'autre part, êtes-vous favorable à la transformation du Conseil constitutionnel en véritable juridiction, notamment en introduisant une procédure de saisine directe par les justiciables à l'instar du modèle allemand ? À défaut, conviendrait-il d'assouplir les conditions de recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité ?
Enfin, faut-il maintenir une égalité de valeur entre les textes qui composent le bloc de constitutionnalité – la Constitution du 4 octobre 1958, la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946, la Charte de l'environnement de 2004, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ainsi que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ?
Monsieur Gouffier-Cha, merci pour les mots que vous avez eus à mon endroit. Concernant l'exercice de mes fonctions au Conseil constitutionnel, je respecterai bien évidemment le serment que je prêterai. François Pillet, membre du Conseil constitutionnel, avait déclaré, lors de son audition devant la commission des lois du Sénat, que le Conseil constitutionnel ne devait pas être un cénacle de juristes asséchés. Le magistrat que je suis, tout comme les membres du Conseil constitutionnel, ont acquis leurs compétences tout au long de leur carrière professionnelle, au cours des différentes fonctions qu'ils ont exercées. La règle de droit n'est pas désincarnée mais replacée dans son contexte. Je n'aurai pas d' a priori et je resterai ce que je suis : une femme libre et indépendante mais qui sait aussi écouter les positions des autres. Si les arguments qui me sont opposés sont crédibles, je n'hésiterai pas à changer d'avis.
La Charte de l'environnement a été adossée à la Constitution par la révision constitutionnelle de 2005. Elle est rédigée en termes beaucoup plus généraux mais aussi beaucoup plus généreux. Le Conseil constitutionnel a pu apprécier différemment les articles qui, à mon sens, n'ont pas la même densité juridique. Il a ainsi déduit une obligation de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement, développé une jurisprudence plus prudente à partir du principe de précaution inscrit à l'article 5 et élargi la notion d'information au public en ouvrant une sorte de droit à l'information pour toute personne qui souhaiterait obtenir des informations relatives à l'environnement. C'est vous dire si le Conseil constitutionnel est impliqué dans les questions environnementales. Il a consacré, en 2020, un objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains. Cette décision est d'autant plus importante que les objectifs à valeur constitutionnelle ne sont pas nombreux, de l'ordre d'une quinzaine. Madame la rapporteure, l'environnement n'est pas une question nouvelle mais elle occupe une place essentielle et le Conseil devra s'en préoccuper.
Quant à la question prioritaire de constitutionnalité, les colloques se sont multipliés en 2020 à l'occasion du dixième anniversaire de cette procédure. Elle a fait la preuve de son utilité. Le président Nicolas Sarkozy a ainsi permis au droit constitutionnel de pénétrer le quotidien des gens qui connaissent une procédure judiciaire. La plupart des citoyens et des conseils ont réussi à s'en emparer. La procédure fonctionne bien, dans le cadre qui lui est assigné du moins, qu'il s'agisse des conditions de recevabilité ou du filtrage exercé par la Cour de cassation ou le Conseil d'État. Il me semble difficile d'aller plus loin en permettant au citoyen de saisir directement le Conseil constitutionnel car certaines QPC sont extravagantes. Si vous supprimez l'étape du filtre, neuf membres ne suffiront pas au Conseil constitutionnel et il faudra même créer différentes chambres, au risque de faire naître des jurisprudences divergentes. Pour mieux faire connaître la QPC, qu'il surnomme la « question citoyenne », le président Fabius a demandé au ministère de la Justice de préparer, en lien avec la Cour de cassation et le Conseil d'État, un logiciel sur la QPC, afin de faire connaître les QPC qui parviennent au Conseil constitutionnel mais aussi celles qui n'auraient pas franchi le barrage du filtre, pour donner un tableau complet de toutes les QPC.
Monsieur Larrivé, si le Conseil constitutionnel se prononçait, au détour du contrôle du décret de convocation, sur le fond de la question posée, il dépasserait le rôle que la Constitution lui confère clairement. Si le Constituant souhaite aller plus loin, il doit l'écrire.
La lecture de l'arrêt de la cour de Karlsruhe nous a laissés perplexes en ce qu'il affecte la décision sur les mécanismes financiers européens. Comment, dès lors, éviter que d'autres pays ne contestent l'ordre juridique européen ? Depuis 2007, le juge constitutionnel français a consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne mais distinct de l'ordre juridique international. Le Conseil constitutionnel, par sa jurisprudence, veille à la protection de l'identité constitutionnelle française. Nous devons respecter la hiérarchie des normes.
Monsieur Balanant, j'en viens à la publication des opinions dissidentes, qui poserait des difficultés. Ce serait mettre fin au secret des délibérés et la responsabilité des auteurs pourrait être recherchée alors que le plus important est d'aboutir à une décision, selon les règles en vigueur. La majorité est requise ainsi que la présence d'au moins sept membres. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante. Le système fonctionne bien, me semble-t-il. J'ai cité l'exemple de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Je ne pense pas qu'il faille aller au-delà.
Le Conseil constitutionnel est-il une véritable juridiction ? La QPC a modifié son fonctionnement puisque nous sommes passés d'une trentaine de saisines dans le cadre du contrôle a priori du Conseil constitutionnel, à un niveau beaucoup plus élevé puisqu'il est arrivé que le nombre de QPC dépasse la centaine certaines années. Surtout, le Conseil constitutionnel s'est soumis à de nouvelles règles dans le cadre de la QPC, notamment au principe du contradictoire. Des auditions sont menées, des informations sont publiées sur le site du Conseil constitutionnel, notamment la part prise par les saisissants du Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori. Pour ce qui concerne les QPC, le Conseil constitutionnel s'est doté d'un règlement de procédure et il devrait en faire de même, en juillet prochain, pour les saisines a priori. Il manifeste ainsi sa volonté d'évoluer vers une véritable juridiction et de mieux faire connaître ses règles de fonctionnement.
Votre question relative à l'assouplissement éventuel des contraintes qui pèsent sur le législateur est délicate. Le plus important est de maintenir l'équilibre. Le Parlement vote la loi, le mieux possible, en tâchant de la rendre lisible, dans le respect de la Constitution. Nous y travaillons régulièrement avec vous. Le rôle du Conseil constitutionnel n'est pas d'écrire la loi mais de juger si le texte est conforme ou non à la Constitution. La situation était quelque peu différente lors de la création du Conseil constitutionnel en 1958 puisqu'il était supposé surveiller le Parlement. Ce n'est plus le cas aujourd'hui même si, par essence, l'équilibre est toujours difficile à faire respecter. Tout le monde y est attentif, cependant.
Tous les députés sont très attachés au Conseil constitutionnel dont les membres doivent être le plus légitimes possible à exercer cette fonction. Nous avons voté ce matin et Mme Gourault a obtenu le plus faible score, ce qui pose question car nous tenons à ce que le Conseil constitutionnel conserve sa légitimité.
Vous avez déclaré qu'il ne fallait pas faire cas des rumeurs. Certes. Mais ce que l'on peut lire dans Le Canard enchaîné est-il vrai ou faux ? Pouvez-vous répondre par oui ou par non ? La clarté des réponses aide à se forger une opinion.
D'autre part, les modalités de mise en œuvre du référendum d'initiative partagée sont fixées par la Constitution. Une proposition de loi référendaire, qui respecte les conditions posées à l'article 11 de la Constitution, doit être déposée par au moins un cinquième des membres du Parlement. Si ces conditions sont remplies, le Conseil constitutionnel précise dans sa décision le nombre de soutiens d'électeurs à atteindre. À l'occasion du référendum sur la privatisation d'ADP, le Conseil constitutionnel a pris une décision très courageuse. Si vous aviez été membre à ce moment-là, auriez-vous voté oui ou non ? Pardonnez-moi de demander des réponses aussi tranchées mais j'aime que les choses soient claires et on vote en répondant oui ou non.
S'agissant du droit européen, qui est né à peu près à la même époque que le Conseil constitutionnel, comment concevez-vous leur place l'un par rapport à l'autre ?
Nous connaissons le parcours exemplaire de Mme Malbec en qualité de magistrate. Vous avez occupé, madame, les plus hautes fonctions du ministère de la Justice et nous ne doutons pas un instant de votre compétence ni de votre légitimité.
Je voudrais vous interroger au sujet du statut des magistrats du parquet, en particulier de leur indépendance, sachant que nous regrettons de ne pas avoir pu faire aboutir la réforme constitutionnelle. La Cour européenne des droits de l'Homme a mis en avant la théorie de l'apparence par laquelle elle affirme l'importance attribuée à l'apparence d'impartialité et de neutralité des magistrats, en particulier ceux du parquet.
Une réforme constitutionnelle apparaît indispensable, notamment au regard de l'augmentation des prérogatives conférées aux membres du parquet par les derniers textes que nous avons votés. Que pensez-vous de la possibilité de nommer les magistrats du parquet selon les mêmes règles que ceux du siège ?
Par ailleurs, depuis quelques années, le législateur semble vouloir restreindre l'expression des appartenances religieuses au sein des différents secteurs de la vie sociale au nom du principe de laïcité. Quel est votre avis sur cette évolution ?
Enfin, le Conseil constitutionnel a précisé en 2015 la portée du principe de parité dans une réponse à une QPC, en considérant qu'il n'instituait pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Faut-il réviser la Constitution ?
Alors que ce matin, nous pouvions, d'une certaine manière, subir la situation puisque la proposition émanait du Président de la République, cet après-midi, elle provient de l'Assemblée nationale. Nous sommes donc en droit d'attendre le maximum de garanties et l'accord le plus large possible pour nommer une personne au Conseil constitutionnel.
Je vous le dis sans détours, madame : vous auriez dû refuser cette proposition si vos propos concernant l'indépendance étaient sincères. La théorie des apparences a des conséquences concrètes et traduit une réalité que personne ne conteste. D'ailleurs, la majorité souhaitait aller plus loin en exigeant un avis conforme. L'enjeu est crucial. M. Questel avait même interrogé Mme Malbec, lors de son audition par la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire, au sujet de la demande de levée d'immunité parlementaire de notre ancien collègue, Thierry Solère, aujourd'hui en poste à la présidence de la République. Vous le voyez, ces histoires d'impartialité, objective et subjective, nous préoccupent, à juste titre d'ailleurs car elles sont des garanties démocratiques. Quand on lit Le Canard enchaîné de ce matin, on peut se poser des questions sur cette proposition de nomination qui émane du président de l'Assemblée nationale. En vertu de la théorie des apparences, Mme Malbec n'est pas la bonne candidate pour occuper cette fonction. D'autres femmes, dans ce pays, disposaient sans doute des atouts requis pour devenir membre du Conseil constitutionnel – Chantal Arens pour ne citer qu'elle.
La fonction de directrice de cabinet du garde des Sceaux que vous occupez depuis deux ans est la cerise sur le gâteau. Vous n'avez eu de cesse, au travers des différents projets de loi, de tordre le bloc de constitutionnalité. Chacun doit rester dans son domaine de compétence : vous faites respecter la Constitution et nous votons la loi, en prenant le risque de nous faire censurer. Et comment pouvez-vous dire que vous tiendrez la gomme mais pas le crayon ? Lorsque le Conseil constitutionnel analyse sa décision, il propose, avec son crayon, une nouvelle rédaction qui franchira l'étape du contrôle ! C'est ainsi que vous avez pu faire passer l'usage des drones.
Quant au serment des magistrats, parlons-en. Je vous le lis : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. » Il n'est fait, à aucun moment, mention d'impartialité et d'indépendance. J'ai présidé la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire et nous avion proposé de le compléter en ce sens.
Nous sommes donc face à un problème. Je m'adresse à vous, chers collègues, notamment de la majorité : émettez un avis défavorable à la proposition de nomination du président de l'Assemblée nationale. En effet, nommer Mme Malbec va entacher l'impartialité et l'indépendance du Conseil, et va à l'encontre de la théorie des apparences – tout ce que nous sommes en droit d'attendre s'agissant d'une nomination pour les neuf années à venir.
J'ajoute qu'il existe un risque de conflit d'intérêts. Je crois savoir, Madame Malbec, que vous en avez un en ce qui concerne les textes relatifs à la sécurité dans ce pays et aux compétences de la police. Prévoyez-vous de vous déporter lors de leur examen ?
. Je reprends à mon compte les questions posées par Valérie Rabault et Ugo Bernalicis.
Parmi les trois crises que traverse notre pays, il y a la crise démocratique, qui inclut celle des institutions. Forcément, nous sommes tous dubitatifs – à tort ou à raison, mais peu importe – sur le choix du président de l'Assemblée de vous nommer au Conseil constitutionnel, parfois appelé « Conseil des sages ».
Considérez-vous, personnellement et en conscience, que c'est faire acte de sagesse que d'accepter une telle proposition qui, en dépit des faits et des réalités, jettera un peu plus l'opprobre sur l'institution majeure qu'est le Conseil constitutionnel et aggravera un peu plus la crise démocratique et des institutions dans notre pays, qui n'en a pas franchement besoin ?
. Madame Rabault, vous m'avez posé trois questions, en me demandant de répondre par oui ou par non. Je me permettrai de développer mes réponses.
La première était relative à un article du Canard enchaîné. Le journal m'a envoyé, lundi soir vers 21 heures, en me demandant une réponse pour le lendemain matin, un courriel portant sur une réunion qui avait eu lieu cinq ans auparavant. Entre-temps, j'ai occupé trois fonctions différentes ; mes souvenirs n'étaient donc pas très frais.
Ultérieurement, je me suis renseignée avec précision. La réunion évoquée par ce journal était de celles que j'organisais régulièrement, une fois ou deux fois par an, avec la chambre régionale des comptes. Étaient présents, de surcroît, le procureur général de la Cour des comptes, la procureure générale d'Angers et tous les procureurs du ressort, ceux de la cour d'appel de Rennes, le parquet général, soit vingt-huit personnes. L'ordre du jour avait été établi, comme il est d'usage dans ce genre de réunion, et cette affaire n'y figurait pas. Compte tenu du nombre de participants, il m'a semblé inopportun d'en faire état à la dernière minute, d'autant qu'elle avait été médiatisée. Je ne voyais pas l'intérêt de l'évoquer dans ce cénacle, surtout de façon imprévue. Cette réunion, juridique, et à laquelle participaient également des membres de la direction des affaires criminelles et des grâces, n'est donc pas un sujet.
Par ailleurs, je trouve pour le moins scandaleux – je pèse mes mots – qu'on exhibe ainsi le courriel d'un magistrat décédé tout récemment dans des circonstances très douloureuses – je le connaissais personnellement. Le procédé manque vraiment d'élégance. J'espère avoir répondu très complètement sur cette question. J'ajoute que le procureur de Brest était représenté par un vice-procureur. La question mentionnée par l'article n'a pas été évoquée.
Vous m'avez ensuite demandé si j'aurais voté oui ou non au référendum d'initiative partagée (RIP). Il est difficile de vous répondre ainsi. Le RIP est une innovation assez récente de la Constitution. Il n'a été tenté qu'en une seule occurrence, lors de laquelle le Conseil constitutionnel a constaté que les conditions de sa mise en place n'étaient pas réunies, faute de réunir un dixième du corps électoral.
. Vous avez évoqué mon impartialité ; il me semble très difficile de vous dire dans quel sens j'aurais voté dès lors que je n'occupais pas les fonctions qui m'y auraient amenée.
Vous m'avez enfin interrogée sur la hiérarchie entre les règles de droit européen et la Constitution. Les choses me paraissent assez claires : la Cour de Cassation et le Conseil d'État jugent de la conventionnalité des lois au droit européen ; le Conseil constitutionnel s'en tient au contrôle de constitutionnalité. La hiérarchie des normes existe. Elle est précise. Je ne vois pas l'intérêt de la modifier.
Monsieur Houbron, je vous remercie des propos chaleureux que vous avez tenus à mon égard. Vous m'avez posé trois questions.
La première porte sur la réforme de la nomination des magistrats du parquet. Je me suis déjà exprimée à ce sujet dans des précédentes fonctions. Il me semble opportun que la réforme souhaitée un temps par le Gouvernement entre en application, afin que l'avis émis par la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet du CSM ne soit plus favorable ou défavorable, mais conforme ou non conforme. Ainsi, le ministre ne pourra pas passer outre un avis défavorable, ce qui au demeurant n'est jamais arrivé depuis 2009.
Faut-il – j'ignore si tel était l'objet de votre question – aller au-delà et envisager que la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet du CSM ait la même capacité de proposition, en matière de nomination, que celle compétente à l'égard des magistrats du siège ? Sur ce point, je suis bien plus réservée, pour deux raisons.
Le travail mené par la direction des services judiciaires (DSJ) sur la proposition de choix qu'elle fait au CSM repose sur l'ancienneté et l'évaluation des magistrats pressentis, ainsi que sur leur audition. L'avis du CSM s'ajoute à cette démarche, ce qui offre un double regard sur les nominations. Dans le cas de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, il n'y a qu'un seul regard ; quant au recours, il est déposé devant la formation qui a prononcé l'avis. La proposition du CSM n'a pas été suivie d'effet une seule fois. Aller au-delà me semble inefficace. Ce qui est, à l'heure actuelle, la règle de tous les ministres de la Justice pourrait être inscrit dans la Constitution, dans le cadre d'une réunion du Congrès. Cette solution me semble acceptable.
Votre deuxième question porte sur la laïcité. Il s'agit d'un principe essentiel, prévu dès l'article 1er de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion, à plusieurs reprises, de se prononcer sur son application. Il a rappelé qu'il figure au nombre des droits et des libertés que la Constitution garantit. Il implique tant la neutralité de l'État que le respect de toutes les croyances. Faut-il aller au-delà ? Il m'est difficile de me prononcer. En tout état de cause, le Président de la République a souhaité, dans le cadre de l'Observatoire de la laïcité, que tous les ministères y soient particulièrement attentifs, et prennent des mesures – nous l'avons fait au ministère de la Justice – pour en assurer le respect.
Vous m'avez également interrogée sur l'égalité entre les femmes et les hommes, en me demandant si je souhaitais que nous allions plus loin en la consacrant dans la Constitution. Nous nous rendons bien compte que nous n'arrivons pas, ou pas assez, à l'atteindre. Il importe de passer des grands principes aux actes, et de les appliquer. La tâche est difficile et prendra sans doute plusieurs années.
Faut-il inscrire ce principe dans la Constitution ? À la place qui est la mienne, il m'est difficile de le dire. Ce qui est certain, c'est que je suis très attentive à cette question. Dans le cadre de mes fonctions antérieures au ministère de la Justice, j'ai fait en sorte que nous disposions d'un observatoire de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Le sujet est complexe : les femmes travaillent souvent à temps partiel, et ne valident pas toujours leurs promotions car elles ne déménagent pas. Messieurs, nous attendons toujours que vous preniez toute votre part dans ce débat, afin que l'égalité entre les hommes et les femmes soit enfin respectée ! Je plaisante, monsieur Houbron.
Monsieur Bernalicis, je n'ai pas vraiment compris votre question. Je doute même que vous ne m'en ayez posé une, ce qui me dispense de répondre.
Vous avez fait allusion à la fonction qu'occupe mon époux. Pour préparer cette réunion, j'ai lu de nombreux comptes rendus d'auditions de personnes pressenties pour être nommées au Conseil constitutionnel. Jamais on ne s'est intéressé aux fonctions de leur époux ou de leur épouse. Par ailleurs, je ne suis pas la seule femme dont l'époux occupe des fonctions relativement importantes. Mon mari et moi-même avons toujours fait en sorte de rester chacun dans son couloir de nage, si je puis dire. Rien n'a jamais laissé penser qu'il puisse exister un conflit d'intérêts entre nous. Nul ne nous reproche d'occuper les fonctions que nous occupons. Je continuerai ainsi. Si je dois me déporter, je n'hésiterai pas à le faire. On pourrait aussi s'interroger sur ce que font mes enfants… L'important, pour moi, est le respect de mon serment.
Monsieur Peu, vous m'avez posé la question de savoir si, en conscience et compte tenu de la crise que nous vivons, j'aurais dû décliner la proposition qui m'a été faite de siéger au Conseil constitutionnel. Je vous réponds en conscience : il importe, dans les difficultés que nous connaissons, de dire la vérité aux Français. La vérité, telle que je vous l'ai rappelée, est que l'on m'a adressé des reproches infondés. Telle est la vérité que nous devons aux Français : leur faire savoir qu'on leur ment, et qu'on leur dit des choses inexactes.
Tandis que nous devons émettre un avis sur une nomination au Conseil constitutionnel, j'aimerais rappeler la mémoire de l'un de mes amis, François Luchaire, professeur de droit émérite. Grand homme, grand juriste, grand Normand, il a marqué, par ses écrits sur le Conseil constitutionnel, une évolution de sa jurisprudence.
Madame Malbec, permettez-moi de citer le président Fabius : « On doit défendre les libertés sans faire preuve de naïveté politique ». Personne ne reprochera au président Fabius d'être naïf. Qu'en est-il de vous-même ? Estimez-vous avoir fait preuve de naïveté dans certaines décisions ?
Le président Fabius, dans cet entretien important publié par Le Figaro, indique que l'activité du Conseil constitutionnel a été multipliée par quatre. Le Conseil constitutionnel peut-il encore fonctionner dès lors qu'il a été fait pour rendre un avis par mois et qu'à présent il en rend dix ? Cette structure essentielle de la Constitution ne risque-t-elle pas d'être bloquée ?
Le président Fabius indique également que le Conseil constitutionnel est devenu une véritable cour constitutionnelle. Est-ce votre avis ? Avez-vous le sentiment que cette juridiction change de sens ? Chacun comprend bien que le changement d'appellation est aussi un changement de philosophie, induisant une évolution majeure.
Ces observations m'amènent à réfléchir à la judiciarisation de notre société. Nous avons le Conseil d'État, la Cour des comptes, la Cour de Cassation et le Conseil constitutionnel. Il s'agit d'un bloc de pouvoir important, qui se cache souvent sous ce que l'on appelle la « République des juges ». Cela entraîne une rupture entre le citoyen, le justiciable et le magistrat. La justice doit rester une autorité. Elle ne doit être rien d'autre. Elle n'est pas un pouvoir, Conseil constitutionnel compris.
J'en viens à la notion de justice restaurative. Le président Sauvé, que nous avons auditionné, a remis un rapport important sur lequel la commission des Lois a créé un groupe de travail, dont M. Morel-À-L'Huissier et moi-même avons été les coordinateurs. Nous avons rendu nos conclusions la semaine dernière. Le rapport repose essentiellement sur la notion de justice restaurative. Un monument est en cours d'édification. La justice changera profondément de sens à partir du moment où l'on retiendra et déclinera la justice restaurative.
On me dira que tout cela est la marque d'une emprise anglo-saxonne. Peut-être ; il n'en reste pas moins que, comme le démontre le rapport Sauvé, la prise en compte de la victime doit être renforcée. Celle-ci ne doit pas simplement être indemnisée : elle doit participer à la rédemption de son agresseur. La difficulté est de passer de ce que nous connaissons bien à quelque chose qui soulève encore de fortes interrogations. J'aimerais avoir votre avis sur la justice restaurative qui arrivera plus rapidement qu'on ne le croit devant le Conseil constitutionnel.
Suspension de la réunion de seize heures vingt-cinq à seize heures trente-cinq.
Nous avons auditionné ce matin Mme Jacqueline Gourault. La question se posait de savoir si, n'étant pas juriste, elle pouvait prétendre à siéger au Conseil constitutionnel. Notre vote a été très clair en la matière.
S'agissant de Véronique Malbec, il ne fait strictement aucun doute qu'il s'agit d'une grande magistrate. Ses réponses aux questions qui lui ont été posées cet après-midi en attestent largement. Le rappel de sa très volumineuse carrière n'est pas utile.
Madame Malbec, vous êtes parfaitement adaptée à la fonction à laquelle vous êtes appelée. Vous êtes aussi parfaitement informée du fonctionnement des rouages de l'État, ce qui est très important à nos yeux, car cela permet d'avoir une vision du droit. Comme vous l'avez rappelé, le droit n'est pas un objet hors sol. Il doit être replacé dans son contexte et dans la compréhension des enjeux qui font sa force.
Pourtant, vous êtes attaquée, dans des conditions particulièrement infamantes. Vous n'êtes pas ici devant une commission d'enquête initiée par Le Canard enchaîné et instrumentalisée par nos oppositions. Vous êtes ici pour répondre à des questions sur une très haute fonction qui pourrait vous être attribuée. Vous l'avez fait et vous n'avez besoin d'aucun avocat. J'aimerais tout de même rappeler quelques principes de base.
Je regrette que la présidente du groupe Socialistes et apparentés soit partie. Je lui aurai rappelé qu'une loi adoptée lorsque Mme Taubira était garde des Sceaux interdit strictement au garde des Sceaux de donner une quelconque directive à un parquet. La commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire, dont j'étais le rapporteur et Ugo Bernalicis le président, a largement démontré, après de longs et sérieux travaux, que, si ce jeu a eu cours par le passé, tel n'est absolument plus le cas. Au demeurant, aucun ministre de la Justice n'oserait, ni de près ni de loin, prendre un tel risque, tout à fait disproportionné par rapport à la réalité de ses fonctions.
De même, les liens entre procureur général et procureur de la République sont des liens particuliers, forcément plus resserrés que ceux qu'ils ont avec le ministre. Ils n'en sont pas moins parfaitement encadrés. Le procureur général ne peut en aucune façon donner des directives de classement sans suite à un procureur de la République. Jamais rien de tel n'a été évoqué, suscité ou suggéré, ni n'a eu lieu en aucune façon. Les seules directives qui peuvent être données sont des directives de poursuites, qui doivent être écrites et versées au dossier. Ainsi, jamais l'affaire en cause n'a été abordée par Mme Malbec d'une quelconque façon.
Enfin, les liens entre un parquet local et la Chancellerie doivent exister, dans le cadre des remontées d'informations, qui sont parfaitement encadrées par la circulaire Taubira du 31 janvier 2014, qui fixe les bornes de droit – il est sain que la commission des Lois, parfois, fasse du droit – et du comportement politique des uns et des autres.
Ainsi, pas de faux procès ! Madame Malbec, vous êtes parfaitement adaptée à la fonction à laquelle votre nomination est proposée. L'instrumentalisation politique dont vous êtes victime, en effet hors de propos dans ce moment particulier de notre histoire, est infamante à votre égard et sans doute aussi à l'égard de la personne qui vous a désignée pour cette tâche.
. Madame Malbec, plusieurs de nos collègues ont évoqué la théorie des apparences, avec pertinence. Elle doit, à nos yeux, prévaloir aussi dans le cadre de la nomination des membres de la juridiction qu'est le Conseil constitutionnel. Veiller à la crédibilité de l'institution judiciaire, c'est écarter tout risque de suspicion à l'égard de la justice.
Pensez-vous que les membres du Conseil constitutionnel sont astreints, pour reprendre une expression de Robert Badinter, à un « devoir d'ingratitude » à l'égard de l'autorité qui les a nommés ?
. Notre groupe s'est largement exprimé sur les conditions dans lesquelles nous procédons à la validation des nominations, notamment sur les critères de sélection et les conditions réservées à l'expression du Parlement sur ces candidatures. Nous aurions préféré une procédure plus transparente pour éviter les procès d'intention.
Madame Malbec, vous avez dit que les décisions émises par l'institution judiciaire ne devaient pas être rendues par des juristes asséchés, et que les règles de droit devaient être guidées par une certaine idée du contexte dans lequel elles s'inscrivent. Eu égard précisément au contexte – affaires politiques, familiales, articles de presse –, votre nomination ne risque-t-elle pas d'entamer votre légitimité et de fragiliser l'institution ?
Nos collègues de la majorité ayant décidé, hors de toute instrumentalisation politique, de faire la défense de Mme Malbec, je rappellerai que nous sommes dans le cadre d'une audition, qui sert à interroger la personnalité proposée, en l'espèce par le président de l'Assemblée nationale. Comme l'a souligné Ugo Bernalicis, nous sommes dans notre rôle. Nous l'avons fait ce matin au sujet des connaissances juridiques de l'intéressée.
Madame Malbec, celles de la grande magistrate que vous êtes ne sont pas contestables. En revanche, nous nous interrogeons sur les liens que peut faire l'opinion publique entre votre nomination et certaines affaires portées à l'attention du public, sur les liens entre vous-même et la personne qui a proposé votre nomination. Nous sommes là pour permettre que des clarifications soient faites, afin que les décisions de haut niveau qui doivent être rendues sur les lois fondamentales ne soient pas entachées d'une impression de renvoi d'ascenseur, comme on dit dans le langage courant, ni influencées par des gratifications de l'exécutif envers le Conseil constitutionnel.
Je conçois que l'exercice soit difficile pour vous, mais il est absolument nécessaire, si nous voulons voter en conscience et assurer la crédibilité de l'institution suprême de notre pays. Je comprends votre réaction, mais je doute que se récrier sur l'indignité d'un article de journal clarifie véritablement les questions soulevées et y répondent. Je trouve cela dommage, d'autant que la tâche qui va vous être confiée est très importante.
S'agissant de la possibilité de conflit d'intérêts, si l'on a des membres de sa famille, époux, compagnons mais aussi enfants, qui travaillent dans des domaines où l'expertise du Conseil constitutionnel peut décider de la censure de tel ou tel texte, il faut y voir, non pas une mise en cause personnelle, mais une nécessaire clarification. Or là encore, des réponses claires et sans détour permettant de convaincre de l'absence absolue de conflit d'intérêts n'ont pas été données.
Nous ne pouvons donc approuver votre nomination.
Madame Malbec, en fait, vous auriez satisfait certains de nos collègues si vous aviez clamé haut et fort avoir donné des instructions dans nombre de dossiers dont vous avez eu à connaître, en responsabilité, au cours de votre carrière, à des fins partisanes et politiciennes, comme l'idée semble s'en être répandue dans l'imaginaire collectif.
Je regrette sincèrement la démarche adoptée par certains orateurs, notamment sous l'angle de la place de la femme dans la société, dont on nous parle chaque jour. Alors que vous avez été interrogée sur la parité, j'ai été très choqué des allusions à la profession de votre époux. Considérer qu'une femme ne serait pas capable d'exercer, en toute loyauté, dignité et impartialité, une fonction telle que celle à laquelle le président Ferrand propose que nous validions votre nomination, à l'issue d'un vote que j'espère favorable, est attentatoire à la dignité de la femme dans son ensemble et contraire aux déclarations de principe que nous entendons tout au long de l'année. On ne peut pas multiplier les déclarations et faire le contraire dès que l'occasion se présente.
J'aimerais vous interroger sur la sauvegarde des libertés publiques. Il s'agit de la mission première du Conseil constitutionnel, qui semble s'être diluée dans l'élargissement de son champ de compétences, avec notamment la saisine du Conseil par soixante parlementaires depuis 1974 et les QPC depuis 2008. Il en est résulté une évolution de la mission et des fonctions de l'institution et des neuf personnes qui le composent.
Notre rapporteure a décrit le Conseil comme le dernier degré de l'ordre juridictionnel. Je ne suis pas persuadé que tel soit le cas, même si l'on peut souhaiter qu'il en soit ainsi un jour. Quel est votre avis sur l'évolution institutionnelle, dans l'ordre juridictionnel, du Conseil constitutionnel ? Il pourrait éclairer les débats.
Enfin, nous avons entendu dire, ce matin, que l'absence de formation juridique de Mme Jacqueline Gourault pouvait être un handicap à sa nomination éventuelle. Je suis surpris que le champ de vos compétences juridiques, qui ne peuvent être mises en cause, soit cet après-midi un argument du même ordre. Je m'interroge sur notre capacité collective à appréhender notre rôle avec objectivité et impartialité.
J'aimerais revenir sur la question du contradictoire devant le Conseil constitutionnel. Chacun s'accorde à dire que le Parlement est l'auteur de la loi, en tout cas son auteur principal, et c'est bien lui qui la vote. Toutefois, nous n'en sommes pas les défendeurs devant le Conseil constitutionnel. C'est le Gouvernement, par le biais du SGG, qui nourrit l'argumentation en défense de la constitutionnalité de la loi.
Je crois comprendre – je parle sous le contrôle de la présidente de la commission des Lois – que l'Assemblée nationale est néanmoins informée de manière systématique des recours, qu'il s'agisse du contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités et des règlements des Assemblées (DC) ou de QPC.
Les deux chambres, Assemblée nationale et Sénat, pourraient-elles produire, de façon très officielle, des observations en défense de la constitutionnalité de la loi, en complément et pas forcément en substitution de celles du Gouvernement ? Je m'interroge. Bien entendu, cette perspective soulève plusieurs questions, notamment celle de savoir s'il s'agirait d'une expression majoritaire ou technique. Peut-être faudrait-il créer un organe interne pour incarner la défense de la constitutionnalité de la loi.
Madame Malbec, il serait intéressant d'avoir votre avis sur cette question, qui n'est pas neutre du point de vue démocratique. Dès lors qu'il s'agit d'un processus constitutionnel, il est assez curieux que l'auteur de la loi n'en soit pas véritablement partie prenante.
Je rejoins Bruno Questel sur la difficulté de l'exercice auquel nous nous livrons, dans des conditions qui ne sont pas vraiment celles que nous souhaiterions. L'issue en est connue, peut-être plus clairement que s'il s'agissait d'une proposition émanant du Président de la République, sur laquelle les deux Chambres s'expriment. Dans l'Assemblée nationale de la Ve République, dominée par le fait majoritaire, il n'y a aucune inquiétude à avoir, dans un camp comme dans l'autre, sur le verdict.
Madame Malbec, le sujet de la compétence, abondamment abordé ce matin, n'est pas du tout au cœur de nos préoccupations. Votre parcours et vos réponses ont démontré une maîtrise tout à fait qualifiante pour les fonctions de membre du Conseil constitutionnel.
La vraie question qui reste en suspens, que certains considèrent comme légitime et d'autres non, est celle qui ressortit à la théorie des apparences. Il ne s'agit pas d'un mauvais procès, contrairement à ce que j'ai entendu dire, mais d'un attachement à nos institutions. Si nous ne revenions pas sur des points mentionnés dans la presse et qui nous ont interpelés, nous manquerions à notre devoir et on nous reprocherait, à nous législateurs, de faire l'impasse sur ce qui a pu préoccuper la sphère publique. Il ne faut pas s'offusquer de ces questions, qui peuvent sembler déplacées à certains. Elles font partie de notre travail. Il me semble très sain de les poser, plutôt que de les mettre sous le tapis.
La première question à laquelle vous n'avez pas répondu, et qui me paraît importante, est relative aux conditions et à la procédure de sélection ayant présidé à votre proposition de nomination. Il me semble intéressant, ne serait-ce que du point de vue de la science juridique, d'expliquer en toute transparence, sans vous en faire le reproche, la façon dont cette proposition a été faite par le président de l'Assemblée nationale. Émane-t-elle du ministre de la Justice ? De Richard Ferrand qui, vous connaissant, a fait appel à vous ? L'avez-vous suscitée vous-même ?
Ma deuxième question est plus précise. Le sujet du conflit d'intérêts est revenu à plusieurs reprises. Je pense qu'il existe des conflits d'intérêts partout, pour tous et quelle que soit notre situation. Il faut procéder à un examen au cas par cas. En ce qui vous concerne, il serait important d'éclairer un point devant la commission. Sans faire de procès d'intention et en admettant qu'il n'y a pas eu de directive de classement – ce que j'admets pour ma part –, le simple fait que l'affaire soit intervenue dans le ressort d'un parquet hiérarchisé, dont vous étiez à la tête, ne constitue-t-il pas selon vous un lien d'intérêt avec la personne qui a proposé votre nomination, de nature à susciter l'interrogation des commissaires ? Je n'ai pas d'avis particulier sur cette question. J'estime qu'il faut que vous l'analysiez en conscience et que vous nous disiez comment vous la réglez.
Pour conclure, il ne faut pas croire que les citoyens se désintéressent des institutions. Au contraire, ils sont extrêmement attentifs au fait qu'elles fonctionnent bien et que les nominations sont effectuées très sérieusement. Nous en faisons la démonstration avec les questions qui sont posées tant par l'opposition que par la majorité. Il faut absolument avoir conscience du rôle que nous jouons. Nous sommes observés lors de l'examen des candidatures. On nous a souvent dit que l'Assemblée nationale était une chambre d'enregistrement des propositions de nomination. La qualité et la pertinence de nos questions comme celles de vos réponses doivent démontrer qu'il s'agit d'un exercice extrêmement sérieux. Il vous engage pour neuf ans au sein du Conseil constitutionnel, lequel va rendre des décisions qui font grief et qui sont insusceptibles de recours. Vous comprendrez notre degré d'exigence, sans y voir de malveillance ou de procès d'intention.
Monsieur Tourret, vous m'avez demandé si je n'avais pas pris certaines décisions par naïveté. Il n'est pas aisé de répondre à une telle question ; ce sont plutôt les personnes de mon équipe qui seraient en mesure de le faire.
Vous vous êtes aussi interrogé sur le risque de blocage du fonctionnement du Conseil constitutionnel lié à l'augmentation du nombre de saisines, notamment dans le cadre de la QPC. Le Conseil respecte les délais prescrits, c'est-à-dire un mois pour le contrôle a priori – délai ramené à huit jours dans le cas où le Gouvernement demande l'examen en urgence – et trois mois dans le cadre de la QPC. Ses neuf membres sont donc en mesure de le faire, soutenus par les juristes très aguerris qui les assistent. La structure fonctionne bien et, en l'état, n'est pas bloquée.
Dans votre troisième question, vous avez évoqué la judiciarisation de la société, la « République des juges » et la perception des magistrats par les citoyens. C'est un point très pertinent. Il faut que les juges expliquent leur rôle et les décisions qu'ils rendent. C'est ainsi qu'ils seront mieux compris. Notre vocabulaire est parfois très ésotérique et il faut que l'on modifie tout cela. Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, le Conseil constitutionnel utilise désormais le style direct. Peut-être faut-il que les juridictions judiciaires et administratives rendent des décisions plus compréhensibles. Les débats en cours dans le cadre des états généraux de la justice mettent en évidence une incompréhension de nombre de nos citoyens. Il nous appartient d'y remédier.
Cela doit amener notamment à mieux se faire connaître. Le président Fabius y est extrêmement attentif et il a noué en ce sens un partenariat très étroit avec l'Éducation nationale, en mettant des outils pédagogiques à la disposition des enseignants. Il a aussi créé « La Nuit du Droit ». Cette manifestation annuelle permet de faire découvrir le fonctionnement de la justice et du Conseil constitutionnel à nos concitoyens. Tout cela va dans le bon sens et il faut poursuivre dans cette voie.
Votre dernière question portait sur la justice restaurative. Un certain nombre d'expérimentations ont eu lieu en matière pénale, associant des victimes et des auteurs – étant précisé qu'il ne s'agit pas de mettre en relation une personne avec l'auteur de l'infraction dont elle a été victime. Cela concerne des victimes qui acceptent de discuter avec des personnes qui ont été définitivement condamnées. Les retours d'expérience sont assez positifs. Faut-il aller plus loin et généraliser cette démarche ? C'est beaucoup plus compliqué. Pour que l'expérience soit bénéfique, il faut que les intéressés soient volontaires. Je resterai prudente, même si je sais que c'est une évolution qui prend de l'ampleur dans les pays de droit anglo-saxon.
Je remercie M. Paris pour les propos qu'il a tenus à mon endroit.
M. Leseul a demandé si je considérais être astreinte à un devoir d'ingratitude en rejoignant le Conseil constitutionnel. Le président Fabius avait indiqué qu'il n'était pas là pour rendre service, mais bien pour rendre des décisions. Le juge constitutionnel doit se débarrasser de tous ses préjugés et rendre des décisions en conscience. Telle est aussi ma conception.
M. Bricout a évoqué le contexte de ma nomination et a demandé si cela n'entamait pas ma légitimité. Ma réponse plus claire et plus complète s'adressera aussi à la question de Mme Obono et à celle de la rapporteure, à laquelle j'avais omis de répondre précédemment.
En ce qui concerne le processus de nomination, je répète que je ne connaissais absolument pas le président de l'Assemblée nationale quand j'étais en poste en Bretagne. Il n'était jamais venu aux audiences d'installation auxquelles j'avais participé. Je l'ai rencontré pour la première fois lors d'une visite de courtoisie, après ma nomination au poste de directrice de cabinet du garde des Sceaux. Nous avons ensuite eu l'occasion de discuter à deux ou trois reprises au sujet de projets de textes, dont l'un portait sur la possibilité pour l'Assemblée nationale de se constituer partie civile lorsque des élus sont victimes d'agressions. Plus récemment, le président de l'Assemblée nationale a demandé à me rencontrer et a évoqué la possibilité de me proposer pour siéger au Conseil constitutionnel. Je lui ai dit que je souhaitais réfléchir et je n'ai fait acte de candidature auprès de lui qu'un peu plus tard. Il m'a rappelé par la suite pour me dire qu'il allait proposer ma nomination. Voilà le contexte très précis dans lequel elle est intervenue.
Monsieur Bricout, madame Obono en tant que procureure générale près la cour d'appel de Rennes, je n'ai jamais donné d'ordre de classement aux procureurs de Brest qui se sont succédé dans ce dossier. Le premier d'entre eux est parti à égalité avant que la procédure ne soit classée. Un second est arrivé en avancement, pour son dernier poste, avant de prendre sa retraite. C'est lui qui a classé la procédure. Deux personnes ont porté leur regard sur cette procédure et je n'ai donné aucune instruction qui aille à l'encontre de ce que le droit permet au procureur général. Ce dernier ne peut pas classer une procédure, il peut simplement donner des instructions de poursuite, sur la base de réquisitions écrites.
Qu'est-ce que le lien hiérarchique qui unit un procureur à son procureur général, lui-même étant dans la ligne hiérarchique du ministre de la Justice ? Tout simplement, la remontée d'informations entre le procureur, le procureur général et la Chancellerie ainsi que l'obligation, pour le procureur général, d'évaluer le procureur. Il faut relativiser la portée de cette évaluation. D'une part, si le procureur n'est pas d'accord, il peut déposer un recours devant la commission d'avancement. D'autre part, les deux procureurs qui se sont succédé à Brest occupaient des postes hors hiérarchie. Ils étaient au sommet de l'institution des magistrats du parquet – selon l'importance du parquet, les postes sont occupés par un magistrat de second grade, premier grade ou hors hiérarchie. Les postes de procureur reviennent à des magistrats de premier grade ou hors hiérarchie. En l'espèce, ils étaient hors hiérarchie et l'étendue de mon pouvoir sur eux, si tant est que vous ayez la malignité de croire que j'aurais pu mal les évaluer, était très réduite. Voilà en quoi consiste le pouvoir hiérarchique du procureur général sur le procureur. Il ne concerne pas les procédures. Le procureur général n'a pas le pouvoir d'ordonner à un procureur de classer une affaire et je n'ai jamais pris de décision contraire à la loi, et à mon serment.
Monsieur Larrivé, il n'est pas prévu, pour le moment, de donner la possibilité aux rapporteurs des assemblées, ou aux présidents des commissions des Lois, de défendre un texte devant le Conseil constitutionnel. Cependant, le président du Conseil constitutionnel a établi un règlement sur la procédure de la QPC et devrait bientôt en rédiger un sur la procédure du contrôle a priori. Il a ainsi permis que les contributions extérieures soient publiées. Les lettres de saisine qui comportent les arguments des saisissants sont parfois complétées par des mémoires. Le secrétariat général du Gouvernement, en réponse, peut donner des éléments aux saisissants. Enfin, ceux-ci ont pu, régulièrement, s'exprimer oralement devant le rapporteur du Conseil constitutionnel. Je ne réponds pas complètement à votre question mais je veux vous montrer que le Conseil constitutionnel évolue vers une procédure plus contradictoire. Faut-il aller plus loin ? La réponse vous appartient.
Madame la rapporteure, je ne me suis pas offusquée des questions qui m'ont été posées. Au contraire, il est très sain que je puisse, devant la représentation nationale, expliquer très clairement ce qui s'est passé et vous prouver que je n'ai, à aucun moment, enfreint le serment que j'ai prêté.
Je vous remercie, madame Malbec, pour ces deux heures d'audition qui ont permis d'aborder toutes les questions. Je vous invite à présent à quitter la salle.
À l'issue de cette audition, délibérant à huis clos, la Commission procède au vote par scrutin secret, en application de l'article 29-1 du Règlement, sur cette proposition de nomination.
Nombre de votants : 41
Blancs, nuls, abstentions : 3
Suffrages exprimés : 38
Avis favorable : 27
Avis défavorable : 11
La séance est levée à 17 heures 25.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Jean-Louis Bricout, Mme Blandine Brocard, M. Vincent Bru, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Isabelle Florennes, Mme Camille Galliard-Minier, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, M. Gérard Leseul, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Michel Mis, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Matthieu Orphelin, M. Didier Paris, M. Pierre Person, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Bruno Questel, Mme Valérie Rabault, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Jean Terlier, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann
Excusés. - M. Ian Boucard, Mme Marie-George Buffet, M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, M. Mansour Kamardine