Rappelons que 500 000 personnes en situation de handicap sont au chômage ; dans cette population, le taux de chômage est de 19 %, c'est-à-dire beaucoup plus élevé que celui des personnes valides.
Dans le domaine de l'emploi comme dans d'autres, l'un des freins est sans doute culturel. La France, qui a signé la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH), a un problème avec le handicap. Au mois d'octobre dernier, l'ONU a envoyé une rapporteure spéciale dans notre pays. Dans ses observations préliminaires, la rapporteure a fait un constat qui résume bien la situation : la France considère les personnes en situation de handicap comme des objets de soin mais pas comme des sujets de droit. Le manque de pédagogie est manifeste.
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le taux de prévalence du handicap se situe entre 10 % et 15 % de toute population. C'est une donnée naturelle de l'humanité. Au quotidien, je ne dirais pas que les personnes en situation de handicap suscitent de la compassion car, comme M. Labaye, je pense qu'elles sont regardées avec beaucoup de bienveillance, mais, du coup, elles ne sont pas perçues comme des sujets titulaires de droits. Je n'ose pas dire le mot de charité, mais il y a une part de compassion un peu sociale, là où devrait exister une considération à l'égard d'êtres dotés de droits. C'est un sujet fondamental.
La loi de 2005 a été adoptée il y a treize ans et, depuis, nous attendons la publication de l'arrêté sur l'accessibilité des lieux de travail au Journal officiel. Il y a une dizaine de jours, l'APF et la FNATH ont saisi le Conseil d'État. Sans être un point de blocage fondamental, cette histoire d'arrêté illustre bien la manière dont est traité le sujet.
Quant au télétravail, il ne pourrait être une solution qu'à titre subsidiaire, car il faut veiller au lien social des personnes. Le sujet n'est pas sans rapport avec le projet de loi « Évolution du logement et aménagement numérique » (ELAN), qui va être présenté en conseil des ministres 4 avril prochain. Le télétravail est lié à la notion de logement. À ce jour, les appartements situés dans des immeubles neufs de quatre étages ou plus doivent tous être desservis par un ascenseur. Il faut cependant souligner que les immeubles de quatre étages ou plus ne représentent 40 % des constructions neuves. Or le projet de loi ELAN tend à réintroduire des quotas pour la construction de logements accessibles : il prévoit de réduire à 10 % le nombre d'appartements à construire en rez-de-chaussée ou desservis par ascenseur disposant d'une unité de vie accessible sans travaux. Compte tenu de la faible proportion d'immeubles de quatre étages et plus, le taux de logement accessible revient en fait à 10 % de 40 %, c'est-à-dire à 4 %.
Ce chiffre est à rapporter au taux de prévalence du handicap – de 10 % à 15 % selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) – et au pourcentage des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans dans la population française – 25 % dans dix ans, selon l'INSEE. Ce chiffre pose aussi des questions de cohérence avec certaines politiques publiques comme la transformation de l'offre médico-sociale, défendue par l'actuelle secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Selon l'article 19 de la CIDPH, une personne doit avoir le choix de son mode de vie et de son lieu de résidence. Le projet de loi ELAN nous semble aussi en contradiction avec un objectif récemment fixé par l'Élysée : à la fin du quinquennat, 60 % des personnes handicapées usagers d'institutions médico-sociales devraient vivre en milieu ordinaire, au milieu de la cité. Pour sa part, la ministre de la santé table sur 66 % d'hospitalisation en ambulatoire d'ici à 2020. Même s'il s'agit d'une digression par rapport au télétravail, ces considérations d'actualité sur le logement sont très importantes.