Intervention de Nicolas Merille

Réunion du mardi 27 mars 2018 à 9h40
Groupe de travail sur les conditions de travail à l'assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

Nicolas Merille, conseiller national accessibilité et conception universelle à l'APF :

J'aimerais ajouter un mot sur la mise en accessibilité de l'hémicycle. L'ancien ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, était en fauteuil roulant et, a priori, il n'avait pas de problèmes d'accessibilité. En France, je crains qu'une personne ne soit pas choisie pour occuper une fonction, non pas parce qu'elle n'aurait pas les compétences politiques requises, mais en raison du manque d'accessibilité des infrastructures.

Je vais vous citer un exemple qui n'a rien à voir avec le milieu politique et dont j'ai eu connaissance il y a une quinzaine de jours. Un brillant étudiant français de vingt-deux ans, qui revient des États-Unis et qui est bilingue, a voulu intégrer l'École supérieure de journalisme de Paris. Lors de la réception de son dossier par messagerie électronique, on lui a dit : « Monsieur, vous êtes très bon, on vous attend. » Lorsqu'il a annoncé qu'il était en fauteuil, l'école a décidé de ne pas l'intégrer au motif qu'elle n'avait pas terminé les études techniques destinées à mettre ses bâtiments en accessibilité. Il y a trois ans que l'école aurait dû déposer son dossier pour les Ad'AP. On soupçonne qu'elle ne l'a pas fait.

Il y a en France un problème culturel avec le handicap, et le cas de ce jeune homme en donne une nouvelle illustration. Dans un pays anglo-saxon, il ne viendrait jamais à l'idée de quelqu'un de refuser la participation d'une personne au motif de l'inaccessibilité des infrastructures. Ces pays pratiquent une tolérance zéro en la matière et ils cherchent, avant tout, à favoriser la participation.

Il faut anticiper l'élection éventuelle de députés déficients, quelles que soient les déficiences, pour pouvoir s'adapter. Il faut anticiper des problèmes qui peuvent être très techniques et basiques. Comme M. Botton l'expliquait, un député en fauteuil roulant sera, dans l'hémicycle, placé en bas de la tribune, au point qu'il lui sera difficile de voir le président. Outre cette gêne, se pose aussi la question de l'appartenance à son groupe. Ce député acceptera-t-il d'être séparé de son groupe ? Cela pose des questions de sensibilité, de déontologie républicaine.

Je vous remercie d'avoir soulevé la question des débats électoraux. En 2014, la députée Dominique Orliac et la sénatrice Jacqueline Gourault avaient été chargées d'une mission sur l'accessibilité électorale des personnes en situation de handicap. Il serait intéressant de se référer à leur rapport, rendu en juillet 2014, même si nous en critiquons le côté volontariste sans sanction. Trois lois ont été adoptées en quarante-trois ans. À la lueur de cette expérience, on se rend compte qu'il est difficile d'avancer si l'on ne manie pas la carotte et le bâton.

Lors des débats électoraux, certaines mesures sont décidées et les gens concernés ne restent pas totalement inactifs. Cependant, nous demandons au CNCPH de revisiter trois mémentos à l'attention des organisateurs de scrutin, à chaque élection. Selon le ministère de l'intérieur, les organisateurs de scrutin doivent respecter une soixantaine de circulaires. Au milieu de toute cette masse d'informations, l'accessibilité passe un peu à la trappe. Malgré les progrès enregistrés, il faut encore améliorer la prise en compte de toutes les déficiences au moment de l'organisation des meetings ou de la construction des sites internet des candidats. Les meetings sont parfois inaccessibles, et pas uniquement pour les personnes en fauteuil roulant ; il n'y a pas forcément de traducteurs en langue des signes et de vélotypie. Comme le problème se retrouve d'une élection à l'autre, nous proposons de conditionner une partie des dotations publiques que reçoivent les partis politiques à leur prise en compte de l'accessibilité.

Qu'en est-il de l'éligibilité des personnes en situation de handicap ? Leur accès à des mandats politiques est-il favorisé ? Nous en sommes encore loin.

Si un ou plusieurs référents handicap étaient institués à l'Assemblée nationale, l'APF serait ravie et enthousiasmée de participer à leur formation et à leur sensibilisation.

S'agissant de la prise en compte des handicaps sensoriels, les institutions ont encore beaucoup de progrès à faire, notamment en termes d'accessibilité numérique. Les sites internet devaient être accessibles depuis 2012. Or la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC) a établi un plan pour les dix principaux sites de l'État à rendre accessibles en priorité. Il n'est plus question que de dix sites internet gouvernementaux, ce qui nous amène à nous poser des questions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.