Au total, nous avons obtenu 137 réponses : 67 % de femmes et 33 % d'hommes. Les participants ont répondu de façon anonyme.
Ce que nous montrent les résultats du sondage, c'est qu'une femme sur deux a été victime de blagues sexistes ou sexuelles, de propos déplacés sur son apparence ou sa vie personnelle ; une femme sur trois a été victime d'injures sexistes, de comportement insistant et gênant ; une femme sur cinq a été victime d'une agression sexuelle. J'énumère un peu rapidement ces différents résultats, mais il est clair que les cas de figure que je viens de décrire sont loin d'être banals. Il est même inquiétant d'observer que ce type de situation puisse se produire dans l'enceinte de l'Assemblée.
Pourtant, en dépit de l'ampleur de ces faits, la moitié des collaboratrices n'en ont parlé à personne. Alors pourquoi ? Probablement parce que les auteurs de ces actes sont majoritairement, selon les témoignages qu'on a pu recueillir, des députés, à raison de 60 % des cas, ou des collègues de travail. Comme on le sait, il y a une vraie difficulté à parler de ces faits-là, dans un contexte où les femmes peuvent craindre pour leur emploi.
J'aimerais aussi évoquer les limites du sondage, pour anticiper déjà certaines critiques qui pourraient peut-être être formulées, mais surtout pour rappeler quelle est notre ambition. Notre mission est de mettre en lumière et de dépeindre une réalité qui ne peut être contestée, non de nous substituer à l'Institut national d'études démographiques (INED), par exemple, qui bénéficie des moyens adéquats pour mener à bien ce genre d'enquête.
Ce sondage a du moins le mérite de nous avoir permis de noter les remarques de certaines collaboratrices. Elles ont répondu au sondage en exprimant également leurs attentes et leurs inquiétudes. Je vais vous citer un des témoignages que nous avons reçus : « Dans les formes, nous sommes protégées, mais, dans le fond, nous ne sommes soit pas prises au sérieux, soit dans une situation où, si on parlait, cela reviendrait à se griller auprès de potentiels futurs employeurs. Donc nous nous taisons. »
Ce sondage nous a également permis de donner la parole aux collaboratrices de circonscription, qui sont souvent isolées, mais tout autant confrontées à d'éventuels cas de harcèlement. Pour elles, il serait bon de prendre en compte le fait que les contacts avec les militants sont nombreux et peuvent donner lieu à des propos et des violences sexistes et sexuelles. Même s'il n'y a pas de lien hiérarchique direct, c'est difficile de remettre à sa place un militant indispensable sur le terrain ou important pour le mouvement.
Dernier témoignage plus inquiétant : « J'ai déposé plainte pour agression sexuelle il y a quelques mois contre une personne X, qui n'était pas un élu. Le député pour lequel je travaillais à ce moment-là a alors menacé de me licencier si ma plainte était classée sans suite. Choquée, j'ai préféré changer d'employeur… » Les violences sexistes, c'est aussi ça.
Ainsi, la problématique du sexisme, du harcèlement et les cas d'agressions constituent des faits bien réels. Cela a des répercussions et des conséquences sur la vie professionnelle et personnelle des collaboratrices. Mais cela a aussi un impact sur les conditions de travail de toutes et tous, puisque notre sondage a montré qu'il y avait certes des victimes, mais aussi des témoins de ces situations de harcèlement et de sexisme. Ce n'est donc pas, à notre sens, un cadre de travail acceptable.
C'est pourquoi notre collectif cherche à recueillir la parole des collaboratrices, pour alerter, mais aussi – et surtout – pour proposer des solutions. Tel est l'objet de notre deuxième partie.