Groupe de travail sur les conditions de travail à l'assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • FIPHFP
  • accessibilité
  • handicapée
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La réunion

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GROUPE DE TRAVAIL N° 2 – LES CONDITIONS DE TRAVAIL À L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE STATUT DES COLLABORATEURS PARLEMENTAIRES

Mardi 10 avril 2018

Présidence de M. Michel Larive, président du groupe de travail

La réunion commence à neuf heures.

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Madame la rapporteure, mes chers collègues, comme tous les mardis depuis près de deux mois, nous poursuivons nos travaux sur la prise en compte du handicap à l'Assemblée nationale. Mardi dernier, nous avons entamé nos échanges avec des acteurs institutionnels. Aujourd'hui, nous les poursuivons en recevant Mesdames Christelle de Batz, secrétaire générale du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), et Nathalie Dross-Lejard, déléguée aux employeurs publics et partenaires nationaux du FIPHFP. Nous recevrons ensuite la présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Nous avons déjà reçu les syndicats des personnels de l'Assemblée nationale, les organisations représentant les collaborateurs parlementaires, les représentants du Réseau GESAT, les principales associations défendant les intérêts des personnes handicapées, ainsi que les ministères investis sur cette question, ou encore le Comité interministériel du handicap (CIH). D'ici la fin du mois de mai, notre groupe de travail entendra les services de l'Assemblée nationale plus spécialement concernés par la prise en compte du handicap.

Comme les six autres groupes de travail, nous remettrons ensuite nos propositions au Bureau de l'Assemblée nationale et espérons qu'elles aboutiront au renforcement de l'ouverture de notre assemblée aux personnes en situation de handicap.

Le FIPHFP aide les employeurs publics à remplir leurs engagements vis-à-vis des personnes en situation de handicap et à atteindre le taux légal d'emploi de 6 %. Ce fonds repose sur des financements et des partenariats incitant les employeurs des trois fonctions publiques à développer des politiques d'inclusion professionnelle ambitieuses au profit des personnes handicapées et à faire changer le regard que nous portons sur ces personnes. Il mène des actions dans des domaines variés : il finance les actions des employeurs pour améliorer l'accessibilité des locaux professionnels et des outils de travail, mais soutient également le recrutement, la formation, l'accompagnement professionnel et le maintien dans l'emploi des agents qui connaissent une situation de handicap.

Votre expérience concrète au sein des fonctions publiques éclairera l'Assemblée nationale et l'aidera sans aucun doute à progresser dans sa prise en compte du handicap – toutes les propositions que vous pourrez formuler seront bienvenues.

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Nathalie Dross-Lejard, déléguée aux employeurs publics et partenaires nationaux du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP)

Je suis déléguée aux employeurs publics et aux partenaires nationaux depuis décembre 2013. J'accompagne les ministères et les grands comptes de l'État – tous les employeurs publics de plus de 1 000 agents. Les plus petites structures publiques peuvent difficilement structurer une politique en signant une convention et mettre en place une véritable politique d'insertion.

Le FIPHFP propose des prestations ponctuelles aux employeurs publics – c'est une plateforme pour les plus petits employeurs, lorsqu'ils ont besoin d'accompagner un ou deux agents – mais il développe surtout le conventionnement. Lorsqu'un employeur veut structurer sa politique handicap, la convention permet de fixer des objectifs de recrutement de 6 % en flux – pris en compte dans la gestion prévisionnelle des emplois – mais aussi des engagements de recrutement et de maintien dans l'emploi. Au sein de la structure, ces engagements doivent être portés au plus haut niveau : si le référent est seul, il ne sera pas accompagné tout au long du processus de conventionnement. C'est donc un mécanisme à la fois contraignant et valorisant : il améliore en général le dialogue social au sein de la structure car le FIPHFP est très attaché à la co-construction – notamment avec les organisations syndicales. Notre fonds est tripartite et comprend des représentants des employeurs publics, des organisations syndicales et des associations de personnes handicapées.

Quand un employeur public décide de conventionner, il présente son projet devant les trois collèges de notre comité national, qui vote ensuite. En amont, mon travail consiste donc à l'accompagner pour que cette présentation soit fructueuse. La convention triennale alors signée comporte un engagement de préfinancement de la politique handicap de l'employeur pour trois ans.

Un employeur qui se présente devant nous a déjà structuré sa politique handicap – avec un plan triennal et des personnels dédiés, chargés à la fois des déclarations et des aspects financiers, mais surtout de l'accompagnement du collectif et des agents en situation de handicap. Ces personnels constituent les référents handicap de la structure.

Nous constatons une professionnalisation croissante du métier de référent, alors qu'il s'agissait par le passé de personnels disposant d'une appétence pour les questions sociales. Ils sont désormais de plus en plus qualifiés – certains diplômes universitaires (DU) forment au métier de référent handicap – et travaillent au sein des services de gestion des ressources humaines. Ils sont parfaitement informés de la législation sur le handicap, des obligations d'aménagements raisonnables et ont parfois des notions d'ergonomie, afin de contribuer à l'aménagement des postes.

Ma mission consiste à expliquer aux employeurs publics qu'il est préférable de concevoir une politique handicap durable plutôt que de recourir ponctuellement aux offres du catalogue.

Nous avons développé de nombreux partenariats nationaux : avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) – organismes de formation –, nous gérons les reclassements ou repositionnements des agents en situation de handicap qui ne sont plus capables d'exercer leur métier. Le FIPHFP finance les formations de reconversion ou de reclassement de ces personnels.

Nous avons également développé un partenariat avec l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) – le fond du secteur privé – du fait d'une obligation légale datant de 2008. Nous le renouvelons régulièrement – la dernière fois, c'était l'an dernier. L'AGEFIPH existant depuis 1987, ce partenariat nous permet de mutualiser principalement quatre types de services. En premier lieu, les organismes de placement spécialisés CAP Emploi : depuis l'entrée en application de l'article 101 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, ils ont été fusionnés avec les services d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (SAMETH).

En deuxième lieu, l'emploi accompagné : l'article 52 de la loi précitée l'encadre. Je participe au groupe de travail de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) du ministère du travail chargé de sa mise en œuvre des « référents emploi accompagné ». Ces job coachs viennent sur le lieu de travail pour aider la personne à s'insérer ou à se maintenir dans l'emploi, mais également pour former le collectif afin que les choses se passent bien.

En troisième lieu, COMETE France : cette association gère une cinquantaine d'hôpitaux spécialisés sur le territoire, dédiés aux personnes souffrant d'un important traumatisme. Elle les aide à construire un projet professionnel compatible avec leur état de santé.

Enfin, ce partenariat nous permet de former les demandeurs d'emploi en situation de handicap.

En outre, par le biais des organismes de placement spécialisé (OPS), nous pouvons également prescrire des études ergonomiques – les fameuses études préalables à l'aménagement/adaptation des situations de travail (EPAAST) –, ou les études appelées prestations ponctuelles spécifiques (PPS), qui peuvent être réalisées pour tous types de handicap – moteur, visuel, auditif.

Concernant l'accessibilité, nous avons financé l'accessibilité des bâtiments jusqu'à fin 2017, mais en raison de l'attrition des ressources du FIPHFP – le taux d'emploi des personnes handicapées progressant, il est victime de son succès –, nous avons dû abandonner cette expérimentation, menée depuis 2011. Nous avons uniquement maintenu une aide à l'accessibilité au poste de travail pour les agents bénéficiaires d'une obligation d'emploi identifiée. Nous intervenons jusqu'à 15 000 euros pour financer une place PMR, des nez de marche, des boutons sonores, etc.

Nous orientons désormais nos aides vers l'accessibilité numérique. Ce programme est innovant et démarre doucement, car le décret d'application de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique – dite « loi Lemaire » – n'est pas paru. Les employeurs publics n'ont donc pour le moment aucune obligation de rendre leur site internet ou leur intranet accessibles. Pour autant, le catalogue du FIPHFP propose déjà des offres afin d'inciter les employeurs à passer aux bonnes pratiques.

Au quotidien, je ne travaille pas seule. Certes, nous sommes une petite structure, mais les dispositions du décret du 3 mai 2006 relatif au FIPHFP prévoient que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) se charge de notre gestion administrative et financière. En conséquence, une soixantaine d'agents de la direction des retraites et de la solidarité de la CDC travaille à nos côtés et gère les fonctions supports – recouvrement, déclaration, paiement des conventions, contrôle de gestion, aspects juridiques et communication, paiements des aides.

Nous disposons également de treize délégués territoriaux au handicap, travaillant au sein des directions régionales de la CDC. Ce sont nos ambassadeurs en région : ils approchent les employeurs publics sur le territoire – principalement ceux de la fonction publique territoriale ou hospitalière – pour les inciter à conventionner. Notre délégué en région parisienne s'occupe ainsi des hôpitaux et des collectivités locales. En outre, ils travaillent avec les établissements publics nationaux dont le siège est en région, l'objectif étant de rester au plus près des territoires.

Comme c'est le cas au niveau national, les employeurs publics de ces territoires se présentent devant un comité local tripartite – collèges employeur, employé et associatif – présidé par le délégué territorial au handicap, qui en assure le secrétariat. Les dossiers sont présentés et votés de la même façon qu'auprès du comité national.

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Christelle de Batz, secrétaire générale du FIPHFP

J'ajouterai un point intéressant : j'assistais hier au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Nous avons été informés que des dispositions vont être insérées dans le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel afin que les sites internet et logiciels des établissements publics et entreprises privées fournissant des services d'intérêt général deviennent accessibles, notamment pour ne pas pénaliser les personnes déficientes visuelles.

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Je souhaiterais que vous reveniez sur un point que vous avez déjà abordé : comment sont distribuées les contributions versées par les administrations publiques ne respectant pas l'obligation d'emploi de 6 % de personnels handicapés ? Quelles actions concrètes ces contributions financent-elles ? Y a-t-il des critères spécifiques ?

Quels sont les obstacles les plus fréquents rencontrés par les personnes en situation de handicap sur leur lieu de travail ? Les administrations publiques ont-elles plus de difficultés que les entreprises à proposer des emplois aux personnes handicapées ? Si oui, pour quelles raisons ?

Au sein d'une institution publique comme l'Assemblée nationale, certains métiers vous paraissent-ils plus adaptés que d'autres à l'emploi de personnels présentant des handicaps mentaux ?

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Nathalie Dross-Lejard, déléguée aux employeurs publics et partenaires nationaux du FIPHFP

Les règles de distribution des contributions sont définies par notre comité national, dans le respect de la loi et des décrets d'application. En fonction de nos contraintes budgétaires, les membres du comité national fixent ensuite des plafonds.

Quels sont les obstacles les plus fréquemment rencontrés par les personnes en situation de handicap ? Elles en connaissent dès l'accès au premier poste, les difficultés étant patentes dès la fin des études. Peut-être leur parcours – de la mission locale au CAP Emploi – n'est-il pas suffisamment fléché et sans doute sont-ils mal informés des possibilités d'entrer dans la fonction publique sans concours – selon les termes de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et des articles 27 et 38 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

Après recrutement, les difficultés peuvent venir d'un défaut ou de retards dans l'aménagement du poste de travail. Si la personne n'est pas correctement accompagnée, elle s'épuisera vite. De même, le manque d'accessibilité aux locaux professionnels constitue évidemment un obstacle pour les personnes souffrant d'un handicap moteur.

Par ailleurs, le défaut de sensibilisation du collectif de travail et des responsables peut être particulièrement pénalisant. En effet, chaque type de handicap est particulier et peut nécessiter des compensations plus ou moins bien comprises par le collectif ou les responsables, qui peuvent l'assimiler à du favoritisme. Cela peut également engendrer des freins à la progression de carrière. Certains ministères ont évalué que leurs cadres en situation de handicap avaient moins vite progressé que la cohorte globale des cadres et ont mis en place des mesures correctives.

En effet, ce n'est pas parce qu'une personne a un handicap qu'elle ne peut pas être promue ou exercer de nouvelles compétences. Il ne faut pas oublier de l'accompagner, de lui proposer des formations tout au long de sa carrière professionnelle. C'est tout l'intérêt de la professionnalisation du référent handicap : il est chargé de prendre en compte tous ces aspects lors de l'accueil d'une personne en situation de handicap.

Les administrations publiques ont-elles plus de mal que les entreprises à proposer des emplois aux personnes handicapées ? La question ne se pose en réalité pas en ces termes… Les personnels du secteur public sont plus âgés. Certaines administrations ne recrutent pas ou peu du fait de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC). Les postes budgétaires ne sont donc pas ouverts… Par ailleurs, l'administration a une culture de maintien dans l'emploi, alors que l'AGEFIPH propose une aide au recrutement, l'employeur prenant ensuite le relais.

Malgré tout, nous continuons à inciter les employeurs publics à recruter, notamment par le biais de l'apprentissage. Notre catalogue propose des aides très intéressantes pour l'employeur : nous prenons en charge 80 % du coût salarial chargé d'un apprenti en situation de handicap. L'apprenti peut ensuite être recruté sans passer le concours selon les termes des articles 27 ou 38 des statuts précités. L'apprentissage est un vecteur de recrutement pour les jeunes en situation de handicap dans les collectivités locales, car elles disposent d'une importante palette de métiers qui s'y prêtent bien. Nous essayons de le promouvoir et de le valoriser.

Depuis dix ans, le taux d'emploi des personnes en situation de handicap n'a cessé de progresser dans la fonction publique, passant de 3,74 % à 5,49 %. Cette progression n'est pas uniquement liée à des recrutements, mais aussi à la reconnaissance du handicap de certains personnels au cours de leur vie professionnelle.

Quels sont les emplois les mieux adaptés pour des personnes en situation de handicap intellectuel ? Les postes de cuisiniers, jardiniers, blanchisseurs ou la distribution du courrier peuvent être adaptés, mais il convient d'individualiser les solutions et les accompagnements. Les personnes qui présentent un handicap intellectuel se fatiguent vite – elles ont une capacité de travail réduite d'environ deux tiers – et sont généralement orientées vers le milieu protégé – les établissements et services d'aide par le travail (ESAT).

La personne voudra bien faire à tout prix ; cela va lui demander beaucoup d'énergie. Or il ne faut pas qu'elle s'épuise : il faut donc lui transmettre des consignes claires et faciles à comprendre. Le langage Facile à lire et à comprendre (FALC) développé par l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (anciennement Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés – UNAPEI) est clair et précis – constitué de schémas et de pictogrammes. Il permet à ces personnes de travailler dans un environnement sécurisant. En effet, l'accès à l'écriture ne leur est pas toujours évident.

Le collectif de travail et les responsables doivent être sensibilisés. Il faut également veiller à la socialisation de cette personne et à son accompagnement socio-éducatif. Dans un environnement de travail ordinaire, elle n'est plus entourée de ses pairs, de personnes qui ont la même capacité de travail qu'elle. Elle réussit moins facilement et les échanges avec ses collègues, au moment des pauses ou des repas, peuvent être moins riches. Il est plus difficile de tisser des amitiés et il peut lui arriver de manger seule.

En ESAT, des heures de formation sont prévues sur le temps de travail pour apprendre, par exemple, à mesurer ou à faire sa toilette. Ces apprentissages très concrets aident la personne dans son quotidien. Or elle n'en dispose plus en milieu ordinaire de travail. Il faut le prendre en compte et faire en sorte de maintenir ces temps de formation en ESAT, ou dans des milieux où elle pourra continuer à se socialiser et à échanger.

Par le biais de notre convention avec l'AGEFIPH, il est possible de demander une prestation ponctuelle spécifique (PPS) handicap mental, afin de réaliser une étude préalable avant d'accueillir ces personnes. Le Club Action et Recherche Insertion et Handicap psychique ou Mental (ARIHM), attributaire de la PPS, réalise ce type d'étude à Paris.

L'emploi accompagné, précité, permet de faire venir un job coach sur prescription de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). Ce dispositif étant nouveau, les délais et le nombre limité de places restreignent son accès.

Par ailleurs, le catalogue du FIPHFP – page 77 – propose également un accompagnement pour les personnes en situation de handicap mental, psychique ou cognitif, sur prescription du médecin de prévention – sans recours à la MDPH. Nous pouvons alors mobiliser une aide équivalente – référent handicap emploi accompagné ou étude PPS.

Enfin, les tuteurs, internes à la structure, peuvent être une dernière solution.

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Quels aménagements des postes de travail des personnes en situation de handicap suggéreriez-vous de mettre en œuvre à l'Assemblée nationale ?

Quels types d'aides et d'accompagnement humain le FIPHFP peut-il financer pour les personnels handicapés ? Pour favoriser l'intégration dans l'emploi de la personne handicapée, pourrait-on envisager de recourir temporairement à un tuteur interne ? Vous l'avez brièvement évoqué, mais je souhaiterais que vous le développiez.

Quel est le rôle de la MDPH, qui semble important, dans la prise de décision ?

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Nathalie Dross-Lejard, déléguée aux employeurs publics et partenaires nationaux du FIPHFP

L'emploi accompagné est effectivement confié à l'orientation de la MDPH. Pour les autres accompagnements, dès lors que l'agent est reconnu comme travailleur handicapé au titre de la RQTH ou statutairement comme agent reclassé, par exemple (ce qui est considéré comme une situation de handicap), c'est le médecin du travail ou de prévention qui fait la prescription, et c'est à partir de là que peuvent être mobilisées toutes les aides du catalogue

Nous disposons d'une large palette de modalités d'accompagnement ou d'intervention sous forme d'aide technique, d'aide humaine, d'aide à la formation, d'aide à la sensibilisation, mais également dans tous les domaines de l'accessibilité numérique et au poste de travail, car désormais la FIPHFP n'intervient plus que sur le poste de travail de l'agent. Toutes ces palettes d'aide sont mobilisables, dès lors que le médecin de prévention a prescrit ce type d'aménagement ou d'aide. C'est donc l'employeur qui décide, sur préconisation du médecin de prévention, et la clé d'entrée est l'employeur ; le FIPHFP ne verse jamais une aide directement à l'agent, il passe toujours par l'employeur et, notamment lorsque la plateforme des aides a instruit des demandes ponctuelles, il demande copie de l'acte de reconnaissance de la personne pour savoir si elle est éligible, la prescription, la copie de la prescription du médecin de prévention, ainsi que les factures de l'aménagement, afin de rembourser en fonction du plafond figurant dans notre catalogue.

S'agissant des aides humaines, on peut mettre en place l'accompagnement des auxiliaires de vie professionnelle et personnelle, qui concerne le soutien quotidien pour aider l'agent à accomplir ses tâches, ou des accompagnements plus « psychiques », à destination des personnes en situation de handicap mental, cognitifs ou psychiques. Cela consiste en l'évaluation des capacités professionnelles, le soutien médico-psychologique, et ensuite l'accompagnement sur le lieu de travail assuré par un service spécialisé externe à l'employeur, un référent handicap. Ce dernier ne relève pas de l'emploi accompagné, tel que décrit par l'article 52 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, puisque c'est sur prescription de la MDH, mais d'une aide figurant dans le catalogue du FIPHFP depuis sa création.

Cette aide est moins connue, parce que les employeurs n'y ont pas toujours recours, mais elle est désormais toujours plus mobilisée, parce que le handicap psychique est beaucoup plus pris en compte qu'il y a quelques années.

Les employeurs réalisent que cette aide peut être très utile pour maintenir en emploi une personne en situation de handicap psychique. Et c'est donc la prescription du médecin de prévention qui détermine qu'une personne a besoin d'un accompagnement de tant de jours par semaine, pour tel type d'accompagnement.

Par ailleurs, l'aide au tutorat est tout à fait mobilisable, notamment dans le cas d'une première année de recrutement, de reclassement ou de reconversion d'un agent en situation de handicap, afin de concourir à une bonne adaptation.

Cette aide peut encore être mobilisée pour un apprenti ou une personne effectuant un service civique ; dans ce cas la prestation est plus ponctuelle et ne dure que le temps de l'accueil de l'intéressé. À cet effet, le catalogue prévoit des plafonds, et ce sont des agents internes qui sont désignés comme tuteurs. Ils peuvent également bénéficier d'une formation au tutorat, s'ils le souhaitent.

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Avez-vous constaté un effort récent dans la communication des institutions publiques à destination des personnes souffrant d'un handicap sensoriel, surdité et cécité notamment, ou d'un handicap mental ? Quelles adaptations recommanderiez-vous à l'Assemblée ?

Le FIPHFP peut-il prendre en charge des frais d'interprétariat en langue des signes ou le coût de certaines interfaces de communication utilisées par des administrations publiques au profit des personnes en situation de handicap sensoriel ?

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Nathalie Dross-Lejard, déléguée aux employeurs publics et partenaires nationaux du FIPHFP

En ce qui concerne la cécité et la surdité, de façon assez remarquable, Pôle emploi, en tant qu'employeur public – et non en tant que service public de l'emploi puisqu'il est un établissement public assujetti au FIPA –, a développé des aides techniques qui constituent des plateformes de communication pour usagers sourds, ainsi que pour leurs agences « situation de handicap ». Ces aides concernent également des sites internet accessibles et des intranets « métiers » pour les agents en situation de handicap.

Pôle emploi a aussi mis en place ce qu'on appelle des script web access for NDVA – acronyme de Non Visual Desktop Access ‑, l'équivalent de JAWS – acronyme de Job Access With Speech ‑ pour Windows. Ces logiciels LibreOffice peuvent être compatibles avec les scripts NDVA.

J'avoue avoir été impressionnée par une démonstration : une personne faisait l'assistance téléphonique à Pôle Emploi pour répondre aux usagers sur leurs droits, en parvenant à lire l'interface aussi vite qu'une personne voyante grâce à de petits scripts, c'est‑à‑dire qu'au lieu de tout lire longuement (y compris les virgules), elle accédait directement à l'information recherchée. Il est vrai que pouvoir surfer sur internet à la même vitesse qu'une personne voyante pour les applications métier, signifie pour les intéressés la possibilité d'effectuer une mobilité géographique au sein d'une autre agence de Pôle Emploi, en étant assurés de retrouver les mêmes outils.

Je tenais à le signaler, car il serait bon que tous les employeurs publics puissent proposer un tel degré d'accessibilité.

Nous constatons par ailleurs que les sites internet publics d'information deviennent toujours plus accessibles, comme Légifrance avec www.service-public.gouv.fr ou le site de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), pour lequel ne manquaient plus que des traductions en langue française des signes (LSF) à l'intention des personnes sourdes lorsqu'elles regardaient le tutoriel.

Il est vrai qu'il faut toujours penser à tout, mais ce n'est pas évident lorsque l'on démarre ; en outre, des règles de sécurité font que l'on est parfois pris entre le marteau et l'enclume, parce qu'il faut faire en sorte que le site soit protégé des agressions tout en demeurant accessible, ce qui est très compliqué. Ces usages se répandent, mais beaucoup de chemin reste encore à parcourir ; il faut penser à l'accessibilité dès le début lorsque l'on construit un site, faute de quoi on se trouve confronté à de sérieuses difficultés.

De son côté, le langage facile à lire et à comprendre (FALC) est moins utilisé et moins automatique. Le Défenseur des droits avait pour projet la mise en ligne d'une partie de son site en FALC ; j'ignore l'état d'avancement de cette initiative, mais il nous avait approchés pour nous en faire part. Certaines fiches pourraient être présentées en FALC ; certaines parties du site internet de Pôle emploi le sont d'ailleurs déjà ; et l'établissement souhaite poursuivre, car cette présentation, claire et facile à comprendre, s'avère très utile, ce qui prouve que ce type d'aménagements prévus pour le handicap bénéficie à tous.

S'agissant de l'Assemblée nationale, si vous souhaitez améliorer l'accessibilité de votre site internet, vous pouvez prendre l'attache la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC). Nous travaillons avec Bénédicte Roullier, responsable du département numérique au secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), et Antoine Cao, directeur du programme accessibilité numérique à la DINSIC, qui aident les administrations publiques à améliorer leur accessibilité dans ce domaine.

Vos techniciens pourraient valablement rencontrer ceux de Pôle emploi, passer une convention de coopération avec eux pour une expérimentation temporaire. Ils sont prêts à partager leurs scripts web access gratuitement avec tous les employeurs publics qui le souhaitent. Le partage de bonnes pratiques a la vertu de faire bouger les lignes et évite de devoir réinventer dans son coin une solution alors que l'on peut bénéficier d'une mutualisation.

À votre question portant sur la langue des signes, je répondrai que le coût des interfaces de communication proposées par notre catalogue est de l'ordre de 80 euros de l'heure, et qu'à partir du mois de mai prochain, nous offrirons une participation au financement de visio-interprétation en langue des signes, à hauteur de 60 % de la dépense, qui sera plafonnée à 6 000 euros par an. Nous voulons concurrencer des plateformes de services comme Taddeo notamment, qui coûte environ 9 000 euros par an et s'adresse à de gros ministères ; nous souhaitons donc inciter les administrations à recourir notre offre dans ce domaine.

Notre idée est de proposer un cofinancement incitatif, afin que les employeurs ne se freinent pas et contractent des abonnements à l'intention de leurs agents.

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Quel serait l'intérêt, pour un employeur public tel que l'Assemblée nationale, de conclure une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens avec le FIPHFP ?

Le FIPHFP pourrait-il prendre en charge la réalisation de certains travaux renforçant l'accessibilité des locaux professionnels de l'Assemblée nationale, souvent contraints par les règles de protection du patrimoine historique ?

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Nathalie Dross-Lejard, déléguée aux employeurs publics et partenaires nationaux du FIPHFP

L'intérêt d'une convention, pour un employeur public, est de concrétiser son projet d'engagement, de mettre en place une politique du handicap structurée pour plusieurs années, de changer le regard et de renforcer la lisibilité de sa politique dans ce domaine, mais aussi savoir de se doter d'objectifs « contraignant » d'accueil de plus de 6 % de personnes en situation de handicap, dans le cadre la gestion prévisionnelle des emplois et compétences.

C'est encore une cohérence de l'action, la déclinaison d'un plan pluriannuel, souvent adossé à un accord « handicap » qui est négocié avec les organisations syndicales, c'est un outil dialogue social avec votre comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), car c'est ensuite l'occasion de faire un suivi de la convention et puis de co‑construire un projet. C'est bénéficier d'une intervention du FIPHFP qui préfinance pour un tiers au moment de la signature. Ensuite, en fonction des dépenses, l'administration demande l'année suivante le budget dont elle estime avoir besoin.

Cela permet aussi de mobiliser gratuitement l'aide conjointe, avec l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEPHIF), des organismes de placement spécialisés (OPS), de l'association Comète France ou encore de l'emploi accompagné.

Les offres de notre catalogue figurent dans les conventions, déclinées par des fiches actions, avec des plafonds estimatifs qui conduisent le référent handicap à se projeter sur trois ans, et à construire un budget.

Pendant six à neuf mois, nos équipes rencontrent les administrations, avant de passer devant la commission des interventions et le comité national. C'est le temps d'une gestation, mais les employeurs sont, en général, assez satisfaits : ils reviennent plutôt que d'abandonner. Certains nous rapportent que la mise en œuvre est contraignante, mais d'autres considèrent qu'elle a constitué une occasion de se structurer ; la démarche est donc globalement bénéfique.

Pour ce qui concerne les travaux d'accessibilité aux locaux professionnels, vous seriez venu nous voir plus tôt, nous vous aurions dit oui ; en revanche, nous pouvons toujours mobiliser les fameux 15 000 euros par bénéficiaire identifié. Il faut donc que le médecin de prévention ait formulé une préconisation pour la personne indiquant que, pour monsieur untel, il faudra une place de stationnement à destination des personnes à mobilité réduite (PMR), une rampe d'accès, etc., jusqu'à hauteur de 15 000 euros. Le FIPHFP cofinancera la place PMR, la rampe d'accès, éventuellement un monte-personne, ce qui peut entrer dans le budget lorsqu'il s'agit de deux ou trois marches.

Toutefois, notre comité national a décidé d'abandonner ce programme au profit d'une plus forte concentration de nos fonds sur l'accessibilité numérique.

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Vous avez évoqué des documents de référence. Dans quelle mesure sont-ils accessibles ?

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Nathalie Dross-Lejard, déléguée aux employeurs publics et partenaires nationaux du FIPHFP

Ces documents sont accessibles sur notre site internet. Tel est le cas, en particulier, de notre catalogue, qui fait l'objet de mises à jour en permanence.

J'ai omis de mentionner les Handi-Pactes territoriaux, nous liant à des prestataires choisis sur appels d'offres, qui nous accompagnent dans la mise en œuvre de notre politique du handicap au sein des territoires. L'Assemblée nationale ne doit pas hésiter à s'abonner au Handi-Pacte Île-de-France, afin de participer à tous les événements que nous organisons, tels que des sessions sur l'apprentissage, le maintien dans l'emploi ou le reclassement, ou encore un job dating, qui sera bientôt organisé pour des apprentis en situation handicap.

Ces événements ont pour fonction de créer des liens au sein d'un territoire, de partager les bonnes pratiques ; ils ont parfois permis des mobilités entre fonctions publiques, dans le cas typique de l'infirmière qui ne peut plus exercer en milieu professionnel, mais qui va en université ou dans un collège exercer sa profession.

Ces sessions permettent aussi de se connaître ; tous ces outils sont au service de l'emploi, du maintien en emploi et de la qualification des acteurs.

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Christelle de Batz, secrétaire générale du FIPHFP

Du fait de l'augmentation des taux dans la fonction publique, nos moyens sont plus restreints qu'au début de l'existence du FIPHFP, dans les années 2010, où nos contributions étaient de l'ordre de 180 millions d'euros par an, alors qu'en 2017 elles sont retombées à 110 millions d'euros.

Par ailleurs, nos dotations régressent car les taux sont plus souvent atteints aujourd'hui. Nous avons donc dû beaucoup resserrer l'ensemble des aides.

Nous avons vraiment encadré les aides mais de manière à disposer d'aides communes pour l'ensemble des employeurs. Cela signifie que notre politique est uniforme : nous ne privilégions pas un employeur par rapport à un autre.

Nos règles sont préétablies, ensuite, en fonction de l'utilisation de la plateforme ou de la signature des conventions, pour lesquelles nous pouvons proposer des projets innovants et disposons d'une ligne budgétaire supplémentaire. Ainsi, si vous souhaitez conduire une action qui n'existe pas dans notre catalogue, mais que nous considérons comme innovante, nous pouvons vous aider à la financer

Pour une première convention, nous finançons également un peu de sensibilisation, de façon à ce que vous puissiez construire votre politique du handicap et développer correctement vos actions avec le référent handicap et la personne qui gérera la convention.

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Merci, Mesdames, pour toutes ces informations, qui nous seront précieuses pour l'établissement de notre rapport.

L'audition s'achève à neuf heures quarante-cinq.

Suspendue à neuf heures quarante-cinq, la réunion reprend à dix heures.

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Mes chers collègues, pour la seconde audition de la matinée, nous avons l'honneur de recevoir Mme Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Cette audition clôt la phase de nos travaux consacrée au recueil des expériences extérieures à l'Assemblée nationale. Dès la semaine prochaine, nous commencerons à entendre les services de l'Assemblée les plus directement concernés par la prise en compte du handicap.

Le CNCPH, créé par la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées, est une instance à caractère consultatif chargée d'assurer la participation des personnes handicapées à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques qui les concernent. À l'origine, cette instance était constituée des principales associations représentatives des personnes handicapées. Sa composition a ensuite été élargie aux représentants des organisations syndicales, des collectivités territoriales, ou de grandes institutions comme la Mutualité française et la Croix-Rouge. Il comprend actuellement 116 membres titulaires.

Le CNCPH peut être saisi pour avis de tout texte ayant des incidences sur la vie des personnes handicapées. Il peut aussi se saisir lui-même de toute question concernant la politique du handicap

Enfin, nous avons noté que le secrétariat du CNCPH est assuré par le secrétaire général du comité interministériel du handicap (CIH), M. Étienne Petitmengin, que nous avons auditionné mardi dernier.

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Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)

Monsieur le président, permettez-moi de revenir sur votre excellente description du CNCPH pour rectifier un oubli concernant sa composition. Un certain nombre de nouveaux membres qualifiés nous en effet rejoints : il s'agit de personnes reconnues dans la société civile, dont le témoignage et la parole peuvent être utiles s'agissant de la définition d'une politique publique en direction des personnes handicapées, de l'insertion ou de la citoyenneté des personnes handicapées.

Le Conseil, dont l'activité est intense, a retrouvé une nouvelle vie avec le rôle que lui a donné, en matière de concertation, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ces missions étaient auparavant assez fluctuantes. Le Conseil était présidé soit par un haut fonctionnaire, soit par un député, mais il n'avait pas l'activité régulière qui est la sienne actuellement.

Depuis un peu plus de deux ans que j'en suis la présidente, nous avons développé une dynamique forte. L'affluence des membres du Conseil est exceptionnelle, aussi bien lors de l'assemblée plénière mensuelle, que lors des commissions qui travaillent au moins au même rythme. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a d'ailleurs du mal à nous trouver des salles de réunion pouvant accueillir les experts délégués par les associations et les personnes en situation de handicap, pour lesquelles il faut parfois résoudre des questions logistiques.

Le CNCPH est très investi dans la co-construction des politiques publiques mises en œuvre dans le sillage de la parole forte du Président de la République, qui a annoncé que le handicap serait la priorité de son quinquennat.

Il faut avouer que nous nous sommes un petit peu fait « griller la politesse » par la lutte contre les violences faites aux femmes. La communication sur ce sujet a été meilleure, ainsi que l'appropriation par l'ensemble de la population. Nous avons parfois le sentiment que le handicap passe un peu « en deuxième rideau ».

La semaine dernière a néanmoins constitué un moment fort. La présentation de la stratégie nationale pour l'autisme a permis de s'inscrire dans la continuité des trois précédents plans – j'ai été très sensible à ce qu'a dit le Premier ministre à ce sujet –, tout en développant une stratégie tous azimuts, qui doit concerner l'ensemble des politiques publiques. Cela correspond parfaitement à nos objectifs et à nos missions.

Nous pouvons, d'une part, être saisis pour avis avant la publication de textes qui concernent la vie des personnes handicapées. À l'origine, nous devions veiller à la sortie des décrets relatifs à l'application de la loi de 2005. Aujourd'hui, ces textes ont presque tous été publiés – à l'exception de ce qui concerne la mise en accessibilité des entreprises –, et nous intervenons bien au-delà. En effet, toutes les lois devraient prendre en compte les personnes handicapées. Que ce soit lors de la précédente législature ou aujourd'hui, les conférences nationales du handicap et les conseils interministériels du handicap réaffirment, les uns après les autres, la nécessité que chaque texte législatif soit précédé d'une étude de son impact sur la vie des personnes handicapées. Bien évidemment, aujourd'hui, ce travail n'est pas fait.

Nous nous auto-saisissons, d'autre part, de sujets qui ne nous sont pas présentés. Nous exerçons ainsi une sorte de veille, car nous sommes fermement décidés à ce que tous les textes, qu'ils soient législatifs ou réglementaires, n'oublient pas la condition des personnes en situation de handicap.

Dans la liste indicative de questions que vous m'avez transmise préalablement à cette audition, vous me demandez quels sont nos interlocuteurs privilégiés.

Quarante associations fondatrices de la politique du handicap siègent au CNCPH, ainsi que les partenaires sociaux, qui sont extrêmement assidus, et des organismes publics ou privés qui œuvrent en faveur des personnes handicapées, – comme la Conférence des grandes écoles (CGE), la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI), la conférence des présidents d'universités (CPU), les centres de formation des jeunes handicapés, des fédérations de gestion d'établissements telles que la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP), mais aussi Nexem, la Croix-Rouge…

S'y ajoutent les personnalités qualifiées que j'évoquais en début d'audition. Au sein de nos commissions, vous trouvez aussi des personnes expertes, qui sont associées aux travaux sans disposer du droit de vote en séance plénière. Il s'agit souvent de professionnels issus des grandes associations ou des organismes que j'évoquais tout à l'heure, mais il peut aussi s'agir d'experts d'usage, qui souhaitent apporter volontairement et bénévolement leur contribution. Cela répond parfaitement à la volonté actuelle des organismes publics de recueillir la parole des personnes handicapées et de travailler à leur citoyenneté.

Changer de regard, c'est aussi changer d'approche, afin de ne plus considérer les personnes handicapées sous l'angle de leurs déficits, mais en prenant en compte leurs aptitudes et les compétences développées à partir du handicap. Sachant que plus de 80 % des handicaps sont acquis, la survenue du handicap au cours de la vie modifie les personnalités de gens, conduits à chercher au fond d'eux-mêmes des ressources qui seraient restées en jachère. Elles leur permettent de présenter des aptitudes, des compétences, voire des qualifications quelquefois hors normes, qui sont très utiles au développement économique, social et durable de notre société.

Ces éléments ne sont aujourd'hui pas suffisamment considérés. L'approche du handicap se fait toujours du point de vue de la déficience plutôt que de celui des compétences. Nous travaillons beaucoup sur le sujet avec les partenaires sociaux, les groupes et les clubs d'entreprises. Les entreprises sont particulièrement investies. Le futur projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, que présentera Mme Muriel Pénicaud, comporte d'ailleurs une mention relative aux entreprises particulièrement inclusives. Cette dimension est extrêmement importante.

Au-delà du respect de l'obligation d'emploi des personnes handicapées, on constate progressivement que les entreprises trouvent un intérêt économique et social au recrutement de personnes handicapées. Elles élargissent ainsi le vivier de leurs candidats, mais aussi leurs capacités de création. Dans une équipe, des personnes handicapées, des personnes neuro-différentes, des personnes avec des compétences et des intelligences atypiques garantissent que les produits fabriqués n'auront pas de biais d'exclusion des personnes à besoins spécifiques et qu'ils les satisferont. Autrement dit, elles assurent une meilleure attractivité et une meilleure efficacité économique des produits.

Par exemple, avec l'IPhone, conçu dès l'origine pour être accessible de manière universelle, les personnes handicapées n'ont pas de problème d'adaptation : elles peuvent accéder à toutes les fonctions de l'appareil grâce aux applications ordinaires. Malheureusement, tous les produits ne sont pas ainsi « natifs accessibles ». Pourtant, on a constaté que les « usagers extrêmes » faisaient progresser l'efficacité des services : la télécommande de la télévision a été créée par une personne avec un handicap moteur, coincée dans son fauteuil, qui ne pouvait pas se déplacer pour appuyer sur le bouton. Les inventions et les bidouillages destinés à dépasser le handicap sont nombreux à être entrés dans la vie quotidienne de tous – qui se passerait de télécommande aujourd'hui ? On pourrait faire la liste de tous ces produits.

Un certain nombre d'entreprises sont particulièrement investies. Le directeur général d'Andros, groupe du secteur de l'agroalimentaire, père d'un jeune adulte autiste non oralisé, a développé, dans l'un des sites de l'entreprise, une chaîne de production totalement adaptée aux personnes autistes. Aujourd'hui, onze personnes autistes non verbales bénéficient d'un contrat à durée indéterminée et participent à la production. Cette chaîne de production a été aménagée de manière très soigneuse par des professionnels de l'autisme, avec le soutien du secteur médico-social. Cela a créé beaucoup de curiosité et d'intérêt de la part des autres salariés qui ont demandé les mêmes aménagements. À Auneau, chez Andros, la qualité de vie au travail est devenue exceptionnelle. Le groupe tente d'essaimer cette pratique sur le territoire mais, d'un département à l'autre, la mobilisation des services publics et des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) n'est pas identique, ni leur façon d'envisager les choses. Cela complique les financements.

D'autres entreprises ont une démarche similaire, comme Auticonsult ou ASPertise, qui recrutent essentiellement des personnes autistes pour de l'expertise financière et informatique dans les entreprises. Les entreprises ont aussi compris l'intérêt d'embaucher des personnes avec des déficiences intellectuelles et des handicaps cognitifs, qui sont amenées à se mobiliser de manière peut-être un peu obsessionnelle sur des tâches répétitives à faible qualification – celles boudées par les personnes dites « sans handicap », et qui font l'objet d'un fort turnover.

Des relations importantes se nouent dans les partenariats avec des organismes et des associations qui encadrent ces personnes dans leur emploi à basse qualification – il s'agit bien de cela même si ces termes sont un peu péjoratifs. Ces emplois répondent à des besoins des entreprises, mais aussi à des besoins de socialisation. Les personnes concernées se portent beaucoup mieux quand elles sont au travail que lorsqu'elles sont confinées dans des établissements médico-sociaux ou des établissements ou services d'aide par le travail (ESAT) qui ne prennent pas la peine de leur proposer des activités productrices, et se contentent de mettre en place des activités occupationnelles qui ne stimulent pas le développement intellectuel.

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Quels sont les obstacles les plus fréquents rencontrés par les personnes en situation de handicap sur leur lieu de travail ? Les administrations publiques semblent avoir plus de mal que les entreprises pour leur proposer des emplois. Pour quelle raison, selon vous ?

Au sein d'une administration publique comme l'Assemblée nationale, certains métiers vous paraissent-ils particulièrement convenir à l'emploi de personnels présentant des handicaps moteurs, comme les tâches de rédaction, ou des handicaps mentaux, par exemple la gestion du courrier ? Devons-nous nous limiter à certains métiers ?

Lors du dernier comité interministériel pour le handicap (CIH), en septembre 2017, vous avez été chargée de réfléchir aux moyens de faciliter l'embauche et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap. Comment accompagner au mieux ces personnes, et quels aménagements des postes de travail sont les plus efficaces pour favoriser leur emploi ?

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Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)

Les obstacles les plus fréquents rencontrés par les personnes en situation de handicap sont le déni, l'incompréhension, les préjugés, l'indifférence et la crainte.

Le milieu ordinaire a peur des personnes handicapées, imprégné qu'il est par des idées reçues et des préjugés, selon lesquels une personne handicapée serait incapable et inapte, ou serait une personne avec laquelle il est compliqué d'entrer en communication et de nouer un dialogue fructueux.

N'oublions pas que les entreprises ne recrutent pas des handicapés ; elles recrutent des compétences. Elles ont vécu l'obligation légale de recruter des personnes handicapées comme une contrainte. La loi a tout de même permis d'avancer. Des personnes handicapées ont pu entrer dans l'entreprise, certaines qui y étaient déjà, ont pu faire valoir leur handicap et obtenir la qualification de travailleur handicapé – qualification qui bénéficie à l'entreprise, car elle peut ainsi diminuer sa contribution à la politique du handicap. Néanmoins, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que les personnes handicapées soient reconnues pour leurs compétences et leurs aptitudes, et qu'elles ne soient plus considérées comme un poids, ou sous l'angle de la « bonne action » consentie par leur employeur.

La question du recrutement de personnes handicapées doit dépasser celle de la responsabilité sociétale des entreprises, car ces embauches présentent un véritable intérêt économique. La mission sur la situation des personnes handicapées dans l'emploi, qui m'a été confiée par Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, et Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, est édifiante sur ce point.

J'ai cité l'indifférence parmi les obstacles rencontrés, car nous constatons que, même lorsqu'elles sont recrutées, les personnes handicapées sont ensuite oubliées : elles ne bénéficient ni d'un déroulement de carrière normal, ni d'affectations à des postes à responsabilités, ni d'offres de formation. Pourtant, elles sont tout à fait aptes à occuper des postes à responsabilités.

Parfois, elles font aussi preuve d'un manque d'estime d'elles-mêmes et d'une autocensure. Elles se disent : « C'est déjà bien que je sois là, je ne vais pas réclamer autre chose. » Heureusement, de plus en plus de personnes handicapées font valoir leurs droits. Les politiques publiques, la loi de 2005, la convention internationale des droits des personnes handicapées exaltent la reconnaissance des droits des personnes handicapées, citoyens à part entière. Ce ne sont pas des mineurs. Des réflexions doivent être menées par la garde des Sceaux sur la situation des majeurs sous tutelle. Que signifie le fait d'être privé de droits et de voir quelqu'un parler à sa place ? Bien sûr, ce sujet dépasse la question qui était la vôtre, mais la politique de recrutement participe d'un tout et d'un esprit global. Les approches et les méthodes doivent être changées globalement.

En se demandant quels accompagnements spécifiques sont nécessaires pour qu'elles puissent assumer leurs fonctions, il faut préserver les droits fondamentaux des personnes : droit à la vie de famille, droit au logement, droit à des revenus décents, droit à la citoyenneté et à l'engagement citoyen – trop d'entre elles sont aujourd'hui privées du droit de vote…

Vous vous êtes interrogée sur la plus grande difficulté qu'éprouveraient parfois des administrations publiques à proposer des emplois aux personnes handicapées. Il y a des idées reçues sur les postes réservés, la protection de l'emploi… Vous venez sans doute de constater, en recevant le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), que la démarche volontaire était à revoir, et que l'administration avait besoin d'être « stimulée ». Je pense en particulier à la question de l'« obligation d'aménagement raisonnable », qui a fait l'objet d'une analyse complète par le Défenseur des droits.

Cette « obligation d'aménagement raisonnable » constitue l'un des points forts de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 13 décembre 2006. Ce texte en vigueur dans notre pays est même supérieur au droit national, puisque la France l'a ratifié le 18 février 2010.

Cette obligation impose à l'employeur d'aménager de manière raisonnable le poste de travail, pour permettre à tout salarié d'exercer sa liberté de travail et, s'il ne le fait pas, il doit pouvoir justifier des freins et des obstacles qui l'en empêchent. La personne handicapée peut former un recours en cas d'absence d'aménagement raisonnable, aussi bien dans le cadre de l'emploi que dans celui d'une formation.

En 2016, les discriminations à l'emploi étaient la deuxième cause de saisine du Défenseur des droits. En 2017, elles sont devenues la première. Cela ne veut pas dire qu'il y a de plus en plus d'infractions, mais que les personnes ont de plus en plus conscience de leurs droits.

Les fonctions publiques, qui s'exonèrent totalement de cette obligation d'aménagement raisonnable, seront bien obligées d'y venir. Il y a des voies d'accès normal à l'emploi de fonctionnaire pour les personnes handicapées, avec des concours spécifiques, mais on constate qu'une fois que la personne a passé le concours, les aménagements ne sont pas réalisés avant au moins un ou deux ans, ce qui met la personne en difficulté, et il arrive ainsi, parfois, que l'année de stage ne débouche pas sur une titularisation.

Vous me demandez quels métiers pourraient être concernés à l'Assemblée nationale. Vous avez cité le handicap moteur et le handicap mental, mais il y en a bien d'autres. Depuis la loi de 2005 – grande victoire des associations de personnes à mobilité réduite –, on a surtout considéré le handicap du point de vue du fauteuil roulant. Or cela représente 2 à 3 % des personnes handicapées. En attendant dans l'antichambre, j'ai vu deux personnes handicapées : une en fauteuil roulant, visiblement polyhandicapée, et une autre qui nettoyait et devait être une personne avec un handicap cognitif, voire intellectuel. Mais il y a aussi les handicaps psychiques : les gens victimes de burn-out, de schizophrénie… Bien prises en charge par la médecine, ces personnes sont tout à fait aptes à travailler, mais elles ont tendance à nier leur handicap car elles savent que c'est un handicap qui fait peur et elles veulent éviter une mise à l'écart. Cela entraîne une aggravation de leur situation, ce que l'on appelle le surhandicap, car à force de contrôle il vient un moment où cela explose. Il y a quelques années, on disait encore que la personne était invivable, lunatique, coléreuse, tandis qu'aujourd'hui on peut mettre un nom sur ces situations.

Il est important que toute entreprise ait bien conscience de cela et s'attache les compétences nécessaires pour comprendre ce qui se passe au sein de ses équipes et pour pouvoir accueillir des personnes avec ce type de handicaps, dont les compétences seront utiles. Les handicapés mentaux sont tout à fait capables d'exercer des missions répétitives. Après l'avoir longtemps été, l'autisme n'est plus considéré aujourd'hui comme un handicap mental mais comme un trouble du développement cognitif et social. Ces personnes sont douées de très grandes aptitudes. Le gouvernement israélien recrute très ouvertement des autistes de haut niveau pour le renseignement, la détection, l'observation des images. Une université est en train de se créer en Israël, à l'image de ce qui existe aux États-Unis, pour permettre aux autistes de haut niveau de suivre des études universitaires. Il existe bien des exemples de cette reconnaissance des intelligences hors norme, utiles au développement économique.

Ma recommandation est donc de ne pas se focaliser uniquement sur le fauteuil roulant, mais d'envisager toutes les autres formes de handicap. Pour cela, il faut s'associer des compétences extérieures. Je préconise de désigner des référents handicap, comme le Gouvernement vient de le faire dans le respect des deux CIH de 2016 et 2017, qui ont décidé d'élever le niveau de compétence de la responsabilité des fonctionnaires en charge du handicap dans chaque ministère ; des hauts fonctionnaires ont été nommés. Je sais que l'Assemblée nationale a désigné une députée référente handicap au sein de la commission des affaires sociales. Je pense qu'il faudrait un référent dans chaque commission, ainsi que dans les services, et que ces référents bénéficient d'une formation. Cela permettra d'élever le niveau global de connaissances et compétences sur le handicap.

Enfin, s'agissant de votre dernière question, j'arrive au terme de ma mission sur la situation des personnes handicapées dans l'emploi. Nous avons analysé, avec les trois inspecteurs de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui ont travaillé avec moi, les nombreux rapports qui ont été produits ces dernières années sur ces questions de manière très cloisonnée : les Cap Emploi, le financement des fonds, la médecine du travail… L'objectif que je m'étais fixé était de voir comment tout cela fonctionne. La réponse est que cela ne fonctionne pas bien. Les personnes handicapées se plaignent d'un mauvais accompagnement, d'une mauvaise prise en charge. Il existe une tendance, même parmi les organismes publics spécialisés, à orienter les personnes vers tel ou tel type de formation. Dans les ESAT, par exemple, on compte quatre filières, mais on n'envisage pas que ces personnes puissent aller vers des métiers nouveaux.

Il y a deux types de responsabilité : celle des offices publics, formatés selon une logique un peu ancestrale, qui ne s'améliorent qu'à la marge, d'une part, et celle des entreprises, qui n'ont pas encore une analyse suffisante des besoins d'un poste de travail, d'autre part. Il faut vraiment que les offices publics de placement – rien que le mot est terrible, on devrait plutôt parler de « réorientation » – aillent au-devant des entreprises pour repérer les postes, charges, tâches qui peuvent être assumées par des personnes sur l'orientation desquelles ils travaillent. Certains métiers, dans certains secteurs, ne trouvent pas de candidats et pourraient très bien être occupés par des personnes handicapées, pour autant qu'elles soient bien préparées et accompagnées.

Le jargon pour l'accompagnement, c'est le job coaching. Il y a deux types d'accompagnant : un accompagnant médico-social ou associatif et un accompagnant professionnel, qui assure la médiation entre l'encadrement professionnel et le collectif de travail, pour que l'arrivée d'une personne handicapée ne soit pas vécue comme un boulet, un poids supplémentaire, en permettant aux autres salariés de comprendre que, si ce salarié a des aménagements particuliers de son temps de travail, c'est parce qu'il a des besoins particuliers. Il faut parier sur l'élévation du niveau de connaissance et de compétence, ainsi que sur la bienveillance. Quand c'est fait, on s'aperçoit que cela se passe très bien. L'arrivée d'une personne handicapée dans un collectif professionnel peut modifier les comportements et améliorer les conditions de travail.

C'est ce que j'essaie de rendre perceptible dans mon rapport, avec cette conclusion qu'il faut, à présent, absolument associer des compétences extérieures, les experts usagers et les personnes handicapées qui ont réussi une insertion. L'Université de Lyon, par exemple, associe des personnes à déficience intellectuelle à l'enseignement d'une licence de médiation handicap. Charles Gardou développe un master de référent handicap à Lyon. Ce sont des avancées qu'il faut mettre en évidence et partager le plus possible.

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Deux dernières questions.

Quels sont, selon vous, les procédés à mettre en œuvre pour favoriser concrètement l'accessibilité numérique du site internet d'une institution publique comme l'Assemblée nationale ? Qu'est-ce qu'un site internet accessible ?

Quels sont les principaux problèmes dont souffrent encore les personnes en situation de handicap pour accéder aux bâtiments publics et auriez-vous, au vu de votre expérience, – car vous avez aussi pratiqué, l'Assemblée nationale –, des suggestions à formuler pour l'Assemblée ?

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Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)

L'accessibilité numérique est une obligation qui ne souffre pas de dérogations. Or, on a bien du mal à le faire reconnaître. La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a avancé sur le sujet, avec des articles très précis, mais les décrets ne sont toujours pas sortis. La secrétaire d'État au numérique de l'époque nous disait que ce n'était pas la peine, car il y aurait des directives européennes. On y est tout de même parvenus, au Sénat. L'obligation d'accessibilité de tous les sites internet et intranet des services publics, ainsi que la mise en place de plateformes téléphoniques pour les personnes sourdes et aphasiques sont passées, mais les décrets ne sont toujours pas sortis.

Je viens de voir que, dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, deux articles transposent des directives européennes sur l'accessibilité des sites internet et sur l'autorisation pour les personnes handicapées de transposer des documents écrits. C'est le minimum minimorum, mais cela ne suffit pas. Si j'étais encore parlementaire, j'écrirais un amendement pour interdire la commercialisation de logiciels qui ne seraient pas « natifs accessibles ». C'est possible et c'est même un facteur de réussite économique. Quand les producteurs de logiciels prétendent que c'est impossible, trop compliqué et vendent des logiciels non accessibles, c'est une faute grave, qui devrait être interdite. Facebook, Google ont dans leurs équipes des personnes handicapées, ce qui leur permet de développer des algorithmes qui ont certes leurs défauts, mais au moins pas ce biais-là.

Il faut bien sûr utiliser le « Facile à lire et à comprendre » (FALC), pour permettre à tout le monde de comprendre, et interdire les logiciels qui ne soient pas « natifs accessibles ». Les personnes aveugles, dyslexiques ou autres ont des applications qui leur permettent de traduire le message, mais il faut que ce soit possible. L'année dernière, au ministère de l'intérieur, au moment de la préparation des élections, le CNCPH s'est montré exigeant quant à l'accessibilité des sites d'information. On me disait que tout allait très bien. Un aveugle était avec moi et a pu constater que les formats utilisés n'étaient pas transmissibles.

Un argument souvent opposé est celui du coût. Or, c'est l'adaptation d'un site qui coûte cher, tandis que, s'ils sont d'emblée conçus pour être « natifs accessibles », cela ne coûte pas plus cher et permet, au contraire, au diffuseur d'avoir un marché plus large tout de suite.

Un autre sujet, c'est que des publications disparaissent, notamment en médecine, et ne sont pas traduites en braille ou autre, ce qui est dommage car des professionnels, médecins, kinésithérapeutes, se trouvent privés d'accès à la culture scientifique du fait d'une numérisation qui ne leur est pas accessible.

Pour que ce travail soit accompli, il faut que vous ayez dans vos équipes des personnes avec ces handicaps, pas forcément à tout moment, mais de façon à pouvoir faire appel à elles. Quand vous décidez de changer un système d'information, il faut le concevoir avec les personnes qui l'utiliseront.

En ce qui concerne l'accès aux bâtiments publics, j'ai le sentiment que c'est déjà bien avancé à l'Assemblée nationale pour les personnes en fauteuil roulant, mais pensez aussi aux personnes qui ont des problèmes de désorientation ou de communication, donc à la signalisation. Des audioguides permettent aux personnes aveugles, ou même dyslexiques ou encore dysphasiques, de se repérer dans l'environnement. Il faut penser à tout. Ce qui compte, c'est l'accessibilité de conception universelle, et pas seulement pour les personnes en fauteuil roulant, car on peut montrer des factures très élevées pour dire que tout a été fait et, pourtant, avoir encore des personnes qui restent à la porte.

Il faut généraliser le FALC. Dans le CIH de 2016, il avait été préconisé que l'exposé des motifs des lois soit rédigé en FALC. Cela a été fait pour la loi « El Khomri » ; je n'ai pas connaissance que cela se soit fait depuis lors. Il existe pourtant des associations dont c'est la spécialité et qui sont capables de le faire : l'UNAPEI et la Croix-Rouge. Allez-y, faites appel à eux.

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Souhaitez-vous ajouter quelque chose pour conclure cette audition ?

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Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)

Merci de m'avoir invitée. J'espère que le message est passé. J'ai été invitée il y a quelques jours à l'Assemblée nationale par Mme Bourguignon, présidente du Haut Conseil du travail social (HCTS). Le Parlement est un creuset, c'est là que se fabrique la loi. Il faut vraiment que vous ayez à l'esprit les personnes handicapées.

Ce sont 550 000 chômeurs, avec de 60 000 à 100 000 chômeurs de plus tous les ans. Il n'est pas normal que l'entreprise fabrique des chômeurs handicapés. Il faut promouvoir la prévention de la désinsertion professionnelle, la démarche d'insertion professionnelle précoce, et toujours se demander, sur une proposition ou un projet de loi, si cela profite à tout le monde, en conduisant un petit exercice mental sur la base d'exemples. Si on peut cocher toutes les cases, alors cela profitera à tout le monde. Sinon, ce n'est pas bon.

J'ai parlé de 550 000 chômeurs, mais ce sont quelque 12 millions de personnes qui sont handicapées dans notre pays. Toutes n'ont pas les mêmes besoins ; néanmoins, penser à elles, c'est s'assurer que le texte sera profitable pour les 65 millions de Français. C'est la proposition que je formule, en toute confiance, car j'ai été des vôtres et je pense que le Parlement est le creuset de la construction d'une société inclusive, bienveillante et solidaire.

L'audition s'achève à dix heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Groupe de travail sur les conditions de travail à l'Assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 9 heures

Présents. – M. Michel Larive, Mme Jacqueline Maquet

Excusés. – M. Régis Juanico, M. Jean-Paul Mattei, Mme Nicole Trisse