Intervention de Dominique Gillot

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 9h00
Groupe de travail sur les conditions de travail à l'assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) :

L'accessibilité numérique est une obligation qui ne souffre pas de dérogations. Or, on a bien du mal à le faire reconnaître. La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a avancé sur le sujet, avec des articles très précis, mais les décrets ne sont toujours pas sortis. La secrétaire d'État au numérique de l'époque nous disait que ce n'était pas la peine, car il y aurait des directives européennes. On y est tout de même parvenus, au Sénat. L'obligation d'accessibilité de tous les sites internet et intranet des services publics, ainsi que la mise en place de plateformes téléphoniques pour les personnes sourdes et aphasiques sont passées, mais les décrets ne sont toujours pas sortis.

Je viens de voir que, dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, deux articles transposent des directives européennes sur l'accessibilité des sites internet et sur l'autorisation pour les personnes handicapées de transposer des documents écrits. C'est le minimum minimorum, mais cela ne suffit pas. Si j'étais encore parlementaire, j'écrirais un amendement pour interdire la commercialisation de logiciels qui ne seraient pas « natifs accessibles ». C'est possible et c'est même un facteur de réussite économique. Quand les producteurs de logiciels prétendent que c'est impossible, trop compliqué et vendent des logiciels non accessibles, c'est une faute grave, qui devrait être interdite. Facebook, Google ont dans leurs équipes des personnes handicapées, ce qui leur permet de développer des algorithmes qui ont certes leurs défauts, mais au moins pas ce biais-là.

Il faut bien sûr utiliser le « Facile à lire et à comprendre » (FALC), pour permettre à tout le monde de comprendre, et interdire les logiciels qui ne soient pas « natifs accessibles ». Les personnes aveugles, dyslexiques ou autres ont des applications qui leur permettent de traduire le message, mais il faut que ce soit possible. L'année dernière, au ministère de l'intérieur, au moment de la préparation des élections, le CNCPH s'est montré exigeant quant à l'accessibilité des sites d'information. On me disait que tout allait très bien. Un aveugle était avec moi et a pu constater que les formats utilisés n'étaient pas transmissibles.

Un argument souvent opposé est celui du coût. Or, c'est l'adaptation d'un site qui coûte cher, tandis que, s'ils sont d'emblée conçus pour être « natifs accessibles », cela ne coûte pas plus cher et permet, au contraire, au diffuseur d'avoir un marché plus large tout de suite.

Un autre sujet, c'est que des publications disparaissent, notamment en médecine, et ne sont pas traduites en braille ou autre, ce qui est dommage car des professionnels, médecins, kinésithérapeutes, se trouvent privés d'accès à la culture scientifique du fait d'une numérisation qui ne leur est pas accessible.

Pour que ce travail soit accompli, il faut que vous ayez dans vos équipes des personnes avec ces handicaps, pas forcément à tout moment, mais de façon à pouvoir faire appel à elles. Quand vous décidez de changer un système d'information, il faut le concevoir avec les personnes qui l'utiliseront.

En ce qui concerne l'accès aux bâtiments publics, j'ai le sentiment que c'est déjà bien avancé à l'Assemblée nationale pour les personnes en fauteuil roulant, mais pensez aussi aux personnes qui ont des problèmes de désorientation ou de communication, donc à la signalisation. Des audioguides permettent aux personnes aveugles, ou même dyslexiques ou encore dysphasiques, de se repérer dans l'environnement. Il faut penser à tout. Ce qui compte, c'est l'accessibilité de conception universelle, et pas seulement pour les personnes en fauteuil roulant, car on peut montrer des factures très élevées pour dire que tout a été fait et, pourtant, avoir encore des personnes qui restent à la porte.

Il faut généraliser le FALC. Dans le CIH de 2016, il avait été préconisé que l'exposé des motifs des lois soit rédigé en FALC. Cela a été fait pour la loi « El Khomri » ; je n'ai pas connaissance que cela se soit fait depuis lors. Il existe pourtant des associations dont c'est la spécialité et qui sont capables de le faire : l'UNAPEI et la Croix-Rouge. Allez-y, faites appel à eux.

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