Intervention de Nicolas Merille

Réunion du mardi 27 mars 2018 à 9h40
Groupe de travail sur les conditions de travail à l'assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

Nicolas Merille, conseiller national accessibilité et conception universelle à l'APF :

Il y a beaucoup de choses à dire sur les priorités du quinquennat.

Commençons par les ressources. Le Président de la République s'était engagé à augmenter l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de 100 euros. Cette augmentation a bien eu lieu mais la suppression de droits connexes a abouti à une perte de pouvoir d'achat d'un montant qui varie entre quelques dizaines et quelques centaines d'euros pour les personnes en situation de handicap. En outre, l'AAH est calculée par rapport aux ressources du conjoint, ce qui fait que les allocataires ne peuvent pas raisonner en termes d'autonomie.

Poursuivons avec l'obligation d'emploi. Même si des réunions de concertation doivent encore avoir lieu, il semble que le Gouvernement souhaite mettre fin, pour les entreprises de vingt salariés ou plus, à l'obligation d'employer des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de leur effectif total. Cette perspective nous semble contradictoire avec l'idée de faire du handicap une priorité du quinquennat.

Venons-en aux agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) qui ne font l'objet d'aucun suivi national. Dans le domaine de l'accessibilité comme dans d'autres, la rapporteure de l'ONU a d'ailleurs relevé que la France souffre d'un déficit majeur en termes de suivi statistique du handicap dans les politiques publiques.

On peut connaître le nombre d'établissements recevant du public (ERP) qui ont déposé un dossier relatif aux Ad'AP, mais de nombreuses questions restent en suspens. Que contiennent ces dossiers ? Combien y a-t-il eu de demandes de dérogation totale ou partielle ? Combien d'ERP seront mis totalement en accessibilité, et à quelle échéance ? En l'absence de suivi national, c'est une nébuleuse complète.

Il y a trois échéances : 26 septembre 2018, 26 septembre 2021, 26 septembre 2024. On attend toujours certains textes réglementaires, notamment ceux qui concernent le Fonds national d'accompagnement de l'accessibilité universelle. Il est prévu que les établissements qui ne se mettraient pas aux normes se verraient infliger des sanctions financières – 2 500 euros pour de petits ERP, 100 000 euros pour des gestionnaires de plus gros patrimoines – qui viendraient alimenter des structures telles que l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). Ces moyens permettraient de financer des acteurs volontaristes souhaitant se mettre aux normes d'accessibilité. Le Fonds national d'accompagnement de l'accessibilité universelle, qui devrait être géré par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), n'est toujours pas créé. Trois ans après la réforme et six ans avant l'échéance finale, on attend toujours le texte réglementaire.

Des textes doivent encore être publiés pour les ERP de cinquième catégorie et isolés, c'est-à-dire les petits commerces de proximité qui n'appartiennent pas à une chaîne. Ils sont soumis à l'échéance de trois ans, c'est-à-dire à celle du 26 septembre 2018. Pour ce type d'établissement, nous avons les plus grandes craintes car nous constatons une inertie totale sur le terrain. Il est vrai que les acteurs ne sont pas accompagnés, notamment en termes d'incitations fiscales. Certaines collectivités territoriales viennent seulement de déposer leur dossier, alors qu'elles sont soumises à l'échéance de 2021. Il règne un trop grand flou dans ce domaine.

En fait, l'accessibilité est trop associée au handicap et aux fauteuils roulants. Elle est, en effet, d'une absolue nécessité pour les personnes en situation de handicap, quelles que soient les déficiences. C'est pourquoi, historiquement, le sujet a été porté par nos associations. Cela étant, il faut aussi penser aux personnes âgées, aux familles – 2,5 millions de poussettes circulent tous les jours –, aux livreurs, aux manutentionnaires, aux voyageurs avec bagages. Pourtant, un maire n'associera pas forcément l'accessibilité à ces différents publics. En bon gestionnaire des deniers publics, il pourra penser que 100 000 euros d'investissement pour une personne en fauteuil – hypothèse fictive –, c'est beaucoup trop. Il méconnaît le fait que l'investissement concerne la majorité de la population et non pas une seule personne en fauteuil. Un effort de pédagogie s'impose.

Même quand le volontarisme politique est là, on se heurte à un manque de formation des professionnels – architectes, techniciens de voirie, entrepreneurs du bâtiment –, ce qui entraîne beaucoup de malfaçons. Un module, prévu depuis 2009 dans 117 formations initiales, n'est pas appliqué. Pour construire l'avenir, il est fondamental que ces formations soient mises en œuvre.

Pour que le sujet soit compris, il faudrait aussi que les personnes en situation de handicap soient plus visibles. En 2017, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) indiquait que le taux de visibilité des personnes en situation de handicap était de 0,6 % dans les médias, alors que, je le répète, le taux de prévalence du handicap est estimé entre 10 % et 15 % par l'OMS. L'écart donne une idée des marges de progrès.

Pour terminer, je voudrais répondre à votre question sur les documents en version FALC. Je me souviens qu'en juillet 2012, le discours de politique générale du Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait été traduit en FALC. C'était la première fois pour un document de l'État et j'ignore si c'était la dernière.

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