Lors des dernières élections présidentielles, les associations ont regretté que les personnes en situation de handicap aient été généralement peu associées aux grands débats électoraux et à la vie civique. Cela nous a rappelé l'histoire du Français qui s'est rendu à un meeting en Écosse. Il n'y avait pas grand monde – et apparemment aucun sourd-muet – dans la salle, mais il y avait un traducteur en langue des signes sur la scène. Il a demandé la raison de la présence de ce traducteur. On lui a répondu qu'il n'y avait qu'un Français pour poser une question pareille. L'accessibilité universelle n'est pas suffisamment prise en compte dans nos débats électoraux et la vie civique, malgré les améliorations qui ont pu être apportées et, notamment, la présence de traducteurs en langue des signes lors des derniers débats et des meetings de certains candidats.
Si un ou plusieurs référents handicap étaient institués à l'Assemblée nationale, notre association pourrait répondre favorablement à une demande de sensibilisation ou de formation. LADAPT dispose d'un service qui offre aux entreprises des possibilités de formation, de sensibilisation et d'accompagnement des dirigeants. Nous avons aussi créé un dispositif, baptisé « ESAT hors les murs », destiné à la fois l'employeur et à la personne en situation de handicap. Il permet d'identifier les missions de la personne en situation de handicap. Dans le cas de LADAPT, il s'agit de personnes qui ont un handicap psychique, qui sont cérébro-lésées, ou de jeunes que nous essayons d'accompagner dans leur projet professionnel en identifiant leurs compétences. Nous visitons l'entreprise et nous regardons l'organisation du travail. Nous faisons une sorte de diagnostic pour qu'il ait une adéquation entre les besoins de l'entreprise et les compétences du candidat.
Cela étant, cette formation de référents doit aller de pair avec un certain état d'esprit. Le handicap est quelque chose de lourd qui renvoie à l'inconscient du collectif de travail. Un dirigeant d'entreprise m'avait ainsi déclaré qu'il ne partait pas à la guerre – c'est-à-dire à l'affrontement avec ses concurrents – avec des personnes en situation de handicap. Une telle réflexion révèle des préjugés sur les compétences et la productivité de ces personnes. L'état d'esprit semble être un peu celui de « pas de bras, pas de chocolat ! »… Plutôt que d'accueillir une personne en situation de handicap, il s'agit d'accueillir un collaborateur en situation de handicap qui a des compétences.
Nous résumons cet état d'esprit par trois ingrédients : la sagesse de la pédagogie, la force de l'humour, la beauté de la rencontre. Il faut former les dirigeants et les équipes. L'humour permet de faire tomber certaines représentations ; il faut savoir rire du handicap pour pouvoir mieux travailler ensemble. On a peur de communiquer avec une personne sourde ; on a du mal à comprendre que l'écran de l'ordinateur d'une personne aveugle soit éteint en permanence. On peut faire toutes les campagnes de sensibilisation possibles, mais rien ne remplace la rencontre pour faire tomber certaines représentations. Cet état d'esprit doit s'installer dans la durée.
Vous nous avez aussi interrogés sur l'effort de communication des institutions publiques à l'égard des personnes souffrant d'un handicap sensoriel. Nous n'aimons pas le mot « souffrant » et nous préférons parler de personnes « ayant » un handicap sensoriel. Sur ce point, je vais laisser Marc Labaye, Dalibor Kavaz et Marie-Annick Carian vous répondre.