Intervention de François Duluc

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 9h05
Groupe de travail sur les conditions de travail à l'assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

François Duluc, directeur du service des ressources humaines :

La stratégie de recrutement de personnes handicapées à l'Assemblée a évolué. À la fin des années 1980, l'Assemblée nationale avait pris la décision d'organiser des concours spécifiques réservés aux personnes handicapées. Un concours d'administrateur, un concours d'administrateur-adjoint et un concours de secrétaire administratif ont donc eu lieu – je connais bien ces concours car, en 1987, j'étais secrétaire du jury du concours d'administrateur réservé aux personnes handicapées. L'expérience n'a pas été reconduite. Il ne s'agit pas de mon choix, puisque j'ai pris mes fonctions très récemment, mais j'ai cru comprendre que les raisons invoquées étaient les suivantes : d'une part, l'organisation de ces concours était assez lourde pour des candidats assez peu nombreux – à l'époque, il faut dire qu'internet n'existait pas et que l'existence de ces concours était principalement rendue publique grâce à la parution d'annonces dans la presse, Le Monde, Le Figaro … Il y avait eu très peu de candidats, ce qui fait que le taux de sélection était assez faible. Quasiment tous les candidats qui s'étaient présentés avaient réussi, alors que le taux de sélection pour les concours de droit commun est assez rigoureux. Cela avait posé quelques problèmes par rapport au positionnement de ces concours. D'autre part, cette approche avait été considérée comme pouvant être discriminatoire. À cette réflexion s'ajoutait le fait que tous les handicaps étant très différents et que les personnes concernées se trouvant dans des situations extrêmement différentes, il fallait choisir une approche un peu plus fine et un peu plus adaptée au cas de chacun.

L'Assemblée a donc adopté aujourd'hui une approche intégratrice. Elle propose aux personnes handicapées de passer des concours de droit commun en adaptant les épreuves à la spécificité de chaque handicap. C'est ce que nous faisons actuellement de façon régulière pour l'ensemble des concours avec un certain succès – même s'il est vrai, monsieur Lurton, que, pour l'instant, les chiffres sont insuffisants. Régulièrement, dans nos concours, nous recrutons des personnes handicapées. Cela a encore été le cas, il y a quelques mois, lors du dernier concours d'administrateur. Le candidat handicapé reçu pourra faire une carrière tout à fait identique à celle des autres reçus.

Nous procédons à des adaptations d'épreuves aux situations particulières des candidats. Par exemple, il y a la possibilité de traduire tous les sujets en braille pour les candidats non-voyants, et ils peuvent concourir dans des salles isolées dans lesquelles ils travaillent en braille. Des logiciels de reconnaissance vocale sont également utilisables – les candidats doivent alors composer dans des salles séparées. Le recours à un assistant est également possible durant les épreuves, ainsi que l'octroi d'un temps supplémentaire pour compenser le handicap – un demi-temps ou un tiers-temps par exemple. Ces efforts dans le cadre du concours de droit commun, pour bien montrer que les handicapés ne sont pas une population à part, permettent de compenser en quelque sorte le handicap, pour mieux accueillir et intégrer les personnes concernées. Ils ont été couronnés de succès, puisque des candidats handicapés parviennent ainsi à réussir les concours de droit commun, notamment le concours d'administrateur.

Vous m'avez interrogé sur la revue des postes susceptibles d'être offerts aux personnes handicapées. En fait, nous faisons plutôt une revue à l'envers, une revue négative. Nous identifions les postes qui ne peuvent pas être offerts aux personnes handicapées, pour les raisons que j'indiquais tout à l'heure, soit parce qu'ils nécessitent des aptitudes physiques particulières, soit parce qu'ils nécessitent une charge de travail de nuit qui peut être difficilement compatible avec l'état de certaines des personnes concernées. Cela signifie qu'en dehors de ces postes, tous les autres sont susceptibles d'être proposés aux travailleurs reconnus comme handicapés, et nous veillons évidemment à ce qu'ils puissent en bénéficier dans les mêmes conditions que l'ensemble des fonctionnaires de l'Assemblée nationale.

Des aménagements de poste sont régulièrement réalisés. Ils relèvent des compétences du médecin de prévention de l'Assemblée nationale, qui doit recevoir une fois par an les travailleurs handicapés ainsi que les personnels en situation de longue maladie. Il propose ces aménagements, qui sont réalisés dès qu'il a donné son avis.

Le télétravail est bien sûr encouragé à l'Assemblée nationale, mais j'insiste sur le fait que le télétravail a tendance à isoler l'agent concerné, même lorsqu'il n'est mis en œuvre que deux jours par semaine. L'aspect relationnel du travail est extrêmement important, et je pense qu'il est très utile de plutôt aménager des postes, et de permettre aux travailleurs handicapés de venir à l'Assemblée nationale pour travailler au milieu de leurs collègues, surtout que nous sommes une institution au service des députés et que, par conséquent, dans la plupart des services, le travail nécessite la proximité avec les députés et impose d'être à leur disposition.

Le télétravail est évidemment possible. Nous faisons en sorte qu'il soit possible à chaque fois qu'on nous le demande, ou que le médecin de prévention nous le demande pour un agent qui le souhaite, mais, en même temps, nous ne désirons pas le généraliser de façon trop systématique pour les raisons que je vous ai indiquées à l'instant.

Le rôle du médecin de prévention est essentiel. Il est au cœur du dispositif. Il doit systématiquement voir l'ensemble des agents au moment de leur entrée à l'Assemblée nationale, et il doit les revoir une fois par an pour une visite systématique, ou davantage si lui-même le souhaite ou si l'agent en fait la demande. Il fait partie de la commission médicale qui peut conduire à prendre un certain nombre de décisions notamment d'affectation d'un fonctionnaire ou d'un contractuel handicapé sur un poste plus adapté, ou qui peut recommander des adaptations spécifiques pour le poste. Son rôle est donc tout à fait essentiel, et j'ai moi-même des entretiens sur tous ces sujets avec lui de façon très régulière, au minimum une fois par mois, et généralement bien davantage.

Il est difficile de répondre de façon générale à la question relative aux perspectives de carrière des travailleurs handicapés, compte tenu de l'extrême diversité de leurs situations. Ces perspectives sont, à mon sens, les mêmes que celles des autres fonctionnaires, d'autant plus que notre politique est désormais de les recruter par des concours de droit commun – ils ont donc forcément les mêmes perspectives de carrière. J'ai d'ailleurs connu des handicapés qui ont accédé à des fonctions d'encadrement : l'un d'entre eux, directeur de service, était l'un des prédécesseurs de Mme Meunier-Ferry. Actuellement, un conseiller hors classe est handicapé, et c'est également le cas de chefs de section ou de chefs de groupe d'agents. Je dirais donc que les perspectives de carrière des travailleurs handicapés à l'Assemblée sont tout à fait identiques, et nous y veillons, à celle des autres fonctionnaires et agents.

Je relève tout de même quelques particularités s'agissant de dispositions négatives qui ne leur sont pas appliquées. Je pense par exemple à l'obligation de mobilité qui conduit à interdire à l'ensemble des fonctionnaires de l'Assemblée d'occuper un même poste pendant plus de huit ans. Nous faisons bouger les fonctionnaires de façon automatique après huit ans s'ils n'ont pas exprimé de vœux de mobilité auparavant. Cette règle ne s'applique pas aux travailleurs handicapés, dans la mesure où l'on peut estimer qu'un travailleur handicapé peut avoir envie de rester un peu plus longtemps à son poste parce que ce dernier est bien adapté à son état et à sa situation. Nous regardons cette situation avec beaucoup de bienveillance, même si nous essayons toujours, par une gestion prévisionnelle des emplois – que nous nous efforçons de rendre aussi dynamique que possible pour l'ensemble des fonctionnaires de l'Assemblée –, de proposer des changements de postes qui permettent aussi une ouverture d'esprit sur le plan humain et sur le plan intellectuel. Cela me paraît toujours souhaitable et préférable au fait de rester trop longtemps à un même poste en exerçant les mêmes fonctions.

Je me suis déjà exprimé sur les formations de sensibilisation au handicap. Des efforts supplémentaires pourraient être consentis en la matière. Des formations ont été mises en œuvre à la suite des recommandations de la présidence de l'Assemblée, en novembre 2012 ; je crois que cette initiative pourrait être renouvelée. Je l'ai indiqué, on pourrait imaginer de rendre cette sensibilisation à l'accueil des personnes handicapées obligatoire dans le cadre de la formation initiale des fonctionnaires et des agents contractuels qui entrent à l'Assemblée nationale et qui sont en contact avec le public. Ce serait une excellente chose pour notre maison.

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