Intervention de Lucie Loncle Duda

Réunion du mercredi 13 mars 2019 à 13h30
Groupe de travail sur les conditions de travail à l'assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

Lucie Loncle Duda, présidente de l'Association des collaborateurs progressistes :

L'Association des collaborateurs progressistes a été créée au début de la présente législature. Elle regroupe des collaborateurs des groupes La République en Marche, Mouvement Démocrate et apparentés, UDI, Agir et Indépendants, Libertés et Territoires, ainsi que deux collaborateurs du groupe Les Républicains.

Au départ, notre association avait pour objet d'organiser une certaine convivialité entre collaborateurs, d'être un lieu d'écoute pour tous afin d'améliorer nos conditions de travail. Au fil du temps, elle s'est transformée malgré elle en syndicat en raison, d'une part, de son implication dans la négociation des conventions collectives, dont nous sommes très heureux, mais également en raison du rôle d'accompagnement des collaborateurs que nous avons eu à endosser très rapidement, et quelque peu malgré nous.

Un bilan établi par le bureau de notre association a montré que nous accompagnons un collaborateur par semaine en moyenne, qu'il s'agisse d'une simple écoute au sujet d'une relation difficile avec un député, d'un conseil en cas de harcèlement moral, ou d'une rupture conventionnelle pouvant aller jusqu'à la saisine du tribunal des prud'hommes.

Le champ est donc assez vaste, nous ne sommes certes pas toujours saisis de situations extrêmes mais ces cas se présentent régulièrement. Notre association reste démunie, et nous travaillons souvent avec le syndicat SNAFAN-FO que je remercie du fond du cœur car il nous aide beaucoup à accompagner chaque jour, chaque semaine, chaque mois, ces collaborateurs ; il leur donne des conseils juridiques plus précis que ceux que nous pouvons leur apporter. Nous avons fini par apprendre sur le tas, mais cela ne suffit pas pour accompagner efficacement nos collègues.

Nous avons rencontré la déontologue à deux reprises. La première fois, nous avons évoqué le code de déontologie des collaborateurs. Plus tard, avant qu'elle n'ait remis son rapport au Président de l'Assemblée nationale au mois de janvier dernier, nous l'avions saisie de la question du harcèlement moral et du harcèlement sexuel dans la maison. Elle nous avait reçus dans le cadre d'un rendez-vous, qui fut très fructueux et au cours duquel nous avons discuté de son rôle qui est effectivement d'écoute, car beaucoup de collaborateurs viennent la voir parce qu'ils ne savent pas à qui s'adresser.

L'Association peut être une porte d'entrée lorsque les collaborateurs ont besoin d'une écoute, mais ils constatent que nous ne disposons pas des moyens juridiques propres à les aider. Pas plus que nous ne disposons de moyens financiers pour couvrir des frais de conseil juridique ou d'avocat. L'aide que nous pouvons apporter est ainsi assez limitée, raison pour laquelle nous nous renvoyons souvent les intéressés vers la déontologue, dont le premier rôle est l'écoute. Mais les collaborateurs attendent de la déontologue des conseils juridiques qu'ils ne peuvent obtenir d'elle ; le cas échéant, ils n'ont d'autre ressource que de puiser dans leurs propres deniers pour rémunérer un conseil consulté à titre privé.

Par ailleurs, les collaborateurs estiment ne pas être aidés par l'administration, qui se borne à leur rappeler le droit positif, chose après tout normale, alors que l'Association est plus à même de leur fournir des informations factuelles. Ainsi, si le service de la Gestion financière et sociale peut les informer du montant de l'indemnité à laquelle ils peuvent prétendre en cas de rupture conventionnelle, l'Association, lorsque le député est à l'origine de la rupture du contrat, peut leur indiquer qu'ils ont la possibilité de réclamer plus. Il a ainsi pu être demandé à certains députés des indemnités de rupture conventionnelle.

Le rôle de la déontologue est donc essentiel, sans pour autant être d'accompagner les collaborateurs. Elle est principalement là pour répondre aux députés, son rapport montre d'ailleurs qu'elle est submergée de demandes, ce qui fait qu'il peut lui être difficile de se rendre disponible pour les collaborateurs. S'agissant du renforcement de ses compétences, nous avons évoqué avec elle l'éventualité de constituer, à ses côtés ou à ceux du service de la Gestion financière, un conseil juridique qui devrait être indépendant afin que sa neutralité soit garantie.

En tout état de cause, nous constatons un manque d'information global des députés comme des collaborateurs. Il nous est ainsi revenu que, lors de leur arrivée, les députés recevaient des informations via le livret qui leur est alors remis ; toutefois, ils ont tellement d'informations à absorber qu'ils ne peuvent pas connaître tous les détails. Un très bon document est disponible sur le site intranet AN 577, qui fournit de nombreux renseignements sur les relations entre les députés et les collaborateurs. Comportant 76 pages, il est très bien fait, mais il faut prendre le temps de le lire, ce que l'on ne fait pas lorsque les choses se passent bien ; or, dès lors que ce n'est pas le cas, on a besoin de toutes les informations tout de suite, alors qu'elles ne sont pas toujours disponibles.

Le besoin d'être au clair sur les droits et devoirs de chacun se fait donc ressentir ; la durée moyenne de deux mois et demi des contrats des collaborateurs le montre d'ailleurs à l'envi. Pour ma part, j'ai la chance de travailler avec ma députée depuis le début de la législature. Je sais que ce n'est pas le cas de tous, car beaucoup de députés ne renouvellent pas le contrat à fin de la période d'essai.

En définitive, on se rend compte que la relation avec un député est très personnelle, et il est très difficile de trouver une personne avec laquelle on est pratiquement prêt à partager sa vie. Nous connaissons l'agenda, nous devons organiser les travaux et la journée, connaître les habitudes de notre député, savoir si, sur tel ou tel point, il dira oui ou non ; tout anticiper. C'est une relation assez intime, et l'on ne peut pas toujours attribuer la faute aux députés lorsqu'ils ne renouvellent pas une période d'essai, les personnalités pouvant ne pas être compatibles, le niveau de compétence du collaborateur entrant également en ligne de compte. La relation entre le collaborateur et son député est donc extrêmement complexe. Cependant, il serait souhaitable que, sur le plan des droits, tous les protagonistes soient placés sur un pied d'égalité.

Très peu de nos collègues nous ont fait part de leurs appréciations après avoir rencontré la déontologue. Certains ont connu une rupture conventionnelle, d'autres ont dit vouloir saisir le tribunal des prud'hommes mais nous ignorons jusqu'où ils sont allés. De fait, l'Association ne suit pas les collaborateurs après leur départ, en revanche, nous travaillons à replacer ceux qui sont compétents chez d'autres députés ; de leur côté, certains députés mettant fin au contrat de leur collaborateur les recommandent à des collègues. Connaissant déjà l'institution et le travail à accomplir, ces collaborateurs sont en effet immédiatement aptes aux tâches que leur nouvel employeur peut leur confier.

Nous sommes par ailleurs très favorables à la formation des députés, mais leurs contraintes d'agenda ne laissent guère de placer pour cela. Certains d'entre eux risqueraient d'y voir une manière d'ingérence dans leur politique managériale, ce qui pourrait se comprendre. D'un autre côté, ce sont peut-être ceux qui en ont le moins besoin qui seraient présents à ce type de réunions.

Pour notre part, nous essayons, avec les syndicats, de mettre en place une remise à niveau des collaborateurs sur la question de leurs droits au travail ; et nous soutenons pleinement la démarche équivalente pour les députés, et nous inviterons les collaborateurs à l'inclure dans l'agenda des intéressés.

S'agissant du rôle de l'administration, lors des dernières négociations collectives, nous avons largement évoqué le fait que le service de la Gestion financière et sociale n'informe pas toujours les nouveaux collaborateurs de l'existence du contrat de forfait jour. Nous en avions fait part à ce service mais il nous est revenu que les choses n'avaient pas changé. Le forfait jour n'est toujours pas proposé alors qu'il est difficile pour un collaborateur à Paris ou en circonscription, dont les tâches ne se limitent pas au secrétariat, de n'effectuer que 35 heures de travail hebdomadaires lorsqu'il est employé en contrat à durée indéterminée (CDI).

Le forfait jour constitue donc aussi une protection pour le député qui, en cas de rupture du contrat le liant au collaborateur, ne se verra pas reprocher d'avoir adressé un texto à vingt heures. En effet, en droit du travail, toute heure commencée est comptée comme heure supplémentaire ; c'est pourquoi le forfait jour est protecteur du député, chacun devrait le comprendre. Cette formule offre par ailleurs des congés supplémentaires aux collaborateurs, et peut leur éviter de passer quatre semaines à l'Assemblée au mois d'août parce qu'ils ont déjà utilisé tous leurs jours de repos.

Il s'agit à mes yeux d'un contrat « gagnant-gagnant », et je suis très satisfaite d'être employée sous ce régime ; c'est pourquoi je pense que le forfait jour devrait être mieux connu. Nous serions donc ravis que le service de la Gestion financière et sociale le mette plus en avant.

C'est là le seul point qui me vient pour l'instant à l'esprit au sujet du rôle de l'administration.

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