Je rejoins Bruno Questel sur la difficulté de l'exercice auquel nous nous livrons, dans des conditions qui ne sont pas vraiment celles que nous souhaiterions. L'issue en est connue, peut-être plus clairement que s'il s'agissait d'une proposition émanant du Président de la République, sur laquelle les deux Chambres s'expriment. Dans l'Assemblée nationale de la Ve République, dominée par le fait majoritaire, il n'y a aucune inquiétude à avoir, dans un camp comme dans l'autre, sur le verdict.
Madame Malbec, le sujet de la compétence, abondamment abordé ce matin, n'est pas du tout au cœur de nos préoccupations. Votre parcours et vos réponses ont démontré une maîtrise tout à fait qualifiante pour les fonctions de membre du Conseil constitutionnel.
La vraie question qui reste en suspens, que certains considèrent comme légitime et d'autres non, est celle qui ressortit à la théorie des apparences. Il ne s'agit pas d'un mauvais procès, contrairement à ce que j'ai entendu dire, mais d'un attachement à nos institutions. Si nous ne revenions pas sur des points mentionnés dans la presse et qui nous ont interpelés, nous manquerions à notre devoir et on nous reprocherait, à nous législateurs, de faire l'impasse sur ce qui a pu préoccuper la sphère publique. Il ne faut pas s'offusquer de ces questions, qui peuvent sembler déplacées à certains. Elles font partie de notre travail. Il me semble très sain de les poser, plutôt que de les mettre sous le tapis.
La première question à laquelle vous n'avez pas répondu, et qui me paraît importante, est relative aux conditions et à la procédure de sélection ayant présidé à votre proposition de nomination. Il me semble intéressant, ne serait-ce que du point de vue de la science juridique, d'expliquer en toute transparence, sans vous en faire le reproche, la façon dont cette proposition a été faite par le président de l'Assemblée nationale. Émane-t-elle du ministre de la Justice ? De Richard Ferrand qui, vous connaissant, a fait appel à vous ? L'avez-vous suscitée vous-même ?
Ma deuxième question est plus précise. Le sujet du conflit d'intérêts est revenu à plusieurs reprises. Je pense qu'il existe des conflits d'intérêts partout, pour tous et quelle que soit notre situation. Il faut procéder à un examen au cas par cas. En ce qui vous concerne, il serait important d'éclairer un point devant la commission. Sans faire de procès d'intention et en admettant qu'il n'y a pas eu de directive de classement – ce que j'admets pour ma part –, le simple fait que l'affaire soit intervenue dans le ressort d'un parquet hiérarchisé, dont vous étiez à la tête, ne constitue-t-il pas selon vous un lien d'intérêt avec la personne qui a proposé votre nomination, de nature à susciter l'interrogation des commissaires ? Je n'ai pas d'avis particulier sur cette question. J'estime qu'il faut que vous l'analysiez en conscience et que vous nous disiez comment vous la réglez.
Pour conclure, il ne faut pas croire que les citoyens se désintéressent des institutions. Au contraire, ils sont extrêmement attentifs au fait qu'elles fonctionnent bien et que les nominations sont effectuées très sérieusement. Nous en faisons la démonstration avec les questions qui sont posées tant par l'opposition que par la majorité. Il faut absolument avoir conscience du rôle que nous jouons. Nous sommes observés lors de l'examen des candidatures. On nous a souvent dit que l'Assemblée nationale était une chambre d'enregistrement des propositions de nomination. La qualité et la pertinence de nos questions comme celles de vos réponses doivent démontrer qu'il s'agit d'un exercice extrêmement sérieux. Il vous engage pour neuf ans au sein du Conseil constitutionnel, lequel va rendre des décisions qui font grief et qui sont insusceptibles de recours. Vous comprendrez notre degré d'exigence, sans y voir de malveillance ou de procès d'intention.